vendredi 7 novembre 2008

113. Big Bill Broonzy: "Black, brown and white".



Qui a dit que le blues n'était qu'une musique de soumission? Certes, la plupart des blues content les misères qui affectent le chanteur sans autres formes des revendications. Pourtant certains thèmes ouvertement politiques sont parfois évoqués frontalement. C'est ici le cas de ce Black brown and white de Big Bill Broonzy. Dans le refrain, le blues man dénonce les discriminations dont sont victimes en premier lieu les Noirs Américains : « Si tu es blanc, ça va/ si tu es beige, passe encore/ mais si tu es noir, dégage ! ».

Dans le dernier couplet, l’auteur se demande: « quand en finira-t-on avec Jim Crow ? ». En effet, dès la fin du XIXème siècle, les Noirs Américains furent soumis à un système dégradant de ségrégation totale. Ces lois Jim Crow doivent leur nom à un personnage populaire des minstrel shows, ces spectacles au cours desquels des Blancs, déguisés en Noirs, chantaient des ballades folkloriques, dans le Sud des Etats-Unis. Ces lois obligent les Noirs à utiliser des toilettes, des fontaines, des restaurants, des salles d'attente, des piscines, des bibliothèques et des sièges d'autobus séparés. Or, dans de nombreuses bourgades, il n'existe pas de toilettes ou fontaines publiques pour les Noirs. La Cour suprême des Etats-Unis approuva ces lois ségrégationnistes en 1896, dans l'affaire Plessy contre Ferguson.

Big Bill Broonzy est l’un des bluesmen les plus connus. Né en 1893 dans le Mississippi, il joue bientôt de la guitare dans les rues. Sa technique unique, en picking, associée à une voix prenante lui valent bientôt un belle popularité. Broonzy composera un très grand nombre de blues (près de 300). Établi, dans le South Side de Chicago, Broonzy s'exprime au cours des années trente avec sa guitare électrique dans ce style brut et efficace qu'est le Chicago blues qui connaît alors son âge d'or.

Au lendemain de la guerre, Big Bill entend diffuser la musique blues. Il est le premier grand blues man à se rendre en Europe où il est présenté comme le "dernier blues man vivant"... On parle alors du revival country-blues. Certains bluesmen qui n'ont plus enregistré depuis les années trente font l'objet d'un véritable culte auprès de quelques fans de blues. Certains seront d'ailleurs "retrouvés " grâce aux titres de leurs blues (le fantastique Mississippi John Hurt vivotait de son travail agricole avant d'être redécouvert au début des années soixante grâce à son titre Avalon blues enregistré en 1928...). Broonzy troque donc sa guitare électrique pour une guitare acoustique.

A l'occasion de son voyage à Paris, en 1951, il enregistre ce morceau qui dénonce avec force le racisme dont sont alors victimes les noirs dans la vie de tous les jours. Il est emporté par un cancer en 1958, à Chicago.



Les fontaines publiques fréquentes dans les états du sud des Etats-Unis. Ici, on voit une fontaine pour les Blancs et une autre pour les Noirs.


Big Bill Broonzy: "Black, brown and white".


This little song that I'm singin' about
People you know it's true
If you're black and gotta work for a living
This is what they will say to you

Cette petite chanson que je suis en train de chanter évoque la réalité / Si tu es noir et que tu travaille pour survivre voilà ce qu'ils vont te dire

They says if you was white, should be all right
If you was brown, stick around
But as you's black, m-mm brother, git back git back git back

Ils disent / Si tu es blanc, ça va/ si tu es beige, passe encore/ mais si tu es noir, dégage !

I was in a place one night
They was all having fun
They was all byin' beer and wine
But they would not sell me none

J'étais dans un coin une nuit Ils prenaient tous du bon temps Ils achetaient tous de la bière et du vin Mais à moi, ils ne voulurent rien me vendre

They said if you was white, should be all right
If you was brown, stick around
But if you black, m-mm brother, git back git back git back


Ils disaient / Si tu es blanc, ça va/ si tu es beige, passe encore/ mais si tu es noir, dégage !

Me and a man was workin' side by side
This is what it meant
They was paying him a dollar an hour
And they was paying me fifty cent

Un type et moi, nous faisions le même job, enfin c'est ce que je croyais Ils le payèrent un dollar de l'heure et ils m'en versèrent la moitié

They said if you was white, 't should be all right
If you was brown, could stick around
But as you black, m-mm boy, git back git back git back

Si tu es blanc, ça va/ si tu es beige, passe encore/ mais si tu es noir, dégage !

I went to an employment office
Got a number 'n' I got in line
They called everybody's number
But they never did call mine

Je suis allé au bureau d'embauche avec un numéro et je fis la queue Ils appelèrent tous les numéros mais le mien ne fut jamais appelé

They said if you was white, should be all right
If you was brown, could stick around
But as you black, m-mm brother, git back git back git back


Si tu es blanc, ça va/ si tu es beige, passe encore/ mais si tu es noir, dégage !

(...)
Now I want you to tell me brother
What you gonna do about the old Jim Crow?

(...) Maintenant peux-tu me dire quand en finira-t-on avec Jim Crow ?

Now if you was white, should be all right
If you was brown, could stick around
But if you black, whoa brother, git back git back git back

Si tu es blanc, ça va/ si tu es beige, passe encore/ mais si tu es noir, dégage !

Liens: 

- Archive.org: "Black brown and White" (voir en commentaire).
- Pour en savoir plus sur les lois Jim Crow.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

sur archives.org, il y a des centaines de milliers de fichiers devenus libres de droit, livres, pistes audio... vous y trouverez par exemple "Black brown and White" :

http://www.archive.org/details/BigBillBroonzy-BlackBrownAndWhite

...à ne pas rater !

Florian a dit…

Les deux liens sont morts. Ceux-ci semblent viables :
Black, brown and white : https://www.youtube.com/watch?v=k0c1c0ZsTLA
Avalon Blues : https://www.youtube.com/watch?v=klcDgu2f_pQ

blottière a dit…

Merci beaucoup Florian!