vendredi 24 juin 2016

311. "Fuck Donald Trump" : Nipsey Hussle et YG (2016)

En novembre 2016, les Américains connaîtront le nom de leur 45ème président. Depuis la défaite de Bernie Sanders à l'investiture démocrate, la campagne s'est accélérée avec la désignation des deux prétendants à la Maison Blanche. Hillary Clinton, candidate démocrate, ira défier Donald Trump le prétendant républicain. Dans le duel au sommet qui oppose l'ancienne First Lady au milliardaire mégalo les artistes jouent déjà activement leur rôle. Hillary Clinton n'a pu compter sur l'appui de Shepard Fairey qui avait signé l'iconique portrait du candidat Obama en 2008 (l'artiste de rue lui ayant préféré Bernie Sanders) mais la candidate démocrate n'a pas à essuyer les torpilles musicales destinées à son rival républicain. Nipsey Hussle et YG, deux rappeurs de Los Angeles, ont dégainé en avril 2016 un morceau cinglant "FDT (Fuck Donald Trump)". Avec leurs chansons à charge bourrées d'explicit lyrics, l'entrée en campagne des artistes américains est toujours aussi remarquée. Avant Trump, George W. Bush en avait aussi eu son lot.

Bush avant Trump

Au cours de la décennie 2000, George W. Bush n'avait en effet pas échappé à l'écharpage musical. Rock, rap, punk, tous les styles chargeaient à l'unisson contre le fils à papa élu pour deux mandats consécutifs à la tête du pays. Dans le sillage des protest songs symboles des années 1960 et de ses luttes, les musiciens contestataires dézinguent l'Amérique qu'ils n'aiment pas.

C'est autour de l’intervention américaine en Irak que ceux-ci se rassemblent. Comme le détaille cet article de Regards.fr, tout se cristallise en janvier 2003 avec "un concert qui réunit à Berkeley Chuck D, du groupe de rap Public Enemy, le slammeur Saul Williams, la chanteuse Ani Di Franco et Michael Franti. Les morceaux antiguerre s’accumulent, des Beastie Boys à R.E.M. (…) Plusieurs associations ou mouvements affichent clairement leur opposition au camp républicain : Music for America, Bands Against Bush (« Des groupes contre Bush »), Rock the Vote, Vote or Die ! (« Voter ou mourir »), PunkVoter ou Vote for Change (« Votez pour le changement ») : on ne compte plus les officines politico-musicales qui ont fait irruption dans la bataille électorale souvent avec le mot d’ordre explicite de virer Bush junior : en rassemblant des artistes parfois prudemment éloignés des arènes politiques."

En 2003, NOFX dressait un bilan sans concession des années Bush dans son album "War on errorism" dont le titre détournait la guerre contre le terrorisme et contre l'Axe du Mal décrétée par le président. Sur "Idiot son of an asshole" notamment, le combo punk de San Francisco dressait une généalogie peu glorieuse de la dynastie Bush.


Le hip-hop n'était évidemment pas en reste. En compagnie de DJ Shadow, Zack de la Rocha étrillait l'administration Bush sur "March of death".

"Here it comes the sound of terror from above
He flex his Texas twisted tongue
The poor lined up to kill in desert slums
For oil that boil beneath the desert sun."



Remarqué pour ses débuts aux côtés de El-P dans les années 1990, le rappeur new-yorkais Bigg Jus sortait l'album "Woe To Thee O Land Whose King Is A Child" (Maudit soit le pays dont le roi est un enfant). De cette sentence biblique, il tirait la sève d'un plaidoyer anti-Bush aussi décapant que son flow spectaculaire.

 

Active dans la contestation politico-musicale des années Bush, la scène hip-hop et R’n’B s'engage pour décrédibiliser le pouvoir en place mais certains remettent en cause la démarche d'artistes showbiz comme P. Diddy, Jay Z ou 50 Cent. Commentant son titre  « Slow Down Gandhi », le rappeur Sage Francis fustige leurs initiatives qu'il qualifie de postures : « Leurs motivations sont plus que douteuses, particulièrement lorsqu’ils sautent dans un train en marche. [...] Je vois beaucoup de gens dire « Fuck Bush », mais pas assez d’entre eux s’investir dans un mouvement qui pourrait effectivement le pousser à partir. »


Donald Trump et ses cibles communautaires



Avec ses sorties provocatrices hyper médiatisées, Donald Trump s'attire régulièrement les foudres de ses opposants pour mieux s'attacher les voix de "ses partisans les plus enthousiastes qui sont blancs, sans diplôme et ont le sentiment d'être marginalisés dans une Amérique qui change". Au moment où Trump se présentait à l'investiture républicaine 2015, Le Nouvel Obs nous livrait un best-of de ses pires déclarations.

"En juin 2013, Donald Trump s’en est pris sur Twitter aux Noirs et aux Hispaniques, qui apporteraient le crime aux Etats-Unis... Pendant son discours de candidature du 16 juin, il a ajouté vouloir construire un mur de 3 000 km le long de la frontière avec le Mexique.
« Le Mexique nous amène la drogue, le crime et les viols. »
Son racisme anti-Noirs remonterait à loin. Dans les années 70, il a été établi que Trump avait fait de la discrimination raciale en tant que bailleur. Dans un livre, un de ses anciens associés raconte l’avoir entendu dire :
« Des Noirs qui comptent mon argent ! Je déteste l’idée. Les seules personnes que je veux voir compter mon argent sont des hommes petits portant la kippa tous les jours. »
Des clichés sur les juifs qui font du business, mais pas d’antisémitisme, visiblement... Sa fille Ivanka Trump s’est convertie pour épouser l’homme d’affaires juif orthodoxe Jared Kushner. Elle est devenue pratiquante et Donald Trump en est très fier.
Mais en 2011, il disait à propos des musulmans :
« Il y a un problème avec les musulmans dans le monde actuellement. C’est très triste, parce que j’en connais des fabuleux. »

Rebelote en juin 2016,  après avoir présenté un de ses partisans noir comme "[son] Afro-américain", Trump essuyait un vent de critiques du Parti républicain lui-même. 

source : http://www.liberation.fr/planete/2016/04/08/le-monde-selon-trump_1444977

Ce pilonnage systématique des communautés noire et hispanique aux États-Unis a été le terreau d'une campagne musicale anti-Trump où le rap a fait figure de fer de lance contre les discours stigmatisants du prétendant à la Maison Blanche. Dans un article d'avril 2016, Le Huffington Post retraçait l'histoire de "FDT (Fuck Donald Trump)", morceau des rappeurs YG et Nipsey Hussle devenu l'hymne anti-Trump par excellence.

"Composée par deux rappeurs de la côte ouest américaine, YG et son acolyte Nipsey Hussle, la chanson était N°1 du classement Spotify des 50 chansons les plus virales, dimanche 17 avril. En quelques jours, le morceau est devenu le symbole du malaise entre les communautés afro-américaine et hispanique et Donald Trump, alors que de nombreux sondages ont récemment mis au jour le déficit de popularité du candidat auprès des électeurs noirs et hispaniques."

Le billet du Huffington Post propose une analyse de cette chanson virale qui dépasse les millions de vues sur Youtube. Pour les amateurs de bande originale, le texte est décrypté ci-dessous par le site genius.com.


[Intro: YG]
Just when I thought it wouldn't get no sicker, woke up one morning and heard this weird ass mothafucka talkin' out the side of his neck. Me and all my peoples, we always thought he was straight. Influential mothafucka when it came to the business. But now, since we know how you really feel, this how we feel

[Hook: YG]
Fuck Donald Trump
Fuck Donald Trump
Yeah, nigga, fuck Donald Trump
Yeah, yeah, fuck Donald Trump
Yeah, fuck Donald Trump
Yeah, fuck Donald Trump
Yeah, nigga, fuck Donald Trump
Yeah, yeah, fuck Donald Trump, yeah


[Verse 1: YG]
I like white folks, but I don't like you
All the niggas in the hood wanna fight you

Surprised El Chapo ain't tried to snipe you
Surprised the Nation of Islam ain't tried to find you
Have a rally out in L.A., we gon' fuck it up
Home of the Rodney King riot, we don't give a fuck

Black students, ejected from your rally, what?
I'm ready to go right now, your racist ass did too much
I'm 'bout to turn Black Panther

Don't let Donald Trump win, that nigga cancer
He too rich, he ain't got the answers
He can't make decisions for this country, he gon' crash us
No, we can't be a slave for him
He got me appreciatin' Obama way more
Hey Donald, and everyone that follows
You gave us your reason to be President, but we hate yours


[Verse 2: Nipsey Hu$$le]
Nigga am I trippin'? Let me know
I thought all that Donald Trump bullshit was a joke

Know what they say when rich niggas go broke....
Look, Reagan sold coke, Obama sold hope
Donald Trump spent his trust fund money on the vote
I'm from a place where you prolly can't go
Speakin' for some people that you prolly ain't know
It's pressure built up and it's prolly gon' blow
And if we say go then they're prolly gon' go

You vote Trump then you're prolly on dope
And if you like me then you prolly ain't know
And if you been to jail you can prolly still vote
We let this nigga win, we gon' prolly feel broke

You built walls? We gon' prolly dig holes
And if your ass do win, you gon' prolly get smoked
Fuck nigga, fuck you!


[Interlude: YG]
We the youth. We the people of this country. We got a voice too. We will be seen, and we will be heard

[Verse 3: YG + Nipsey Hu$$le]
Hold up, I fuck with Mexicans, got a plug with Mexicans
When the low low need a switch, who I call? A Mexican

This Comedy Central ass nigga couldn't be the President
Hold up, Nip, tell the world how you fuck with Mexicans
It wouldn't be the USA without Mexicans
And if it's time to team up, shit, let's begin
Black love, brown pride in the sets again
White people feel the same as my next of kin

If we let this nigga win, God bless the kids

God bless the kids, this nigga wicked and wigged

When me and Nip link, that's Bloods and Crips
Where your L.A. rally? We gon' crash your shit