vendredi 25 août 2017

330. Renaud: "Laisse béton" (1977)

La fin des années 1950 voit l'émergence d'une figure menaçante au sein de la société, celle de jeunes considérés comme "inadaptés": les blousons noirs. Un terme évocateur pour désigner une jeunesse turbulente au cœur des Trente glorieuses. Entre 1959 et 1963, l'irruption des violences urbaines à la une des médias place sur le devant de la scène des groupes de jeunes garçons présentés comme dévoyés et violents. L'épisode est surtout le révélateur d'une réalité nouvelle, celle d'une jeunesse qui s'affirme. Les jeunes générations deviennent plus que jamais un enjeu de société.


* Le phénomène des blousons noirs est avant tout un phénomène médiatique, complaisamment entretenu par la presse. Au cours de l'été 1959, pour la première fois, France Soir parlent de "blousons noirs".  ["Nous somme des blousons noirs. Pourquoi?" Jean Maquet] Dès lors, des dizaines d'articles alarmistes aux titres anxiogènes dépeignent une France assiégée par les bandes de jeunes dont on décrit les exploits par le menu, quitte à falsifier certains faits ou à en exagérer la portée. Les articles s'ornent de photographies le plus souvent mises en scène.
Cette couverture médiatique fixe l'image, l'iconographie du blouson noir, une figure aussitôt associée à une ribambelle d'attributs et de clichés tenaces. L'image d’Épinal décrit à l'envi de jeunes violents et asociaux, se déplaçant toujours en bande, le plus souvent à motos, vêtus d'un perfecto, de bottes, de jeans serrés, casquette, mégot à la bouche... Le blouson noir en vient à incarner une figure mythique des légendes urbaines, celle d'une jeunesse désœuvrée prompte à la bagarre et rétive à toute autorité. 

* Fait divers banal.
Deux banals fait-divers au cœur d'un été trop tranquille sont à l'origine de l'emballement de la presse. Le 23 juillet 1959, dans le XVème arrondissement de Paris, une trentaine de garçons âgés de 14 à 20 ans, membres de la bande de saint-Lambert, attendent leurs homologues de la porte de Vanves pour en découdre. Ils viennent se battre à coup de chaînes de vélos, de poings américains et d'os de moutons. La rixe doit avoir lieu dans un petit jardin public, le square st-Lambert, où les jeunes aiment à se décontracter loin des "croulants", après l'école ou l'atelier. Les gars de Vanves ne viennent pas. Frustrés et passablement échauffés, ceux de saint-Lambert se dispersent dans le vacarme, bousculent des passants, s'attaquent à un café.  Sous le choc, effrayés, les riverains considèrent les échauffourées comme une véritable émeute. La police s'interpose, interpellant 27 jeunes.
Le lendemain, 24 juillet 1959, à Bandols, dans le Var, des incidents viennent faire écho à ceux du square st-Lambert. Deux jeunes Toulonnais se voient interdire l'entrée d'un bal au prétexte qu'il serait réservé aux estivants. Les deux éconduits reviennent avec une quarantaine de camarades. L'affrontement entre Toulonnais et Bandolais se solde par la blessure d'un pêcheur et une vingtaine d'arrestations. La plupart seront condamnés à plusieurs mois de prison avec sursis. 
Aussitôt, la presse fait ses choux-gras de ces deux faits-divers simultanés. Les journalistes insistent sur ce qui unit les deux événements: deux bandes de garçons arborant des blousons noirs, armés de chaînes de vélos et de poings américains.
En s'éloignant de la loupe médiatique, les choses sont pourtant moins simples. D'abord, les affrontements entre bandes ne sont pas un phénomène nouveau comme en atteste les exploits des apaches ou des J3 (en référence à la mention figurant sur les cartes de rationnement des 13-21 ans). Ensuite, l'affirmation d'une jeunesse récalcitrante en tout point comparable aux blousons noirs est une réalité sociale latente perceptible depuis plusieurs années. Déjà en 1955, lors de la fête du 14 juillet, plus de 300 jeunes armés de chaîne de vélos s'affrontèrent en plein cœur de la capitale. Ils ne furent alors pourtant pas catalogués comme des "blousons noirs".



* Qui sont les blousons noirs? 
Si l'on excepte quelques groupes de filles, les bandes de jeunes qualifiés de "blousons noirs" sont composés de garçons âgés de 14 à 20 ans. Si chaque bande a son style de vie et ses propres règles, on retrouve dans la plupart des groupes des traits communs. 
Le nom de la bande se réfère souvent au territoire, au quartier (les croix blanches à Issoire, la bande des Batignolles, la bande du carrefour des laitières à Montreuil).
La bande s'apparente à un groupe tribal composé de voisins qui se dote de principes communs: toujours faire preuve de témérité, ne jamais balancer à la police, s'engager à respecter un code d'honneur... Les candidats à l'entrée dans la bande subissent un rite d'initiation qui consiste à commettre un délit ou à affronter un rival dans une bagarre. 
Chaque groupe dispose de sa propre hiérarchie. Au sommet, le chef en impose à ses lieutenants par son charisme, sa force physique ou ses faits d'armes, cependant la composition de la bande ne cesse de changer au gré des arrivées et des départs, souvent motivés par la rencontre d'une femme, le service militaire, les aléas de la vie en général... 
Les bandes fréquentent les lieux de la culture jeune naissante: patinoires, bals, fêtes foraines.

* Pour mieux appréhender, le phénomène "blouson noir", il convient de le replacer dans son contexte historique. En cette fin des années 1950, les premiers signes tangibles du baby boom  commencent à se voir. Toute une génération arrive à l'âge de l'adolescence dans une France portée par les effets de ce que l'on nommera bientôt les Trente Glorieuses, caractérisées par une croissance économique soutenue, l'émergence de la société de consommation et des classes moyennes. L'essor de la scolarisation, des mobilités (mobylette et scooter) contribuent à faire de l'âge de l'adolescence, un âge pour soi. Les jeunes sont désormais considérés comme une catégorie sociale autonome, avec des goûts et une manière d'être en opposition avec ceux des aînés.  
Cette situation accroît les incompréhensions et alimente le sentiment qu'il existe un conflit de génération. Or "le conflit de générations, s'il est un thème médiatique fort prisé, n'a rien d'évident dans les faits: on constate tout au long de la période, grâce aux enquêtes sociologiques menées à intervalles réguliers, un attachement des jeunes aux mêmes valeurs que celles de leurs parents, tels le travail et la famille." [Bantigny, Raflik, Vigreux p 5] 
Les profondes mutations sociétales suscitent de vives inquiétudes auprès d'une population âgée dont les repères s'estompent. Assez vite grandit l'idée que tout fout le camp, que la jeunesse ne respecte plus rien, que les valeurs sont jetées par-dessus bord.

Les transformations économiques et sociales s'accompagnent  d'une certaine violence sociale. L'exode rural bat son plein, alimentant l'urbanisation galopante du pays. Les conditions d'installation et de vie en ville s'avèrent souvent précaires. La France souffre alors d'une pénurie de logement. Les vieux immeubles offrent des conditions de confort précaires, sans eau courante. Les nouveaux venus s'installent prioritairement dans les banlieues des grandes agglomérations où apparaissent de hautes tours et des barres de logements sociaux au milieu des terrains vagues. Ces nouveaux espaces coincés entre ville et campagne souffrent d'un relatif sous-équipement. Pour des adolescents désœuvrés, on s'ennuie ferme Dans ces cités-dortoirs parsemées de terrains vagues et striées de nationales, maints adolescents désœuvrés s'ennuient ferme. Les jeunes qui composent les bandes de blousons noirs grandissent dans ces quartiers populaires à la périphérie des grandes villes. A l'époque, 60% des jeunes quittent l'école à 14 ans pour entrer en apprentissage ou à l'usine et environ 40% des jeunes de seize ans sont salariés à la fin des années 1950. Or, ces jeunes "forment sur le marché de l'emploi une sorte de variable d'ajustement. Qu'il s'agisse des abattements d'âge amputant leur rémunération (...), du chômage qui les frappe toujours les premiers ou la précarité, les jeunes subissent bien en la matière un préjudice de l'âge." [Bantigny, Raflik, Vigreux, p5] Du fait de leur minorité, les patrons ont le droit de ne leur verser qu'un demi-salaire pour des semaines de 48 heures. Abrutis de travail et fauchés, le week-end venu, beaucoup se réunissent pour prendre du bon temps avec les copains et échapper à l'ennui d'un quotidien morne. 

Vince Taylor [By Koch, Eric / Anefo (Nationaal Archief) [CC BY-SA 3.0 nl (http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0/nl/deed.en)], via Wikimedia Commons]

* Quelles seraient les violences des blousons noirs?
Les délits contre les autres relèvent avant tout de la catégorie des vols (de motos, de voitures). On dérobe pour un usage immédiat et pour profiter dans l'instant des biens dérobés, autant de promesses d'indépendance. Les bandes s'en prennent parfois aussi aux objets de la voie publique (magasins, vitrines) et/ou agressent les passants, les représentants de l'ordre. Les délits commis conduisent de nombreux blousons noirs en garde-à-vue, parfois en prison. D'aucuns revendiquent fièrement ce passage derrière les barreaux, tout en passant sous silences la violence de l'univers carcéral.
Pour autant les violences restent très circonscrites, n'impliquant la plupart du temps que les membres des bandes rivales. On s'affronte pour le contrôle d'un territoire, d'une rue, pour le prestige ou pour l'honneur. Les lieux des bagarres sont les portes de Paris, les sorties de salles de spectacle, les bals, les fêtes foraines, les terrains vagues, partout où il y a l'opportunité de se mettre bien comme il faut sur la gueule. Marcel Carné met en scène ces bastons dans son film terrain vague en 1960, une des seules œuvres consacrée à cette jeunesse turbulente. 
Au bout du compte, sans les nier, les déprédations attribuées aux blousons noirs doivent être relativisées. Certes, les chiffres de la délinquance juvénile sont en hausse, mais ce qui donne l'effet de trompe-l’œil, c'est que les jeunes sont plus nombreux que jamais, tandis que la justice des mineurs et les forces de police qui leur sont dédiés occupent une place inédite. Pour mieux appréhender ces actes délinquants, les autorités publiques confient aux  experts de l'enfance des missions d'enquête et de recherche sur cette jeunesse turbulente. Les rapports démontrent que les bandes de jeunes structurées, organisées sont peu nombreuses, que le gros de cette jeunesse déviante et délinquante est composée d'enfants des quartiers populaires. Là, dans ces territoires, l'insalubrité des logements, la surpopulation, le manque d'infrastructures publiques, favoriseraient les délits. Le délitement des structures familiales expliquerait aussi que la bande devienne un refuge, alternative à la solitude et aux affres de l'adolescence. Fort de ces constats, le Haut commissaire à la jeunesse et aux sports, Maurice Herzog, lance des initiatives sociales en direction des jeunes afin de les accueillir dans des structures adaptées et surtout pour les occuper. C'est le lancement des premières équipes d'amitié, de protection de l'enfance, des foyers Léo Lagrange, des foyers des jeunes et de la culture, des clubs de prévention. De manière informelle et souvent bénévole, des éducateurs de rue s'occupent de ces jeunes, organisent leurs loisirs, cherchent à les sortir du cadre étouffant du quartier (camping à la campagne). (1) 

Pourtant, en dépit des analyses nuancées des experts et des mesures de préventions adoptées, une forme de psychose, de "panique morale" s'installe. Pour la société adulte, ces bandes incarnent une forme de décadence morale. La presse à sensation se complaît dans la description d'une jeunesse nihiliste, en quête de repères moraux, pourrie par des influences venues d'outre-atlantique



De fait, les blousons noirs se démarquent de leurs parents par des références culturelles nouvelles, principalement américaines à l'instar du rock'n'roll ou du cinéma hollywoodien. 
Née aux Etats-Unis, la vague rock'n'roll gagne rapidement les rivages français. (2) Musique violente, agressive, inspirée du rythm'n'blues noir américain, le rock'n'roll devient l'expression d'une certaine forme de révolte de la jeunesse, ainsi qu'un formidable vivier pour des adolescents en quête d'icônes. Elvis Presley, Eddie Cochran, Gene Vincent et surtout Vince Taylor deviennent les nouveaux héros. Tout de noir vêtu, Taylor incarne la rebellitude absolue. Ses concerts donnent parfois lieu à des débordements comme ce soir de novembre 1961 au Palais des Sports. Le public ravage la salle. Le show vire à l'émeute. La police intervient sans ménagement et interrompt le spectacle, avant même que Taylor ait pu monter sur scène. Outrés et dépassés, certains journalistes chevronnés ironisent:"Le Palais des Sports à l'heure du rock'n'roll, ça c'est du sport. Mais la jeune vague n'a rien inventé, ce qu'elle appelle rock, du temps de grand papa, cela portait déjà un nom: on appelait ça la danse de saint-Guy. Bilan de ce petit festival, deux millions de dégâts, quelques bosses, des yeux au beurre noir et un cimetière de chaises cassées. Bref du grand art. Pourquoi donc vous en plaindre monsieur Vince [prononcez à la française Viiiiiinnnnnnce] Taylor, vous y êtes peut-être pour quelque chose?
Les blousons noirs sont furieux, d'autant que la préfecture de police, échaudée, interdit les concert de rock'n'roll pour plusieurs mois. 
Le cinéma américain procure d'autres figures tutélaires. Ainsi, le déferlement de 4000 bikers dans  la ville californienne d'Hollister en juillet 1947, inspire au réalisateur László Benedek The Wild Ones, "l'Equipée sauvage", avec Marlon Brando et Lee Marvin. Le rôle propulse aussitôt le premier sur le devant de la scène et l'impose comme l'incarnation du rebelle. Après avoir vu le film, des milliers d'adolescents imitent la dégaine de l'acteur, adoptant un code vestimentaire bien précis: jean retroussé sur des bottes, ceintures à grosse boucle, perfecto.
Le cinéma procure aux blousons noirs une autre figure tutélaire en la personne de James Dean. Fauché en pleine gloire à 24 ans au volant de sa Porsche, l'acteur semble avoir mis en pratique la devise de son personnage de "La fureur de vivre": "Vivre vite, mourir jeune". Les blousons noirs s'identifient à cet adolescent urbain en crise, délinquant par ennui et rebelle sans cause.
 
Marlon Brando
Marlon Brando dans The Wild Ones

* L'absence de revendication apparente de la part des bandes désarçonne les observateurs, d'autant plus choqués que les violences commises paraissent gratuites. Le parti communiste par exemple cherche d'abord à défendre cette jeunesse prolétarienne victime du capitalisme. Il s'en éloigne pourtant très vite en raison de l'absence de revendications idéologiques des blousons et sans doute aussi car ces derniers vénèrent des vedettes ... américaines (plutôt que Jean Ferrat ... rhôooo).
A y regarder de plus près, l'absence de revendications politiques clairement exprimées ne doit pas occulter la haine de classe parfois perceptible dans les discours des blousons noirs lorsqu'ils s'en prennent par exemple aux "blousons dorés", ces fils à papa résidant dans les beaux quartiers. 


 
Partagé entre prévention et répression, le personnel politique gaulliste souffle le chaud et le froid. Dans son souci de "surveiller et punir", le préfet de police de Paris, un certain Maurice Papon, envisage les blousons noirs comme un formidable épouvantail politique. D'emblée, il alimente un discours sur l'insécurité rampante, exagérant les risques et l'importance du phénomène des blousons noirs. Défenseur de l'ordre et des honnêtes gens, il fustige à longueur de discours les bandes de jeunes "criminels", pervertis par l'industrie américaine. Pour lui, aucun doute: "Les origines de ce malaise doivent être cherchées dans les troubles d'après-guerre, troubles sociaux, troubles familiaux, décadence de l'autorité paternelle, puisque ce n'est pas un phénomène français, mais un phénomène universel. (3) Toutes les précautions seront prises pour une répression efficace."




Conclusion:
A de rares exceptions près, ceux que la sphère médiatique identifiaient aux blousons noirs "rentrent dans le rang", rattrapés par le travail, le service militaire, la guerre d'Algérie. Mariés avec enfants, certains deviennent même exactement ce qu'ils décriaient.
 Les modes passent et le phénomène blouson noir cesse de faire la une ou se banalise.  En 1963, pour un journaliste de Paris Match, "on est tous des blousons noirs", une phrase qui s'apparente à un faire-part de décès. Le phénomène médiatique a vécu. 
Pour la presse, l'heure est aux yéyés comme en atteste cette "folle nuit de la Nation" au cours de laquelle 150 000 copains se rassemblent sur la place pour écouter les nouvelles idoles des jeûûûnes (à que): Johnny, Sylvie et consorts. Dès lors, les médias en sont certains, il existe bien deux jeunesses irréconciliables: celle marginale, violente et fantasmée des blousons noirs et l'autre, rattrapée par l'industrie, acceptable et dont on perçoit aussitôt le potentiel commercial: les yéyés. Bien sûr, la vérité est ailleurs ou en tout cas bien plus complexe que ce tableau en noir et blanc.  
De nouvelles figures érigées en symboles sociaux ("loubards" des années 1970, "jeunes des cités" au cours de la décennie suivante) remplacent bientôt les blousons noirs sur la scène médiatique. Les blousons noirs disparus, la survivance du mythe s'explique par l'inscription du phénomène  dans la culture populaire. Citons deux exemples, parmi d'autres:
- Au cours des années 1980, Franck Margerin imagine le personnage de Lucien, un blouson noir de banlieue. Contre vents et marées, et alors que ses contemporains en pincent pour les couleurs flashys et les permanentes choucroutées,  ce dernier arbore fièrement, perfecto, santiag et banane. Décontracté et flegmatique, Lucien gère grave.
- En 1977, Renaud sort un second éponyme. Sur la pochette du disque, vêtu d'un blouson noir, le chanteur chevauche fièrement une mobylette. Renaud "forge une image composite de loubard alliant culture blouson noir d'autrefois et révolte sociale". Dès le premier morceau de l'album, Renaud invite l'auditeur dans un bar enfumé, peuplé de loubards/blouson noirs, prêts à en découdre au moindre prétexte. Au fur et à mesure des couplets, le chanteur se fait dépouiller de ses attributs vestimentaires (bottes, blouson, jean) par des types armés de chaînes de vélo, d'un opinel, d'un ceinturon. Après un généreux échange de bourre-pif, piteux, notre héros "se retrouve à poil sans ses bottes".

Renaud: "Laisse béton" (1977)
J'étais tranquille j'étais peinard / Accoudé au flipper / Le type est entré dans le bar /
A commandé un jambon beurre / Et y s'est approché de moi / Et y m'a regardé comme ça

T'as des bottes, mon pote / Elles me bottent / Je parie que c'est des santiags / Viens faire un tour dans le terrain vague / Je vais t'apprendre un jeu rigolo / A grands coups de chaînes de vélo / Je te fais tes bottes à la baston / Moi je lui dis, laisse béton / Y m'a filé une beigne / Je lui ai filé une torgnole / Y m'a filé une châtaigne / Je lui ai filé mes grolles

J'étais tranquille j'étais pénard / Accoudé au comptoir / Le type est entré dans le bar / A commandé un café noir / Pis y m'a tapé sur l'épaule / Et m'a regardé d'un air drôle / T'as un blouson, mecton / L'est pas bidon / Moi je me les gèle sur mon scooter / Avec ça je serai un vrai rocker / Viens faire un tour dans la ruelle / Je te montrerai mon Opinel / Je te chouraverai ton blouson / Moi je lui dis, laisse béton / Y m'a filé une beigne / Je lui ai filé un marron / Y m'a filé une châtaigne / Je lui ai filé mon blouson

J'étais tranquille j'étais pénard / Je réparais ma mobylette / Le type a surgi sur le boulevard / Sur sa grosse moto super chouette / S'est arrêté le long du trottoir / Et m'a regardé d'un air bête / T'as le même blue jean que James Dean / T'arrêtes ta frime / Je parie que c'est un vrai Lévis Strauss / Il est carrément pas craignos / Viens faire un tour derrière l'église / Histoire que je te dévalise / A grands coups de ceinturon / Moi je lui dis, laisse béton / Y m'a filé une beigne / Je lui ai filé une mandale / Y m'a filé une châtaigne / Je lui ai filé mon futal

La morale de c'te pauvre histoire / C'est que quand t'es tranquille et peinard / Faut pas trop traîner dans les bars / A moins d'être fringuer en costard / Quand à la fin d'une chanson / Tu te retrouve à poil sans tes bottes / Faut avoir de l'imagination / Pour trouver une chute rigolote.

Notes:
1. Cette jeunesse remuante remet en cause la législation en place (en particulier l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante), ainsi que l'organisation de la justice des mineurs. Un vif débat se pose alors: la rééducation est-elle efficace ou faut-il revenir à des mesures beaucoup plus sévères vis-à-vis de ces jeunes? 
2. Le phénomène rock dépasse le phénomène BN, car c'est toute une jeunesse qui se retrouve autour de cette musique qui brise les frontières sociales. Des jeunes de tous les milieux l'écoutent et dansent sur ces rythmes fous.
3. Les blousons noirs ne constituent que l'avatar français d'un phénomène planétaire. De nombreux  pays sont également confrontés à des accès de violences juvéniles spectaculaires au cours des années d'après-guerre: pachucos et hells angels californiens dès les années 1940, puis  Halbstarken en Allemagne de l'Ouest , Teddy Boys britanniques (1956), skunafolk suédois, vitelloni italiens, nozem néerlandais dans les fifties. Partout, les médias parlent de décadence, de barbarie, de violence aveugle. Partout, la surenchère médiatique nourrit le sentiment d'un "péril jeune" qui menace les fondements de l'ordre social.

Sources:
- "Les Blousons noirs. Les rebelles sans cause." (2015) Documentaire diffusé sur France 3, en juin 2017
- Ludivine Bantigny, Ivan Jablonka: "Jeunesse oblige", PUF. 
- Ludivine Bantigny, Jenny Raflik, Jean Vigreux:"La société française de 1945 à nos jours", la Documentation photographique, septembre-octobre 2015.
- Affaires sensibles (France Inter): "Les blousons noirs. Une jeunesse phénomène".
- Laurent Mucchielli: "Regard sur la délinquance juvénile au temps des blousons noirs. (années 1960)". (pdf)
- It's a perfecto day: les blousons noirs sont de retour.

Liens: 
- Le mythe blousons noirs.
 - spectacle (dossier en pdf).
- Si les bad boys m'étaient contés
 - Délinquance en bandes

1 commentaire:

Jerry OX a dit…

Et ainsi naquit le premier tube de Renaud qui grimpa quatre à quatre les marches du Hit Parade et fit très vite (bon client le pépère) les beaux soirs des plateaux TV de Guy Lux, les Carpentiers , Drucker et consorts. Résultat des courses , plus de 250 000 45 tours vendus avec la Face B "Je suis une bande de jeunes" qui eut elle aussi son heure de gloire.