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vendredi 29 août 2008

80. Boris Vian:"La complainte du progrès".

Composée en 1956, La complainte du Progrès est une critique très drôle de la société de consommation et ses dérives. Nous sommes alors dans la période des "Trente Glorieuses" (1946-1975), marquée par une croissance économique soutenue et ininterrompue, ainsi qu'une amélioration générale des conditions de vie.

La consommation des ménages français est ainsi multipliée par 2,7 en francs constant, au cours de cette période. Le chômage reste inférieur à 2%. Cette hausse du niveau de vie s’accompagne d’une augmentation du niveau d’équipement. Lorsque Boris Vian écrit la chanson, cette consommation frénétique d'objets ménagers n'en est qu'à ces balbutiements. En 1956, 14% seulement des logements des Français disposent d'une douche ou d'une baignoire, 1% d'entre eux possèdent un téléviseur... En 1957 , seuls 6.7% des foyers étaient équipés en automobiles contre 65.3 % en 1976. Ils étaient seulement 17.4% à posséder un réfrigérateur contre 90.8% en 1976. Le téléphone est plus long à s'imposer: seuls 28% des ménages en sont équipés en 1970 (mais 70% des cadres l'ont, contre 10% des ouvriers). En 1958, un Français sur dix possède une machine à laver, pour sept sur dix en 1974. On voit donc se développer une véritable société de consommation.

Dans les budgets des familles, la part des dépenses d'alimentation et d'habillement ne cesse de baisser. C'est la fin de l'économie de survie (pour le plus grand nombre). L'accès à la consommation devient une des préoccupations majeures des Français. Cette évolution est, permise, entre autres, par le développement du crédit. De nouveaux objets au design alléchant garnissent les intérieurs: rasoir, transistor, sèche-cheveux, lampadaire, cocotte-minute, mixeur, téléphone...


Ecrivains, cinéastes, chanteurs s'intéressent bien sûr au phénomène, qui ne manque pas de les inquiéter. Ainsi, en écho à la chanson de Vian, Georges Pérec décrit dans son roman "les choses", l'insatisfaction d'un jeune couple qui cherche à dépasser ses problèmes en se réfugiant dans une consommation effrénée. Il écrit ainsi: "De station en station, antiquaires, libraires, marchands de disques, cartes de restaurants, agences de voyage, chemisiers, tailleurs, fromagers, chausseurs, confiseurs, charcutiers de luxe, papetiers, leurs itinéraires composaient leur véritable univers: là reposaient leurs ambitions, leurs espoirs. Là était la vraie vie". Jacques Tati, quant à lui, réalise Playtime, une charge grincante contre ce monde moderne, déshumanisé et vulgaire.
Aujourd'hui, la croissance économique des "Trente Glorieuses" n'est plus, mais notre univers quotidien est plus que jamais envahi par les "choses".




"La complainte du progrès" Boris Vian.

Autrefois pour faire sa cour
On parlait d'amour
Pour mieux prouver son ardeur
On offrait son coeur
Aujourd'hui, c'est plus pareil
Ça change, ça change
Pour séduire le cher ange
On lui glisse à l'oreille
(Ah? Gudule!)

{Refrain 1:}
Viens m'embrasser
Et je te donnerai
Un frigidaire
Un joli scooter
Un atomixer
Et du Dunlopillo
Une cuisinière
Avec un four en verre
Des tas de couverts
Et des pell' à gâteaux

Une tourniquette
Pour fair' la vinaigrette
Un bel aérateur
Pour bouffer les odeurs

Des draps qui chauffent
Un pistolet à gaufres
Un avion pour deux
Et nous serons heureux

Autrefois s'il arrivait
Que l'on se querelle
L'air lugubre on s'en allait
En laissant la vaisselle
Aujourd'hui, que voulez-vous
La vie est si chère
On dit: rentre chez ta mère
Et l'on se garde tout
(Ah! Gudule)

{Refrain 2:}
Excuse-toi
Ou je reprends tout ça.
Mon frigidaire
Mon armoire à cuillères
Mon évier en fer
Et mon poêl' à mazout
Mon cire-godasses
Mon repasse-limaces
Mon tabouret à glace
Et mon chasse-filous

La tourniquette
A faire la vinaigrette
Le ratatine-ordures
Et le coupe-friture

Et si la belle
Se montre encore rebelles
On la fiche dehors
Pour confier son sort

{Coda:}
Au frigidaire
À l'efface-poussière
À la cuisinière
Au lit qu'est toujours fait
Au chauffe-savates
Au canon à patates
À l'éventre-tomates
À l'écorche-poulet

Mais très très vite
On reçoit la visite
D'une tendre petite
Qui vous offre son coeur

Alors on cède
Car il faut bien qu'on s'entraide
Et l'on vit comme ça
Jusqu'à la prochaine fois

Sources:
- P. et C. Rotman:"les années 1968", Seuil, 2008.
- Pierre et Jean-Pierre Saka:"L'histoire de France en chansons", Larousse.

mardi 26 août 2008

79. Jacques Brel:"Jaurès".

                                                    Le café du croissant à Paris.

La période 1905-1914, au cours de laquelle l'unité socialiste est maintenue, fait souvent figure d'âge d'or pour le socialisme français. La Section française de l'Internationale ouvrière (SFIO) fondée en 1905 rassemble les socialistes français, à l'exception des plus modérés qui demeurent indépendants (Viviani, Brian, Millerand). Néanmoins, les deux ténors du nouveau parti, Jules Guesde et Jean Jaurès, s'opposent sur de nombreux points, sans aller cependant jusqu'à la rupture.


Professeur de philosophie, journaliste, historien, Jean Jaurès devient le député de Carmaux (Tarn), cité ouvrière en 1893. Rapidement, Jaurès jouit d'une immense popularité. Ce remarquable orateur mène un combat inlassable et passionné contre toutes les grandes injustices. Pour Gilles Candar (spécialiste de l'histoire du socialisme et de Jean Jaurès): "C'est le champion de toutes les causes humaines, capable de s'émouvoir et de se battre contre l'intolérable, qu'il s'agisse des massacres d'Arméniens à la fin du XIXème et au début du XXème siècle ou, ce qui était alors moins fréquent, de Marocains par les troupes françaises, de la misère ouvrières dans les caves d'Armentières, ou encore de la "peine immonde", la guillotine, qui déshonore la démocratie. Le sentiment que Jaurès dépasse de très loin l'horizon politique, qu'il symbolise "un moment de la conscience humaine" explique la popularité, voire le culte dont il fait l'objet."
Jaurès lors d'une manifestation pacifiste au Pré Saint-Gervais, en 1913.

Jacques Brel rend un vibrant hommage au dirigeant socialiste dans ce titre présent sur son dernier disque (1977). Les paroles insistent particulièrement sur les conditions d'existence sordides des ouvriers à la fin du XIXème et au début du XXème siècle.
 

Les conditions de travail nous paraissent aujourd"hui ahurissantes avec des journées interminables ("quinze heures par jour le corps en laisse"). La fatigue et l'abrutissement qui en découlent, poussent beaucoup à chercher un échappatoire, dans l'alcool par exemple ("entre l'absinthe et les grand-messes"). La dureté du travail et les conditions d'existence difficiles dans des taudis surpeuplés et insalubres réduisent considérablement l'espérance de vie des prolétaires ("ils étaient usés à quinze ans"; "ils étaient vieux avant que d'être"). La Silicose guette les mineurs, la tuberculose fait encore des ravages, l'alcoolisme provoque la cirrhose. Quand aux moyens de se soigner, ils ne sont pas à la portée des bourses ouvrières. La maladie, la vieillesse du père de famille plongent bien souvent toute la famille dans la misère. Le prêtre ou le patron, à de rares exceptions, invitent les ouvriers à la soumission avec de vaines promesses ( "les derniers seront les premiers"). 
Ces ouvriers sont tout de même considérés comme des citoyens, ce qui leur donne l'immense avantage de pouvoir défendre leur patrie. De fait, les ouvriers (tout comme les petits paysans) constituent une chair à canon prisée par l'état-major au cours de la grande guerre.
 

Or, à l'Assemblée, Jaurès se fait le porte-parole fidèle de ces ouvriers exploités. C'est d'ailleurs au contact des mineurs de Carmaux (lors de la grève de 1892) que Jaurès fait l'apprentissage de la lutte des classes et du socialisme. Sa sincérité et son engagement constant lui valent rapidement une belle popularité auprès des ouvriers.
Au contraire, il est détesté par les nationalistes les plus virulents pour ses prises de position pacifistes peu avant le déclenchement de la Première Guerre mondiale. L'un d'entre eux, Raoul Villain, assassine Jaurès au Café du Croissant, rue Montmartre à Paris, le 31 juillet 1914, trois jours avant le déclenchement des hostilités. A l'annonce de la nouvelle, des milliers d'ouvriers descendent sur les boulevards parisiens avec une seule question sur toutes les lèvres: "pourquoi ont-ils tué Jaurès?"

Jaurès vu par la presse nationaliste et antisémite.

En 1903 dans son discours à la jeunesse, prononcé à Albi, Jaurès lançait:"Le courage, c'est d'aimer la vie et de regarder la mort d'un regard tranquille; c'est d'aller à l'idéal et de comprendre le réel ; c'est d'agir et de se donner aux grandes causes sans savoir quelle récompense réserve à notre effort l'univers profond, ni s'il lui réserve une récompense. Le courage, c'est de chercher la vérité et de la dire; c'est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe, et de ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques." A méditer, en ces temps de récupération politique scandaleuse du grand tribun.

"Jaurès" Jacques Brel (1977).


Ils étaient usés à quinze ans
Ils finissaient en débutant
Les douze mois s'appelaient décembre
Quelle vie ont eu nos grands-parents
Entre l'absinthe et les grand-messes
Ils étaient vieux avant que d'être
Quinze heures par jour le corps en laisse
Laisse au visage un teint de cendre
Oui, notre Monsieur oui notre bon Maître
Pourquoi ont-ils tué Jaurès?
Pourquoi ont-ils tué Jaurès?

On ne peut pas dire qu'ils furent esclaves
De là à dire qu'ils ont vécu
Lorsque l'on part aussi vaincu
C'est dur de sortir de l'enclave
Et pourtant l'espoir fleurissait
Dans les rêves qui montaient aux yeux
Des quelques ceux qui refusaient
De ramper jusqu'à la vieillesse
Oui notre bon Maître oui notre Monsieur
Pourquoi ont-ils tué Jaurès?
Pourquoi ont-ils tué Jaurès?

Si par malheur ils survivaient
C'était pour partir à la guerre
C'était pour finir à la guerre
Aux ordres de quelques sabreurs
Qui exigeaient du bout des lèvres
Qu'ils aillent ouvrir au champ d'horreur
Leurs vingt ans qui n'avaient pu naître
Et ils mouraient à pleine peur
Tout miséreux oui notre bon Maître
Couvert de prêtres oui notre Monsieur

Demandez-vous belle jeunesse
Le temps de l'ombre d'un souvenir
Le temps du souffle d'un soupir
Pourquoi ont-ils tué Jaurès?
Pourquoi ont-ils tué Jaurès?

Liens:
- Site de la société d'études jauréssiennes.
- Quelques textes de Jaurès.
- Le prof Jaurès par Gilles Candar.
- "Jaurès en campagne" par Gilles Candar.
- " Les usages de l'histoire dans le discours public de Nicolas Sarkozy" par Gérard Noiriel.
- L'Histoire par l'image: Jaurès orateur.

samedi 23 août 2008

78. Les Charlots :"Merci patron."

Ne nous le cachons pas, l’histgeobox s’est donné pour vocation de vous proposer un vaste panorama des chansons les plus ouvertement engagées du XXème siècle. Des chants de rage et de combat. Des brulots incandescents prêts à mettre le feu à la société. Nous ne pouvions donc décemment pas passer sous silence l’un des plus purs joyaux de la lutte sociale né de la fièvre de mai 68 : « Merci patron » des Charlots.

Bon je sais, j’exagère un peu, mais derrière cette chanson rigolarde et bon enfant se cache une intéressante vision de la vie ouvrière de la fin des trente glorieuses comme de la lutte des classes telle qu’on la voit au début des années 70.

Les Charlots sont un groupe comique qui va connaître à cette époque un immense succès sur scène et au cinéma. Gérard Rinaldi, Jean Sarrus, Gérard Filipelli, Luis Rego et Jean Guy Fechner. Ils ont commencé sous le nom des Problèmes comme musiciens d’accompagnement, notamment d’Antoine, avant de percer à la fin des années 60 comme un groupe de rock comique aux chansons légères et nonsensiques, parodiant les succès à la mode.

Très dans l’air du temps, inspirés par le mouvement hippie et la libération des mœurs de l’époque, ils vont devenir une sorte de version rigolote et politiquement inoffensive des jeunes anticonformistes aux cheveux longs qui se rebellent contre la société traditionnelle héritée du gaullisme.

Repérés par des producteurs, ils se lancent dans le cinéma et apparaissent dans des comédies loufoques assez premier degré reposant à peu près toutes sur le même canevas : les Charlots déboulent contraints et forcés au beau milieu d'une institution ou d'un lieu de pouvoir et y mettent le désordre le plus total en se comportant comme de grands gamins faisant tourner en bourrique les autorités. Il ridiculisent ainsi une élection municipale ("la grande java"), l’armée et le service militaire ("les bidasses en folie"), les Jeux Olympiques ("les fous du stade"), un supermarché qui menace les petits commerçants d’un village ("le grand bazar"…)...

Il ne faut pas essayer d’y chercher un engagement politique fort, mais plutôt le reflet du grand mouvement libertaire qui va souffler au début des années 70. Hélas avec le temps, leurs films s’enfonceront dans une médiocrité de plus en plus marquée et groupe, se réduisant de 5 à 3 sombrera peu à peu d’autant qu’avec l’âge il devient difficile de jouer les ados attardés.
Pour en savoir un peu plus sur ce groupe de joyeux drilles.

Mais les Charlots, ce sont d’abord des musiciens et en 1971, Rinaldi et Rego composent une chanson encore une fois bien innocente en apparence. "Merci patron" qui décrit de façon goguenarde la vie de l’ouvrier à l’usine et les relations hiérarchiques de l’entreprise, entre soumission, crainte respectueuse et sentiment de révolte bouillonnant doucement sous l'apparente docilité.


Quand on arrive à l'usine
La gaîté nous illumine
L'idée de faire nos huit heures
Nous remplit tous de bonheur
D'humeur égale et joyeuse
Nous courons vers la pointeuse
Le temps d'enfiler nos bleus
Et nous voilà tous heureux

La ï ti la la la ï ti la la ï hé

(Refrain)

Merci patron merci patron
Quel plaisir de travailler pour vous
On est heureux comme des fous
Merci patron merci patron
Ce que vous faites ici-bas
Un jour Dieu vous le rendra

Quand on pense à tout l'argent
Qu'aux fins de mois on vous prend
Nous avons tous un peu honte
D'être aussi près de nos comptes.
Tout le monde à la maison
Vous adore avec passion
Vous êtes notre bon ange
Et nos chantons vos louanges

La ï ti la la la ï ti la la ï hé

(Refrain)

Mais en attendant ce jour
Pour vous prouver notre amour
Nous voulons tous vous offrir
Un peu de notre plaisir
Nous allons changer de rôle
Vous irez limer la tôle
Et nous nous occuperons
De vos ennuis de patron

La ï ti la la la ï ti la la ï hé


Nous serons patrons nous serons patrons
À vous le plaisir de travailler pour nous
Vous serez heureux comme un fou
Nous serons patrons nous serons patrons
Ce que vous avez fait pour nous
Nous le referons pour vous

La ï ti la la la ï ti la la ï hé
 

Dans la chanson comme dans son scopitone, son clip d’époque que l’on pouvait voir sur les jukebox des bars de quartiers, on redécouvre l’atmosphère du monde ouvrier des années Pompidou. On y retrouve la pointeuse qui permet de compter les heures de présence à la chaîne, les fins de mois difficiles, le bleu de travail, véritable uniforme de l’ouvrier face au caricatural patron avec costume, belle voiture et bien sûr le cigare, symbole de pouvoir et de richesse.

Mais aussi derrière l’ironie et la légèreté feinte de ces louanges au bon patron paternaliste, la révolte qui couve sous l’ordre établi. La chanson va d’ailleurs connaître un véritable succès dans les milieux syndicaux et ouvriers qui la reprendront lors de grèves ou de manifs comme autant de moyen de contester l’ordre social.

Pour preuve cette publicité de 2003 pour le journal communiste l’Humanité qui reprend cette innocente chansonnette pour illustrer ses préoccupations anticapitalistes.




Alors bon, d’accord, ce n’est pas la chanson révolutionnaire du siècle, mais parfois un peu d’humour et d’innocence feinte peuvent aussi faire mouche.

dimanche 17 août 2008

77. Rita Mitsouko: "la sorcière et l'inquisiteur."

Le supplice de la roue mené par les inquisiteurs espagnols.

L’Inquisition est une institution ecclésiastique qui a pour mission de rechercher et punir l'hérésie. Jusqu'au XIIème siècle, l'Eglise lutte contre l'hérésie en utilisant des peines spirituelles, notamment l'excommunication. Au Moyen Age, les intérêts de l'Etat et de l'Eglise sont solidaires et l'ampleur prise par l'hérésie cathare pousse l'Eglise à se doter d'une institution spécifique afin de combattre l'hérésie, avec le concours des princes laïcs.

L'inquisition est d'abord confiée aux évêques, mais très vite, une inquisition pontificale, menée par des délégués du Saint-Siège, généralement des religieux mendiants (franciscains et dominicains).
Une fois parvenu dans la région dont il a la charge, l'inquisiteur ouvre son enquête et adresse aux fidèles l'édit de foi, les obligeant sous peine d'excommunication à dénoncer les hérétiques. L'édit de grâce, quant à lui, s'adresse aux hérétiques qui disposent d'un cours délai afin de se rétracter. Une fois le délai écoulé, la justice inquisitoriale entre en branle. En cas de non repentir, l'hérétique est soumis à un interrogatoire qui peut allé jusqu'à la torture, légalisée par le pape Innocent IV en 1252.
Une fois la procédure terminée, le jury, composé de religieux et de laïcs, prononce la sentence devant une assemblée publique (nommée auto da fe en Espagne). Les peines, très variées, allaient de la pénitence canonique (flagellation, pèlerinage) à la peine de mort par le feu, en passant par la confiscation des biens, l'emprisonnement.
Au cours du XIIIème siècle, l'Inquisition parvint à éliminer totalement l'hérésie cathare et réduisit considérablement l'influence des Vaudois. Dès lors, l'institution s'intéresse aux sorcières, des femmes considérées comme des créatures du démon. Le premier procès de sorcellerie eut lieu à Trèves en 1235. Les persécutions ne devaient plus cesser jusqu'au XVIIIème siècle. La dernière exécution à la suite d'un procès de sorcellerie eut lieu en Allemagne en 1756.


                                                                      Exécutions de sorcières

Ici, Catherine Ringer, la chanteuse des Rita Mitsouko se met tour à tour dans la peau de la sorcière, puis celle de l'inquisiteur qui la livre à la question, c'est-à-dire la torture. Pris à son propre piège, l'inquisiteur sadique succombe aux charmes de sa victime.

"La sorcière et l'inquisiteur". Rita Mitsouko.


Connaissez-vous
La chanteuse sorcière / Celle qui fit fondre
Un cœur de fer? / Celle qui transforma
Son tortionnaire / Le grand inquisiteur
Qui lui ouvrit son cœur

On pouvait la trouver dans la forêt / Les nuits de lune pleine
Où elle donnait / Des incroyables fêtes
Et toute nue elle chante

Et quand ça commence / Ça commence
Toute la forêt se met à parler / Née en transe
De par sa mère / La sorcière savait
Comment s'élever / Comment prier, comment soigner,
Empoisonner / Comment chanter
Et comment danser

Il arrivait dans la région / L'inquisiteur
C'était un homme passionné / L'inquisiteur
Il voulait sauver l'humanité / Pauvres pécheurs
De l'éternelle damnation / Alors attention

Ils sont venus la prendre la nuit / Ils l'ont trainée par la chevelure / Jusqu'à la chambre de torture

Ah son premier cri / Eveilla son oreille
Et la sorcière se mit à agir / Elle le fit
Elle s'ensorcelle / Et se mit à chanter
La suppliciée

Elle était belle / Et d'une blancheur laiteuse
On voyait qu'elle / Aimait être amoureuse
Et sa longue chevelure / Faisait comme une couverture
A peine un voile / Maintenant sale

- Ah! Tu m'assasines- Sauve ton âme- Ah mais tu commets un crime- Pauvre femme- Par ma voix chante la beauté- Tu est endiablée, par ta bouche / C'est le diable qui accouche
Et tu voudrais bien que je te touche / D'ailleurs tu fais tout pour me plaire
Et on peut dire que tu sais y faire- Non! C'est l'air qui vibre / Mais tu frissonnes
- Ah! Comme tu es libre / Et comme tu es bonne!

Le grand inquisiteur / Sentit battre son cœur
Le grand inquisiteur / Sentit fondre son cœur

jeudi 14 août 2008

76. Pete Seeger: "Where have all the flowers gone?"

Dans les années 1940, Pete Seeger fonde les Almanach Singers avec Woody Guthrie. Au cours de la décennie suivante, il forme les Weavers qui rencontrent un grand succès en reprenant des compositions de Guthrie, Leadbelly ou en chantant leurs propres compositions généralement engagées. A partir de 1948, les Weavers disparaissent des ondes et des médias américains. L'heure est à la chasse aux sorcières menée par le sénateur McCarthy. Le nom de Seeger, membre du parti communiste américain (si si il existe...), figure très vite sur les listes noires. En 1955, il est convoqué devant le Comité des activités anti-américaines. Condamné par le Congrès à de la prison pour outrage à magistrat, il est libéré quelques mois plus tard. Entre temps, ses "disciples" - Dylan, Le Kingston Trio, Peter Paul and Mary - reprennent et popularisent les chansons et les messages de Seeger.

Le chanteur compose "Where have all the flowers gone?" en 1956. Cet  hymne pacifiste souligne l'absurdité des guerres. Reprise par le Kingston trio, la chanson remporte un très grand succès. Originaires de San Francisco, le groupe est le premier à populariser la musique folk engagée. Avec leurs têtes de premiers de la classe, des coupes de cheveux irréprochables, les trois membres du groupe séduisent un très large public.


Le Kingston trio

Le thème universel de la chanson explique sans doute son succès international. De nombreux interprètes ont repris cette chanson, notamment les chanteurs folk gravitant autour de Seeger, tels Joan Baez, Arlo Guthrie, le Kingston Trio ou Peter Paul and Mary.

"Where have all the flowers gone?" Pete Seeger.


Where have all the flowers gone?
Long time passing.
Where have all the flowers gone?
Long time ago.
Where have all the flowers gone?
The girls have picked them ev'ry one.
Oh, when will you ever learn?
Oh, when will you ever learn?

Where have all the young girls gone?
Long time passing.
Where have all the young girls gone?
Long time ago.
Where have all the young girls gone?
They've taken husbands, every one.
Oh, when will you ever learn?
Oh, when will you ever learn?

Where have all the young men gone?
Long time passing.
Where have all the young men gone?
Long time ago.
Where have all the young men gone?
They're all in uniform.
Oh, when will you ever learn?
Oh, when will you ever learn?

Where have all the soldiers gone?
Long time passing.
Where have all the soldiers gone?
Long time ago.
Where have all the soldiers gone?
They've gone to graveyards, every one.
Oh, when will they ever learn?
Oh, when will they ever learn?

Where have all the graveyards gone?
Long time passing.
Where have all the graveyards gone?
Long time ago.
Where have all the graveyards gone?
They're covered with flowers, every one.
Oh, when will they ever learn?
Oh, when will they ever learn?

Where have all the flowers gone?
Long time passing.
Where have all the flowers gone?
Long time ago.
Where have all the flowers gone?
Young girls picked them, every one.
Oh, when will they ever learn?
Oh, when will they ever learn?

..................

Que sont devenues les fleurs du temps qui passe?
Que sont devenues les fleurs du temps passé?
Les filles les ont coupé elles en ont fait des bouquets.
Apprendrons-nous un jour, apprendrons-nous jamais?

Que sont devenues les filles du temps qui passe?
Que sont devenues les filles du temps passé?
Elles ont donné leur bouquet aux gars qu'elles rencontraient.
Apprendrons-nous un jour, apprendrons-nous jamais?

Que sont devenus les gars du temps qui passe?
Que sont devenus les gars du temps passé?
Ils portent tous l'uniforme.
Apprendrons-nous un jour, apprendrons-nous jamais?

Que sont devenus les soldats du temps qui passe?
que sont devenus les gars du temps passé?
Que sont devenus les soldats?
Ils sont tous dans des cimetières.
Apprendrons-nous un jour, apprendrons-nous jamais?

Que sont devenus les cimetières du temps qui passe?
Que sont devenus les cimetières du temps passé?
Que sont devenus les cimetières?
Ils sont tous couverts de fleurs, tous.
Apprendrons-nous un jour, apprendrons-nous jamais?

Que sont devenues les fleurs du temps qui passe?
Que sont devenues les fleurs du temps passé?
Sur les tombes elles ont poussé d'autres filles vont les couper.
Apprendrons-nous un jour, apprendrons-nous jamais?

jeudi 7 août 2008

75. Jean Yanne "Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil !"




Une fois n’est pas coutume, abordons aujourd’hui la chanson titre d’un film et au passage ce film lui-même. En 1972, l’acteur et humoriste Jean Yanne, qui s’est fait connaître en incarnant sur scéne et à l’écran le français moyen raleur et opportuniste, passe pour la première fois derrière la caméra pour tourner « Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil », satire féroce des médias de son époque et démolition en règle de la société de consommation effrénée du début des années 70. Comme dans la plupart de ses films, Jean Yanne se réserve le rôle principal, celui d’un journaliste radiophonique chargé par sa station de redresser par tous les moyens l’audience de "Radio Plus" . Notamment en se servant avec succès de la religion et de Jésus pour vendre un maximum d’espaces publicitaires aux annonceurs. Mais de plus en plus écœuré par ce qu’on lui fait faire, il commence à glisser des messages subversifs envers la religion et surtout les pouvoirs en place, ce qui commence à provoquer la panique en haut lieu.



Si le film est resté très actuel sur le fond (on se rappelle les propos de Patrick Le Lay ancien patron de TF1 confessant que son métier consistait à "vendre du temps de cerveau disponible à Coca Cola"), la forme très marquée dans son époque est elle typique de la vague contestataire post 68 et rappelle les audaces de la presse alternative de l’époque. D'un "Charlie Hebdo" première époque ou d’un "Hara Kira". Petits moyens, aspect visuel un peu fouillis et spontané, grossièreté libératrice et assumée, irrespect complet des institutions. Religion, armée, patronat mais aussi chez Yanne, plus anarchiste et individualiste, que gauchiste encarté dans un parti, syndicats et étudiants en prennent pour leur grade.


Le film se déroule dans le monde de la radio. Au début des années 70, la télé est encore réduite à deux chaînes d’état, où la publicité vient juste d’arriver. Solidement encadré par "le ministère de l'information", dans le cadre de l'Office de la Radio et de la Télévision Française, elle n'a aucune liberté éditoriale. Si la télé est donc monopole d’état, ce n’est pas le cas de la radio. Dans ces années 70, pas de bande FM. Il n'existe que les Grandes Ondes et un nombre très réduit de stations. Il y a bien sûr les radios d'états sous le sigle RTF (dont Inter et les ancêtre de France Culture et Musique), aussi surveillées que la télé, mais il existe aussi trois radios privées qui vivent de la pub ("Europe 1", "Radio Luxembourg" et "Radio Monte Carlo").
Elles ont après la seconde guerre mondiale profité d'une faille dans la législation sur le monopole des télécommunications en émettant au depart non depuis la France mais depuis l'étranger (Luxembourg, Monaco ou Allemagne pour Europe 1). Elles ont finies par être tolérée par le pouvoir et se sont pour la plupart installées à Paris. Ce sont des médias extrêmement populaires justement par leur liberté de ton par rapport à la télévision ou la radio d’état cadenassée par le ministère de l’information. Mais une liberté surveillée par les pouvoirs publics comme par leurs annonceurs qui ne veulent pas trop de vagues.


Jean Yanne brocarde un milieu qu’il connaît bien pour y avoir travaillé et dont il voit de plus en plus la dérive commerciale. Il s’entoure au passage d’un casting d’ami dont Bernard Blier, Michel Serraut, Jacques François, Daniel Prévost. C'est une production à petit budget, Yanne en étant le principal producteur. Le film est aussi très largement musical, Jean Yanne épaulé par l’excellent compositeur de musique de film Michel Magne rédige de nombreuses chansons qui sont l’un des grands ressorts satirique du film. Il s’inspire des grandes comédies musicales libertaires, telles "Hair" ou "Jésus Christ Superstar" qui se sont réappropriées le messie barbu au cheveux longs pour en faire un icône du peace and love »

La chanson du générique, avec son titre gnan gnan resume toute l'ironie du film, jouant sur cette apparente naïveté du retour à une religion de l’amour au milieu des tumultes du monde.


Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil !

Quand les pavés volent, comme de grands oiseaux gris,

en plein dans la gueule des flics au regard surpris.

Quand ça Gay-Lussac, lorsque partout l'on entend

le bruit des matraques sur les crânes intelligents.

Dans la douceur de la nuit, le ciel m'offre son abri,

et je pense à Jésus Christ, celui qu'a dit :

Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil !

Le monde est beau, tout le monde il est gentil (4x)



Quand dans le ciel calme, l'avion par-dessus les toits,

verse son napalm sur le peuple indochinois.

Quand c'est la fringale, lorsqu'en place d'aliment,

les feux du Bengale cuisent les petits enfants.

Dans la tiédeur de la nuit, la prière est mon appui,

car je pense à Jésus Christ, celui qu'a dit :

Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil !

Le monde est beau, tout le monde il est gentil (4x)



Quand ça jordanise, quand le pauvre fedayin

copie par bêtise la prose à monsieur Jourdain.

Quand le mercenaire ne songe qu'à vivre en paix

et se désaltère avec un demi Biafrais.

Dans la fraîcheur de la nuit, je me sens tout attendri

en pensant à Jésus Christ, celui qu'a dit :

Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil !

Le monde est beau, tout le monde il est gentil (7x)




La chanson accompagné d'un générique final en dessin animé trés marqué 70's de Tito Topin




Sur un ton faussement détaché, on retrouve tout ce qui fait la une de l’actualité au tournant des années 70 : Tout d’abord les échos de mai 68, (la rue Gay Lussac fut une de celle où les affrontements entre les manifestants et la police furent parmi les plus violentes), puis le rappel de la guerre au Vietnam et des grandes famines sur fond de guerre civile du Bengladesh.

Le troisième couplet évoque les troubles du Proche Orient, notamment les massacres de Palestiniens organisés par le gouvernement jordanien qui a peur d’être renversé par l’afflux de réfugiés fuyant les guerres israélo palestinienne. Les Fedayins sont les combattants palestiniens qui vont commettre par la suite de spectaculaires opérations terroristes pour frapper l’opinion publique. Quand au Jourdain rappelons que c’est le grand fleuve frontière avec Israël.


Enfin c’est le conflit au Biaffra, région du Nigeria où se déroule une spectaculaire famine utilisée comme arme de guerre par le gouvernement central contre les populations locales révoltées. Les richesses du sous-sol y attirèrent tout un tas de mercenaires européens qui attisèrent le conflit pour mieux piller le pays.

Devant autant de violence pourquoi ne pas se réfugier dans les bras accueillants de la société de consommation pompidolienne quasi divinisée… Au passage, dans une autre chanson du film, Jean Yanne en profite aussi pour se moquer tant de la société de consommation que des parti politiques d'où ces allusions aux autocritiques très en vogue chez les maoïstes ou du culte du grand homme providentiel cher aux gaullistes.



Oh doux Jésus mon doux Jésus (X4)

Jésus Christ dit aux apôtres :"Suivez moi, marchez sur l'eau !"

Sans se mouiller les uns les autres, les voilà qui suivent aussitôt.

Jésus Christ a donc, c'est comique, inventé le ski nautique,

A-allé-élou-ouia, a-allé-élou-ouia

Alléluia (Chorus)


Jésus Christ dit qu'on m'apporte, quelques pains quelques poissons,

Je les multiplie par millions, et les Hébreux se réconfortent.

Jésus Christ a donc quelle malice, inventé le Self Service,

A-allé-élou-ouia, a-allé-élou-ouia,

Alléluia (Chorus)


Jésus Christ dans le silence, du jardin des oliviers,

Dit je voudrais m'accuser, de ma désobéissance.

Jésus cris a donc, c'est unique, inventé l'autocritique

A-allé-élou-ouia, a-allé-élou-ouia

Alléluia (Chorus)


Jésus Christ dit à ses sbires, je suis le sauveur attendu,

Et lorsque vous ne m'aurez plus, vous pouvez vous attendre au pire

Jésus Christ a donc quel cynisme, inventé l'après Gaullisme,

A-allé-élou-ouia, a-allé-élou-ouia,

Alléluia (Chorus ad lib.)




Pour terminer, voici le baroud d’honneur du personnage interprété par Jean Yanne poussé à la démission et lancé à la face de son directeur d’antenne joué par Jacques François qui lui reproche d'avoir été trop loin et d'indisposer les annonceurs.

"Plantier, vous êtes un con. Vous me trouvez grossier,
et moi, mon cher ami, je vous trouve vulgaire.
Vous ne comprenez pas ? Je vais vous expliquer :
Dire merde ou mon cul, c’est simplement grossier.
Maintenant voyons donc tout ce qui est vulgaire :
Prendre une voix feutrée et sur un ton larvaire
Vendre avec les slogans au bon con d’auditeur
Les signes du zodiaque ou le courrier du cœur.
Connaissant son effet sur les foules passives
Faire appel à Jésus pour vanter la lessive.
Employer les plus bas et les plus sûrs moyens
Faire des émissions sur les vieux, sur la faim
Le cancer. Enfin, jouer sur les bons sentiments
Afin de mieux fourguer les désodorisants.
Tout cela c’est vulgaire, ça pue, ça intoxique
Mais cela fait partie du jeu radiophonique
Vendre la merde, oui, mais sans dire un gros mot
Tout le monde est gentil, tout le monde il est beau
Mais là, mon cher Plantier, vous ne pouvez comprendre
Et dans un tel combat, je ne puis que me rendre
Alors Plantier, salut, je préfère me taire
Je crains, en continuant, de devenir vulgaire."




Le tout en alexandrins, s’il vous plait. 36 ans plus tard, un constat sur l’évolution des médias en France qui reste largement valable…

dimanche 3 août 2008

74. Fausto Amodei:"Per i morti di Reggio Emilia" (1960).

En Italie, la formation du gouvernement Tramboni en 1960 se réalise grâce au soutien du parti néo fasciste, le Mouvement social italien (MSI). Cette alliance provoque plusieurs soulèvements ouvriers et des affrontements avec la police, incitée par le gouvernement à ouvrir le feu "en cas d'urgence". Au total, la répression très lourde se solde par la mort de dix ouvriers et des centaines de blessés. 

A Reggio Emilia, lors d'une de ces manifestations, la police tire sur les manifestants. Aussitôt, le chanteur-compositeur Amodei (1) écrit sa plus célèbre chanson, qui deviendra un hymne pour toute la gauche italienne, Morti di Reggio Emilia. Il y égrène les noms des cinq ouvriers militants du parti communiste abattus par la police. Le chanteur invite les survivants à prolonger le combat entamé par les victimes, à ne pas briser la chaîne de solidarité qui lie combattants d'hier et ceux qui poursuivent la lutte. Amodei entretient aussi la mémoire ouvrière et combattante de la guerre d'Espagne, puis de la résistance dont il mentionne deux chants emblématiques ("Bandiera rossa"/"Fischia el vento").



Notes: 
1. Fausto Amodei est un auteur-compositeur-interprète italien. Diplômé en architecture, il étudie l'accordéon et s'intéresse aux traditions populaires piémontaises. En 1958, avec d'autres, il est à l'initiative du groupe des Cantacronache, premier vrai mouvement pour une chanson populaire et politique en Italie.

Fausto Amodei:"Per i morti di Reggio Emilia" (1960).

Compagno cittadino, fratello partigiano,
teniamoci per mano in questi giorni tristi:
di nuovo a Reggio Emilia, di nuovo là in Sicilia
son morti dei dei compagni per mano dei fascisti.

Di nuovo, come un tempo,sopra l'Italia intera
urla il vento e soffia la bufera.

A diciannove anni è morto Ovidio Franchi
per quelli che son stanchi o sono ancora incerti.
Lauro Farioli è morto per riparare al torto
di chi si è già scordato di Duccio Galimberti.

Son morti sui vent'anni, per il nostro domani:
son morti come vecchi partigiani.

(...)
Compagni, sia ben chiaro che questo sangue amaro
versato a Reggio Emilia, è sangue di noi tutti

(..)
Il solo vero amico che abbiamo al fianco adesso
è sempre quello stesso che fu con noi in montagna,
ed il nemico attuale è sempre e ancora eguale
a quel che combattemmo sui nostri monti e in Spagna

Uguale è la canzone che abbiamo da cantare:
Scarpe rotte eppur bisogna andare.

Compagno Ovidio Franchi, compagno Afro Tondelli,
e voi, Marino Serri, Reverberi e Farioli,
dovremo tutti quanti aver, d'ora in avanti,
voialtri al nostro fianco, per non sentirci soli.

Morti di Reggio Emilia, uscite dalla fossa,
fuori a cantar con noi Bandiera rossa,
fuori a cantar con noi Bandiera rossa!

......................
"Pour les morts d'Emilie-Romagne" _ F. Amodei (1960).
"Camarades citoyens / frère partian / Tenons-nous par la main / en ces jours tristes / De nouveau en Emilie-Romagne / De nouveau là-bas en Sicile / des camarades sont morts / Tués par des fascistes.
De nouveau comme autrefois / sur l'Italie tout entière / le vent hurle et la tempête fait rage.
A dix-neuf ans / Ovidio Franchi est mort / Pour ceux qui se sont lasss où sont encore indécis / Lauro Farioli est mort / Pour réparer la faute de ceux qui ont déjà oublié / Ducio Galimberti
Ils sont morts à vingt ans / Pour notre futur / ils sont morts comme de vieux partisans
(...) Camarades, que ce soit bien clair / Ce sang si amer / versé en Emilie-Romagne / de nous tous c'est le sang
(...)L'ennemi actuel / c'est toujours et encore le même / c'est celui que nous combattions / sur nos montagnes et en Espagne
C'est toujours la même chanson / que nous devons chanter / Chaussures déchirées, pourtant il faut avancer"
Copagnon Ovidio Franchi / Camarade Afro Tondelli / Et vous MarinoSerri / Reverberi et Farili / nous devrons tous ensemble dorénavant / vousvoir à nos côtés / pour ne pas nou sentir seuls
Monts d'Emilie-Romagne! / Sortez de la tombe! / Sortez dehors, avec nous pour chanter Bandiera Rossa."

Source:
- Christophe Traïni: "La musique en colère", coll. Contester, ScinencesPo Les Presses, 2008.

Liens:
- une biographie de F. Amodei.
- Pour ceux qui parlent italien.

vendredi 1 août 2008

73. Marlena Shaw:"Woman of the ghetto".

Le 22 septembre 1942, Marlena Shaw voit le jour dans un famille de Jazzmen. Initiée par son oncle, Jimmy Burgess, elle se produit à seulement 10 ans sur la scène de l'Apollo Theater! Après plusieurs années passées dans les écoles de musique de New York, elle rejoint un trio de jazz dirigé par Howard Mc Ghee. En 1966, elle enregistre une version de Mercy, Mercy, Mercy qui connaît un grand succès. Bientôt, elle rejoint l'orchestre de Count Basie, qui l'a repéré.




Bientôt, la chanteuse vole de ses propres ailes et rejoint Blue Note. Pour le prestigieux label, elle enregistre cinq albums sur lesquels figurent quelques titres sublimes comme ce "Woman of the gettho". Magnifiquement interprété, le morceau dénonce les inégalités sociales et raciales qui gangrènent la société américaine. En tant que femme du ghetto, elle interpelle les hommes politiques, toujours velléitaires et timorés lorsqu'il s'agit de prendre à bras le corps les difficultés quotidiennes des Afro-Américains. Quelques années seulement après l'obtention de grandes lois censées établir une véritable égalité entre Blancs et Noirs, les différences de traitement restent flagrantes, y compris dans le Nord du pays. Les quartiers centraux des grandes métropoles délaissés par les classes moyennes blanches sont devenus des ghettos où se concentrent les plus pauvres, presque toujours noirs. La stricte séparation socio-spatiale entretient une ségrégation raciale pourtant devenue illégale.
Après des décennies de soumission , le titre s'inscrit dans le mouvement de fierté noire assumée (black pride). Il peut être considéré comme le pendant féminin du "say it loud" de James Brown.

Marlena Shaw: "Woman of the gettho"
"I was born, raised in a ghetto
I was born and raised in a ghetto
I'm a woman, of the ghetto
Won't you listen, won't you listen to me, legislator?

Je suis née et j'ai grandi dans le ghetto
je suis née et j'ai grandi dans le ghetto
je suis une femme du ghetto
Pourquoi ne m'écoutes-tu pas ?

How do you raise your kids in a ghetto?
How do you raise your kids in a ghetto?
Do you feed one child and starve another?
Won't you tell me, legislator?

Comment élever ses enfants dans le ghetto?
Comment élever ses enfants dans le ghetto?
Nourris-tu un enfant et affames-tu l'autre?
Qu'en dis-tu législateur?

Enthralled through
I know that my eyes ain't blue
But you see I'm a woman
Of the ghetto

Je sais que mes yeux ne sont pas bleus
mais tu vois je suis une femme du ghetto

I'm proud, free,
Black, that is me
But I'm a woman of the ghetto

Je suis fière, libre
noire, c'est moi,
je suis une femme du ghetto

How does your heart feel late at night?
How does your heart feel late at night?
Does it beat with shame, or does it beat with pride?
Won't you tell me, legislator?

Qu'y a-t-il au fond de ton coeur tard la nuit?
Qu'y a-t-il au fond de ton coeur tard la nuit?
Bat-il avec honte? Bat-il avec fierté?
Vous ne me répondez pas, législateur?

Puts me in the mind of,
come and cross the water in a boat
Chained, tied together

Garde à l'esprit,
que nous avons traversé la mer dans un bateau,
enchaînés, liés les uns aux autres

They said, "no, no, they're really not men and women,
just chain 'em up, tie 'em up, chain 'em up, tie 'em up,
chain 'em up, tie 'em up, work, work, work"
There where the movement came from

Ils ont dit "Ce ne sont pas vraiment des hommes et des femmes
enchaîne-les, lie les, enchaîne-les, lie-les ...
travaille, travaille, travaille"
C'est là d'où nous venons

Say no, no...

Dites non, non...

My childrens learned just the same as yours
As long as nobody tries to close the door
They cry with pain when the knife cuts deep
They even close their eyes when they wanna sleep

Mes enfants apprennent juste comme les tiens
aussi longtemps qu'on ne lui ferme pas la porte
ils crient de douleur lorsque le couteau s'enfonce
ils ferment même les yeux quand ils veulent dormir

Now peace, you say
is all that you ask
But self-respect is a separate task

Maintenant, la paix
c'est tout ce que tu demandes
mais le respect de soi est une autre paire de manche

You may be sitting up there
in your ivory tower
60 stories tall

Vous êtes assis là
dans votre tour d'ivoire
de 60 étages

I know that you may have checked out at least one ghetto
But I wonder have you lived there at all.

Je sais que vous avez sans doute fait un tour dans un ghetto
mais je me demande si vous n'y avez jamais vécu.

Places like Watts,
ah, Holland, tell me
Chicago, ah tell me
Washington got some too
I have been up on the mountains.

Dans des endroits comme le Watts,
Hollande,
Chicago,
Washington en a aussi
J'ai grimpé dans les montagnes.

And I'm free at last
I say I'm free at last
I've seen the children dying
And I've been one of the mothers who was crying.

Je suis libre au bout du compte
je dis que je suis libre
j'ai vu les enfants mourir
et je fus une des mères qui versaient des larmes.

I am a woman
I am a woman
I am a woman, yes I
I said that I am,
I mean that I am,
I'm the woman, I'm the woman, I'm the woman of the ghetto

je suis une femme (3X)
Je suis la femme, je suis la femme du ghetto

Strong, true,
A woman
A woman

Forte, autenthique
une femme
une femme