Pochette du disque de Barry Sadler.
Bien loin du protest song ou des chants révolutionnaires, voici un hymne à l'armée américaine, envisagée comme ultime rempart face à l'avancée communiste, sur fond de guerre du Vietnam.
Ce morceau du Staff Sergeant Barry Sadler date de 1965. L’escalade militaire a débuté au Vietnam, mais les protestations contre l’intervention américaine restent alors extrêmement minoritaires.
A ce titre, ce morceau semble très représentatif de l’état d’esprit de la majorité silencieuse américaine d'alors. Cet élément est à bien prendre en compte, tant le succès a posteriori des chanteurs rocks protestataires, ou en tout cas critiques, peut brouiller les repères. Et si, au fil du conflit, l'opinion américaine se montre de plus en plus rétive à l'idée d'envoyer ses boys au Vietnam, une majorité d'Américains n'en soutient pas moins son gouvernement dans son œuvre de "défense de la démocratie" face au péril communiste.
Cela permet aussi de souligner à quel point le phénomène protest restait minoritaire à l’époque.
Le lieutenant colonel Robert L. Stirm retrouve sa famille, après avoir passé 5 ans en captivité comme prisonnier de guerre au Nord Vietnam (1973 © Slava Veder).
L’interprète et auteur de la chanson, le Staff Sergeant Barry Sadler est parti pour le Vietnam à l’époque des premiers « conseillers militaires ». Il devient très vite, un vrai héros de la guerre. En effet, lors d'une mission, il perd une moitié de jambe dans un piège de bambous empoisonnés qui provoque une infection de la blessure. Mais, l'homme a de la ressource. Il s'opère seul et se rétablit lentement à l'hôpital. Dès 1965, il compose cette ode aux bérets verts, le prestigieux corps d’élite de l’armée américaine ("Aujourd'hui, une centaine d'hommes seront testés /
mais trois seulement obtiendront le béret vert."). La chanson raconte l’histoire d’un soldat mourant qui s’adresse à son épouse. Le dernier couplet de la chanson s'avère particulièrement pathétique.
Les valeurs traditionnelles américaines sont ici défendues:
- le patriotisme qui anime nombre de soldats ("Les ailes d'argent sur la poitrine /
ces hommes, sont ce que l'Amérique compte de meilleur").
-le sentiment de défendre la liberté, ou en tout cas une juste cause ("il est mort pour les opprimés").
- la glorification de l’armée.
Barry Sadler, un véritable héros de guerre.
Le disque sort en janvier 1966, quelques mois après la publication du roman de Robin Moore, "Les bérets verts", un best-seller qui exalte lui aussi le corps d'élite de l'armée américaine. Il s’écoule plus d’un million d’exemplaires du morceau dès le week-end qui suit la sortie du disque, dont le lancement est même soutenu par le Pentagone. Il restera n°1 durant cinq semaines et sera le disque le plus vendu de 1966 !!!
Le morceau sera repris à de trop nombreuses reprises, dans le monde entier. En France, Bernard Minet se fendra de son "Petit tambour", tandis que dès 1966, Bernard Tapy (en version chanteur) entonnera l'inoubliable, et pourtant oublié ", passeport pour le soleil"... Bon, comme il ne faut pas abuser des bonnes choses, je vous épargne la multitude d'autres reprises du morceau qui existent (80 artistes différents enregistrent leurs versions du morceau de Sadler en 1966).
Après le roman de Moore, la chanson de Sadler, on peut s'étonner de l'échec commercial du film "Green berets", réalisé et interprété par le très conservateur John Wayne. Mais, à y regarder de plus près, le fiasco était prévisible. En effet, le film sort en 1968, deux ans après le roman et la chanson précédemment évoqués. La situation s'est considérablement détériorée au Vietnam et l'opinion semble de plus en plus lasse de cette guerre meurtrière à l'issue improbable.
Le brave Sadler décédera en 1989, un an après avoir été blessé par balle, au Guatemala, où il entraînait les contras nicaraguayens (alliés désignés de l'URSS, ... oops je voulais dire "l'Empire du mal", que Reagan s'était promis de détruire).
Barry Sadler:"Ballad of the green berets" (1965).
"Fighting soldiers from the sky
Fearless men who jump and die
Men who mean just what they say
The brave men of the Green Beret
Chorus:
Silver wings upon their chest
These are men, America's best
One hundred men will test today
But only three win the Green Beret
Trained to live off natures land
Trained in combat, hand-to-hand
Men who fight by night and day
Courage peak from the Green Berets
(Chorus) Silver wings upon their chest
These are men, America's best
One hundred men will test today
But only three win the Green Beret
Back at home a young wife waits
Her Green Beret has met his fate
He has died for those oppressed
Leaving her his last request
"Put silver wings on my son's chest
Make him one of America's best
He'll be a man they'll test one day
Have him win the Green Beret"
(Chorus) Silver wings upon their chest
These are men, America's best
One hundred men will test today
But only three win the Green Beret
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Ces combattants venus du ciel /
des hommes sans peur, qui sautent et meurent /
des hommes qui font tout ce qu'ils disent /
les braves gars au béret vert
Refrain
Les ailes d'argent sur la poitrine /
ces hommes, sont ce que l'Amérique compte de meilleur /
Aujourd'hui, une centaine d'hommes seront testés /
mais trois seulement obtiendront le béret vert."
Exercés pour vivre en milieu hostile /
Prêts pour combattre, en corps-à-corps /
des hommes qui combattent de jour comme de nuit /
Armés de courage par leurs bérets verts
Refrain
Les ailes d'argent sur la poitrine /
ces hommes, sont ce que l'Amérique compte de meilleur /
Aujourd'hui, une centaine d'hommes seront testés /
mais trois seulement obtiendront le béret vert."
A la maison une jeune femme attend /
son béret vert a rencontré son destin /
il est mort pour les opprimés /
en lui laissant sa dernière volonté /
'Epingle les ailes d'argent sur la poitrine de mon fils /
fais-en l'un des meilleurs d'Amérique /
il sera de ces hommes qu'ils testeront un jour /
fais lui gagner le béret vert"
Refrain
Les ailes d'argent sur la poitrine /
ces hommes, sont ce que l'Amérique compte de meilleur /
Aujourd'hui, une centaine d'hommes seront testés /
mais trois seulement obtiendront le béret vert."
Source:
- Y. Delmas et C. Gancel:"Protest song", Textuel, Paris, 2005, p 159.
Merci Julien pour cet article.
RépondreSupprimerEt en plus une bonne vieille chanson militariste, ça nous change de tous ces hymnes pacifistes...
Excellent, une vraie découverte. Où as-tu déniché ce type?
RépondreSupprimerJ'ignorais tout de ce brave Barry jusqu'à la lecture de l'excellent "Protest song" d'Yves Delmas et Charles Gancel, chez Textuel. Je te le passerai (le bouquin, pour le disque....) lorsqu'on se croisera (pendant les vac's?).
RépondreSupprimerJ.
On connaissait le Peace and love mais on découvre qui'il existait aussi le war and hate
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