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lundi 6 juillet 2009

175. Joni Mitchell: "Woodstock". (1969)

Les 15, 16 et 17 août 1969, plus de 500 000 individus participent au festival musical de Woodstock.


A l'origine du projet se trouvent quatre jeunes hommes. John Roberts et Joel Rosenman disposent d'un héritage important à faire fructifier. Ils publient une annonce dans le New York Times: "jeunes hommes avec un capital illimité cherchent des opportunités d'investissement intéressantes et des propositions d'affaires".
Artie Kornfeld, le vice-président de Capital Records, et Michael Lang, un hippie, qui vient d'organiser avec succès le Miami pop festival, tombent sur l'annonce et y voient aussitôt la manne nécessaire à l'organisation d'un autre grand festival musical.

Tous les quatre fondent alors Woodstock ventures avec pour objectif d'organiser un festival gigantesque. Ils avancent le chiffre ambitieux de 50 000 personnes (le festival en accueillera près de 10 fois plus!!!).

Des trombes d'eau s'abattent sur le festival transformant le terrain en un vaste bourbier.


Le choix du site de l'événement s'avère ardu.

Les organisateurs optent d'abord pour la ville de Woodstock, où habitent Dylan ainsi que beaucoup d'autres musiciens. Face au refus de la municipalité, ils se rabattent sur un terrain de 60 acres loué 50 000 dollars à un fermier nommé Max Yasgur, sur la commune de Bethel, soit à plus de 100 km de Woodstock. Le festival continuera pourtant à s'appeler "Woodstock", nom plus porteur que celui de Bethel.

Les publicités promettaient de passer du bon temps. "Trois jours de paix et de musique. Des centaines d'hectares à parcourir. Promène toi pendant trois jours sans voir un gratte-ciel ou un feu rouge. Fais voler un cerf-volant. Fais-toi bronzer. Cuisine toi-même tes repas et respire de l'air pur".


Manifestement, le message séduit puisque plus de 500 000 spectateurs assisteront à l'événement. Face à une telle affluence, les difficultés logistiques abondent:



- les axes d'accès aux lieux de concert sont saturés et des embouteillages monstres se forment, obligeant à utiliser des hélicoptères pour amener les artistes de leurs hôtels à la scène de spectacle.

- une très petit nombre de spectateurs acquitte les 18 dollars d'entrée du festival. Par la force des choses, il se transforme en un spectacle gratuit. Les piquets fermant l'accès au site sont arrachés rendant ainsi la billetterie inopérante.


- la pénurie de nourriture est manifeste. D'ailleurs lors de son concert, Janis Joplin lance aux spectateurs:"s'il vous reste quelque chose à manger, le gars à votre droite est votre frère, et la fille à votre gauche est votre sœur, alors partagez en toute fraternité".
Les organisateurs du rassemblement sont très vite totalement dépassés devant l'affluence record. Le système D s'impose.

- les conditions sanitaires s'avèrent catastrophiques. Les toilettes, prévues pour un auditoire dix fois moins important, manquent cruellement. Les ordures s'amoncellent dangereusement.

- Enfin, pour couronner le tout, des trombes d'eau transforment vite le terrain en un gigantesque bourbier.

Près d'un demi-million de jeunes Américains assistent au festival.
Or, assez miraculeusement, le festival se déroule de manière plutôt satisfaisante.
A l'issue des trois jours, on dénombrera:
- trois morts, dus à une overdose, une appendicite mal soignée et un accident de tracteur.
-deux naissances
- et, selon Tim Leary, "100 000 trips au LSD".

Mais on ne déplore aucune bataille sérieuse, ni viols ni meurtres sur ce site densément occupé. Au contraire les photographies et le film consacré à l'événement montrent une foule hirsute pacifique et heureuse, partageant des valeurs communes: le refus de la guerre du Vietnam, du capitalisme triomphant et de la société de consommation. Cette jeunesse adopte un mode de vie qui choque leurs aînés: avec une liberté sexuelle revendiquée, le port de vêtements bariolés et informes, la consommation de drogues afin d'ouvrir bien grand "les portes de la perception"...

Bain collectif.

Ce festival constitue bien la manifestation d'une culture (ou plutôt d'une contre-culture), l'expression d'une communauté d'esprit et d'un mode de vie. On appellera d'ailleurs "Woodstock nation", la génération que ce concert gigantesque représenta. Surtout, Woodstock consacre l'avènement d'une musique de masse, savant mélange de folk, folk-rock, rock, psychédélique ou pas. Pour Yves Delmas et Charles Gancel:"Woodstock demeure (...) l'expression d'une volonté de changement, aussi collective qu'utopiste. Derrière la pacifique rébellion contre le racisme et la guerre du Vietnam se dresse l'incroyable capacité de la musique à rassembler la jeunesse et à incarner ses valeurs avec optimisme."

Affiche de l'événement.

En effet, le festival reste avant tout un événement musical.
Tout au long des trois jours du festival, 32 artistes se succèdent sur scène.
Quelques grands absents peuvent être relevés (Stones trop violents au goût des organisateurs; Beatles qui ne tournent plus; Dylan, qui n'a que mépris pour les hippies, se remet lentement d'un accident de moto; Jim Morrisson, le leader des Doors, craint pour sa vie ...), le festival rassemble néanmoins du beau monde: le meilleur de la scène californienne, ainsi que certaines étoiles montantes de la scène musicale internationale.
Voici les groupes et chanteurs à l'affiche de ces trois jours:

- le vendredi 14 août se succèdent sur scène les folkeux Richie Havens, Tim Hardin, Arlo Guthrie, Joan Baez, le sitariste Ravi Shankar.


Richie Havens ouvre les hostilités
- le samedi 15 est consacré à la musique rock: folk- rock avec Country Joe McDonald ou John B. Sebastian, rock latino avec Santana, blues-rock avec Canned Heat, Creedence Clearwater Revival, Janis Joplin et son Kozmic blues band, acid-rock avec le Grateful Dead et le Jefferson Airplane, funk psychédélique avec Sly and the Family Stone, enfin le rock brutal et efficace des Who.

Grace Slick du Jefferson Airplane à Woodstock.

- le dimanche 16 voit se succéder sur scène Joe Cocker, Country Joe & The Fish, Ten Years After, The Band sans Dylan (en froid avecle mouvement hippie), le gutariste de blues albinos Johnny Winter, Blood Sweat And Tears, Crosby, Stills, Nash & Young.
- Enfin, le Paul Butterfield Blues Band et Jimi Hendrix clôturent ce festival le lundi 17.

Jimi Hendrix maltraite l'hymne américain et clôt en beauté le festival.

Sur ces différents concerts, voir cet article.

Pour terminer, laissons la parole à Max Yasgur, propriétaire opportuniste du terrain sur lequel se déroule les festival, qui lance à l'auditoire le dimanche 16 dans l'après-midi:"Je crois que vous avez prouvé au monde qu'un demi million de jeunes peuvent se rassembler pendant trois jours pour avoir du bon temps et de la musique. Que Dieu vous bénisse pour cela". 


 
En 1969, Joni Mitchell compose pour son compagnon d'alors, Graham Nash. Elle même n'est pas à Woodstock et suit le festival par écran interposé. Le morceau sera repris par Crosby Stills and Nash
"Woodstock" Joni Mitchell (1969).


I came upon a child of God
He was walking along the road
And I asked him, where are you going
And this he told me
I'm going on down to Yasgur's farm
I'm going to join in a rock 'n' roll band
I'm going to camp out on the land
I'm going to try an' get my soul free

Je suis tombé par hasard sur un enfant de Dieu
Il cheminait le long de la route
Et je lui ai demandé où il allait
Et il m'a répondu ceci
Je descends à Yasgur's farm
Je vais rejoindre un groupe de Rock
Je vais camper à la campagne
Je vais essayer de libérer mon âme

We are stardust
We are golden
And we've got to get ourselves
Back to the garden

Nous sommes de la poussière d'étoiles
Nous sommes de l'or
Et il nous faut retourner
Au jardin d'Eden

Then can I walk beside you?
I have come here to lose the smog
And I feel to be a cog in something turning
Well maybe it is just the time of year
Or maybe it's the time of man
I don't know who l am
But you know life is for learning

Alors puis-je marcher à tes côtés ?
Je suis venu ici pour fuir le brouillard
Et j'ai le sentiment d'être un maillon du changement en cours
Eh bien c'était peut-être dû à l'époque de l'année
Ou peut être à l'époque de l'humanité
Je ne sais pas qui je suis
Mais tu sais que la vie permet d'apprendre

We are stardust
We are golden
And we've got to get ourselves
Back to the garden

Nous sommes de la poussière d'étoiles
Nous sommes de l'or
Et il nous faut retourner
Au jardin d'Eden

By the time we got to Woodstock
We were half a million strong
And everywhere there was song and celebration
And I dreamed I saw the bombers
Riding shotgun in the sky
And they were turning into butterflies
Above our nation

Quand nous arrivâmes enfin à Woodstock
Notre groupe était fort d'un demi-million
Et partout on chantait et on commémorait
Et je rêvais que je voyais les bombardiers
Transportant des armes dans le ciel
Et ils se métamorphosaient en papillons
En survolant notre nation

We are stardust
Billion year old carbon
We are golden
Caught in the devil's bargain
And we've got to get ourselves
Back to the garden


Nous sommes de la poussière d'étoiles
Du carbone vieux d'un milliard d'années
Nous sommes de l'or
Empétrés dans des marchandages avec le Diable
Et il nous faut retourner
Au jardin (d'Eden)



Sources:
- Yves Delmas et Charles Gancel:"Protest song. La chanson protestataire dans l'Amérique des sixties", Textuel, 2005.
- Jacques Barsamian et François Jouffa:"L'encyclopédie du rock américain", Michel Lafon, 1996.
- Jean-Yves Reuzeau:"Janis Joplin", folio biographies, 2007.

Liens: * Sur Lire-Ecouter-Voir:
- Le festival de Monterey.
- "Le cauchemar d'Altamont, la fête est finie".
- Sur le Summer of love et le mouvement hippie.
- Les chansons anti-guerre du Vietnam.
- Dossier 1968.
- L'agitation sur les campus américain par E. Augris.

* Ailleurs:
- un bon site avec un article limpide sur l'événement.
- un site riche en photographies.
- Un site consacré à la prestation de Ten Years After à Woodstock.

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