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Trois grands navir's chargés de blé,
Des pommes, des poir's, des raves, des choux,
Des figues, des fraises, du raisin doux.
Trois dam's s'en vont les marchander,
Des pommes, des poires, de gros navets.
Gentil marin, combien ton blé,
Des pommes, des poir's, des raves, des choux,
Des figues, des fraises, du raisin doux.
Entrez, mesdames; vous le verrez
Des pommes, des poires, de gros navets.
La plus jeune eut le pied léger,
Des pommes, des poir's, des raves, des choux,
Des figues, des fraises, du raisin doux.
Dans le navire la dame a sauté,
Des pommes, des poires, de gros navets.
Mais le navire a démarré,
Des pommes, des poir's, des raves, des choux,
Des figues, des fraises, du raisin doux.
Au large, au large il a tant viré
Que la belle se mit à pleurer.
La la …
La belle qu'avez-vous à pleurer,
Des pommes, des poires, de gros navets.
Jamais la terre ne reverrai.
Des pommes, des poir's, des raves, des choux,
Des figues, des fraises, du raisin doux.
Épousez donc le beau marinier,
Des pommes, des poires, de gros navets.
Et sur la terre j'vous ramèn'rai.
Des pommes, des poir's, des raves, des choux,
Des figues, des fraises, du raisin doux.
Certes, Jacques Douai va paraître un peu décalé sur l'Histgeobox. Ce chanteur troubadour (qu'il ne faut pas confondre avec Marcel Amont) , incarnation d'une chanson française un peu désuète, égraine, dans "Au port du Havre" (1978), le nom des denrées périssables fraîchement débarquées depuis le port normand. Curieuse vision de carte postale qui donne du Havre une image fort éloignée de la réalité.
Le Havre : fondation, apogée, renaissance.
Plan du port, maison de l'armateur. On distingue dessus les bastions en forme d'éperons . [photo@vservat] |
Après une année de travaux d’aménagements, le port est presque prêt l’année suivante. Pour le rendre viable, il est nécessaire de l’entourer d’une ville. Pour y attirer de nouveaux habitants, le roi accorde à ceux qui s’installent au Havre de Grâce des franchises de taille et de franc salé (1). La ville est également protégée d’une forteresse dont François 1er confie la réalisation à l’italien Bellarmato. Il donne à son enceinte une forme alors inédite en France caractérisée par ses bastions en forme d’éperons triangulaires. Sous Richelieu, le port fortifié devient une importante citadelle dont l’étendue empiète sur la ville.
C’est au XVIII° siècle que le port du Havre de Grâce connaît une prospérité remarquable, participant activement à la traite négrière à l’instar des ports atlantiques de Nantes, Bordeaux et la Rochelle à qui il dispute la deuxième place en tant que port négrier. En effet, si l’on se fie au Répertoire des expéditions françaises eu XVIII° siècle de Jean Mettas, le port du Havre aurait organisé 392 voyages dans le cadre du commerce triangulaire (le même recensement en attribue 1427 à Nantes, 427 à La Rochelle, 399 à Bordeaux). D’autres sources (2) annoncent 68 maisons du Havre armèrent quelques 230 navires pour participer à ce commerce avec le Nouveau Monde qui concerna quelques 90 000 esclaves.
Différents aspects de l'élégante maison de l'Armateur : son puits de lumière, sa magnifique cage d'escalier et son intérieur raffiné [photos@vservat]
La ville, aujourd’hui encore, garde la mémoire de la traite. En dépit des affres du temps et des guerres, on peut encore y visiter la magnifique maison dite de l’armateur qui témoigne de l’opulence que ces marchands d’hommes pouvaient tirer de leur activité. La polémique sur cette question vive agite régulièrement les débats politiques locaux puisqu’un certain nombre de rues portent encore le nom de marchands d’esclaves. Ainsi, l’association Divers Cité montait au créneau en 2009 réclamant que ces rues soient débaptisées, plus particulièrement celle portant le nom de l’ancien maire du Havre, Jules Masurier, qui s’adonna à cet infâmant commerce y compris après qu’il fut rendu illégal. Il fit d’ailleurs brûler à la Havane l’un de ses navires pour éviter d’être pris et détient le titre de propriété du dernier bateau négrier de la ville.
Différents aspects de l'élégante maison de l'Armateur : son puits de lumière, sa magnifique cage d'escalier et son intérieur raffiné [photos@vservat]
La ville, aujourd’hui encore, garde la mémoire de la traite. En dépit des affres du temps et des guerres, on peut encore y visiter la magnifique maison dite de l’armateur qui témoigne de l’opulence que ces marchands d’hommes pouvaient tirer de leur activité. La polémique sur cette question vive agite régulièrement les débats politiques locaux puisqu’un certain nombre de rues portent encore le nom de marchands d’esclaves. Ainsi, l’association Divers Cité montait au créneau en 2009 réclamant que ces rues soient débaptisées, plus particulièrement celle portant le nom de l’ancien maire du Havre, Jules Masurier, qui s’adonna à cet infâmant commerce y compris après qu’il fut rendu illégal. Il fit d’ailleurs brûler à la Havane l’un de ses navires pour éviter d’être pris et détient le titre de propriété du dernier bateau négrier de la ville.
Afficher Le Havre et la Traite négrière quelques repères sur une carte plus grande
Le port du Havre connaît un nouveau moment de prospérité à l’âge industriel. Le développement économique de l’Europe de l’Ouest, impulsé par l’Angleterre, et le développement des liaisons transatlantiques, contribuent à faire du Havre le deuxième port français. La population de la ville est multipliée par 6 entre 1800 et 1890 passant de 20 000 à 120000 habitants, (puis 190 000 au moment de la 1ère guerre mondiale) ce qui fait du Havre, la plus grande ville de Normandie. En 1881, pour la 1ère fois, sa population dépasse celle de sa rivale de toujours : Rouen.
Le Port du Havre, bassin de la Barre, E-L. Boudin, 1888, Musée d'Orsay. |
La deuxième guerre mondiale, durant laquelle les Allemands font du Havre une de leurs principales bases sonne brutalement le glas de la ville et de son port. Détruite à 80% par les bombardements la ville est anéantie et le port est inutilisable au sortir du conflit.
Le Havre après la guerre. |
Le projet de reconstruction est confié à A. Perret, et s’étend de 1945 à 1964 (date qui correspond à la consécration de l’église Saint Joseph) ce qui donne une idée de l’ampleur de la tâche mais pas de sa spécificité. Ancien étudiant aux Beaux Arts dont il n’est toutefois pas diplômé, Perret prend la direction d’un groupe d’architectes (qui se regroupent par 6 à 8 personnes pour préparer différents projets) qui conçoivent l’aménagement de l’ensemble de la ville. Le projet repose sur l’utilisation du béton comme matériau privilégié et propose une articulation novatrice et travaillée entre les espaces publics d’une part, les marqueurs urbains relatifs à ceux-ci (Hôtel de Ville, Porte Océane, boulevards, places) et les îlots d’habitation. Le travail de Perret et de son équipe fait sortir de terre une ville à la physionomie exceptionnelle, marquée par l’unicité de sa structure bétonnée, mais aussi par une grande fonctionnalité complétée par le souci d’aérer les îlots d’habitation dont les appartements intègrent ordonnancement et confort modernes (phot intérieur). A ce titre, la ville est aujourd'hui classée au patrimoine mondial de l’UNESCO.
A gauche et à droite : vue générale du Havre et intérieur du musée Malraux [photos@vservat]
Le port du Havre à l’heure de la mondialisation et de la conteneurisation.
Le port du Havre également détruit pendant la guerre doit être reconstruit. Au cours des années 60, l’état français dans le cadre de sa politique d’aménagement du territoire visant à vitaliser les façades maritimes du pays choisit de transformer le Havre en une très vaste ZIP (Zone Industrialo Portuaire). Son axe porteur est le canal du Havre, long de 8 km, qui communique avec les différents bassins ouverts sur l’Océan. Le projet intègre le pôle automobile de Renault Sandouville qui doit pouvoir trouver, dans le port, une structure pour l’exportation des véhicules produits. Le site trouve des extensions pétrochimiques à Gonfreville l’Orcher site où s’installent plusieurs raffineries. La ZIP devait aussi abriter un complexe sidérurgique qui n’a finalement pas vu le jour. Les années 80 et la crise industrielle qui les caractérisent portent préjudice à l’ensemble de la zone qui entre en progressivement reconversion.
C’est au milieu des années 90 que naît le projet "Port 2000" déclaré « projet d’intérêt public majeur » par le président de l’époque Jacques Chirac. Le Havre s’apprête donc à entrer de plein pieds dans l’ère de la conteneurisation qui révolutionne le transport maritime (mais pas seulement) depuis la fin des années 60. Plusieurs kilomètres de quais à conteneurs capables d'accueillir des porte-conteneurs post-Panamax (note) sont aménagés en 2006 que viennent compléter des terminaux spécialisés et des espaces de stockage. La modernisation du site est entamée : portiques, grues, cavaliers permettent de mettre en œuvre la multi-modalité nécessaire à la redistribution des marchandises réceptionnées au Havre vers l’arrière pays. Aujourd’hui le Havre est le 1er port français pour le trafic de conteneurs (2,2 millions d’EVP (3) en 2009), le 2nd pour le trafic de marchandises et le 5ème port européen. 40% du pétrole brut qui approvisionne la France passe par les terminaux du port en eaux profondes normand.
Trafic du port du Havre par type de produits 2010 |
Les quais à conteneurs de port 2000 |
Déchargement/chargement automatisé |
Depuis 2008, le port du Havre est devenu en GPM, Grand Port Maritime. Ce statut est défini par une loi qui maintient le Havre dans la sphère publique (contrairement à de plus en plus de ports qui tombent aux mains de sociétés privées). On remarquera que les priorités de ce statut portent sur la sécurité et la sûreté portuaire (les ports sont des lieux de trafics divers et leur sécurité est particulièrement renforcée depuis le 11/09/2001) et la rationalisation de la manutention. Cela mérite explication : dans le cadre de la concurrence qui s’instaure à la faveur de la mondialisation des échanges entre les différents ports mondiaux, il est aujourd’hui primordial pour ne pas être déclassé dans la hiérarchie de faire disparaître au maximum la présence humaine sur la manutention. En effet, le trafic portuaire auparavant aux mains des dockers, redoutés pour leur capacité à organiser des mouvements sociaux de grande ampleur ou de longue durée, est désormais sous le coup d’une automatisation autour des opérations de chargement et déchargement des conteneurs. C’est là que se jouent les économies de coût du transport (avec la réduction du nombre de marins à bord, leur recrutement dans des pays à bas salaires à l'exemple des Philippines, et le système des pavillons de complaisance) puisque c’est à ce moment là que son payés les frais de passage dans les ports. Ils s’accroissent bien sur avec la durée de l’arrêt nécessaire au porte-conteneur pour effectuer la rotation des caisses de marchandises. C’est en particulier sur ce point que les ports de la façade de l’Asie Pacifique sont ultra compétitifs, les quais étant équipés de nombreuses grues, avec une automatisation maximale et des espaces de stockages absolument titanesques.
Le Havre s’intègre pour sa part à la façade maritime du nord ouest européen communément appelée le Northern Range qui s’étend sur plus de 1300 km du port normand à Hambourg. Comme on peut le constater sur la carte ci-dessous le Havre est loin d’être le plus important des ports de cette façade, très en retrait face à Rotterdam, encore placé au 4° rang mondial. Comme Le Havre, Anvers et Rotterdam sont en passe de s’agrandir et de développer de nouveaux espaces pour accueillir des conteneurs (Maavlakte2 à Rotterdam, Deurganckdock à Anvers). Le Havre disposant d’une forte capacité d’expansion devrait pouvoir à terme faire croître son trafic annuel à 6 millions d’EVP, puis 10 millions d’EVP et rester compétitif sur l’ensemble de la façade nord ouest de l’Europe.
Le Havre dans le Northern Range |
Notes :
(1) taxes perçues sur le sel.
(2) voir l'article : http://www.diverscites.eu/images/03_PHAD_20091004.pdf
(3) Equivalent Vingt Pieds : unité de compte de la capacité de stockage des conteneurs.
(3) Equivalent Vingt Pieds : unité de compte de la capacité de stockage des conteneurs.
Références bibliographiques :
Histoire du Havre/traite :
Histoire du Havre âge industriel :
- http://whc.unesco.org/fr/list/1181
- http://www.histoire-normandie.fr/la-normandie-contemporaine/le-virage-economique-du-xixe-siecle
Port du Havre- mondialisation-conteneurisation :
- http://www.cafe-geo.net/article.php3?id_article=1873
- http://www.meretmarine.com/article.cfm?id=116443
- http://www.meretmarine.com/article.cfm?id=117719
- http://histoirenormande.centerblog.net/6-grand-port-maritime-du-havre
- http://www.havre-port.fr/
Superbe ! Merci Véro pour la visite. Bon, ceci dit il a moins la pêche que Médine pour parler de LH mais c'est pas mal quand même ce Jacques Douai dont j'ignorais totalement l'existence...
RépondreSupprimerMerci pour la spéciale casedédi ;-) Et Quel panorama ! Et quel talent ! On retrouve dans ton article à la fois l'histoire et la géographie de cette ville qui gagne décidément à être connue. La visite du port est encore largement possible (sauf le terminale à conteneurs) et permet de vivre la mondialisation "en direct". J'ajouterai pour finir que les mutations de l'espace portuaire (qui s'éloigne de plus en plus de la ville) entraînent un profond renouvellement de l'espace urbain, avec un nouveau "quartier des docks" qui associe réhabilitation des entrepôts et nouvelles constructions.
RépondreSupprimerCe commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerT'es à la traîne Etienne, ça fait longtemps qu'il tourne en boucle sur l'ipod de Vero... Et franchement, ça déchire grave!
RépondreSupprimerje vois que Jacques Douai fait son petit effet. Servanne ce dont tu parles j'imagine que ce sont les docks Vauban? Cet espace m'a beaucoup fait penser à Liverpool (ville de mon coeur) même si le long de la Mersey ils ont davantage opté pour le culturel que le commercial.
RépondreSupprimerSuper.....pourri, ce chanteur....Bravo de l'avoir sorti de l'oubli et surtout joli travail !
RépondreSupprimerJean-Christophe je ne comprends pas que tu n'aies pas vu en cette ritournelle de Jacques Douai le cadeau idéal pour les fêtes!
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