Pierre Grosz écrit pour Michel Jonasz les paroles du morceau "Les vacances au bord de la mer", une merveilleuse évocation de vacances familiales au bord de la Méditerranée. En passant sur le blog, il nous a laissé un sympathique commentaire. Il y revient sur la genèse de cette chanson. Citons-le: "Ayant écrit avec Michel son album sur lequel figuraient onze chansons, je
suis allé me reposer chez mon père à Menton. Michel m'a téléphoné pour
me dire que pour lui un album, c'est 12 chansons ; j'ai donc écrit un après-midi ces mots en regardant les gens qui se baladaient devant la Méditerranée, Jonasz en a composé la musique le lendemain et notre
surprise a été totale - la sienne surtout - de reconnaître dans ces
paroles ses propres souvenirs d'enfance !" Lors des vacances d'été, le chanteur quittait, avec ses parents et sa sœur, le petit appartement de la porte de Vanves à Paris pour le bord de la mer. Issu d'une famille plutôt modeste, Michel garde un souvenir ému du sacrifice de ses parents pour emmener leurs enfants en vacances. (1) Partant de ces souvenirs, Pierre Grosz écrit le texte des Vacances au bord de la mer sur une ballade mélancolique composée par Jonasz.
Le titre, qui figure sur l'album Changez tout sort au début de l'année 1975. Au cours de l'été, le morceau remporte un beau succès populaire. Il faut dire que les paroles visent juste, droit au cœur. Il en émane une simplicité vraie. Les premiers mots, d'une grande sobriété, plantent d'emblée le décor: une famille modeste profite des joies du tourisme balnéaire.
"On allait au bord de la mer / Avec mon père, ma sœur, ma mère." En filigrane de cette description à hauteur d'enfant pointe un arrière plan de lutte des classes, délicatement chantée. Il n'y a rien de misérabiliste dans cette description de la fracture sociale au temps des Trente glorieuses naissantes. Ici, le rapport à l'argent est omniprésent. Tout ce qui se dit dans cette chanson renvoie au système de domination sociale. Les membres de la famille conservent leurs habitudes laborieuses. "Le matin, on se réveillait tôt". Tous les membres de la famille regardent d'abord les autres dépenser l'argent qu'eux n'ont pas ("on regardait les autres gens / comme ils dépensaient leur argent"). Puis ils passent devant les hôtels et les restaurants trop chers ("Les palaces, les restaurants / On ne faisait que passer devant"). Quand vient l'heure du goûter, les enfants optent pour des glaces à l'eau, car ce sont les moins chères. "Nous il fallait faire attention / Quand on avait payé le prix d'une location / il ne nous restait pas grand-chose." Au fond, ils ne peuvent s'adonner qu'aux rares activités gratuites, ces petits plaisirs simples qui rendent le séjour inoubliable. "Alors on regardait les bateaux." "Sur la plage pendant des heures / On prenait de belles couleurs." Dans ces moments là, la famille, comme plongée dans une torpeur ouatée, semble évoluer au ralenti.
La chanson convoque également l'imaginaire des congés payés. Il n'est plus question des tentes et des vélos des ouvriers du Front populaire. Le contexte n'est plus le même. Si l'on se fie à la date de naissance du chanteur, on peut estimer que ces vacances se déroulent à la fin des années 1950 ou au tout début de la décennie suivante, à une époque où la croissance économique des Trente glorieuses permet aux familles modestes d'accéder à leur tour au tourisme de masse, à condition de ne pas faire d'écarts. (2)
Sainte-Marguerite. Guillom, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons |
Représentant de commerce, le père du chanteur empruntait souvent le Paris-Vintimille, ce qui lui fit découvrir la baie de Cannes et l'incita à y revenir en vacances avec sa famille. En plus des activités précédemment mentionnées, et lorsque le budget vacances n'était pas encore totalement épuisé, les Jonasz prenaient un bateau qui les menait sur les îles de Lérins (Sainte-Marguerite, Saint-Honorat). "Quand les vagues étaient tranquilles / On passait la journée aux îles / Sauf quand on pouvait déjà plus."
Michel Jonasz, devenu adulte, a conservé un souvenir ému de ces
merveilleuses "vacances au bord de la mer", car en dépit du manque d'argent "c'était quand même beau".
Notes:
1. Michel naît dans une famille d'origine juive hongroise. Fils d'un représentant de commerce et d'une mère au foyer, Jonasz a vécu une enfance paisible comme il le chante dans La famille.
2. En 1956, les salariés français obtiennent d'ailleurs une troisième semaine de temps libre.
Sources:
- "La picachanson n°25: les vacances au bord de la mer."
- "Les vacances au bord de la mer de Michel Jonasz" ["Paroles, paroles" de Sébastien Ministru sur la Première]
Bonjour, comme j suis l'auteur des paroles des "vacances au bord de la mer" j'ai lu avec un sourire votre récit de la création de cette oeuvre comme une jolie histoire
RépondreSupprimerLa vérité c'est que ce n'est pas du tout ainsi que ces paroles sont nées: ayant écrit avec Michel son album sur lequel figuraient onze chansons je suis allé me reposer chez mon père à menton. Michel m'a téléphoné pour me dire que pour lui un album c'est 12 chansons ; j'ai donc écrit un après midi ces mots en regardant les gens qui se baladaient devant la méditerranée, Jonasz en a composé la musique le lendemain et notre surprise a été totale - la sienne surtout - de reconnaître dans ces paroles ses propres souvenirs d'enfance !
C'est un peu différent mais ça change tout quand même ! Merci en tout cas d'aimer cette chanson
amitiés
Pierre Grosz
Bonsoir Pierre et merci pour ce sympathique commentaire.
RépondreSupprimerComme quoi, rien ne vaut les sources de première main. Je viens de corriger mon erreur et, afin de rétablir la vérité, me suis permis de reprendre vos propos dans le corps de l'article.
Merci encore pour vos belles et grandes chansons (un gros faible pour "la Garonne", "une femme avec une femme", "je voulais te dire que je t'attends", et... "les vacances au bord de la mer").
Amitiés.
Julien Blottière