"La rage" de Keny Arkana, "car ce monde ne nous correspond pas" (2006)
"La rage car ce monde ne nous correspond pas"
D’origine argentine par
son père qu’elle n’a pas connu enfant, marseillaise par sa mère, Keny Arkana,
dont le vrai nom n’a jamais été divulgué, est née en 1982 en région parisienne.
Ses années 1990 sont marquées par les allers-retours entre le domicile maternel
à Marseille, les foyers dont elle fugue autant qu’elle peut, et la rue qui l’a
forgée. Cette rue, dont elle loue la liberté sans l’idéaliser, a inspiré le
titre de son premier album Entre ciment
et belle étoile (2006) dont est issu le titre « La Rage du peuple », enregistré en 2005. Après des années de galère, qui ont forgé
son caractère et nourri ses chansons, elle accède à la notoriété au début des
années 2000. Dans une ville qui en a fait une religion, le rap la sauve. Elle
obtient de haute lutte des éducateurs et de sa mère de pouvoir participer aux
ateliers de Namor à la Friche de la Belle-de-Mai. C’est le début d’une carrière singulière.
Elle refuse de jouer le jeu du show-business : elle annule des tournées de
concerts mais maintient les « assemblées populaires » qui les
accompagnent, crée son propre label, refuse les réseaux sociaux. Elle parvient
à percer tout en restant indépendante, fixe ses propres règles, quitte à
disparaître des radars. « Contestatrice qui fait du rap », plutôt que
rappeuse, elle ne met pas en avant son genre, pas plus qu’elle ne donne dans l’ego
trip. Comme Médine ou Youssoupha, elle interroge de manière engagée les
problèmes de notre planète. Et elle s’offre le luxe d’être reconnue dans le monde
du rap tout en critiquant ses codes.
Son premier album est
disque d’or et la fait connaître auprès du public. Il se nourrit des débats
altermondialistes du nouveau millénaire. Keny Arkana s’en inspire pour faire
sortir la « rage » qui est en elle. Elle y multiplie les bruits de
manif et les collages sonores dans plusieurs langues (français, espagnol,
anglais) qui font écho au bouillonnement qui s’exprime alors dans les forums
sociaux mondiaux auxquels elle participe. Militante et activiste,
Keny Arkana prône la « mondialisation de la rébellion » depuis 2006. Suite à la pandémie, ses
tendances complotistes, déjà perceptibles dans certains de ses morceaux, se sont exacerbées : elle s’affirme aujourd’hui antivax, et a
annoncé quitter le pays …
La rage du peuple
En un peu moins de 5
minutes, Keny Arkana résume la vision qu’elle a du monde, alors que
les banlieues françaises viennent de connaître des émeutes sans précédent et
que Nicolas Sarkozy est aux portes du pouvoir. La précision et la rudesse de
son diagnostic frappent en dépit de quelques généralités et approximations.
Mais Keny les assume dans un autre titre de l’album : « Je n’ai vu
que les violences du système donc excuse mon manque de nuances ». Le monde
de Keny Arkana est en effet séparé en deux, entre ceux qu’elle identifie comme
des « ennemis » ou "Babylone" et ceux qui ont la rage.
Le titre du morceau fait référence à l'une de ces luttes menée au sein du colectif La Rabia del Pueblo. Son site internet porte d'ailleurs toujours ce nom. Il
s'agit au départ de lutter contre un projet de rénovation urbaine dans
le quartier de Noailles à Marseille. Composé d'artistes et de militants, dont Keny
Arkana, il dénonce la gentrification à l'oeuvre à Marseille. Un
processus qu'elle ne cesse de dénoncer comme dans le morceau "Capitale de la rupture", au moment où la ville devient capitale de la culture européenne en 2013.
Les images du clip offrent, comme souvent chez Keny Arkana, un feu d'artifice de tout ce qui ne va pas dans le monde de 2005: guerres, atteintes à l'environnement, capitalisme destructeur, violences policières, conflit israélo-palestinien... Ce patchwork est fait pour insister sur ce qui doît être combattu. Il alterne avec des images des luttes et des mobilisations auxquelles l'artiste participe elle-même beaucoup. Dans le clip, on voit ainsi des images des luttes du monde entier. En Asie, en Afrique, en Amérique latine, en Europe. L'une des figures aperçues, à laquelle Keny Arkana fait toujours référence, est le sous-commandant Marcos dont elle salue le combat au Chiapas (Mexique). On le voit saluer la foule et un de ses messages est montré à la fin du clip, en guise de conclusion et d'invitation à la lutte.
La rage du peuple La rage du peuple La rage du peuple La rage du peuple
Ok, on a la rage mais c'est pas celle qui fait baver Demande à Fabe, la vie claque comme une semelle sur les pavés La rage de voir nos buts entravés, de vivre en travers La rage gravée depuis bien loin en arrière La rage d'avoir grandi trop vite quand des adultes volent ton enfance Bah, imagine un mur et un bolide La rage car impossible est cette paix tant voulue La rage de voir autant de CRS armés dans nos rues La rage de voir ce putain d'monde s'autodétruire Et que ce soit toujours des innocents au centre des tirs La rage car c'est l'homme qui a crée chaque mur Se barricader d'béton, aurait-il peur de la nature? La rage car il a oublié qu'il en faisait partie Désharmonie profonde, mais dans quel monde la colombe est partie? La rage d'être autant balafré par les piquants des normes Et puis la rage, ouais la rage D'avoir la rage depuis qu'on est môme
on restera debout quoi qu'il arrive (La rage) d'aller jusqu'au bout et là où veut bien nous mener la vie (Parce qu'on a la rage) on pourra plus s'taire ni s'asseoir Dorénavant on s'tiendra prêt parce qu'on a la rage, le cœur et la foi (Parce qu'on a la rage) on restera debout quoi qu'il arrive (La rage) d'aller jusqu'au bout et là où veut bien nous mener la vie (Parce qu'on a la rage) rien ne pourra plus nous arrêter Insoumis, sage, marginal, humaniste ou révolté
La rage parce qu'on choisit rien et qu'on subit tout le temps Et vu que leurs choix sont bancals et bien tout équilibre fout le camp La rage car l'irréparable s'entasse depuis un bout de temps La rage car qu'est ce qu'on attend pour s'mettre debout et foutre le boucan La rage c'est tout ce qu'ils nous laissent, t'façon tout ce qui nous reste La rage, combien des nôtres finiront par retourner leur veste La rage de vivre et de vivre l'instant présent De choisir son futur libre et sans leurs grilles d'oppression La rage, car c'est la merde et que ce monde y adhère Et parce que tout leurs champs OGM stérilisent la Terre La rage pour qu'un jour l'engrenage soit brisé La rage car trop lisent "Vérité" sur leur écran télévisé La rage car ce monde ne nous correspond pas Nous nourrissent de faux rêves pour placer leurs remparts La rage car ce monde ne nous correspond pas Où Babylone s'engraisse pendant qu'on crève en bas
on restera debout quoi qu'il arrive (La rage) d'aller jusqu'au bout et là où veut bien nous mener la vie (Parce qu'on a la rage) on pourra plus s'taire ni s'asseoir Dorénavant on s'tiendra prêt parce qu'on a la rage, le cœur et la foi (Parce qu'on a la rage) on restera debout quoi qu'il arrive (La rage) d'aller jusqu'au bout et là où veut bien nous mener la vie (Parce qu'on a la rage) rien ne pourra plus nous arrêter Insoumis, sage, marginal, humaniste ou révolté
La rage d'y croire et de faire en sorte que ça bouge La rage d'un Chirac, d'un Sharon, d'un Tony Blair ou d'un Bush La rage car ce monde voit rouge mais de grisaille entouré Parce qu'ils n'entendent jamais les cris lorsque le sang coule La rage car c'est le pire que nous frôlons La rage car l'Occident n'a toujours pas ôté sa tenue de colon La rage car le mal tape sans cesse trop Et que ne sont plus mis au goût du jour tant de grands savoirs ancestraux La rage, trop de mensonges et de secrets gardés les luttes de nos Etats Riches de vérité, pouvoir changer l'humanité La rage car ils ne veulent pas que ça change, hein Préférant garder leur pouvoir et nous manipuler comme leurs engins La rage car on croit aux anges et qu'on a choisi de marcher avec eux La rage parce que mes propos dérangent Vois aux quatre coins du globe, la rage du peuple en ébullition La rage, ouais la rage ou l'essence de la révolution
on restera debout quoi qu'il arrive (La rage) d'aller jusqu'au bout et là où veut bien nous mener la vie (Parce qu'on a la rage) on pourra plus s'taire ni s'asseoir Dorénavant on s'tiendra prêt parce qu'on a la rage, le cœur et la foi (Parce qu'on a la rage) on restera debout quoi qu'il arrive (La rage) d'aller jusqu'au bout et là où veut bien nous mener la vie (Parce qu'on a la rage) rien ne pourra plus nous arrêter Insoumis, sage, marginal, humaniste ou révolté
on restera debout quoi qu'il arrive (La rage) d'aller jusqu'au bout et là où veut bien nous mener la vie (Parce qu'on a la rage) on pourra plus s'taire ni s'asseoir Dorénavant on s'tiendra prêt parce qu'on a la rage, le cœur et la foi (Parce qu'on a la rage) on restera debout quoi qu'il arrive (La rage) d'aller jusqu'au bout et là où veut bien nous mener la vie (Parce qu'on a la rage) rien ne pourra plus nous arrêter Insoumis, sage, marginal, humaniste ou révolté
Anticapitalistes, alter-mondialistes Ou toi qui cherche la vérité sur ce monde La résistance de demain (Inch'Allah) A la veille d'une révolution (mondiale et spirituelle) La rage du peuple, la rabia del pueblo Parce qu'on a la rage, celle qui fera trembler tes normes Parce qu'on a la rage, la rage a pris la populace et la rage est énorme
- Une notice est consacrée à la chanson "Jeunesse du monde" dans Étienne Augris, Julien Blottière, Jean-Christophe Diedrich et Véronique Servat, En lutte ! Carnet de chants, éditions du Détour, 2022
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