Le groupe CSN&Y est un groupe de rock et folk formé en 1968. Il associe des musiciens aux styles et aux personnalités assez différentes. La figure la plus connue est le Canadien Neil Young qui poursuit depuis cette date une carrière solo tout en se joignant parfois au groupe. CSN&Y participe au mythique festival de Woodstock en 1969, année de son premier album. Alors qu'ils sont au zénith de leur succès, leur tournée est interrompue pour enregistrer un titre écrit par Neil Young. L'actualité lui a en effet inspiré une chanson farouchement opposée à la politique du président Nixon :
"J'avais le Time sous le nez, ouvert sur la photo de cette fille hébétée devant le cadavre d'un étudiant couvert de sang. C'était sous mes yeux, je n'ai eu qu'à transcrire."
La chanson est écrite le matin, enregistrée l'après-midi et publiée dans les plus brefs délais. C'est la première protest song de Neil Young et un grand succès pour le groupe (le dernier avant longtemps...). La chanson grimpe à la 14ème place des plus vendues.
Le guitariste David Crosby aurait pleuré pendant l'enregistrement et on l'entend se lamenter : "Pourquoi quatre ? Pourquoi sont-ils morts ? Combien d'autres ?"
Que s'est-il passé ce 4 mai 1970 à Kent State University ?
Le 30 avril, le président Richard Nixon (républicain, photo ci-contre) annonce que des troupes américaines ont pénétré au Cambodge dans le but, dit-il "de mettre fin à la guerre au Vietnam et pour obtenir la juste paix que nous désirons tous". Sur la plupart des campus, c'est l'indignation. Nixon a en effet été élu en novembre 1968 sur un programme de paix au Vietnam, l'opinion ayant compris, après le succès médiatique de l'offensive communiste du Têt en janvier 1968, qu'il n'y avait pas de victoire envisageable dans ce pays. L'opinion se lasse de cette guerre qui mobilise d'importantes sommes financnières et traumatise toute une génération de jeunes hommes qui sont envoyés combattre le communisme.
A Kent dans l'Ohio, des étudiants d'histoire appellent à un rassemblement le 1er mai. 500 personnes manifestent sur le campus de la Kent State University (KSU). KSU est une université paisible de province qui compte 20 000 étudiants à proximité d'une ville de 30 000 habitants. Le campus, comme beaucoup d'autres, a connu une certiane effervescence au cours de la décennie. Le réglement a été assoupli (garçons et filles peuvent se rendre visite dans leurs chambres, alcool autorisé,...) mais l'administration reste fortement critiquée pour sa gestion. Lors de la manifestation, un exemplaire de la Constitution est brûlé pour protester contre sa violation puisqu'un pays a été envahi sans qu'une déclaration de guerre ait été approuvéeé par le Congrès. Dans la soirée, quelques policiers reçoivent des bouteilles de bières au centre de la ville alors qu'un rassemblement spontané de plusieurs centaines de jeunes s'est formé. Quelques vitrines de banques sont brisées.
Le maire de la ville, Leroy Satrom, décide de proclamer l'Etat d'urgence et de faire fermer les bars de la ville. Cette mesure conduit encore plus de personnes à être dans la rue. La police force tout le monde à se retirer vers le campus, quel que soit son lieu de résidence. 14 personnes sont arrêtées.
Le lendemain, le maire décrête un couvre-feu pour la nuit et alerte la Garde Nationale de l'Ohio sans en avertir l'administration de l'université. Le soir, après le couvre-feu, plusieurs centaines de personnes se rassemblent et marchent sur le bâtiment destiné aux futurs Officiers de réserve (ROTC) dans l'Université en scandant des slogans anti-guerre. Certains y mettent le feu, les pompiers sont empêchés d'intervenir. La garde intervient jusque dans les dortoirs.
La journée du 3 mai est plutôt calme. Le campus est complètement occupé par la Garde nationale. Le gouverneur de l'Ohio, James Rhodes (en campagne pour le siège de sénateur, photo ci-contre) dit vouloir "régler le problème au fond" et compare les agitateurs à des "chemises brunes" et des "communistes". Ce soir-là, un commandant de la Garde de l'Ohio dit à ses hommes qu'ils ont le droit de tirer. De nouveau, des étudiants tentent de se rassembler après le couvre-feu mais se heurtent à la garde qui les disperse à coup de baïonnettes et en utilisant des gaz lacrymogènes (photo ci-dessus).
La tension est donc montée progressivement jusqu'au matin du 4 mai. Le gouverneur est sur le point de décrêter la loi martiale. Des étudiants se rassemblent en fin de matinée pour protester contre l'invasion du Cambodge et la présence de la Garde Nationale sur le campus. Celle-ci demande à la foule de se disperser ce qu'elle ne fait pas. L'ordre de disperser la foule est donné. Les étudiants courrent, beaucoup ne sont que simples spectateurs. Le général Canterbury constate que la foule semble s'être dispersée et demande à ses hommes de se replier. Mais un groupe d'une douzaine de gardes, très probablement sur un ordre verbal, tire sur la foule 67 balles en 13 secondes qui font 9 blessés et 4 morts : Allison Krause, Jeffrey Miller, Sandra Scheuer et William Schroeder.
L'émotion est énorme dans l'opinion et la chanson de Young en porte la marque. La première grève nationale des universités est déclenchée, mobilisant plus de 4 millions d'étudiants. Même l'Amérique de la "majorité silencieuse", celle qui a élu Nixon pour mettre fin aux "désordres", est choquée par la mort de jeunes étudiants. Nixon a avoué que cela fut l'un des jours les plus sombres de sa présidence, il y en aurait d'autres...
Nixon est cité directement comme responsable du massacre, ce qui est assez courageux. Le titre est d'ailleurs boycotté par la plupart des radios (en AM), mais est diffusé par la FM, notamment les radios étudiantes. Le groupe, sans Young, a chanté la chanson sur le site de KSU en 1997.
La chanson est écrite le matin, enregistrée l'après-midi et publiée dans les plus brefs délais. C'est la première protest song de Neil Young et un grand succès pour le groupe (le dernier avant longtemps...). La chanson grimpe à la 14ème place des plus vendues.
Le guitariste David Crosby aurait pleuré pendant l'enregistrement et on l'entend se lamenter : "Pourquoi quatre ? Pourquoi sont-ils morts ? Combien d'autres ?"
Que s'est-il passé ce 4 mai 1970 à Kent State University ?
Le 30 avril, le président Richard Nixon (républicain, photo ci-contre) annonce que des troupes américaines ont pénétré au Cambodge dans le but, dit-il "de mettre fin à la guerre au Vietnam et pour obtenir la juste paix que nous désirons tous". Sur la plupart des campus, c'est l'indignation. Nixon a en effet été élu en novembre 1968 sur un programme de paix au Vietnam, l'opinion ayant compris, après le succès médiatique de l'offensive communiste du Têt en janvier 1968, qu'il n'y avait pas de victoire envisageable dans ce pays. L'opinion se lasse de cette guerre qui mobilise d'importantes sommes financnières et traumatise toute une génération de jeunes hommes qui sont envoyés combattre le communisme.
A Kent dans l'Ohio, des étudiants d'histoire appellent à un rassemblement le 1er mai. 500 personnes manifestent sur le campus de la Kent State University (KSU). KSU est une université paisible de province qui compte 20 000 étudiants à proximité d'une ville de 30 000 habitants. Le campus, comme beaucoup d'autres, a connu une certiane effervescence au cours de la décennie. Le réglement a été assoupli (garçons et filles peuvent se rendre visite dans leurs chambres, alcool autorisé,...) mais l'administration reste fortement critiquée pour sa gestion. Lors de la manifestation, un exemplaire de la Constitution est brûlé pour protester contre sa violation puisqu'un pays a été envahi sans qu'une déclaration de guerre ait été approuvéeé par le Congrès. Dans la soirée, quelques policiers reçoivent des bouteilles de bières au centre de la ville alors qu'un rassemblement spontané de plusieurs centaines de jeunes s'est formé. Quelques vitrines de banques sont brisées.
Le maire de la ville, Leroy Satrom, décide de proclamer l'Etat d'urgence et de faire fermer les bars de la ville. Cette mesure conduit encore plus de personnes à être dans la rue. La police force tout le monde à se retirer vers le campus, quel que soit son lieu de résidence. 14 personnes sont arrêtées.
Le lendemain, le maire décrête un couvre-feu pour la nuit et alerte la Garde Nationale de l'Ohio sans en avertir l'administration de l'université. Le soir, après le couvre-feu, plusieurs centaines de personnes se rassemblent et marchent sur le bâtiment destiné aux futurs Officiers de réserve (ROTC) dans l'Université en scandant des slogans anti-guerre. Certains y mettent le feu, les pompiers sont empêchés d'intervenir. La garde intervient jusque dans les dortoirs.
La journée du 3 mai est plutôt calme. Le campus est complètement occupé par la Garde nationale. Le gouverneur de l'Ohio, James Rhodes (en campagne pour le siège de sénateur, photo ci-contre) dit vouloir "régler le problème au fond" et compare les agitateurs à des "chemises brunes" et des "communistes". Ce soir-là, un commandant de la Garde de l'Ohio dit à ses hommes qu'ils ont le droit de tirer. De nouveau, des étudiants tentent de se rassembler après le couvre-feu mais se heurtent à la garde qui les disperse à coup de baïonnettes et en utilisant des gaz lacrymogènes (photo ci-dessus).
La tension est donc montée progressivement jusqu'au matin du 4 mai. Le gouverneur est sur le point de décrêter la loi martiale. Des étudiants se rassemblent en fin de matinée pour protester contre l'invasion du Cambodge et la présence de la Garde Nationale sur le campus. Celle-ci demande à la foule de se disperser ce qu'elle ne fait pas. L'ordre de disperser la foule est donné. Les étudiants courrent, beaucoup ne sont que simples spectateurs. Le général Canterbury constate que la foule semble s'être dispersée et demande à ses hommes de se replier. Mais un groupe d'une douzaine de gardes, très probablement sur un ordre verbal, tire sur la foule 67 balles en 13 secondes qui font 9 blessés et 4 morts : Allison Krause, Jeffrey Miller, Sandra Scheuer et William Schroeder.
L'émotion est énorme dans l'opinion et la chanson de Young en porte la marque. La première grève nationale des universités est déclenchée, mobilisant plus de 4 millions d'étudiants. Même l'Amérique de la "majorité silencieuse", celle qui a élu Nixon pour mettre fin aux "désordres", est choquée par la mort de jeunes étudiants. Nixon a avoué que cela fut l'un des jours les plus sombres de sa présidence, il y en aurait d'autres...
Nixon est cité directement comme responsable du massacre, ce qui est assez courageux. Le titre est d'ailleurs boycotté par la plupart des radios (en AM), mais est diffusé par la FM, notamment les radios étudiantes. Le groupe, sans Young, a chanté la chanson sur le site de KSU en 1997.
Découvrez Crosby, Stills, Nash & Young!
Version live ici
Tin soldiers and Nixon coming,
We're finally on our own.
This summer I hear the drumming,
Four dead in Ohio.
Gotta get down to it
Soldiers are gunning us down
Should have been done long ago.
What if you knew her
And found her dead on the ground
How can you run when you know?
Gotta get down to it
Soldiers are gunning us down
Should have been done long ago.
What if you knew her
And found her dead on the ground
How can you run when you know?
Tin soldiers and Nixon coming,
We're finally on our own.
This summer I hear the drumming,
Four dead in Ohio.
Des soldats de plomb et Nixon qui arrivent
Nous sommes enfin libres de penser
Cet été j'entends les roulements de tambour
Quatre morts dans l'Ohio
Je dois y aller
Les soldats nous descendent
Cela aurait dû arriver depuis longtemps
Qu'en serait-il si tu l'avais connue
Et trouvée morte sur le sol
Comment peux-tu courir lorsque tu le sais ?
Le groupe enregistre le même jour un titre composé par Stills rendant hommage aux morts des guerres : "Find the Cost of Freedom"
A lire :
- Olivier Nuc, Neil Young, Librio musique, 2002
- Un site sur les évènements du 4 mai à la KSU (ma source principale)
- Une chronologie des évènements de l'année 1968 au Vietnam.
- Une décennie de Campus Unrest (1964-1970), pour replacer les évènements dans le contexte des années 1960 aux Etats-Unis.
- Un entretien avec l'historien Romain Huret à propos de sa biographie de Nixon, l'occasion pour nous de vous proposer une sélection de chansons sur "Tricky Dick".
- Une autre fusillade moins connue sur un campus, celle d'Orangenburg (Caroline du Sud) en 1968.
Bravo c'est une super idée que de faire ce blog sur le patrimoine musical . Le lien entre culture musicale et histoire est essentiel.
RépondreSupprimerPeu de lycéens savent par ex pourquoi ils chantent ohohohoho... à la fin de chaque concert. Découvrir le film de Woodstock est pour eux une révélation...
encore plus surprenant de faire le lien musique et géographie.
On peut piocher dans le répertoire de Hugues Aufray (Hugues Aufray chante Dylan) ou Graeme Alwright (chansons de Léonard cohen), elles sont plus accessibles aux élèves.
La ligne Holworth pour l'esclavage les Temps Changent pour la traduction de Dylan, reste Nana Mouskouri pour Joan Baez mais je suis moins fan...
pour les villes Bruxelles de D Annegarn... Los angeles par Murray Head ou Arlo Guthrie (coming into LA), Barcelona (BO W allen)...
F Arnal
http://geofac.over-blog.com/
Merci François pour les compliments. Surtout venant de la part d'un des pionniers du blog en histoire-géo...
RépondreSupprimerMerci également pour les conseils de chansons, nous tâcherons de relever le défi !
A bientôt
E.A.