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dimanche 31 mai 2009

163. Victor Jara:"Preguntas por puerto montt".

Víctor Lidio Jara Martínez (1932 -1973) était un chanteur, auteur et compositeur populaire chilien. Membre du Parti communiste chilien, il fut l'un des principaux soutiens de l'Unité Populaire du président Salvador Allende. Ses chansons engagées dénoncent la morgue des puissants ("Las casitas del barrio alto"), fustigent l'impérialisme américain (El Derecho de Vivir en Paz), rendent hommage aux grandes figures révolutionnaires latino-américaines (Corrido De Pancho Villa, Camilo Torres, Zamba del Che). Surtout, il narre la vie des petites gens, victimes de toutes les humiliations, notamment les populations indiennes (Vientos del pueblo).

Victor Jara.

Cet engagement n'est bien sûr pas du goût de Pinochet et ses sbires lorsque ceux-ci accèdent au pouvoir après avoir renversé Allende, démocratiquement élu quelques années plus tôt. Arrêté par les militaires lors du coup d'Etat du 11 septembre 1973, il est emprisonné et torturé à l'Estadio Chile (renommé Estadio Víctor Jara depuis 2003). Il y écrit son dernier poème : Estadio de Chile. Jara n'a pas le temps de le terminer. Il est assassiné le 15 septembre après avoir eu les doigts cassés.


"Nous sommes cinq mille / 
Dans cette petite partie de la ville /
 Nous sommes cinq mille / 
Combien serons-nous au total /
 Dans les villes et dans tout le pays ? / 
Rien qu’ici / 
Dix mille mains qui sèment / 
Et qui font marcher les usines / 
Combien de gens /
 Qui souffrent de faim, de froid, de panique, de douleur, / 
De pression morale, de terreur et de folie ! / 
Six d’entre nous se sont perdus /
Dans l’espace interstellaire / 
l'un est mort, un autre a été frappé comme jamais je n'aurais cru /
 que l'on puisse frapper un être humain. /
 Les autres ont voulu en finir avec toute leur peur: /
 l'un a sauté dans le vide, / 
un autre s'est fracassé la tête contre un mur, / 
tous avaient le regard fixé sur la mort. (...) 
de ce que j'ai ressenti, de ce que je ressens, naîtra un jour nouveau."


Une fois au pouvoir, Pinochet met tout en œuvre pour extirper le marxisme du Chili, avec le feu vert de Kissinger, le responsable de la politique étrangère américaine (dans le contexte de la guerre froide). La junte militaire procède à une répression sanglante (au moins 3000 morts, des milliers d'internements sans jugement). Le Parlement est dissous, les partis politiques supprimés. Pinochet prend le titre de “chef suprême de la nation”, en 1974.

Les victimes de ces régimes autoritaires sont les opposants de gauche, les communistes, mais aussi les populations indiennes. Le recours aux enlèvements et à la torture sont systématiques. Victor Jara revient d'ailleurs sur cette pratique dans son émouvant Te recuerdo Amanda: "sonne la sirène de l'usine pour le retour au travail. / Beaucoup ne reviennent pas / Manuel non plus / Je me souviens Amanda."

* Mais Jara n'a pas attendu le coup d'état de Pinochet pour s'en prendre aux abus d'autorité et à l'arbitraire. Avec sa chanson "Preguntas por Puerto Montt", il dénonce ouvertement le ministre de l'intérieur du gouvernement Frei, Pérez Zujovic, responsable du massacre de Puerto Montt, le 9 mars 1969. Ce jour-là, 250 policiers font irruption dans un camp de fortune habité par 90 familles qui occupent illégalement des terres laissées à l'abandon par un grand propriétaire terrien de la région. "Il est mort sans savoir pourquoi (...) / Vous devez répondre / Senor Perez Zujovic". Cette dénonciation en règle des violences lui vaudra d'être inquiété à de multiples reprises, jusqu'à son assassinat, cinq ans plus tard. Ainsi lors d'un concert donné en juillet 1969 au saint George college, un établissement fréquenté par les fils de bonne famille du barrio alto, le quartier haut. Il n'a pas le temps de finir d'interpréter cette chanson qu'une partie du public bombarde la scène de projectiles, obligeant à vider les lieux. Alors qu'il rentre chez lui, une puissante voiture percute sciemment la 2CV de Jara. Un peu plus tard, Jara apprendra que le fils cadet de Zujovic est élève au saint George college...



Victor Jara:"Preguntas por puerto montt".

Muy bien, voy a preguntar,
por ti, por ti, por aquél
por ti que quedaste solo
y el que murió sin saber,
murió sin saber por qué
le acribillaban el pecho
luchando por el derecho
de un suelo para vivir.

Bon, je vais poser des questions,
pour toi, pour toi, pour lui
pour toi qui te retrouves seul
et lui qui est mort sans comprendre,
mort sans savoir pourquoi,
on le criblait de balle,
alors qu'il luttait
pour le droit à la terre
pour vivre.


¡Ay, que ser más infeliz
el que mandó disparar,
sabiendo cómo evitar
una matanza tan vil!

Ah quel être odieux
celui qui a demandé de tirer
alors qu'il savait comment éviter cette tuerie infâme!


Puerto Montt, oh Puerto Montt
Puerto Mont, oh Puerto Montt.


Usted debe responder
Señor Pérez Zujovic,
por qué al pueblo indefenso
contestaron con fusil.

Vous devez répondre
monsieur Pérez Zujovic.
Pourquoi au peuple sans défense
a-t-on répondu par les armes?


Señor Pérez, su conciencia
la enterró en un ataúd
y no limpiarán sus manos
toda la lluvia del sur.

Monsieur Pérez, votre conscience,
vous l'avez enterrée dans un cercueil
et toute la pluie qui tombe au sud
ne lavera pas vos mains.


Murió sin saber por qué,
le acribillaron el pecho
luchando por el derecho
de un suelo para vivir.

il est mort sans savoir pourquoi
on le criblait de balle,
alors qu'il luttait
pour le droit à la terre
pour vivre.


¡Ay, que ser más infeliz
el que mandó disparar,
sabiendo cómo evitar
una matanza tan vil!

Ah quel être odieux
celui qui a demandé de tirer
alors qu'il savait comment éviter cette tuerie infâme!


Puerto Montt, oh Puerto Montt
Puerto Montt, oh Puerto Montt

Pour aller plus loin:
- "Victor Jara, un chant inachevé" écrit par l'épouse de Jara est bien plus qu'un livre biographique. C'est toute une période qu'on éclaire sur le Chili de l'époque.

Liens:
- La lutte en chantant: le Cône sud (1ere partie). Deuxième et troisième parties.

- Victor Jara sur l'Histgeobox.

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