Ruines d'Hiroshima après le bombardement.
Truman, en tant que vice-président, succède à F.D. Roosevelt, à la mort de ce dernier, en avril 1945. Il ne sait alors absolument rien des recherches en cours pour mettre au point la première bombe atomique. Elles ont pourtant débuté en juin 1942, sous la direction du général Leslie Groves, responsable du projet Manhattan (nom de code donné en 1941 au programme de recherches sur l'arme atomique). Groves et Henry Stimson, secrétaire à la guerre, le mettent au courant lorsqu'il prend ses fonctions.
Alors qu'il se trouve à la Conférence de Potsdam, le nouveau président américain apprend avec satisfaction que le premier test nucléaire réalisé (le 16 juillet 1945) a réussi "au delà de toute espérance". Quelques jours plus tard, Truman approuve la décision de mener une campagne de bombardements atomiques sur le Japon.
Quatre cibles sont retenues par l'état-major US: Kyoto, Hiroshima, Yokohama et Kokura, quatre villes essentielles pour l'industrie de guerre nippone. Le général Groves préférait Kyoto, mais Stimson le convainquit d'épargner la capitale historique du Japon. Hiroshima fut finalement retenue car elle était entourée de collines, ce qui devait avoir pour effet d'accroître les effets de la bombe.
Koruka constituait ensuite l'objectif pour la deuxième bombe, mais les nuages qui recouvraient alors la ville détournèrent le bombardier vers Nagasaki (le bombardement eut lieu le 9 août 1945 à 11h02: quelques 20 000 personnes périrent immédiatement et 50 000 autres au cours de l'année)...
Le 31 juillet, Truman donne l'ordre de bombarder Hiroshima, "dès que le temps le permet".
Paul Tibbets devant l'Enola Gay.
Cette mission à très haut risque est confiée à l'équipage de l'Enola Gay qui comprend 12 hommes placés sous le commandement de Paul Tibbets. Ce dernier s'est entraîné dur depuis la fin 1944, s'entourant d'individus expérimentés au sein du 509è Composite Group. Très vite, Tibbets se trouve face à un problème crucial: celui de la "délivrance" de la bombe. Les scientifiques expliquent en effet à Tibbets que l'avion devra voler à 9448 m, tandis que la bombe explosera à 600 m d'altitude. Quarante trois secondes s'écouleront entre le moment où la bombe sortira des soutes du bombardier B-29 et la déflagration. Dans cet intervalle, s'il veut survivre, l'équipage devra s'être éloigné d'au moins 12,8 km.
Reste qu'aux États-Unis, l'utilisation de l'arme atomique fait débat. Ralph Bard, sous-secrétaire d’État à la marine propose d'avertir solennellement le Japon avant d'utiliser l'arme (cette option étant écartée, il démissionne). Stimson écrit à Truman le 2 juillet en appuyant Bard. Il écrit: "le Japon est susceptible d'être raisonné, ce n'est pas une nation de fanatiques fous."
Mais voilà, les Américains rêvent tous d'abréger la guerre. Les autorités souhaitent pouvoir rapatrier au plus vite les milliers de soldats qui combattent dans le Pacifique et craignent d'avoir à mobiliser de nouveau les boys qui se sont battus en Europe. Dans le Pacifique, la stratégie des sauts de mouton d'île en île, s'est avérée payante depuis deux ans, mais l'avancée américaine se ralentit fortement au fur et à mesure que l'on se rapproche du Japon. La prise d'Iwo Jima (17 mars 1945), puis celle d'Okinawa, dans le sud du Japon coûtent la vie à des dizaines de milliers d'hommes. Dans ces conditions, l'état-major US redoute par dessus tout le débarquement au Japon, et les très lourdes pertes humaines qu'il entraînerait fatalement.
Little Boy.
Aussi, depuis le début de 1945, les bombardements sur les villes japonaises se sont multipliés. Le 6 mars 1945, 80 000 personnes décèdent sous le tapis de bombes déversées sur Tokyo par les B-29. Dans l'esprit de Truman et de ses conseillers, l'utilisation de la bombe devrait permettre d'accélérer la sortie du conflit et, peut-être, d'éviter l'invasion de l'archipel nippon prévue pour le 1er novembre 1945.
Par l'ultimatum de Potsdam (signé le 26 juillet 1945 par Churchill, Truman et le général chinois Tchang Kaï-Chek), le Japon est invité à capituler avant que ne s'abattent sur lui des forces "incomparablement plus grandes que celles qui, s'exerçant contre les nazis acharnés à la résistance, ont dévasté les terres, l'industrie et la vie du peuple allemand." Le Japon oppose une fin de non-recevoir.
Le champignon atomique géant après l'explosion. Photographie prise par George Caron à bord de l'Enola Gay.
Arrivé au dessus d'Hiroshima, l'appareil du colonel Tibbets largue la bombe à 8 heures 15 minutes et 17 secondes (heure locale), le 6 août. Quelques instants plus tard, l'équipage du bombardier s'est suffisamment éloigné pour pouvoir observer l'immense champignon pourpre qui surplombe la ville réduite en cendres. La bombe d'Hiroshima a tué instantanément environ 70 000 personnes, et peut-être 70 000 de plus au cours des mois suivants.
Une seconde bombe américaine est larguée sur Nagasaki, le 9 août. Le 15 août, l'empereur Hirohito annonce officiellement la capitulation du Japon, la reddition japonaise étant signée le 1er septembre (2 septembre, heure française). La seconde guerre mondiale vient de s'achever et les vœux de Truman exaucé. Le débarquement américain au Japon n'aura pas lieu.
A moyen terme, la détention de cette arme confère un avantage militaire prodigieux aux États-Unis, notamment face à l'URSS. Elle constitue un outil diplomatique puissant et convaincant.
Pochette du disque de l'Orchestral Maneuvres in the Dark.
Avec ce morceau le groupe OMD remporte un succès inouïe. Si la musique s'avère particulièrement entraînante et dansante, son thème n'en reste pas moins sinistre puisque le morceau évoque l'anéantissement d'Hiroshima. Enola Gay, titre du morceau, est aussi le nom du B-29 qui largua la bombe. L'appareil fut baptisé ainsi par Paul Tibbets en hommage à sa mère qui s'appelait ... Enola Gay. Le "petit garçon" qui fait la fierté de sa maman n'est autre que la bombe, surnommée "Little Boy" (deux charges d'uranium 235). Ce "baiser que tu donnes, il ne va jamais s'estomper."
"Enola Gay" _ OMD (1980).
You should have stayed at home yesterday
Ah-ha words can't describe
The feeling and the way you lied
These games you play
They're going to end in more than tears some day
Ah-ha Enola Gay
It shouldn't ever have to end this way
It's eight fifteen
And that's the time that it's always been
We got your message on the radio
Conditions normal and you're coming home
Enola Gay
Is mother proud of little boy today
Ah-ha this kiss you give
It's never going to fade away
Enola Gay
It shouldn't ever have to end this way
Ah-ha Enola Gay
It shouldn't fade in our dreams away
It's eight fifteen
And that's the time that it's always been
We got your message on the radio
Conditions normal and you're coming home
Enola Gay
Is mother proud of little boy today
Ah-ha this kiss you give
It's never ever going to fade away
_______________
Enola Gay,
Tu aurais dû rester à la maison hier
Oh oh c'est indescriptible
Le sentiment et la façon dont tu as menti
Ces jeux auxquels tu joues,
Ils vont tous se terminer mal un jour
Oh oh Enola Gay,
Cela ne devrait jamais se terminer comme ça
Il est 8h15,
Cette heure semble ne jamais passée
Nous avons eu ton message à la radio
Les conditions sont normales et tu rentres à la maison
Enola Gay,
Est la mère fière de son Petit Garçon aujourd'hui
Oh oh, ce baiser que tu donnes
Il ne va jamais s'estomper
Enola Gay,
Cela ne devrait jamais se terminer ainsi
Oh oh Enola Gay
Cela aurait dû faire disparaître nos rêves
Il est 8h15,
Oh Cette heure semble ne jamais passée
Nous avons eu ton message à la radio
Les conditions sont normales et tu rentres à la maison
Enola Gay,
Est la mère fière de son Petit Garçon aujourd'hui
Oh oh, ce baiser que tu donnes
Il ne va jamais s'estomper
Sources:
- Les archives du Monde 2 du 27 août 2005 consacrées à la capitulation du Japon. En particulier un article de Laurent Zecchini: "Le 6 août 1945, à 8h15, Hiroshima anéanti.", paru intialement dans le Monde du 3 août 1995.
Liens:
* Sur l'Histgeobox et Lire-Ecouter-Voir:
- Claude Nougaro: “il y avait une ville”.Histoire d'amour sur fond d'explosion atomique.
- Boris Vian "La java des bombes atomiques".
- Un Manga: Gen, enfant d'Hiroshima.
* Un site très bien fait sur Hiroshima et Nagasaki.
* Sur la Passerelle: "Hiroshima, comment en est-on arrivé là?"
* Formidable infographie sur Curiosphere.
* L'éditorial de Camus dans le journal Combat, le 8 août 1945: La civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie .
* Un article du Monde consacré aux "Mémoires d'Hiroshima" sur le bog de G. Hoibian.
* Nagasaki 9 août 1945, une bombe controversée (site du Monde).
Revoilà le pinailleur de service. Stimson convainquit Groves, j'en conviens bien. Mais j'ai dû un peu réfléchir avant de trouver le faux-ami dans cette histoire.
RépondreSupprimerAu passage, je critique, je critique, mais c'est parce que je lis avec attention les billets de ce blog, dont j'adore le principe.