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jeudi 14 janvier 2010

198. Les fils de joie: "Tonton macoute".

Un violent séisme vient de ravager Haïti, dévastant ce pays très pauvre et provoquant de très nombreuses victimes. Les conséquences de cette catastrophe naturelle sont aggravées par la déliquescence de l'Etat.
L'île fut en effet particulièrement éprouvée par l'histoire; elle a subi tour à tour la colonisation, l'esclavage, mais aussi de nombreuses dictatures. Cet vieille chanson des filles de joie évoque une des pages les plus sombres de l'île, la dictature de François Duvalier et ses redoutables tontons macoute.


A l'origine, Tonton Macoute est un personnage folklorique, généralement un vieillard portant en bandoulières un "macoute", et qui inspire une certaine crainte chez les enfants à cause de sa tenue austère. Or, sous la dictature de Papa Doc (Duvallier père), ce terme désigne les membres du groupe paramilitaire et de police parallèle appelés les Volontaires de la Sécurité Nationale (VSN). Cette milice, créée à la suite d'une attaque contre le président François Duvalier (le 29 juillet 1958), sert de garde prétorienne au dictateur. Très vite, elle sème la terreur et la mort dans son sillage, inspirant la plus grande crainte chez les Haïtiens.
Ils ne sont, malheureusement, qu'une des nombreuses plaies qui affectèrent ce territoire, comme nous allons le voir maintenant.


François Duvalier en 1963.

Christophe Colomb débarque en 1492 dans le nord-ouest d'Haïti ("hautes terres" en arawak), entraînant, en un siècle à peine, la disparition de la population indienne (maladies, exploitation dans le cadre du travail forcé).
En 1697, la France récupère par le traité de Ryswick la partie occidentale de l'île d'Hispaniola, tandis que les Espagnols conservent l'autre partie (future République dominicaine). Les colons français développent les cultures industrielles comme le café, le coton, le sucre. Les esclaves venus d'Afrique permettent au système de se développer, jusqu'à la grande révolte menée par Toussaint Louverture en 1791. Dessalines, qui triomphe du corps expéditionnaire envoyé par le premier Consul Bonaparte, proclame l'indépendance d'Haïti le 1er janvier 1804. La portée de cet événement est immense puisqu'il s'agit de la première guerre d'émancipation coloniale qui voit triompher pour la première fois des esclaves, donnant naissance à la première République noire.

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Toussaint Louverture.

Les puissances coloniales européennes, mais aussi les Etats-Unis, craignent une contagion de l'abolition de l'esclavage et engagent le blocus de l'île qui peine à se développer. Les généraux de l'indépendance qui se succèdent à la tête d'Haïti se montrent incapables de créer un Etat moderne et de forger une nation.
Déjà, l'île est ravagée par de violents tremblements de terre. Par exemple, en 1842, un séisme détruit la capitale du roi Christophe, Cap-Haïtien.

La fin du XIX° siècle et le début du XX° sont marqués par des guerres civiles à répétition et la misère économique. Au nom de la doctrine Monroe, les Américains interviennent en 1915 et tentent de renforcer les institutions et les équipement tout en développant les cultures industrielles au détriment des cultures vivrières traditionnelles. En 1934, les Etats-Unis se retirent et le pays plonge de nouveau dans le chaos, jusqu'à l'arrivée au pouvoir de François Duvalier.

Papa Doc et Bay Doc.


En 1957, ce dernier, familièrement appelé «Papa Doc», est élu président. Très vite, il installe son pouvoir autoritaire dans l'île. Dès 1964, il se proclame président à vie, s'arroge tous les pouvoirs et impose le parti unique. Le dictateur utilise tous les moyens pour se maintenir en place et réprime sans hésiter toute tentative de contestation. Il s'appuie ainsi sur une milice redoutable: les Tontons Macoute.



A la mort de François, en 1971, son propre fils de 19 ans, Jean- Claude Duvalier, surnommé «Baby Doc», accède au pouvoir et instaure à son tour un régime de terreur en Haïti. Le monopartisme est de mise et seul le CONAJEC (Conseil National d' Action Jean-Claudiste!!!) a le droit de citer. Tous les rouages de l’État restent entre les mains de "Baby Doc", qui tente d'assurer le décollage économique du pays. Pour ce faire, il tente d'attirer les investissements nord-américain, s'appuie sur le tourisme et fait appel à l'aide internationale, qui atterrit en grande partie dans ses poches. Au cours de son "règne", l'endettement file et lorsqu'il est enfin chassé du pouvoir en 1986, Haïti se trouve en situation de faillite.

Fin 1985, la situation sociale devient si critique que la population se rebelle et multiplie les manifestations. Au mois de janvier 1986, les protestataires s'en prennent aux symboles du pouvoir, les tontons macoutes, mais aussi le palais de justice des Gonaïves. La situation échappe en tout cas totalement au dictateur qui est contraint de déclarer l'état de siège le 31 janvier. Toutes ces journées d'émeutes sont émaillées de nombreux morts (opposants et tontons macoutes). Finalement, le 7 février 1986, il parvient à trouver refuge en France avec le soutien logistique des États-Unis.

L'annonce du départ de Baby Doc provoque l'euphorie, pourtant les malheureux Haïtiens n'en ont pas fini avec l'instabilité politique et les difficultés économiques et sociales. C'est le général Henri Namphy qui s'installe alors au pouvoir en tant que président du Conseil national du gouvernement, composé principalement de militaires. Au cours des trois années suivantes, le nouveau régime reste particulièrement instable, sans cesse sous la menace de coups d'états.
Le 7 avril 1990, l'élection de Jean-Bertrand Aristide suscite un immense espoir. Ce prêtre défroqué promet le changement et l'instauration de la démocratie en Haïti. Mais, en septembre 1991, le coup d'état du général Cédras le renverse. Aristide parvient néanmoins à convaincre la communauté internationale d'instaurer un blocus économique sur l'île afin de venir à bout du régime militaire. En fait, ce sont surtout les rares structures économiques encore en place qui en pâtissent.

C'est l'administration du président américain Clinton qui ramène au pouvoir Aristide au prix d'une seconde intervention américaine. Si René Préval succède à Aristide à la présidence, c'est pourtant ce dernier qui conserve la réalité du pouvoir. Son administration chaotique lui aliène la majeure partie de ses soutiens populaires. Pour paralyser l'opposition, l'ancien prêtre utilise à son tour les bandes armées, les redoutables "chimères", qui réactivent le terrible souvenir des tontons macoute. L'économie de l'île est gangrénée par une corruption généralisée. Les gangs urbains contrôlent les trafics d'armes et de drogues et se lancent dans l'industrie du kidnapping qui fragilise encore une société durement éprouvée par la misère et l'oppression. Finalement, Aristide est contraint de s'exiler en Afrique du sud en 2004, laissant Haïti dans une situation anarchique.

Depuis, 10 000 soldats et policiers de l'ONU aident à reconstruire le pays et essaient d'organiser le jeu politique sur de nouvelles bases. La criminalité a reculé et lors des élections du 7 février 2006, René Préval s'est fait réélire grâce aux voix des populations les plus humbles.
Il tente tant bien que mal de sortir son pays de l'ornière. Il a fort à faire puisque l'Etat haïtien se trouve dans un état lamentable, sous perfusion d'une aide internationale parfois brouillonne.

L'exode rural est venu gonfler la population de Port-au-Prince. Les nouveaux arrivants s'installent où ils le peuvent, dans des bidonvilles particulièrement soumis aux risques naturels. L'absence de plan d'urbanisme et de normes antisismiques aggravent bien sûr les conséquences du terrible séisme d'avant-hier. C'est l'extrême pauvreté de la population (72% de la population vit avec moins de 2 dollars par jour) et la désorganisation de l’État qui transforment cette catastrophe naturelle en catastrophe humanitaire.


Tonton Macoute (Olivier Blin)

Je suis un tonton Macoute
Tonton Macoute.
Je garde mon président, j'assure sa protection
rapprochée. Je suis son préféré !
Avec les filles pas de problème
Je torture je torture !

Avec mon couteau de commando
S'il y a des dissidents je torture !
Il y a des années que ça dure
Avec mon couteau who ho
C'est facile, facile, facile, mmmmh mama....

Hier soir, à l'Eden Bar
On est allé se défouler
Il y avait, deux trouillards
Moi je les ai rattrapés je les ai vitriolés !

Avec mon couteau de commando
S'il y'a des dissidents je torture !
Il y a des années que ça dure
Avec mon couteau who hoo
C'est ... facile ... facile ... facile, facile, facile, mmmh mama

Whoo avec mon couteau de commando
S'il y a des dissidents je torture !
Il y a des années que ça dure
Avec mon couteau whooo
C'est ... facile ... facile ... facile, facile, facile, mmmh mama
Whooo hooo

J'aime bien noyer les reporters
Qui prennent trop de photos
Mais mon sport favori c'est
Couper les têtes à grands coups de machette !

Avec mon couteau de commando
S'il ya des dissidents je torture !
Il y a des années que ça dure
Avec mon couteau whooo

C'est ... facile ... facile ... facile, facile, facile

Sources:
- Libération du jeudi 14 janvier 2010.
- Perspective Usherbrooke.

Liens:

- Les fils de joie.
- Glossaire sur Haïti.
- Terrifiante série de photos de Steven Bollman sur les tontons macoute.

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