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dimanche 5 mars 2017

322. Jean-Louis Murat: "Chacun vendrait des grives" (2014)

Pendant une grande partie du XIXème siècle, les populations rurales trouvent les ressources complémentaires (pluriactivité, migrations saisonnières) leur permettant de se maintenir au "pays". Les difficultés économiques ou/et l'attrait des "lumières de la ville" incitent toutefois de plus en plus de ruraux à quitter les campagnes surpeuplées. Cette émigration rurale prend une ampleur inédite à la veille de la grande guerre. Par son intensité et sa durée, ce grand mouvement de désertion des campagnes est baptisé du terme biblique « d' exode rural ». (1) 

Le village de Courbefy, dans le sud de la Haute-Vienne.


* Artisanat et migrations saisonnières comme réponse (temporaire) à la misère.
De 1815 à 1870, la paysannerie représente le groupe le plus nombreux de la population française. La France connaît alors une expansion démographique notable puisque sa population passe de 23,4 millions d'habitants en 1815 à 30,5 M en 1866. (2)
Cet accroissement de la population s'explique avant tout par une forte natalité. Dans les exploitations de type familial alors dominantes, une progéniture nombreuse permet souvent de se passer d'une main d’œuvre salariée au moment des récoltes et donc de réduire les charges d'exploitation. Dans le même temps, le taux de mortalité diminue plus vite dans les campagnes que dans les villes ce qui s'expliquerait par l'atténuation des crises de subsistance et l'amélioration de la nourriture quotidienne. Cette vitalité démographique  de la paysannerie aboutit à un surpeuplement de la plupart des régions rurales dont témoigne - entre autres indices - la persistance d'une mendicité importante. Les familles paysannes essaient d'y faire face tant bien que mal par la recherche d'activités de complément. C'est donc la faiblesse des ressources agricoles qui oblige le paysan à se faire aussi artisan ou ouvrier. Les spécialités changent au gré de la concurrence industrielle et de l'évolution technique de l'agriculture. > Les tisserands se raréfient après 1840, alors que forgerons et bourreliers se multiplient en raison de l'essor de la traction animale. 
La ville fournit d'ailleurs du travail aux ruraux. Par l'intermédiaire d'entrepreneurs locaux, les marchands-fabricants citadins distribuent l'ouvrage à une main d’œuvre rurale bon marché et malléable. Le travail à domicile, payé "à façon", prend des formes très diverses. On travaille la laine dans les villages champenois, la dentelle en Haute-Loire, le bois dans les Alpes et les Vosges, la coutellerie dans le Puy-de-Dôme, les pièces d'horlogerie dans le Jura... (3)
Les conditions techniques nouvelles incitent cependant les industriels à créer des ateliers, mieux adaptés au développement de la mécanisation. Les usines implantées en milieu rural recrutent une main d’œuvre géographique proche qui ne rompt donc pas ses attaches avec l'exploitation familiale.


Certaines régions isolées et montagneuses, au tissu urbain lâche, n'offrent guère de possibilités d'emploi. La main d’œuvre en surnombre doit alors se déplacer pour trouver du travail. Tirant profit du caractère saisonnier des activités agricoles, de nombreux paysans partent au cours de la morte-saison. Grâce à ces migrations, les zones pauvres reçoivent le numéraire qui leur fait cruellement défaut. Avec l'argent gagné, les migrants de la Creuse, de la Haute-Vienne, du Cantal, de la Haute-Loire et du Puy-de-Dôme peuvent parfois acquérir le lopin de terre convoité.
Les migrations agricoles sont les plus importantes. De nombreux paysans descendent de leurs montagnes pour se faire vendangeurs dans les vignobles du Beaujolais ou du Languedoc, d'autres sont embauchés comme moissonneurs en Beauce. 
L'essor du bâtiment dans les grandes villes après 1840 permet aux maçons de la Creuse de se faire embaucher sur les chantiers parisiens ou lyonnais.
L'objectif premier de tous ces migrants est le retour au pays. Il s'agit donc bien alors avant tout de migrations saisonnières ou temporaires, mais encore rarement définitives (entre 1830 et 1850: 40 à 50 000 personnes par an quittent les campagnes).

 * Partir un jour sans retour.
La pluriactivité et les migrations saisonnières ne peuvent empêcher la pauvreté de sévir en de nombreuses régions. Une mauvaise récolte, l'aggravation du chômage (comme entre 1848 et 1852) plongent des populations entières dans la misère. Les bandes de mendiants et  vagabonds grossissent, tandis que des explosions de colère prennent pour cible les usurpateurs de communaux. (4) Dans les régions riches, la modernisation de l'outillage agricole réduit de nombreux journaliers au chômage lors des moissons. Dans le domaine artisanal ou proto-industriel, les innovations technologiques (avec l'apparition des métiers à filer mécaniques) réduisent au chômage des milliers de ruraux, en particulier les fileuses de laine, lin et coton en Normandie.
Ces crises sociales mettent en branle le monde de la misère.
D'autres facteurs incitatifs accélèrent les départs. L'amélioration des communications grâce au renforcement du réseau routier facilite les migrations définitives comme temporaires. Dans ces conditions, les relations avec les villes s'intensifient. Partir définitivement devient plus aisé et moins aventureux.  
D'autant plus que l'essor urbain, accéléré par le développement des activités industrielles et commerciales, procurent aux ruraux des emplois, a fortiori plus stables et mieux payés que ceux des campagnes. Dans le bâtiment, par exemple, les salaires proposés vers 1850 s'avèrent bien supérieurs à ceux auxquels peut prétendre un journalier agricole.
Enfin, l'attrait des centres urbains ne doit pas être négligé. S'installer en ville est aussi un moyen d'échapper à l'emprise familiale pesante du village. Aussi, comme le note Annie Moulin (cf: sources), "le phénomène de l'émigration définitive est en fait l'addition de comportements individuels. Souvent un concours de circonstances détermine les comportements. Il est le résultat d'un arbitrage entre ce qu'on laisse au village et ce que l'on espère de la ville."
Concrètement, cela signifie que dans les zones de montagnes surpeuplées et concernées de longue date par les migrations saisonnières (Massif Central, Alpes, Pyrénées), de nombreux ruraux privés de moyens de subsistance fuient leur terroir. Beaucoup d'entre eux finissent par ne plus rentrer au pays pour se fixer là où le travail est disponible. Les vallées alpines sont ainsi désertées au profit de Lyon ou Marseille. De nombreux maçons creusois ou brocanteurs, chaudronniers, porteurs d'eau auvergnats s'installent dans la capitale. 
Au cours du Second Empire, les migrations définitives s'accentuent. Ceux qui partent sont alors surtout des hommes jeunes, célibataires. Parmi les paysans, ce sont en premier lieu les journaliers sans terre qui partent. C'est avant tout l'indigent qui émigre, tandis que le paysan qui a quelques moyens parvient à s'adapter. 
Ces départs décongestionnent les régions rurales surpeuplées dont les densités n'augmentent plus, mais on est encore loin d'une désertification.  se débarrassent de leur trop-plein démographique. "A ce stade, l'émigration ne remet pas en cause la cohérence de la paysannerie. En relâchant la pression démographique, elle permet plutôt l'épanouissement de la société paysanne." Dans ce "château d'hommes" qu'est le Massif Central, l'émigration rurale est perçue comme un mal nécessaire, voire une bénédiction. 



Carte extraite de  G. Duby et A. Wallon: "Histoire de la France rurale. Tome 3 - de 1789 à 1914", Le Seuil. Les régions déshérités (Massif central, Bretagne, Alpes, Bretagne) envoient vers les riches régions agricoles (Bassin parisien) ou les villes leurs jeunes gens en surnombre. 
 
* L'ébranlement 1880-1914.
Après une période faste (5), le monde agricole est affecté par de graves difficultés au cours des deux dernières décennies du XIXè siècle. (6) Or, cette dépression agricole coïncide avec un déclin de la vitalité démographique. 
Dans certaines régions, les pratiques malthusiennes se développent. Dans un désir d'ascension sociale, beaucoup de parents réduisent leur nombre d'enfants. Le renchérissement de la terre dans la seconde moitié du XIX e siècle, incite également les propriétaires à préserver leur bien de trop nombreux partages. Cette restriction volontaire des naissances atteste de la pénétration de nouvelles mœurs dans les campagnes. A la différence de la période précédente, les conséquences démographiques de l'émigration vers les villes ne sont donc plus compensés par le dynamisme démographique des campagnes. Or, les départs vers les villes s'accélèrent (85 000 à 100 000 par an de 1881 à 1891, parfois plus de 1891 à 1913). Comme lors de la période précédente, ceux qui partent sont surtout des actifs non agricoles: artisans, journaliers et ouvriers à domicile. En effet, la grande dépression (1873-1896) provoque l'arrêt du travail à domicile, des usines textiles et métallurgiques dispersées dans les vallées. Quantité de revenus d'appoint disparaissent alors. Aussi, les campagnes qui disposaient jusque là d'un éventail de professions très large, se spécialisent dans les activités agricoles. La tendance est encore accentué par le départ des bourgeois de village dont le mode vie rentier est remis en cause par les transformations économiques. (3) L'émigration féminine prend également davantage d'ampleur. De nombreuses servantes de fermes abandonnent alors les travaux agricoles pour se faire lingères, couturières ou domestiques auprès des familles bourgeoises.  Dans le même temps, les migrations temporaires déclinent. Les migrants se fixent en ville, bientôt rejoints par femmes et enfants. Dans certaines zones d'émigration importantes, le déclin démographique s'amorce déjà. Ainsi, faute de bras, la Creuse ne peut plus alimenter le marché du travail de la maçonnerie.
Certains contemporains parlent volontiers de dépopulation, ce qui est excessif. La situation de la Creuse est encore tout à fait exceptionnel.

Evolution de la population rurale en France entre 1811 et 1911 [d'après G. Duby et A. Wallon: "Histoire de la France rurale. Tome 3 - de 1789 à 1914", p373 ]
Régulièrement animés par les foires et les marchés, les villages demeurent vivants. Des commerces tels que le café, l'épicerie, le bureau de tabac, continuent d'y assurer l'animation. Les artisans y sont, certes, moins nombreux, mais néanmoins présents. Des fonctionnaires s'y implantent à l'instar du receveur des postes ou de l'instituteur. En outre, à partir de la fin des années 1870, la jeune IIIème République dote les campagnes d'infrastructures nouvelles. La France des villages, desservie par un maillage serré de routes et de voies de chemins de fer, se couvre alors d'un blanc manteau de mairies-écoles... au grand dam de certains. Les pourfendeurs de l'école républicaine considèrent que les progrès de l'instruction aggravent l’hémorragie démographique des campagnes. (7) Pour Félix Pécaut - le fondateur de l’École normale supérieure de Fontenay-aux-Roses - les maîtres contribuent au contraire à entretenir l'amour du pays et de la terre. D'ailleurs, "supposons l'école supprimée. Est-ce que les chemins de fer, la facilité, la rapidité, le bon marché des déplacements, ne continueront pas à solliciter les paysans d'aller rejoindre leurs pays [personnes originaires du même village] qui, déjà établis à la ville, servent d'appeaux? Est-ce que l'industrie n'est pas née, multipliant les usines, avec leurs salaires, calculés pour appeler un peuple d'ouvriers?" [Félix Pécaut, Quinze ans d'éducations. Pensées pour une République laïque, 1902]
Bref, à la veille de la grande guerre, les campagnes apparaissent comme un monde relativement stable. En dépit des départs, les agriculteurs restent nombreux et la France se suffit alors en produits agricoles. 



Migrations internes, 1881 à 1911: taux obtenus en divisant le solde migratoire total par la population de 1881. [d'après G. Duby et A. Wallon: "Histoire de la France rurale. Tome 3 - de 1789 à 1914",  p371] via Tourangelle Au cours de cette période, quelques grands pôles répulsifs se distinguent. Dans le sud et le centre du Massif Central, "l'évaporation humaine" est patente depuis la première moitié du XIXe siècle. C'est encore le cas de la Haute Provence dont les populations partent s'installer en basse Provence. La prolifique Bretagne se déleste pour sa part de ses enfants au profit des riches régions voisines.


* La grande guerre.
Après la grande guerre, si l'urbanisation progresse, la France n'en reste pas moins un pays encore majoritairement rural. Le monde des campagnes sort de la guerre dans une situation contrastée. Pratiquement la moitié des combattants français étaient des paysans (entre 3,4 et 3,7 millions de mobilisés sur 7,9 millions au total). Aussi, les pertes paysannes sont-elles considérables avec entre 500 000 et 700 000 morts ou disparus. C'est une ponction énorme pour la population active agricole (entre 16 et 22%). Certains villages perdent alors près du quart de leur population! Ces décès se conjuguent à la baisse de natalité au cours du conflit, accélérant le vieillissement et le dépeuplement de certaines régions rurales

Au fond, la grande guerre joue le rôle "d'accélérateur du déclin". Comme le note Nicolas Beaupré, "bien plus qu'elle n'aurait profité au secteur agricole, la guerre a plutôt contribué à briser un fragile équilibre par lequel la France devait se suffire à elle-même, comme la ferme nourrissait le paysan. Cet équilibre vacille aussi dans les mentalités. La ferme et le village ne représentent plus nécessairement le seul horizon des ruraux. Si la guerre a, un temps, ralenti l'exode rural, elle a, en même temps, contribué - comme auparavant le service militaire - à faire encore mieux connaître à des millions de paysans le monde des villes, ses mœurs et surtout, d'autres régions que leur terre d'origine L'exode rural reprend après guerre à un rythme croissant." 
Dans les années 1920, la population rurale diminue en moyenne de plus de 100 000 personnes par an. (7)  L'ampleur des départs s'apparente désormais à un véritable exode rural.  Dans les régions pauvres, le dépeuplement atteint une ampleur considérable. Il s'agit également d'un exode agricole dont les conséquences paysagères sont désormais visibles. (8) Les bois et les friches remplacent l'espace cultivé; des hameaux  désertés tombent en ruine. Ce phénomène de déprise est nettement perçu par les contemporains comme le prouve un article de Gabriel de la Rochefoucauld publié dans la Revue des Deux Mondes, en 1929. "Un jour, un causeur avisé me disait:'dans la Nièvre, nous ne voyons plus aux champs que des barbes grises'. Hélas, cette observation peut être faite (...) dans presque tous les départements.  Il est exact que la jeunesse se désintéresse de la terre." [cf: Pierre Cornu: "la forteresse du vide"]
 En 1931, pour la première fois, la population urbaine (51,2%) dépasse celle vivant à la campagne. La baisse relative de la population rurale est toutefois ralentie par la crise économique qui atteint les campagnes dès 1927, puis surtout par la Seconde Guerre Mondiale (la population rurale représente 47,6% de la population en 1936 et encore 46,8% en 1946).


* "la fin du village" (10)
Le retour des prisonniers de guerre s'accompagne d'un renouveau de l'exode rural. De nombreux jeunes ruraux décident également de chercher du travail en ville et d'y vivre, de profiter de loisirs inexistants dans le monde rural. Les bras en viennent à manquer alors même que l'agriculture française doit nourrir une population toujours soumise au rationnement alimentaire. Pour pallier le manque de bras, on doit faire appel à une main d’œuvre étrangère, principalement italienne mais aussi espagnole ou polonaise.
L'adoption du plan Monnet, combiné à l'aide américaine du plan Marshall, accélère la mécanisation de l'agriculture française qui connaît alors des bouleversements d'une ampleur inédite. A partir des années 1950, la concentration des exploitations associée aux très importants gains de productivité (9) engendrent une forte croissance agricole. Ces transformations s'accompagnent d'une forte diminution de la population agricole et donc de la population rurale. Au cours des années 1950-1960, l'exode rural reprend des proportions impressionnantes avec parfois plus de 100 000 départs définitifs/an. Entre 1954 et 1962, le nombre d'actifs agricoles passe de 3,5 à 2,6 millions, soit une diminution de plus de 3,5% par an!
Les conséquences de ces départs massifs varient selon les régions. Là où l'exode rural est déjà un phénomène ancien - Limousin, Alpes du Sud, Landes - certains villages connaissent la dépopulation et l'abandon. L'existence même de certaines communes est mise en cause. Afin d'assurer le maintien des équipements collectifs, la question du regroupement communal se pose. Dès le début des années 1960, de nombreuses écoles rurales sont supprimées chaque année, tandis que l'épiscopat se résigne à laisser les plus petites paroisses sans pasteur.

Selon l'INSEE, l'exode rural s'achève vers 1975. Depuis cette date, le solde migratoire ville/campagne s'est stabilisé et parfois même inversé au profit des campagnes en périphérie des principales aires urbaines (Perche, arrière-pays niçois, Vercors) ou dans celles permettant l'émergence d'activités résidentielles et touristiques (Périgord, Cévennes...). (11) Ce sont désormais des citadins en quête de meilleures conditions de vie qui s'installent à la campagne, tout en conservant leur mode de vie citadinL'influence urbaine - qui a toujours existé - se renforce, ne serait-ce que par ce que le travail (autre qu'agricole), les services se concentrent toujours plus dans les villes. Vitrine du monde agricole à destination des citadins, le salon de l'agriculture témoigne de l'intrication des liens ville/campagne. Il est dès lors assez périlleux de parler d'un mode de vie spécifiquement rural
Les anciennes collectivités villageoises, qui rassemblaient en un même espace géographique lieu d'habitation, de travail, de loisir ont disparu, même si les relations de proximité y restent souvent solides. D'aucuns déplorent cet état de fait sur l'air du "c'était mieux avant". Mais  pourquoi les zones rurales seraient-elles moins affectées que le reste de la société française par l'essor de l'indivualisme, du consumérisme...?

Avec le titre "chacun vendrait des grives", Jean-Louis Murat décrit la "fin du village" (12), dont la population se réduit comme peau de chagrin (passant de " 3900 habitants" à "114 habitants en comptant les enfants"). La disparition des habitants s'y accompagne de profondes transformations sociétales et paysagères. ["C'est la fin du village par la ville à la campagne horizon à présent l'arrière rejoint l'avant"/ "Encombré de bois confondant le haut et le bas / Couverts du même tapis oh quelle vie"]




Notes:
1. L'expression est inventée par un socialiste belge, Emile Vandervelde, en 1899.
2. Même si les données statistiques manque de fiabilité jusqu'au recensement de 1846, des évaluations crédibles permettent d'avancer ces chiffres.
3. Vers 1840,  500 000 ruraux travailleraient pour l'industrie et le commerce urbains.
4. Le code forestier de 1827 ou le partage des communaux contribuent ainsi à la détérioration des conditions de vie des ruraux les plus pauvres.  
5. Sous le Second Empire, l'agriculture française se développe fortement. La pénurie de main d'oeuvre liée aux premiers départs tire les salaires à la hausse. L'accroissement de la demande fait monter les prix de la production. L'adoption de techniques nouvelles, avec l'apparition de nouvelles machines agricoles (faucheuses, moissonneuses, batteuses) contribuent à l'essor fulgurant de la production agricole globale. L'adoption du libre-échange stimule en outre les exportations.   
6. La crise, de dimension européenne, se caractérise par une phase de contraction des prix. Le mouvement récessif s'amorce au cours des années 1870 pour se terminer vers 1895. Ce reflux est essentiellement lié à la mondialisation des échanges, renforcée par l'amélioration des transports maritimes. La dépression est aggravée par une série de crises spécifiques, plus ou moins localisées (le phylloxéra ravage les vignobles français, ruine de sériciculture...). L'accumulation des difficultés sur un court laps de temps entraîne une chute – au mieux une stagnation - de la production.
7. Les jeunes ruraux les plus prometteurs sont envoyés au séminaire ou à l'école normale.  
8. Entre 1892 et 1929, le nombre d'exploitations diminue d'environ 30%, en particulier parmi les plus petites. Les structures agraires se transforment. La grande majorité des exploitations sont cultivées en faire-valoir direct dans un cadre familial. Le fermage s'impose largement au détriment du métayage, désormais marginal. Les trois quarts des exploitants sont propriétaires.
9. Machines, semences hybrides augmentent les rendements, la génétique impulsée par l'INRA s'invite à la ferme.
10. En 1967, Louis Mendras publie "La fin des paysans". Il y prédit la disparition de la civilisation paysanne, la disparition de "l'état de paysan" et l'émergence du "métier d'agriculteur".   
11. Cette embellie démographique ne touche toutefois pas les zones à fortes contraintes (enclavement, relief, atonie économique...) "en voie de désertification". 
12. Les paroles font écho au livre que le sociologue  Jean-Pierre Le Goff consacre à la disparition et au délitement du village de Cadenet, dans le Lubéron. [lecture tout à fait dispensable]

 


 
"Chacun vendrait des grives" Jean-Louis Murat (2014)
Chacun vendrait des grives des lièvres et de la myrrhe 3900 habitants
Chacun vendrait des grives des lièvres et de la myrrhe 3900 habitants en comptant les enfants 5000 têtes de bétail à la ville à la campagne le tout à bas prix oh quelle vie
Encombré de bois confondant le haut et le bas Couverts du même tapis oh quelle vie

Hé berger de village Hé paroissien de montagne Où finit le hameau tout là-haut C'est la fin du village par la ville à la campagne horizon à présent l'arrière rejoint l'avant 

Tourné vers l'armoire pour y rencontrer le miroir Dans son collier de laiton que ce monde est con C'est la fin du village par la ville à la campagne horizon à présent l'arrière rejoint l'avant

Chacun vendrait des grives des lièvres et de la myrrhe 114 habitants en comptant les enfants C'est la fin du village par la ville à la campagne horizon à présent l'arrière rejoint l'avant Quel étui de moi vient rouler dans cette nuit quel bleu noir bleu noir à l'infini 

Sources:
- G. Duby et A. Wallon: "Histoire de la France rurale. Tome 3 - de 1789 à 1914", éditions du Seuil, 1992. 
- Sylvie Aprile: "La Révolution inachevée (1815-1870)", Belin, 2014.
- Nicolas Beaupré: "Les  grandes guerres (1914-1945), Belin, 2014.
-  Arnaud-Dominique Houte:"La France sous la IIIe République. La République à l'épreuve, 1870-1914", la Documentation photographique, 2014.
- Annie Moulin:"Les paysans dans la société française.", Le Seuil.
- Démographie du Massif Central.
- Insee: deux siècle de démographie auvergnate
- Un exemple de désertification rurale: Montboudif.
- Geoconfluences: "Rural (mutation des territoires ruraux)."

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