[photo perso] |
Ancienne vallée fluviale taillée dans le calcaire secondaire, le massif des calanques s'étend du sud de Marseille jusqu'à la commune de Cassis. A la suite des bouleversements climatiques, ce canyon s'est creusé avant d'être partiellement envahi par la mer lors de la dernière glaciation. «Une calanque est une sorte de fjord marseillais, un endroit où la mer pénètre loin dans la terre. Il y a environ 1,5 million d'années, un mouvement des plaques tectoniques a provoqué un soulèvement du relief de plusieurs centaines de mètres. Dans le même temps, la mer est descendue très bas, laissant les torrents creuser la roche calcaire.
Puis, il y a de cela 10 000 ans, la mer est remontée, envahissant le lit du torrent.» (source H p 81)
"Calanque" dériverait du provençal calanco, au sens de "pente rapide, ruelle étroite, crique, cale". Le terme désigne aujourd'hui une petite baie entourée de rochers pouvant s'enfoncer parfois profondément dans l'ensemble du massif calcaire. Les calanques offrent une biodiversité et un patrimoine culturel matériel comme immatériel d'une grande richesse. Les reliefs karstiques sous-marins possèdent une architecture complexe (grottes, arches, canyons...), tandis que le territoire se compose d'une mosaïque de garrigues, de landes et de pelouses. Il faut dire que les calanques détiennent le record français de la plus faible pluviosité. L'aridité y est aggravée par la forte évaporation due au soleil et au vent. Les calanques abritent néanmoins une faune et une flore d'une grande richesse, adaptées à ce milieu hostile combinant sécheresse estivale, sol calcaire, embruns salés.
Les calanques sont occupées depuis la préhistoire comme en atteste la grotte Cosquer au cap Morgiou dont les peintures rupestres remontent à 27 000 ans pour les plus vieilles. De nombreux vestiges, bien plus récents, restent visibles: forts, anciennes usines, fours à chaux, cabanons... Jusqu'à la fin du XIX° siècle, ce site si particulier n'attirait que chasseurs et pêcheurs. La colonisation des canyons sous-marins se développe véritablement au cours de l'entre-deux-guerres; elle est le fait des classes populaires qui découvrent alors les plaisirs du temps libre et n'ont pas les moyens, ni l'envie, de voyager ailleurs.
Sormiou (flickr: Jeanne Menjoulet) La calanque de Sormiou, une des rares à être habitée, est bordée par une centaine de cabanons. Autrefois, ces derniers étaient habités par des pêcheurs de Mazargue - le village voisin - qui souhaitaient y ranger leur matériel et y passer la nuit. |
Le cabanon traditionnel est un cube de 30m² maximum équipé (ou pas) d'un escalier de meunier, d'une sous-pente (une mezzanine), d'une pergola à l'avant, d'un petit jardin et de toilettes extérieures (cagadous) à l'arrière. A l'origine, le cabanon est d'abord le domaine des hommes, jusqu'à ce que les citernes individuelles en permettent une fréquentation familiale. Les constructions, très sommaires au départ, deviennent progressivement des lieux de villégiatures nettement plus confortables même si l'eau courante et l'électricité restent souvent bannies.
Prenons l'exemple de la calanque de Callelongue. Le tout-à-l’égout n'y est installé que très tardivement, tout comme l'électricité et l'eau. Le confort est spartiate. L'abri s'apparente à un débarras dans lequel on entrepose tout ce dont on ne souhaite pas se séparer définitivement. La vie se déroule largement dehors, en extérieur et le mode de vie est largement dicté par le climat. Pendant une longue période, aucune route carrossable ne permettait de rejoindre les cabanons. Aussi l'accès se faisait-il par de petits sentiers caillouteux et sinueux. Les gens venaient ici grâce au tram, puis terminaient à pieds avec tout leur bardas pour venir passer l'été: une véritable expédition. Des camions passaient pour vendre de la nourriture. Les locataires s'installaient là pour l'été (c'était le début des congés payés). Les Marseillais arrivaient au cabanon pour le week-end à partir de Pâques, puis l'été.
Tout au long du XX° siècle, les calanques deviennent le lieu d'accueil de nouvelles activités de loisirs ou de découvertes: escalade , exploration sous marine dans le sillage du commandant Cousteau et d'Albert Flaco
En 2012, les Calanques deviennent parc national. Sur les milliers d'hectares protégés, les mesures de sécurité sont très strictes et une charte de bonne conduite a été mise en place. Depuis 1975, les calanques de Sormiou sont un site classaé ce qui ne permet plus aucune construction.
Callelongue. Jean-Pierre Dalbéra [Wiki C] |
* Les cabanons de Callelongue.
Au début du XXème siècle, tout le littoral sud de Marseille était occupé par des usines de produits chimiques (soufre, alcaline), des usines de retraitement. A Callelongue (calanque longue), les cabanons installés furent donc occupés par des ouvriers. A la manière des corons du Nord de la France, les travailleurs étaient logés ici par les usines. A la fermeture de ces dernières, la marine racheta la concession, installa un sémaphore et loua les cabanons aux descendants des familles d'ouvriers pour des sommes modiques. Les guitounes étaient occupées par des gens d'extraction modeste et ne constituaient pas encore un lieu de villégiature pour les bourgeois.
Au début du XXème siècle, tout le littoral sud de Marseille était occupé par des usines de produits chimiques (soufre, alcaline), des usines de retraitement. A Callelongue (calanque longue), les cabanons installés furent donc occupés par des ouvriers. A la manière des corons du Nord de la France, les travailleurs étaient logés ici par les usines. A la fermeture de ces dernières, la marine racheta la concession, installa un sémaphore et loua les cabanons aux descendants des familles d'ouvriers pour des sommes modiques. Les guitounes étaient occupées par des gens d'extraction modeste et ne constituaient pas encore un lieu de villégiature pour les bourgeois.
En 1960, le bail de la concession
attribué à la marine (qui disposait d'une concession avec un bail
emphytéotique), arriva à son terme. Le site fut racheté par un
architecte-entrepreneur qui souhaitait faire une marina, mais en fut
empêché par l'adoption des premières lois littorales. Faute de
pouvoir construire sa marina, il continua à louer les cabanons
aux familles qui les occupaient jusque là. Lorsqu'une famille
« lâchait » un cabanon, le bouche-à-oreille faisait le
reste. Par cooptation, ou à l'aide de dessous de tables (il fallait
payer un pas de porte à l'ancien locataire pour pouvoir rentrer dans
les lieux), le cabanon trouvait vite preneur. Le loyer en lui-même
était dérisoire. L'accord avec le propriétaire pouvait
se résumer ainsi : «Je vous loue peu cher, mais je ne m'occupe
de rien. » Ce qui veut dire que le locataire se
comportait comme un propriétaire, effectuant tous les travaux. Le cabanon était donc la petite
maison de campagne à pas cher.
[Photo perso] |
Les cabanons "évoquent l'hédonisme, le repos les pieds dans l'eau et la tête au soleil, de grandes bouffes en famille ou entre amis. Ils invitent à prendre son temps aussi, luxe étonnant en bordure d'une agglomération bourdonnante de près d'un million d'habitants."(source B)
*Un territoire sous pression.
Les cabanons s'éparpillent autour de Marseille, dans l'anse de la Verrerie, aux Goudes, à Callelongue, à Morgiou, Sormiou, au Vallon des Auffes, où, désormais, ils sont habités à l'année. Autant de sites qui, aujourd'hui, résistent mal à une pression touristique exponentielle. Des millions de visiteurs annuels fréquentent de nos jours le parc national des calanques. L'été, l'afflux massif de marcheurs ou visiteurs ne va pas sans poser de sérieuses difficultés: gestion des déchets, érosion, pollution... Les calanques suscitent toutes les convoitises. Constitués à l'origine de quatre murs et d'un toit, certains cabanons se transforment, avec ou sans permis, en résidences confortables. Avec le temps, ces constructions se sont "embourgeoisées" jusqu'à ressembler à de petites résidences secondaires avec terrasse et balcon en avancée sur la mer. A la mort du locataire d'un cabanon, le bail prend fin. Aussi, la "libération" des lieux est désormais scrutée avec attention. Posséder un cabanon devient le dernier des chics et une manne financière non négligeable pour ceux qui les louent à la semaine.
* Mythologie des calanques.
Les artistes n'ont eu de cesse de célébrer les calanques: écrivains (Frédéric Mistral "Calendal", Gaston Rébuffat, Jean-Claude Izzo), peintres (Ponson, Braque, Derain). Les chansons célèbrent également "l'art de vivre" provençal au cabanon, toujours au contact de la nature à l'instar du " petit cabanon" d'Andrex ou de "la chanson du cabanon" d'Andrée de Turcy. Plus près de nous, le groupe marseillais Massilia Sound system consacre un morceau à cette culture du cabanon. Le "Dimanche aux Goudes" montre bien qu'aller aux calanques constitue une rupture avec le temps habituel, un moyen d'être en communion avec la nature, loin de l'agitation de la métropole voisine: "Je connais un endroit où tout paraît meilleur, / Un endroit au soleil sans oiseaux de malheur, / Là-bas dans la calanque tu verras c’est le cœur." Après avoir trimé dur toute l'année, les Marseillais aspirent à se ressourcer dans un cadre exceptionnel, à quelques encablures seulement du reste de la ville. Dès lors, l'été venu, "l'appel des Goudes est le plus fort". "On va passer un dimanche aux Goudes / En famille, entre amis, que l’on soit riche ou non / C’est un plaisir que personne ne boude / Le rêve marseillais, un soir d’été au cabanon."
Les cabanons s'éparpillent autour de Marseille, dans l'anse de la Verrerie, aux Goudes, à Callelongue, à Morgiou, Sormiou, au Vallon des Auffes, où, désormais, ils sont habités à l'année. Autant de sites qui, aujourd'hui, résistent mal à une pression touristique exponentielle. Des millions de visiteurs annuels fréquentent de nos jours le parc national des calanques. L'été, l'afflux massif de marcheurs ou visiteurs ne va pas sans poser de sérieuses difficultés: gestion des déchets, érosion, pollution... Les calanques suscitent toutes les convoitises. Constitués à l'origine de quatre murs et d'un toit, certains cabanons se transforment, avec ou sans permis, en résidences confortables. Avec le temps, ces constructions se sont "embourgeoisées" jusqu'à ressembler à de petites résidences secondaires avec terrasse et balcon en avancée sur la mer. A la mort du locataire d'un cabanon, le bail prend fin. Aussi, la "libération" des lieux est désormais scrutée avec attention. Posséder un cabanon devient le dernier des chics et une manne financière non négligeable pour ceux qui les louent à la semaine.
Les artistes n'ont eu de cesse de célébrer les calanques: écrivains (Frédéric Mistral "Calendal", Gaston Rébuffat, Jean-Claude Izzo), peintres (Ponson, Braque, Derain). Les chansons célèbrent également "l'art de vivre" provençal au cabanon, toujours au contact de la nature à l'instar du " petit cabanon" d'Andrex ou de "la chanson du cabanon" d'Andrée de Turcy. Plus près de nous, le groupe marseillais Massilia Sound system consacre un morceau à cette culture du cabanon. Le "Dimanche aux Goudes" montre bien qu'aller aux calanques constitue une rupture avec le temps habituel, un moyen d'être en communion avec la nature, loin de l'agitation de la métropole voisine: "Je connais un endroit où tout paraît meilleur, / Un endroit au soleil sans oiseaux de malheur, / Là-bas dans la calanque tu verras c’est le cœur." Après avoir trimé dur toute l'année, les Marseillais aspirent à se ressourcer dans un cadre exceptionnel, à quelques encablures seulement du reste de la ville. Dès lors, l'été venu, "l'appel des Goudes est le plus fort". "On va passer un dimanche aux Goudes / En famille, entre amis, que l’on soit riche ou non / C’est un plaisir que personne ne boude / Le rêve marseillais, un soir d’été au cabanon."
DIMANCHE AUX GOUDES
Davant la mar,
Dessús la grava,
Lo ciele es blu e lo soleu valent.
Davant la mar,
Dessús la grava,
Per calinhar segur qu’es lo bòn moment.
Davant la mar,
Dessús la grava,
Ambé per tot vestit lo lume dei rais.
Davant la mar,
Dessús la grava,
Siás polida que non sai !
Davant la mar,
Dessús la grava,
Lo ciele es blu e lo soleu valent.
Davant la mar,
Dessús la grava,
Per calinhar segur qu’es lo bòn moment.
Davant la mar,
Dessús la grava,
Ambé per tot vestit lo lume dei rais.
Davant la mar,
Dessús la grava,
Siás polida que non sai !
(Traduction)
Devant la mer,
Sur la grève,
Le ciel est bleu et le soleil vaillant.
Devant la mer,
Sur la grève,
Pour s’aimer c’est sûr c’est le bon moment.
Devant la mer,
Sur la grève,
Avec pour tout vêtement la lumière des rayons.
Devant la mer,
Sur la grève,
Tu es tellement jolie !
Devant la mer,
Sur la grève,
Le ciel est bleu et le soleil vaillant.
Devant la mer,
Sur la grève,
Pour s’aimer c’est sûr c’est le bon moment.
Devant la mer,
Sur la grève,
Avec pour tout vêtement la lumière des rayons.
Devant la mer,
Sur la grève,
Tu es tellement jolie !
On va passer un dimanche aux Goudes
En famille, entre amis, que l’on soit riche ou non
C’est un plaisir que personne ne boude
Le rêve marseillais, un soir d’été au cabanon.
En famille, entre amis, que l’on soit riche ou non
C’est un plaisir que personne ne boude
Le rêve marseillais, un soir d’été au cabanon.
Du lundi au samedi, travailleurs et chômeurs
Tous ceux qui étudient, les honnêtes, les fraudeurs
Les papys, les mamies, les policiers, les voleurs
Veulent tous recevoir le fruit de leur dur labeur
Ils voudraient tous conserver quelques valeurs
Ces valeurs auxquelles Marseille a toujours fait honneur
La convivialité, la chaleur, et la bonne humeur
Le rythme des marseillais au gré des saisons, des couleurs
À l’automne on va passer quelques belles soirées dehors
L’hiver il faut patienter, là-dessus on est tous d’accord
Si le printemps le permet, on se promène sur le port
Mais quand arrive l’été, l’appel des Goudes est le plus fort.
Tous ceux qui étudient, les honnêtes, les fraudeurs
Les papys, les mamies, les policiers, les voleurs
Veulent tous recevoir le fruit de leur dur labeur
Ils voudraient tous conserver quelques valeurs
Ces valeurs auxquelles Marseille a toujours fait honneur
La convivialité, la chaleur, et la bonne humeur
Le rythme des marseillais au gré des saisons, des couleurs
À l’automne on va passer quelques belles soirées dehors
L’hiver il faut patienter, là-dessus on est tous d’accord
Si le printemps le permet, on se promène sur le port
Mais quand arrive l’été, l’appel des Goudes est le plus fort.
Du printemps au printemps trop de mauvais délires
Résonnent dans la ville et mon esprit chavire,
C’est le chaple partout vraiment pas de quoi rire,
Ça file tous les jours, tu peux t’attendre au pire
Pas le temps de souffler c’est toujours le chantier,
Pas le temps de souffler, le monde est sans pitié,
Certains sont prêts à tout pour finir les premiers,
Dans le ciel les vautours se comptent par milliers,
Laissons là tous ces fous et partons voir ailleurs
Je connais un endroit où tout paraît meilleur,
Un endroit au soleil sans oiseaux de malheur,
Résonnent dans la ville et mon esprit chavire,
C’est le chaple partout vraiment pas de quoi rire,
Ça file tous les jours, tu peux t’attendre au pire
Pas le temps de souffler c’est toujours le chantier,
Pas le temps de souffler, le monde est sans pitié,
Certains sont prêts à tout pour finir les premiers,
Dans le ciel les vautours se comptent par milliers,
Laissons là tous ces fous et partons voir ailleurs
Je connais un endroit où tout paraît meilleur,
Un endroit au soleil sans oiseaux de malheur,
Là-bas dans la calanque tu verras c’est le cœur.
Sources:
Source A. Wiki.
Source B. Le Monde M:"Cabanons hors saison"
Source C: Le cabanon, un art de vivre.
Source D. France culture: "Maisons de famille 3/5: le cabanon dans la calanque"
Source E. Le Monde 2: "Calanques de Marseille. Le blues des cabanoniers."
Source F. "Les calanques, parc national "à la marseillaise". ", Le Monde du 19/04/2012.
Source G: "Les calanques et leur évolution"
Source H: Anne Monnier: "Balades dans les calanques", in L’Âme des lieux n°2, septembre 2018.
- "Les calanques d'Izzo featuring Miles"
- Made in Marseille: "Quel avenir pour les calanques face à la pollution industrielle du passé?"
- Parc national des calanques: "Les calanques et l'art"
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