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mardi 5 mai 2009

157. Alpha Blondy : "Jah Houphouët" (1987)


Possession française depuis 1842, devenue protectorat en 1889, la Côte d'Ivoire est érigée en colonie autonome le 10 mars 1893. En 1904, elle intègre l'Afrique occidentale française (AOF) tout juste fondée.

Originaire du village de Yamoussoukro, au centre de la Côte d'Ivoire, Félix Houphouët-Boigny devient médecin. Il représente un courant modéré du nationalisme. Il créé en 1946 le Rassemblement démocratique Africain (RDA, associé à l'UDSR, le parti de Mitterrand).


La Conférence de Brazzaville (30 janvier-5 février 1944) prévoit la représentation des peuples d'Outre-mer au Parlement français. Aussi, Félix Houphouët-Boigny est élu l'année suivante député à la première Assemblée constituante française. Il est même à plusieurs reprises ministre dans des gouvernements français. Il a été ministre délégué à la Présidence du Conseil dans le Gouvernement de centre-gauche (Front Républicain) dirigé par le socialiste Guy Mollet de février 1956 à juin 1957 (le plus long de la IVème République). Il est devenu ministre d'État dans le gouvernement suivant, celui de Maurice Bourgès-Maunoury (rad.-soc.) de juin à novembre 1957, ministre de la santé dans le gouvernement de Félix Gaillard (rad.-soc. de novembre 1957 à mai 1958). A cette date, il redevient ministre d'État dans le gouvernement de Pierre Pflimlin (MRP, de mai à juin 1958), poste qu'il conserve d'ailleurs dans le dernier gouvernement, celui du Général de Gaulle assurant la transition vers une Vème République officiellement proclamée à la fin de l'année 1958.

Il a donc connu tous les gouvernements de la fin de la IVème République, illustrant l'un des caractères de ce régime : l'instabilité ministérielle mais aussi la permanence des personnes se partageant les postes. Dans le premier gouvernement de la Vème République, celui de Michel Debré, il est ministre "conseiller" de 1959 à 1961.

Août 1958. Visite du Général de Gaulle, récemment arrivé au pouvoir, à Abidjan pour soutenir le "oui" au référendum de la nouvelle Constitution française qui prévoit le remplacement de l'Union française par la Communauté française et son ouverture aux colonies. Les Ivoiriens votent "oui" à 99,9% lors du référendum de septembre 1958.

Le 4 décembre 1958 a lieu la proclamation de la République de Côte d'Ivoire, Etat autonome au sein de la Communauté française. La proclamation de l'indépendance de la Côte d'Ivoire, le 7 août 1960, constitue l'aboutissement logique de ce processus de décolonisation négociée.

27 novembre 1960, Félix Houphouët-Boigny est élu Président de la République. Il est réélu à six reprises en 1965, 1970, 1975, 1980, 1985 et 1990. A la tête de son parti unique qu'il tient d'une main de fer, et dont il évince ses rivaux, le parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI), il préside aux destinées de la Côte d'Ivoire pendant 33 ans. Tout au long de son "règne", il maintient des liens étroits avec l'ancienne puissance coloniale (signature d'accords de défense, accords d'assistance militaire...) et s'oppose aux thèses fédéralistes de Senghor (projet de fédération malienne). Pour Bernard Droz, il "est le principal artisan, avec le général de Gaulle, des indépendances "balkanisées", de 1960".
Le pays connaît dans un premier temps une exceptionnelle réussite économique fondée sur la richesse agricole du pays. Le cacao et le café, cultivés par de nombreux petits planteurs, donnent naissance au "miracle ivoirien", dans les années 1960-1970. Ces productions se vendent bien et le cours des produits reste élevé. Le pays connaît alors une grande avance sur ses voisins : taux de scolarisation élevé, réseau routier dense, politique sociale redistributrice... Cette prospérité attire. De très nombreux travailleurs immigrés, venus du Mali et de Haute-Volta (le Burkina Faso actuel), s'installent dans le pays.
Or, l'effondrement des cours du cacao en 1978 entraîne de très nombreuses difficultés dans le pays, puisque, dans de nombreuses régions, le cacao constitue une véritable monoculture. De nombreuses tensions apparaissent alors dans le pays :
  • en 1970, répression d'un soulèvement de l'ethnie Bété contre la domination économique exercée par les Baoulés, peuple auquel appartient Félix Houphouët-Boigny;
  • manifestations étudiantes le 9 février 1982, fermeture de l'Université et des grandes écoles. Leader de la contestation, Laurent Gbagbo crée l'embryon de ce qui deviendra le Front populaire ivoirien (FPI), principal opposant au PDCI, puis s'exile en France.

La basilique de Yamoussoukro. Les travaux pharaoniques et le coût de construction de ce monument illustrent les dérives du régime et la mégalomanie du président ivoirien. Située au centre de l'Etat, en plein pays baoulé, le président élève d'ailleurs sa ville natale au rang de capitale de la République de Côte d'Ivoire, en mars 1983.
A la suite de la chute du mur de Berlin, on assiste dans de nombreux pays africains à une transition démocratique (en tout cas en façade). De fait, on assiste à un assouplissement du régime. En mai 1990, les partis politiques sont légalisés. Les opposants politiques, souvent exilés, retournent au pays à l'instar de Laurent Gbagbo en 1988. En novembre ont lieu les premières élections législatives pluralistes, qui ne remettent d'ailleurs pas en cause la domination du PDCI.
La transition démocratique reste chaotique. En février 1992, à la suite de manifestations étudiantes, Laurent Gbagbo est arrêté et condamné le 6 mars à deux ans de prison. Il est libéré le 1er août suivant.
Le président Houphouët-Boigny décède le 7 décembre 1993, le jour de la fête nationale(combinaison du 4 décembre 1958 et du 7 août 1960), à l'âge de 88 ans. Le président de l'Assemblée nationale Henri Konan Bédié achève le mandat présidentiel, conformément à l'article 11 de la Constitution modifiée en 1990.

Au bout du compte, il semble juste de tirer un bilan contrasté de la très longue présidence d'Houphouët-Boigny. Incontestablement, le régime était et resta autoritaire jusqu'au bout. Le décollage économique du pays ne fut pas durable. La corruption et le népotisme régnèrent. Néanmoins, l'aménagement du territoire ivoirien, en terme d'infrastructures de transports notamment, reste sans équivalent en Afrique de l'ouest. Le pays connut, certes dans un cadre autoritaire, une grande stabilité politique, qui contraste avec l'anarchie actuelle du pays, déchiré par les débats sur l'ivoirité.


Cette célébration du père de la nation ivoirienne, qui ne dit mot des dérives autoritaires du régime, peut surprendre. En effet, Alpha Blondy avait enregistré sur son premier disque Jah Glory (1983) un titre intitulé "Brigadier Sabari" ("Brigadier, pitié!), chanté en dioula, dans lequel il revenait sur une vraie "opération coup-de-poing" de la police ivoirienne à laquelle il avait assisté. Le titre qui dénonce les violences policières coutumières rencontre un immense succès en Côte d'Ivoire et dans toute l'Afrique de l'ouest. Autre paradoxe, l'insistance habituelle chez les rastas sur le panafricanisme, évoqué ici par l'OUA. L'Organisation de l'Unité Africaine a été créée en 1963 à Addis Abbeba derrière Kwame Nkrumah et Haïlé Sélassié. Cependant Houphouët n'a pas souhaité que cette organisation rassemblant 32 Etats africains favorise l'intégration mais plutôt la coopération entre eux (à l'image de de Gaulle en Europe ... ). C'est sa conception qui l'a emporté.




Voici les paroles de "Jah Houphouët" par Alpha Blondy :

houphouet
jah rasta man
houphouet boigny
c'est un rasta man


il est bon.
comme un rasta man
partisan de la paix
comme un rasta...

il s'est saigné à blanc
pour nous ses petits enfants
il a consacré sa vie
pour nous ses petits

faut pas demander au bon Dieu sa barbe
bis
houphouet jah!


pilier central O-U-A!!
pilier central R-D-A!!
houphouet était là...
avant, avant, avant, avant avant avant avant...
Addis Abeba!!!!
jah jah houphouet
na na boigny

Jah Jah Houphouet
longue vie nana boigny
Jah Jah Houphouet
Que si au nana boigny


Jah Jah Houphouet
Jah Jah Houphouet Yéah!

pilier central O-U-A!!
pilier central R-D-A!!
houphouet était là
avant, avant, avant, avant avant avant avant...
Addis Abeba
jah jah houphouet
na na boigny

jah jah houphouet
longue vie nana boigny
Jah Jah Houphouet
Jah Jah Houphouet Yéah!

Etienne Augris et Julien Blottière

Sources :

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