Le 6 mars 1957, la Gold Coast devient la première colonie d'Afrique sub-saharienne à accéder à l'indépendance. Elle abandonne alors son toponyme colonial et se rebaptise Ghana, en référence à l'ancien Empire africain (qui ne correspondait d'ailleurs pas du tout à l'actuel Ghana).
Le retentissement de cet événement est immense en Afrique noire et Accra devient la capitale des peuples en lutte. Durant la nuit du 6 mars 1957, des manifestations de joie et de jubilation ont lieu dans la capitale du Ghana. Elles retentissent à travers l’Afrique et ont un écho dans toute la diaspora noire, aux Caraïbes, en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis.
Martin Luther King et Kwame NKrumah, lors de la visite du premier au Ghana.
* Vers les Etats-Unis d'Afrique?
Nkrumah devient le champion du panafricanisme. Il lance par exemple: «L’indépendance du Ghana n’a aucun sens sauf si elle est combinée avec la libération totale de l’Afrique». Pour concrétiser cette intention, il organise en 1958 une Conférence des peuples africains, à Accra.
Au printemps 1963, un sommet, rassemblant 30 chefs d'Etats de l'Afrique indépendante, se tient à Addis-Abeba. Il donne naissance à l'OUA, l'Organisation de l'Unité Africaine. Au cours des débats, l'ouvrage L'Afrique doit s'unir écrit quelques semaines auparavant par NKrumah est distribué aux participants. Il allait constituer le bréviaire de l'institution panafricaine naissante. L'auteur y écrivait ainsi: "La survivance de l'Afrique libre, les progrès de son indépendance et l'avance vers l'avenir radieux auquel tendent nos espoirs et nos efforts, tout cela dépend de l'unité politique. (...)
Tel est le défi que la destinée a jeté aux dirigeants de l'Afrique. C'est à nous de saisir cette occasion magnifique de prouver que le génie du peuple africain peut triompher des tendances séparatistes pour devenir une nation souveraine, en constituant bientôt, pour la plus grande gloire et prospérité de son pays, les Etats-Unis d'Afrique."
Certes l'idée panafricaine n'est pas nouvelle: Du Bois, Garvey, Padmore ont déjà beaucoup réfléchi sur ce sujet, il n'empêche que NKrumah s'impose à l'heure des indépendances comme le plus brillant, le plus cohérent des théoriciens du panafricanisme. Au contact du journaliste Benjamin Nnamdi Azikiwe, il découvre le concept de Renaissance africaine, associant lutte pour la libération nationale, célébration des réalisations les plus brillantes de l'Afrique précoloniale et ambitions volontaristes pour l'Afrique à venir. NKrumah parachève sa formation aux Etats-Unis et au Royaume-Uni.
Kwame NKrumah et Richard Nixon.
Malheureusement pour NKrumah, l'OUA restera une coquille vide, sans programme, sans moyen et sans pouvoir, rendue impotente par les divisions qui déchirent les pays membres au cours des années soixante. Ces derniers se divisent entre:
- révolutionnaires (Groupe de Casablanca: Ghana, Guinée, Mali, Maroc, Egypte, Algérie) qui désirent la constitution d'un Etat fédéral, l'adoption du modèle socialiste et la rupture avec les anciennes puissances coloniales;
- les modérés (Groupe de Monrovia composé d'une vingtaine d'Etats africains, dont l'essentiel des territoires francophones) qui militent pour une voie plus souple.
* Un bilan intérieur décevant.
En politique intérieure, NKrumah n'aura pas beaucoup plus de succès. Dès son accession au pouvoir, il lutte contre le néocolonialisme et engage le pays dans la voie socialiste tout en instaurant un régime autoritaire avec l'instauration du parti unique en 1964. Il impose le culte de la personnalité et s'autoproclame l'Osaqyefo, le Rédempteur. Sa politique économique incohérente n'assure pas le développement économique du Ghana, pourtant potentiellement très riche. Il est renversé par un coup d'état en 1966, alors qu'il se trouve en voyage en Chine. Il se réfugie alors dans la Guinée de Sékou Touré. Il décède en 1972, à Bucarest.
Louis Armstrong et Kwame NKrumah.
* Le Highlife.
Le highlife constitue le genre musicale phare du Ghana indépendant. Tiré des musiques d’église, des fanfares militaires, du jazz et des rythmes de la côte (« osibi » du Ghana à base de percussions et de chants, « ashiko » de Sierra Leone, « dagomba » et jeu de guitare « fireman » du Liberia), le style s'impose à Accra au cours de la Seconde Guerre mondiale.
Devenu l’aéroport de transit des forces alliées en campagne au Moyen-Orient, la ville accueille des milliers de soldats européens et américains dont de nombreux musiciens qui mêlent au highlife originel le jazz et le swing.
Le highlife s’épanouit dans le cadre du nationalisme culturel en pleine effervescence et constitue un complément artistique au projet panafricain de NKrumah. Le genre musical entend valoriser, le respect de la personnalité africaine, la solidarité des peuples noirs. Les grands créateurs du highlife comme ET Mensah, Koo Nimo et E.K. Nyame aspirent à mettre au point un son dans lequel se retrouvent tous les Africains. De fait, le highlife s’implante à partir des années 50 dans toute l’Afrique de l’Ouest et contribue à son niveau à braquer les projecteurs sur le Ghana.
* E.T. Mensah, roi du Highlife.
Né dans une famille de musiciens, il joue du piccolo dans un orchestre scolaire. Il s’initie ensuite à l’orgue et au sax et intègre en 1932 l’Accra Rhythmic Orchestra qui fusionne rumba, swing et ragtime.
Mobilisé dans les forces armées au cours de la seconde guerre mondiale, E.T. Mensah se lie avec le trompettiste écossais, le Sergent Jack Leopard qui l'incite à peaufiner ses arrangements et à intégrer d’autres styles musicaux. A la fin de la guerre, il rejoint la formation des Tempos dont il prend la direction en 1952.
Dans son ouvrage Afrique noire, histoire et civilisation, Elikia M'Bokolo rappelle que:"Kwame NKrumah fut peut-être l'homme politique qui sut le mieux attirer à lui les artistes et exploiter l'efficacité insoupçonnée de la chanson moderne. Les succès électoraux et politiques de NKrumah durent beaucoup à l'association étroite entre un parti, le CPP et plusieurs ensembles musicaux comme l'Axim Trio, l'Akan Trio, le Ghana Trio (...). (...) Si les musiciens participèrent activement à l'élaboration du mythe de NKrumah, celui-ci prit soin de protéger les artistes et de multiplier les mesures susceptibles de les mettre à l'abri de l'exploitation des maisons de disques, en encourageant notamment la création de la Ghana National Entertainments Association (1960) et de la Ghana Musicians Association (1961)."
De nombreuses formations rendirent donc hommage à NKrumah. C'est le cas ici, puisque le roi du highlife entonne un chant à la gloire du "Rédempteur". Le morceau s'intitule d'ailleurs Kwame NKrumah.
Sources:
- Le Point Hors-Série n° 22: la pensé noire, les textes fondamentaux.
- E. Melmoux et D. Mitzinmacker: "Dictionnaire d'Histoire contemporaine", Nathan, 2008 (Panafricanisme).
- Marie-Agnès Combesque: "Martin Luther King. Un homme et son rêve", le Félin Poche, 2008.
- EliKia M'Bokolo: "Afrique noire, histoire et civilisation. XIX°-XX° siècles", Hatier.
- La page du site Afrisson consacrée au highlife.
- Le blog Worldservice consacré aux musiques africaines.
Liens:
- Lord Kitchener: "Birth of Ghana" sur L'Histgeobox.
- Louis Armstrong en concert à Accra, en 1956.
Le retentissement de cet événement est immense en Afrique noire et Accra devient la capitale des peuples en lutte. Durant la nuit du 6 mars 1957, des manifestations de joie et de jubilation ont lieu dans la capitale du Ghana. Elles retentissent à travers l’Afrique et ont un écho dans toute la diaspora noire, aux Caraïbes, en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis.
Martin Luther King et Kwame NKrumah, lors de la visite du premier au Ghana.
* Vers les Etats-Unis d'Afrique?
Nkrumah devient le champion du panafricanisme. Il lance par exemple: «L’indépendance du Ghana n’a aucun sens sauf si elle est combinée avec la libération totale de l’Afrique». Pour concrétiser cette intention, il organise en 1958 une Conférence des peuples africains, à Accra.
Au printemps 1963, un sommet, rassemblant 30 chefs d'Etats de l'Afrique indépendante, se tient à Addis-Abeba. Il donne naissance à l'OUA, l'Organisation de l'Unité Africaine. Au cours des débats, l'ouvrage L'Afrique doit s'unir écrit quelques semaines auparavant par NKrumah est distribué aux participants. Il allait constituer le bréviaire de l'institution panafricaine naissante. L'auteur y écrivait ainsi: "La survivance de l'Afrique libre, les progrès de son indépendance et l'avance vers l'avenir radieux auquel tendent nos espoirs et nos efforts, tout cela dépend de l'unité politique. (...)
Tel est le défi que la destinée a jeté aux dirigeants de l'Afrique. C'est à nous de saisir cette occasion magnifique de prouver que le génie du peuple africain peut triompher des tendances séparatistes pour devenir une nation souveraine, en constituant bientôt, pour la plus grande gloire et prospérité de son pays, les Etats-Unis d'Afrique."
Certes l'idée panafricaine n'est pas nouvelle: Du Bois, Garvey, Padmore ont déjà beaucoup réfléchi sur ce sujet, il n'empêche que NKrumah s'impose à l'heure des indépendances comme le plus brillant, le plus cohérent des théoriciens du panafricanisme. Au contact du journaliste Benjamin Nnamdi Azikiwe, il découvre le concept de Renaissance africaine, associant lutte pour la libération nationale, célébration des réalisations les plus brillantes de l'Afrique précoloniale et ambitions volontaristes pour l'Afrique à venir. NKrumah parachève sa formation aux Etats-Unis et au Royaume-Uni.
Kwame NKrumah et Richard Nixon.
Malheureusement pour NKrumah, l'OUA restera une coquille vide, sans programme, sans moyen et sans pouvoir, rendue impotente par les divisions qui déchirent les pays membres au cours des années soixante. Ces derniers se divisent entre:
- révolutionnaires (Groupe de Casablanca: Ghana, Guinée, Mali, Maroc, Egypte, Algérie) qui désirent la constitution d'un Etat fédéral, l'adoption du modèle socialiste et la rupture avec les anciennes puissances coloniales;
- les modérés (Groupe de Monrovia composé d'une vingtaine d'Etats africains, dont l'essentiel des territoires francophones) qui militent pour une voie plus souple.
* Un bilan intérieur décevant.
En politique intérieure, NKrumah n'aura pas beaucoup plus de succès. Dès son accession au pouvoir, il lutte contre le néocolonialisme et engage le pays dans la voie socialiste tout en instaurant un régime autoritaire avec l'instauration du parti unique en 1964. Il impose le culte de la personnalité et s'autoproclame l'Osaqyefo, le Rédempteur. Sa politique économique incohérente n'assure pas le développement économique du Ghana, pourtant potentiellement très riche. Il est renversé par un coup d'état en 1966, alors qu'il se trouve en voyage en Chine. Il se réfugie alors dans la Guinée de Sékou Touré. Il décède en 1972, à Bucarest.
Louis Armstrong et Kwame NKrumah.
* Le Highlife.
Le highlife constitue le genre musicale phare du Ghana indépendant. Tiré des musiques d’église, des fanfares militaires, du jazz et des rythmes de la côte (« osibi » du Ghana à base de percussions et de chants, « ashiko » de Sierra Leone, « dagomba » et jeu de guitare « fireman » du Liberia), le style s'impose à Accra au cours de la Seconde Guerre mondiale.
Devenu l’aéroport de transit des forces alliées en campagne au Moyen-Orient, la ville accueille des milliers de soldats européens et américains dont de nombreux musiciens qui mêlent au highlife originel le jazz et le swing.
Le highlife s’épanouit dans le cadre du nationalisme culturel en pleine effervescence et constitue un complément artistique au projet panafricain de NKrumah. Le genre musical entend valoriser, le respect de la personnalité africaine, la solidarité des peuples noirs. Les grands créateurs du highlife comme ET Mensah, Koo Nimo et E.K. Nyame aspirent à mettre au point un son dans lequel se retrouvent tous les Africains. De fait, le highlife s’implante à partir des années 50 dans toute l’Afrique de l’Ouest et contribue à son niveau à braquer les projecteurs sur le Ghana.
* E.T. Mensah, roi du Highlife.
Né dans une famille de musiciens, il joue du piccolo dans un orchestre scolaire. Il s’initie ensuite à l’orgue et au sax et intègre en 1932 l’Accra Rhythmic Orchestra qui fusionne rumba, swing et ragtime.
Mobilisé dans les forces armées au cours de la seconde guerre mondiale, E.T. Mensah se lie avec le trompettiste écossais, le Sergent Jack Leopard qui l'incite à peaufiner ses arrangements et à intégrer d’autres styles musicaux. A la fin de la guerre, il rejoint la formation des Tempos dont il prend la direction en 1952.
Dans son ouvrage Afrique noire, histoire et civilisation, Elikia M'Bokolo rappelle que:"Kwame NKrumah fut peut-être l'homme politique qui sut le mieux attirer à lui les artistes et exploiter l'efficacité insoupçonnée de la chanson moderne. Les succès électoraux et politiques de NKrumah durent beaucoup à l'association étroite entre un parti, le CPP et plusieurs ensembles musicaux comme l'Axim Trio, l'Akan Trio, le Ghana Trio (...). (...) Si les musiciens participèrent activement à l'élaboration du mythe de NKrumah, celui-ci prit soin de protéger les artistes et de multiplier les mesures susceptibles de les mettre à l'abri de l'exploitation des maisons de disques, en encourageant notamment la création de la Ghana National Entertainments Association (1960) et de la Ghana Musicians Association (1961)."
De nombreuses formations rendirent donc hommage à NKrumah. C'est le cas ici, puisque le roi du highlife entonne un chant à la gloire du "Rédempteur". Le morceau s'intitule d'ailleurs Kwame NKrumah.
Sources:
- Le Point Hors-Série n° 22: la pensé noire, les textes fondamentaux.
- E. Melmoux et D. Mitzinmacker: "Dictionnaire d'Histoire contemporaine", Nathan, 2008 (Panafricanisme).
- Marie-Agnès Combesque: "Martin Luther King. Un homme et son rêve", le Félin Poche, 2008.
- EliKia M'Bokolo: "Afrique noire, histoire et civilisation. XIX°-XX° siècles", Hatier.
- La page du site Afrisson consacrée au highlife.
- Le blog Worldservice consacré aux musiques africaines.
Liens:
- Lord Kitchener: "Birth of Ghana" sur L'Histgeobox.
- Louis Armstrong en concert à Accra, en 1956.
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