Pages

mercredi 29 mars 2023

Les contrôles aux faciès sous la plume des rappeurs.

Le travail de la police est nécessaire. L'objet de ce billet n'est donc pas de développer un discours anti-flic primaire, mais d'interroger les contrôles d'identité, en particulier les dérives liées à leur mise en pratique avec le redoutable contrôle au faciès. 
 
[Ce post est écoutable en version podcast grâce au lecteur ci-dessous]

 
Le contrôle d’identité au faciès se fonde sur des caractéristiques physiques associées à l’origine de la personne contrôlée, que cette origine soit réelle ou supposée. De tels contrôles sont illégaux car discriminatoires. Or, loin d’être marginaux, ils sont généralisés, en dépit de leur dimension stigmatisante, humiliante et dégradante pour les personnes qui les subissent.   
 
Contrôle de police à la Gare de l’Est à Paris (cc) Alain Bachellier/Flickr

Les contrôles au faciès remontent à loin. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la France incite à l’immigration les populations de son empire colonial pour contribuer à la reconstruction. Antillais, Algériens sont Français depuis 1946, quand les ressortissants des autres colonies ont le statut d’indigènes, ce qui les contraint à solliciter des documents pour résider en métropole. Dans les années 1950, les populations originaires de l'empire colonial installées dans l'hexagone sont particulièrement contrôlées. Entre 1953 et 1960, la police crée plusieurs corps chargés de les identifier, de les surveiller et de les ficher. C’est le cas de la Brigade des Agressions et Violences (BAV), dont les policiers parlent couramment l’arabe. La BAV participe à des rafles nocturnes, au bouclage des quartiers habités par les Algériens, les hôtels de travailleurs immigrés, les cafés. Lors des contrôles, les policiers déchirent souvent les papiers présentés par ceux que l'on désigne comme « Français musulmans ». Dès le début des années 1950, le MRAP, le journal L’Humanité dénoncent les rafles et les contrôles au faciès subis par les Nord-Africains. 


Après l’indépendance des colonies africaines, les contrôles visent particulièrement les populations non-blanches et les descendants des populations colonisées devenus français. A leur propos, pour mieux nier leur appartenance à la nation, l’extrême-droite parle de « Français de papiers » par opposition à ceux qu'elle désigne comme des "Français de souche".

En 1981, avec la loi sécurité et liberté d’Alain Peyrefitte, les policiers peuvent procéder à un contrôle pour « prévenir une atteinte à l’ordre public ». Ceux qui ne peuvent justifier de leur identité sont conduits au poste de police et y sont maintenus pour une durée de 6h (ramenée à 4 en 1983).

La réforme du code pénal de 1986 autorise les policiers à utiliser les contrôles d’identité pour arrêter les personnes qui n’ont pas la nationalité française et les éloigner du territoire. La cour de cassation invente la formule de « signes extérieurs d’extranéité » pour justifier un contrôle. En 1993, la loi Pasqua autorise les contrôles d’identité sur réquisition du procureur de la République. Dès lors, pour effectuer un contrôle les policiers pourront s’appuyer sur tout élément permettant de présumer la qualité d’étranger. Et comme on peut s’en douter, c’est la porte ouverte à toutes les fenêtres.

Ce cadre juridique est largement utilisé par Nicolas Sarkozy entre 2005 et 2007. Le ministre de l’intérieur fixe alors un quota de 25 000 reconduites à la frontière. Du haut de ses talonnettes, torse bombé, il multiplie les déclarations provocatrices. Prônant une « tolérance zéro », il promet de nettoyer au Karcher la cité des 4000 de La Courneuve. Désireux de siphonner une partie de l'électorat du Front national, il décrit à longueur de discours les jeunes des quartiers populaires comme des oisifs désœuvrés, des assistés sociaux, se complaisant dans une culture de l'ensauvagement. Sur la dalle d’Argenteuil, il lance à une habitante : « Vous avez assez de cette bande racailles, on va vous en débarrasser ! » Le 27 octobre 2005, soit deux jours après cette interpellation par l'injure, Zyed Benna et Bouna Traoré, deux adolescents de 17 et 15 ans, se réfugient à l’intérieur d’un poste électrique pour échapper à un contrôle de police. Ils meurent électrocutés. Leur décès déclenche une révolte qui embrase d’abord la Seine-Saint-Denis, puis tout le territoire.  


Les contrôles au faciès sont régulièrement documentés par des enquêtes militantes et scientifiques, dont il ressort que la pratique est généralisée. Les jeunes issus des minorités visibles – « perçus comme Noirs ou Arabes » selon les termes du rapport du Défenseur des Droits en 2016 – ont 20 fois plus de probabilités d’être contrôlés que les autres catégories de la population. Lors des contrôles, ils sont également trois fois plus souvent tutoyés, insultés et brutalisés. De nombreux Français, blancs de peau, ne sont, au contraire absolument jamais contrôlés.

La police s’abat sur cette jeunesse surcontrôlée comme la vérole sur le bas-clergé, encore plus en cas de port d’un survêtement, d’une casquette ou capuche. Les contrôles sont souvent pratiqués au sein même du quartier d’habitation des jeunes par des policiers qui connaissent parfaitement leur identité. Les fouilles s’accompagnent en outre de palpations. L’exercice tient presque d’un rituel d’humiliation imposé par la police. Emmanuel Blanchard parle ainsi de « cérémonie de dégradation ».   

Le contrôle d’identité est pourtant encadré par la loi, en particulier le code de la procédure pénale. Il est censé empêcher toute atteinte à l’ordre public, à la sécurité des personnes ou des biens, à l’endroit et au moment où il est réalisé. Mais, dans les faits, la latitude laissée aux policiers est immense. Avec, cette pratique, les forces de l’ordre semblent disposer d’un véritable pouvoir discrétionnaire. 

Les conséquences désastreuses des contrôles au faciès sont immenses et dramatiques, car ces derniers reposent sur des fondements racistes et engendrent l’humiliation des individus ciblés. Dans les banlieues, ils sont vécus comme une forme de provocation et contribuent avant tout à tendre les relations avec la police. (1) Loin de rassurer, les hommes en bleus effraient ceux qu’ils devraient protéger. Dans l’immense majorité des cas, ils ne débouchent sur aucune poursuite. Pire, les éventuels incidents procèdent souvent du contrôle lui-même (refus d’obtempérer, violences à agents). Au total, ils ne servent à rien, mais laissent cependant des traces sinon physiques, en tout cas psychologiques. En effet, cela n’a rien d’anodin de devoir montrer ses papiers tous les trois quatre matins à un représentant de l’État qui les scrute, d’un air dubitatif, comme pour signifier qu’il a des doutes sur l’identité inscrite sur la carte nationale d’identité.

La pratique, bien que généralisée, reste systématiquement minimisée par le ministère de l’intérieur. Place Beauvau, on affirme qu’il ne s’agit que de dérapages, de cas isolés tout à fait marginaux. Dans ces conditions, les tentatives pour empêcher les dérives se soldent par des échecs. L’utilisation de caméras piétons, l’obligation pour les policiers de porter un numéro de matricule visible ou encore la distribution de récépissés, paraissent aujourd'hui largement insuffisantes. Si la pratique est courante, les condamnations sont rares. Néanmoins, en 2015, puis 2021, la cour d’appel de Paris condamne l’État pour "faute lourde", à verser des dommages et intérêts aux plaignants, contrôlés sur la seule base de caractéristiques physiques associées à une origine réelle ou supposée. 


Le rap devient, à partir des années 1980,  le porte-voix d'un grand nombre des habitants des quartiers. Les relations difficiles et conflictuelles avec la police sont au cœur de nombreux morceaux. Dans les années 1990, les paroles du Ministère Amer, d'Assassin, de NTM fustigent les violences policières selon divers procédés: la charge frontale ("l'Etat assassine"), l'humiliation ("Brigitte (femme de flic)"), le sarcasme ("Police"), la menace ("Sacrifice de poulet"). La relève est assurée dans les années 2000, par des groupes comme le 113 ("Face à la police") ou Sniper. La Rumeur ("On m'a demandé d'oublier"), Casey ("Délit de faciès") inscrivent les violences policières dans le temps long, celui d'une puissance esclavagiste et coloniale, devenue République sécuritaire, au sein de laquelle Noirs et Arabes sont l'objet de multiples discriminations. Les Marseillais de Soso Maness fustigent, dans leur morceau Interlude les méthodes expéditives de la BAC, Brigade anti-criminalité. 


Pour Karim Hammou, "l'humiliation subie dans les interactions avec la police (...) est la matière première de la profusion créatrice autour du thème de la «police» dans le rap." Confirmation avec le titre « justiciers » du Psy-4, directement inspiré d'un contrôle d'identité abusif. (2)

Samples et bruitages introduisent dans les morceaux le son des sirènes des véhicules de police, traduisant le climat anxiogène et la peur provoquée par une descente de flics dans les quartiers. Ainsi, la fameuse intro du "Sound of da police" de KRS One en 1993 est largement reprise par les rappeurs hexagonaux (3)

Conclusion: En décembre 2020, le président Macron reconnaît l’existence de contrôles de police discriminatoires au cours d’un entretien accordé à Brut, sans pour autant adopter les mesures susceptibles de les faire cesser. Le manque de volonté politique contribue à pérenniser une pratique contribuant pourtant à envenimer toujours plus des relations entre la police et une partie de la population.


Notes

1. A cet égard, la suppression de la police de proximité en 2003, qui avait pourtant réussi à gagner la confiance des populations des grands ensembles, semble être une erreur majeure.

2. En 2012, à la demande du Collectif Stop le contrôle au faciès, des rappeurs à succès acceptent de raconter leur premier contrôle d'identité ou en tout cas le plus marquant. Certains de ces témoignages sont édifiants. 

3. On peut aussi citer le sample en arrière plan de "Blue lights" de Jorja Smith.  

Sources:

- Hacène Belmessous: "Petite histoire politique des banlieues populaires", Éditions Syllepse, 2022.

- BLANCHARD Emmanuel, « Contrôle au faciès : une cérémonie de dégradation », Plein droit, 2014/4 (n° 103), p. 11-15. 

- Karim Hammou:"La plaque et le pistolet", Sur un son rap, 13 janvier 2012.

- "Qu'est-ce que le contrôle au faciès?" [Amnesty.fr]

- «"On vous aime pas": 2020, la police, le rap français» [lerapenfrance.fr]

- "Violences policières: la parole au rap français" [ABCDR du son]

- Une playlist proposée par Dror de 70 titres francophones  ou internationaux.

mardi 21 mars 2023

Dans la Tchécoslovaquie sous le joug soviétique, la dissidence se joue en musique.

Libérée du joug nazi par l'Armée rouge, la République tchécoslovaque tombe en 1948 dans l'orbite soviétique. Elle devient alors une dictature communiste, au sein de laquelle la Sûreté de l'Etat (Státní Bezpečnost – StB) sévit avec zèle. Une chape de plomb s'abat sur la société et les productions culturelles. 

Si les autorités communistes dénoncent et fustigent le rock, une musique décrite comme "capitaliste et perverse", elles ne réussissent cependant pas à en empêcher ni l'attrait ni la diffusion. Au cours des années 1960, le pays connaît une libéralisation timide, marquée par une production culturelle d'une grande richesse, notamment dans le domaine de la musique populaire. Ainsi, à la veille du Printemps de Prague, les jeunes tchécoslovaques partagent nombre de pratiques culturelles avec leurs homologues occidentaux. Constatant l'émergence des nouvelles tendances culturelles, le régime hésite face à l'attitude à adopter. Par conformisme et peur, il opte finalement pour ce qu'il sait le mieux faire: réprimer.  Dès lors, les policiers traquent tous ceux qui arborent les cheveux longs; un choix esthétique considéré comme un scandaleux symbole de liberté. La guerre aux "chevelus" est déclarée.

Au printemps 1968, Alexander Dubček engage une expérience de libéralisation du régime communiste en Tchécoslovaquie, or, dès le mois d'août, la répression, menée par les troupes du pacte de Varsovie, écrase dans le sang les aspirations à la liberté. Dès lors, les autorités engagent une entreprise de "normalisation" des productions culturelles, contribuant à mettre un terme à l'élan créateur amorcé avec le "printemps de Prague". Dès lors, tous ceux qui s'écartent de la norme font figure de dangereux opposants. 

This file was provided to Wikimedia Commons by the Konrad-Adenauer-Stiftung, via Wikimedia Commons

Le zèle inquisitorial des autorités finit par transformer en dissidents des artistes et intellectuels, jusque là peu intéressés par la politique. Les groupes de Bigbit - ainsi que l'on désigne le rock en Tchécoslovaquie - font ainsi l'objet d'une surveillance tatillonne, particulièrement lorsqu'ils obtiennent du succès. C'est le cas des Plastic People of the Universe (PPU), une formation apparue en septembre 1968, alors que le "Printemps" vient d'être maté. Dans un premier temps, le groupe s'inspire de la musique du Velvet underground, de Frank Zappa (1) pour produire un rock psychédélique. (2) Par ses formes et références, la musique de PPU peut être qualifiée d'« underground ». A l'instar des groupes californiens, les musiciens proposent des happenings où les jeux de lumières, les tenues bariolées et les sonorités psychédéliques fascinent un public nombreux. Malgré l'absence de toute forme de militantisme actif, ces choix esthétiques se trouvent en opposition complète avec la volonté des autorités d'imposer les valeurs soviétiques.

 En 1969, les formations musicales se voient dans l'obligation de se produire devant une commission d’experts pour obtenir le renouvellement de leurs licences professionnelles. Or les conditions sont drastiques: coupe des cheveux, contrôle du répertoire... Sans surprise, les PPU perdent le droit de jouer en public, au motif que leur musique, trop"morbide", risquerait d"'avoir un impact social négatif". Les instruments et enregistrements du groupe font ainsi l'objet d'une réquisition. Désormais, les musiciens ne jouent plus que dans des fêtes et des anniversaires privés, des lieux clandestins connus des seuls initiés. Parfois, la police découvre ces concerts sauvages et procède à des matraquages accompagnés d'arrestations. A Budovice, en mars 1974, la police interrompt ainsi un concert du PPU. Une centaine de spectateurs sont tabassés et entassés dans des trains à destination de Prague.

A partir de 1972, avec l'intégration du saxophoniste Vratislav Brabenec, le PPU se dote d'un répertoire original, désormais chanté en tchèque. Le groupe rencontre à l'époque Egon Bondy (l'alias de Zbynek Fiser 1930-2007). Les écrits de ce poète surréaliste dissident sont interdits de publication officielle, mais s'imposent en revanche comme la principale source d'inspiration des musiciens. Le groupe enregistre l'album Egon Bondy's Happy Hearts Club Banned. (3) La plupart des titres n'ont rien de politique, mais les paroles empruntées à Bondy se situent aux antipodes des canons du réalisme politique. Voilà de quoi accentuer encore la surveillance du groupe. Au fond, c'est bien l'acharnement des autorités à traquer les PPU qui rend le groupe subversif, non le contenu même des enregistrements. Pour autant, la censure reste vaine; rien ne peut contrer l'engouement suscité par les chansons.  Pour les jeunes tchécoslovaques, la musique devient un puissant vecteur d'affirmation et d'opposition indirecte au régime. Les enregistrements pirates s'échangent sous le manteau, tandis que l'annonce d'un concert clandestin est vite connue grâce au bouche à oreille ou aux revues samizdat. Le mouvement rock propose une seconde culture (4), nécessairement dissidente et marginale.

En 1977, les Plastic People adaptent un poème de Frantisek Vanecek intitulé 100 points. [vidéo ci-dessus] A la dixième minute d'un morceau jusque là instrumental, les mots du poète dénoncent les abus du régime communiste qui ne peut se maintenir au pouvoir qu'en opprimant et écrasant mais qui n'a aucune prise sur la société tchécoslovaque: "ils ont peur des vieux pour leur mémoire, ils ont peur des jeunes pour leur innocence, ils ont peur même des enfants qui vont à l'école, (...) ils ont peur des tombes et des fleurs que les gens y déposent, (...) ils ont peur des conventions qu'ils signent, (...) ils ont peur de Marx, ils ont peur de Lénine (...) ils ont peur du socialisme".

Les musiciens présents lors du festival de Bojanice organisé en février 1976, organisé à l'initiative du PPU. 27 musiciens figurants sur cette photo seront arrêtés par la police au cours du festival.

En février 1976, au cours du festival de la seconde culture de Bojanovice, la police interrompt le concert du PPU, arrête des spectateurs et saisit les instruments du groupe. En septembre, les membres du Plastic comparaissent devant un tribunal pour “trouble volontaire à l’ordre public” et "hooliganisme". Ivan Jirous et Vratislav Brabenec écopent de  peines de prison ferme. Mais, de nouveau, loin de réduire au silence la jeunesse, la répression et les poursuites judiciaires contribuent au contraire à l'essor de la dissidence, ainsi qu'à la rencontre entre le monde de l'underground musical et celui des intellectuels.  Dans Le Procès, Vaclav Havel écrit: « On ne pouvait se défendre d’une certaine émotion à la pensée qu’il existe encore parmi nous des gens qui engagent leur existence pour affirmer leur vérité, et qui n’hésitent donc pas à payer chèrement leur conception de la vie. » Pour le grand dramaturge d'avant-garde et opposant déclaré au régime, le procès permet une prise de conscience, car il est mené contre de jeunes gens « qui ne désiraient que vivre dans la vérité, faire la musique qu’ils aimaient, chanter leur vie réelle, vivre librement, dignement et dans la fraternitéLe régime ne s'attendait absolument pas à un tel élan de solidarité pour un groupe de rock.

Vaclav Havel (à gauche) au concert de Plastic People en 1978

Le procès déclenche une série de mobilisations qui débouchent sur la formation de la dissidence tchécoslovaque et la rédaction de la Charte 77. (5) Jiri Nemec et Vaclav Havel, deux des huit auteurs de la Charte, sont des intimes des accusés. Le document pointe les violations systématiques des libertés fondamentales par les autorités, en dépit des engagements pris lors de la signature des accords d'Helsinki en 1975. Amers, les auteurs constatent qu'aucune "opinion politique, philosophique ou scientifique ou encore aucun manifeste artistique qui se détacherait, ne serait-ce qu'un peu, du cadre étroit de l'idéologie ou de l'esthétique officielle, ne peut être public.» Pour appuyer leur propos, les auteurs se réfèrent au procès engagé contre les Plastic People.

Après la Charte 77, le régime ne désarme pas. C’est tout un système de surveillance qui est mis en place au printemps 1976 avec « l’opération groupe de musique », dont les premières grandes victimes sont les membres de l’underground. L’objectif de l’opération est de cartographier l’activité des groupes de rock de la « jeunesse libre » dans toutes les régions de la république. Tous les départements locaux de la StB sont donc mobilisés pour surveiller toutes sortes de manifestations musicales et convoquer si nécessaire leurs protagonistes pour les rappeler à l’ordre s’ils ne répondent pas aux critères de bienséance édictés par le régime ou simplement les interdire.Une des opérations les plus connues est l’opération Asanace (assainissement), qui visait à pousser les individus indésirables, et notamment les signataires de la Charte 77, à l’émigration. Les signatures sont nominales et la police secrète ne tarde pas à concentrer ses forces sur ceux qu'elle considère comme des opposants au pouvoir. Les citoyens étrangers sont amenés à rentrer dans leur pays. L'un des musiciens des Plastics, Paul Wilson, quitte ainsi le pays avec, dans ses poches, quelques enregistrements du groupe et aide à faire connaître ce dernier à l'ouest.

La publication de la Charte 77 constitue la genèse de la "révolution de velours" qui aboutira au renversement en douceur du régime communiste et la transition vers la démocratie à la toute fin de l'année 1989. Cette année là se tient le Rockfest, le premier festival national de rock tchèque, dans le cadre duquel se produisent plusieurs groupes jusque là interdits. 

Tout au long des années de répression, les Plastic People ont cherché à préserver leur identité, sans transiger sur leur liberté de création. Le régime considérait une telle attitude comme la pire rébellion. Par son intransigeance et sa paranoïa, il fut pourtant le seul responsable de la transformation des musiciens en dissidents.(6)

Notes:

1. Le nom du groupe s'inspire d'ailleurs d'une chanson de Zappa ("Plastic people").

2. PPU rassemble Milan Hlavsa, bassiste, Josef Janick, guitariste, Ivan Jirous, directeur artistique, tous trois issus d'une première formation psychédélique appelée Primitives Group. Le violoniste Jiri Kabes, le chanteur Paul Wilson, un professeur d’anglais canadien débarqué à Prague en 1967, rejoignent ce noyau initial.

3. Banned signifie "censuré" en anglais.

4. Le concept de "seconde culture" est théorisé par Jirous. Il trouve une application concrète avec l'organisation de festivals clandestins.

5. En France, ce mouvement bénéficie de relais et d' un comité de soutien qui compte l'écrivain Vercors ou Yves Montand dans ses rangs (d'anciens compagnons de route du PCF).

6. Il faudra attendre 2003 pour que le jugement condamnant les Plastic People soit enfin cassé. 

Liens et sources:

- "Histoire Parallèles" sur l'excellent blog d'Eric Rullier.

- "Le Rock uderground, sous la normalisation communiste".

- "Les cœurs joyeux du ghetto." [Rythmes croisés]

- "En attendant le velours" [Jukebox sur France Culture]

- Mathieu Marly: "La dissidence rock'n'roll" in Chroniques de l'Europe, sous la direction de Sonia Bledniak, Isabelle Matamoros et Fabrice Virgili, CNRS Editions, 2022.

- Anne-Claire Veluire: "Scènes musicales underground et alternatives en Tchécoslovaquie 1970-1980", Cahier du Cefres, 2012, 32, pp269-302.

mardi 14 mars 2023

A la découverte des merveilles du Konpa, musique et danse populaire d'Haïti.

Haïti se situe dans la partie ouest de l’île d’Hispaniola, tandis que la partie orientale constitue la République dominicaine. La majeure partie de la population insulaire est composée de descendants des esclaves déportés d’Afrique pour travailler dans les plantations de cannes à sucre. A la fin du XVIII° s., les esclaves se soulèvent. La Révolution débouche en 1804 sur la création de la première République noire au monde. Les demandes insistantes de redistribution des anciennes propriétés coloniales restent néanmoins lettres mortes et les régimes autoritaires se succèdent. 

[version podcast de l'article: ]

En 1957, le médecin hospitalier François Duvalier remporte les élections. Celui que ses soutiens surnomment « Papa Doc » jouit d’abord d’une certaine popularité avec sa promotion du vaudou et du nationalisme noir. La victoire de ce descendant d’esclaves marque également la fin de la suprématie politique des Blancs et des mulâtres. Mais très vite, le populiste muselle toute opposition, interdit les partis politiques, purge l’armée, instaure un couvre-feu, fait assassiner à tour de bras. Corruption et népotisme tiennent désormais lieu de mode de gouvernement. La censure est de mise. Impossible d’évoquer la pauvreté endémique, les inégalités sociales abyssales, les violences politiques et policières.   

 

Dans un contexte économique et social si déprimant, la musique tient lieu d’échappatoire. Au cours des années 1950, dans les campagnes, une musique racine à forte connotation spirituelle – autour de la pratique du vaudou – est jouée avec des instruments d’origine africaine. Dans les villes, de grands orchestres de danse suscitent la ferveur. L’occupation américaine de l’île, de 1915 à 1934, contribue à populariser le jazz. Or, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’île attire de riches touristes étrangers. Dans les salles de bals des palaces, de grands orchestres associent le jazz aux rythmes caribéens (son cubain, merengue dominicaine, calypso) pour leur clientèle huppée. En ralentissant la cadence du merengue, à laquelle il adjoint les musiques de danses introduites par les colons français - quadrille et contredanse - le saxophoniste Jean-Baptiste Nemours donne naissance au Konpa direct. Sa formation pléthorique comprend tambour, saxophones et trompettes, un accordéon, une guitare, un graj (racleur). De proche en proche, ce style, chanté en créole, se diffuse dans l’ensemble du pays par le biais des bals ou du carnaval. Bientôt, de nouveaux instruments d sont introduits: basse, guitare électrique, sections de cuivres...

 

En 1967, Nemours Jean-Baptiste dédie « Ti Carole » à un de ses fans, Antoine Khouri, un Tonton macoute. Cette redoutable milice armée constitue la garde prétorienne de Papa Doc. Elle pourrait avoir comme devise : racket, extorsion et crime organisé. En 1964, Duvalier s’autoproclame président à vie. A sa mort, son fils, Jean-Claude, alias Baby Doc, prend la succession de Papa. Les musiciens doivent filer droit, chanter les louanges du dictateur, opter pour des thèmes inoffensifs et consensuels ou s’exiler. 

C’est dans ce contexte qu’apparaît le mini-jazz. Les Difficiles de Pétionville sont d’éminents représentants de cette évolution du Konpa. Loin des effectifs pléthoriques des grands orchestres des années 1960, les nouveaux groupes, composé des jeunes musiciens influencés par le rock, mettent en valeur un instrument, guitare, saxophone ou batterie. La cymbale crash s’impose comme la signature du konpa. Elle permet de changer l’accent rythmique, accentuer certains temps forts, poser la pulsion (exemple avec « Bagaye la Cho » des As de Pétionville).


La diaspora haïtienne contribue à la diffusion du Konpa hors de l’île. A partir du milieu des années 1970, dans le Queens, à New York, le genre musical séduit radios, boîtes de nuit et producteurs. Des 33 tours sont produits à bon compte au Canada, aux Etats-Unis, en France pour le marché haïtien ou pour les exilés. Ces derniers cherchent à se procurer les trente centimètres pour les jouer sur les tourne-disques, tandis que les pochettes, accrochées aux murs, deviennent des éléments de décoration et un moyen de penser au pays chéri.

Parmi les formations les plus populaires de l’époque, on peut citer les Loups Noirs, Skah Shah, les Shleu Shleu, les Difficiles de Pétionville, les Vikings, Tabou Combo, Frères Dejean. Leur musique propose un konpa modernisé qui se caractérise par des riffs de cuivres chaleureux, l’incontournable tchac tchac des cymbales et des guitares déchaînées comme celle que l’on entend sur le « Fem Confiance » des Difficiles de Pétionville.  


Fuyant la dictature, de nombreux musiciens s’exilent aux Etats-Unis ou en Europe, contribuant à exporter le konpa. Tabou Combo s’installe ainsi à Brooklyn et obtient un très grand succès, en 1974, avec New York City. Le titre exprime la nostalgie et le mal du pays que ressentent la plupart des émigrés haïtiens. En 1975, Barclay récupère les droits du disque qui atteint rapidement le premier rang des hit-parades français. Au total, ce sont plusieurs millions d’exemplaires qui seront vendus en Europe. Sortie en 1975,"Haïti" du Ska Shah est une chanson sur l'éloignement et le manque ressenti par tous ceux qui aspirent un jour à revenir au pays. "Le matin, je me lève et ouvre les yeux./ Il y a une tristesse au fond de mon cœur. / Il y a une tristesse au fond de mon cœur. Mon pays me manque, mon Haïti chéri!... / Les gens au pays pensent que je suis heureux. / Quand je n'écris pas, ils me critiquent, / sans se douter que mon cœur se déchire à new York... / Mes amis, vous ne me donnez pas de nouvelles! / Mes amis, comment allez-vous?"

 

L’exil des musiciens de Konpa contribue à exporter leur musique dans tout l’arc caribéen. Dans les Antilles françaises, le genre musical jouit d'une grande popularité. Des formations très talentueuses comme les Aiglons, les Vikings de la Guadeloupe ou les Martiniquais de La Perfecta l'intègrent à leurs styles respectifs.

Dans le contexte répressif de la dictature, cette musique, apparemment futile, a permis à toute une partie de la population de s’évader. Pour éviter la censure, les textes évitent les thèmes sociaux et politiques, se cantonnant au registres festifs et amoureux. L'usage des cantiques ou la référence à la religion dans certains morceaux de konpa («la foi» des Frères Dejean, « la prière » et « Huitième sacrement » du Tabou Combo, « Les évangiles selon Shleu Shleu ») témoigne bien sûr de la profonde foi catholique de la population haïtienne, mais aussi de la souffrance subie par les habitants d’une île qui n’espèrent plus qu’en Dieu.

Terminons avec La Tulipe du Scorpio Universel. huit  minutes d’une intensité inouïe. La guitare funk de Robert Martino, le son chaud des cuivres, des claviers moogs psychédéliques, des cymbales crash en furie, plongent l’auditeur dans une transe délicieuse. 

 

C°: L’essor et le succès mondial du zouk au cours des années 1980 précipite le déclin et contribue à la dévaluation du Konpa qui passe aux yeux de certains pour une musique gentillette. Nénamoins, au cours de la décennie suivante, l’entrée dans l’ère du digital donne un second souffle au Konpa avec l'apparition de nouveaux groupes (T-Vice).  Aussi fabuleuse soit elle, cette musique a souffert de sérieux handicaps: le contexte dictatorial bien sûr, la difficulté pour les musiciens de vivre de leur art avec une absence de structures de diffusion des disques en Haïti. Derrière sa dimension joviale, le konpa est une musique complexe. La virtuosité des musiciens s'épanouit sur des morceaux parfois très longs, correspondant mal au calibrage radio de chansons de trois minutes. Enfin, le fait de chanter en créole a sans doute freiné l'essor du genre hors des Caraïbes, même si le succès du Tabou Combo permet de relativiser cet élément. Ces dernières années, de belles compilations ont permis la découverte ou la redécouverte de certains morceaux emblématique du Konpa (voir références ci-dessous).


Sources:

- "Le kompa, la musique qui a failli conquérir le monde", chronique de Bertrand Dicale sur France Info.  

- Le site de la médiathèque caraïbe Bettino Lara propose de riches dossiers sur les musiques régionales, dont le konpa.  

- "Haïti, la danse contre la dictature", émission Jukebox diffusée sur France Culture le 18 mai 2019.

Pour ceux qui souhaitent découvrir cette musique, voici quelques très belles rééditions de konpas.

"Haïti direct", une compilation de trente titres rassemblés par le label Strut en 2014.

Le guide d'écoute en quinze albums proposé par la médiathèque Bettino Lara.

vendredi 3 mars 2023

Sabaton chante les exploits, réels mais parfois fantasmés, du poilu Albert Séverin Roche.

Au cours du conflit, Albert Roche, simple poilu, a multiplié les faits d'armes, ce qui lui valut, à la fin de la guerre une certaine renommée. Puis, la patine du temps aidant, son étoile pâlit, en tout cas jusqu'à ces dernières années. En lui consacrant une chanson, le groupe de métal suédois Sabaton nous donne l'occasion de revenir sur ce parcours singulier. 

Albert Roche. CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons
 

L'homme naît à Réauville, en 1895, dans une famille de paysans de la Drôme. A sa grande déception, à 18 ans, il est refusé par le conseil de révision en raison d'une taille jugée trop petite (1,58m)et d'une faible constitution. Quand débute la guerre, en août 1914, il a 19 ans. Il se présente au 30ème bataillon de chasseurs de Grenoble, où il est accepté. Le jeune homme déchante vite. Lassé de croupir entre les quatre murs d'instruction, il se sauve et finit en prison. Tout commence mal pour notre héros. Finalement libéré, Roche intègre en tant que deuxième classe le 27e bataillon des chasseurs alpins.

Si l'on en croit les multiples anecdotes qui courent sur son compte, Roche se serait distingué au front par son courage et son intrépidité, multipliant les exploits les plus fous. Dans l'Aisne, il serait parvenu à détruire un nid de mitrailleuses, tuant ou capturant au passage des ennemis en nombre. Dans une tranchée de Sudel, dans le massif vosgien, seul survivant en première ligne, il aurait disposé en batterie les fusils Lebel de ses camarades décédés. Puis, passant d'un fusil à l'autre, tirant tous azimuts, il aurait incité l'adversaire à rebrousser chemin. Fait prisonnier lors d'une mission de reconnaissance, pour laquelle il s'est porté volontaire, il serait parvenu non seulement à se libérer, mais aussi à faire quarante-deux captifs allemands! Au Chemin des Dames, il aurait récupéré son capitaine blessé entre les lignes après avoir rampé pendant des heures dans la boue. A son retour, il aurait été accusé de désertion et envoyé devant un peloton d'exécution, avant d'être sauvé in extremis.

N'en jetez plus, la coupe est pleine. A y regarder de près, ces anecdotes ne sont jamais très précises et franchement difficiles à croire. On peut avancer l'hypothèse que beaucoup de ces récits relèvent du mythe ou qu'ils ont été très largement embellis, exagérés, réécrits a posteriori. Laconiques et dénuées de tout lyrisme, les nombreuses citations dont Roche fait l'objet dressent un portrait sans doute plus juste d'un soldat, dont la bravoure et l'intrépidité forcent l'admiration.

"A demandé à faire partie d'un groupe d'attaque pour suivre son lieutenant." (Citation à l'ordre du bataillon n°38 du 1/8/1916) 

"Chasseur d'un courage frisant la témérité, toujours volontaire pour les missions périlleuses; au combat du 12/9/1916 a assuré la liaison d'une façon parfaite dans des circonstances dangereuses." (citation à l'ordre de la division n°115 du 13/10/1916)

 "Chasseur dont la bravoure est légendaire qui a pris une part active à tous les combats livrés par le Bataillon. A été  toujours dans les circonstances les plus difficiles un exemple de bravoure et d'intrépidité. S'est brillamment comporté au cours des combats du 23 au 27/10/1917 par son adresse et son mépris du danger." (Inscrit au T.S. de la Médaille Militaire pour prendre rand du 25/10/1917) 

"Agent de liaison, modèle de courage, de bravoure et de dévouement, n'a pas cessé de circuler avant et pendant l'attaque, a travaillé en terrain violemment battu par des feux d'artillerie et de mitrailleuse. Blessé le 31 août 1918 par éclat d'obus au bras droit (...)." (citation à l'ordre de la brigade n°45 du 31/7/1918)

A l'issue des combats, Roche totalise douze citations à l'ordre de l'armée. Blessé neuf fois, il aurait capturé un total de 1180 soldats allemands... Sachant qu'il est envoyé aux armées en juillet 1915, cela équivaut à plus d'un prisonnier par jour de combat, ce qui, avouons-le, semble tout à fait improbable. Quoi qu'il en soit, l'indéniable courage et l'abnégation dont il a su faire preuve tout au long du conflit, finissent par interpeller la hiérarchie militaire. A l'issue des combats, Roche reçoit la monnaie de sa pièce. Son uniforme se couvre de décorations: Médaille militaire, Croix de guerre avec palmes, croix de Saint-Georges, Médaille militaire, chevalier (puis officier en 1938) de la Légion d'honneur.

En novembre 1918, dans le sillage du général Gouraud, le régiment d'Albert Roche fait une entrée triomphale à Strasbourg. Dans ce contexte, le maréchal Foch salue ensuite la foule depuis le balcon de l'Hôtel de ville, le 27 novembre. Puis, si l'on en croit les nombreuses notices consacrées au poilu,  le généralissime aurait appelé à ses côtés Albert Roche pour le présenter à la foule:"Alsaciens, je vous présente votre libérateur Albert Roche. C'est le premier soldat de France!" Cet hommage du plus haut gradé militaire à un simple soldat transforme le simple chasseur en héros des tranchées. Pour accréditer la véracité de la scène, la plupart des nombreux articles, pages internet ou vidéos consacrés au personnage (ce qui prouve qu'il est loin d'être oublié) utilisent une photographie (ci-dessous) sur laquelle le poilu se trouverait aux côtés de Foch. Or, il s'agit du général de Maudh'huy, des mains duquel il reçoit la croix de la légion d'honneur. A notre connaissance, aucune source fiable ne permet d'authentifier la scène du balcon. D'aucuns affirment que Roche faisait également partie des "huit braves" choisis pour porter le cercueil du soldat inconnu sous l'Arc de triomphe. Or, aucune photo de l'événement ne permet pourtant de l'identifier avec certitude. Là encore, la prudence s'impose.

Albert Roche au balcon aux côtés du général Louis Ernest de Maud’huy, le 22
novembre 1918. Public domain, via Wikimedia Commons.

 

De retour à la vie civile, Roche se marie, travaille comme agriculteur, puis ouvrier cartonnier dans une usine de Valréas. Affecté dans les zouaves lors de la mobilisation partielle, en septembre 1938, il intègre finalement la poudrerie nationale de Sorgues en tant que pompier. Le 13 avril 1939, alors qu'il descend d'un bus, il est fauché par une voiture. Conduit à l'hôpital, il y décède le lendemain, à l'âge de quarante-quatre ans. Quelques entrefilets dans la presse régionale retracent la carrière militaire peu banale d'Albert Roche, simple soldat, sans orgueil ni vanité.

Depuis lors, sa commune natale entretient le souvenir avec l'érection de bustes et la pose d'une plaque commémorative. Mais ailleurs, la mémoire du chasseur s'estompe, tout au moins jusqu'à l'essor d'internet. L'intérêt constant que suscite la grande guerre fait redécouvrir à certains les exploits du soldat Roche, contribuant à la médiatisation de son épopée. Nota Bene, en collaboration avec Yarnhub, Le Petit théâtre des opérations, La Folle histoire consacrent ainsi un épisode de leurs chaînes respectives au Drômois. Mais la consécration suprême intervient lorsque Sabaton consacre son titre First soldier à Albert Roche. Passionné par la grande guerre, Joakim Brodén, le chanteur du groupe de métal suédois raconte: "Je me souviens de la première fois où j’en ai entendu parler. Je suis tombé sur lui par hasard en cherchant des histoires sur la Première Guerre mondiale et ma première réaction a été "Whaou, ce gars-là est plus dur que Rambo !" Nous voudrions mettre la lumière sur ces personnages qui sont parfois oubliés par l’histoire". Dans un style épique pompier, les musiciens retracent le parcours d'Albert la tête brûlée. "De fermier", "paria", "soldat improbable" "à héros de France", les paroles égrènent les exploits légendaires du poilu toujours "en quête d'aventures". " Devenant le survivant unique / Des tranchées en Alsace /Un seul homme a tenu la ligne de front". "Aligné pour l'exécution / Il a sauvé la vie de son capitaine

"Glorieux, victorieux (...) / Il est un soldat décoré, il est la fierté de l'uniforme. Son histoire demeure l'écho du passé"; un passé revisité, parfois manipulé. "Il a servi sa nation avec courage et bravoure / En stoppant l'avancée du Kaiser". On ne fait pas dans la demi-mesure, mais c'est la loi du genre et, un mois après la sortie du morceau, le clip avait déjà été visionné 1,4 millions de fois!


Sources:

- Page Wikipédia d'Albert Séverin Roche.  

- "Albert-Séverin Roche "premier soldat de France" héros de légende meurt victime d'un accident d'automobile - Le film sans gloire d'un brave", sur Paris-Soir, (consulté le )

- « Le Radical de Marseille », sur Gallica, (consulté le )

- Le dossier d'Albert Roche aux archives départementales de la Drôme.  

- "Soldats de France n°17. Sortie de guerre 1919-1921"