* Albert Bongo.
Neuvième enfant d'une modeste famille de cultivateurs originaires de la région de Franceville (dans l'est du Gabon), Albert Bongo naquit en 1935. Orphelin à 12 ans, il est placé sous le tutelle d'un oncle qu'il suit au gré de ses mutations. Employé comme auxiliaire à la poste centrale de Brazaville, il réussit le concours d'entrée de l'administration des PTT.
* Albert Bernard Bongo.
Entre temps, Albert Bongo, jusque-là animiste, se convertit au catholicisme et adopte pour l'occasion un second prénom: Bernard. Appelé sous les drapeaux en 1958, il fait son service dans l'armée de l'air française et en sort lieutenant en 1960, alors que le Gabon accède à l'indépendance. Le premier chef d'Etat du pays est Léon Mba. Il obtient le soutien du général de Gaulle et de Foccart (le monsieur Afrique du général). Il faut dire que Mba a tout pour rassurer. Depuis plusieurs années, il militait en effet pour que le Gabon soit transformé en un département français et pour qu'un drapeau tricolore figue dans un angle du drapeau gabonais! Entre temps, Albert-Bernard Bongo intègre le ministère des affaires étrangères, où il se fait repérer par le président gabonais.
Albert Bongo et Léon Mba.
En 1962, à 27 ans, Bongo devient son directeur de cabinet. Or, très vite, le président se transforme en autocrate et l'armée le renverse le 17 février 1964 à la faveur d'un coup d'état. Les troupes françaises interviennent aussitôt afin de rétablir le fidèle Mba dans ses fonctions. Mais malade (il a un cancer), Mba tente de se trouver un dauphin potentiel. Bongo semble l'homme de la situation. Après un entretien test avec de Gaulle, il est adoubé comme successeur désigné. En 1966, il devient vice-président et successeur constitutionnel. Ainsi, il devient automatiquement le deuxième président de la République gabonaise à la mort de Mba en 1967.
Bongo et le général de Gaulle, en janvier 1968.
Bongo s'installe donc dans le palais présidentiel, boulevard du bord de mer, à Libreville. Dès le mois de mars 1968, il lance de PDG (Parti démocratique gabonais) et met alors fin au multipartisme, sous le prétexte qu'il risquerait de voir le pays de verser dans le tribalisme (chaque ethnie risquant de voter pour ses membres). Ce virage autoritaire soulève bien peu de contestation, en tout cas surtout pas de la France. Bongo s'affirme en effet comme un soutien indéfectible de l'ancienne métropole dans la zone.
Lors de la guerre du Biafra (à partir de 1967), il met ainsi à disposition l'aéroport de Libreville (De Gaulle et Houphoüet Boigny soutiennent la sécession de cette riche province nigériane). C'est donc par l'aéroport gabonais que transitent les armes à destination des rebelles biafrais (sous couvert de vol humanitaire de la Croix rouge). Les relations franco-gabonaise sont alors très "cordiales", au nom des intérêts bien compris de chacun et une réelle connivence se créée entre les services secrets français et le président gabonais. Bongo doit sa place à la France, celle-ci à besoin de l'appui gabonais pour poursuivre ses interventions plus ou moins discrète en Afrique équatoriale.
Une formule de Bongo résume plutôt bien les rapports franco-gabonais. Pour lui, "l'Afrique sans la France, c'est la voiture sans le chauffeur. La France sans l'Afrique, c'est une voiture sans carburant." De fait, les riches ressources en pétrole du pays assurent un décollage économique au pays. Libreville se hérisse alors de haut-buildings ultramodernes. Bongo sait ainsi s'appuyer sur la richesse du pays dont le sous-sol regorge de manganèse, d'uranium et surtout de pétrole. Il se fait alors bâtisseur et construit le chemin de fer Transgabonais, un port en eau profonde, des centrales électriques, des routes, dote le pays d'une compagnie aérienne (air Gabon). Tout semble alors réussir au petit pays et d'aucuns parlent alors de "miracle gabonais". Pourtant, à y regarder de plus près, on constate que son développement est entièrement tributaire du pétrole, tandis que les inégalités sociales deviennent particulièrement criantes.
* El Hadj Omar Bongo.
En 1973, Bongo se convertit à l'islam. Là encore, l'opportunisme semble dicter son choix plus qu'une préoccupation spirituelle. La conversion intervient en effet après une visite au colonel Kadhafi. Bongo, qu'il faut désormais appeler Omar, est sans doute motivé par un rapprochement avec les pays du Golfe, riches en pétrole. De fait, le Gabon intègre le Gabon en 1975.
Bongo contrôle son pays fermement et impose ses vues dans un "petit livre vert" qui devient vite le bréviaire de tout Gabonais qui se respecte. Le président y multiplie les maximes lénifiantes. Rien ne semble pouvoir menacer Bongo qui triomphe lors des différentes échéances électorales (il recueille plus de 99% des voix en 1973, 1979 et 1986, faute d'adversaire). Les opposants politiques sont, quant à eux, réduits au silence ou exécutés (tel Germain Mba assassiné en plein Libreville par deux mercenaires français).
Pourtant, au début des années 1980, les signes inquiétants s'accumulent pour le Gabon de Bongo. D'abord, la crise économique frappe le pays de plein fouet et ses relations avec le président François Mitterrand sont d'abord très tendues. Il doit alors s'appuyer sur ses réseaux pour trouver un équilibre dans ses relations avec le président français. En 1983, il obtient en tout cas le scalp du ministre de la Coopération, Jean-Pierre Cot qui entendait mettre un terme aux pratiques les plus troubles de la République française en Afrique subsaharienne.
Sur la scène internationale, les critiques commencent à fuser. Le FMI et la Banque mondiale critiquent la gestion des deniers publics.
Dans le contexte de la fin de la guerre froide et avec la chute du mur, les aspirations démocratiques des gabonais se font jour face à un pouvoir usé et corrompu. En janvier 1990, Libreville connaît des manifestations étudiantes impressionnantes, qui s'accompagnent bientôt de grèves et de pillages. Port-Gentil, qui concentre les installations pétrolières du pays, s'enflamme elle aussi. Bongo doit transiger et s'engage à rétablir le multipartisme en mars. La situation s'apaise jusqu'à la mort étrange d'un des meneurs de l'opposition. Port -Gentil est à nouveau en état d'insurrection et il faut l'envoi des paras par la France pour restaurer le calme et restaurer l'exploitation pétrolière (la France est alors dans son rôle traditionnel de maintien au pouvoir des autocrates fidèles).
* Omar Bongo Ondimba (le nom de son père rajouté par décret en novembre 2003).
Après ce premier avertissement, Bongo parvient pourtant à se maintenir au pouvoir. Il remporte 51 % des suffrages lors des premières élections présidentielles pluralistes. La fraude électorale ne fait guère de doute. En 1998 et 2005, Bongo conforte encore ses victoires. L'opposition est rendue atone par la corruption ou grâce aux postes savamment distribués par le président. Par ailleurs, il érige le népotisme en système et place toute sa famille aux postes clefs. Le régime n'a donc que les traits d'une démocratie. La société gabonaise est plus que jamais inégalitaire, la dette extérieure a explosé, tandis que les affaires médiatico-judiciaires entachent durablement l'image de Bongo: affaire Smalto, affaire Elf, affaire des "biens mal acquis" (nous en reparlons trè vite sur le blog).
* Un bilan.
Sur la scène nternationale, Bongo multiplie les médiations au cours des années 1990, avec des réussites au Tchad, en Angola,, en Centrafique, mais aussi des échecs au Zaïre ou au Congo.
En politique intérieure, il a au moins eu le mérite de maintenir le pays en paix, ce qui n'est pas si mal dans une région où les tensions sont nombreuses, mais la situation reste préoccupante et le président a dilapidé la rente pétrolière. La population gabonaise ne profite guère de ce qui devrait être une manne, mais qui ne profite qu'à l'entourage du président et à ses alliés occidentaux.
Le président gabonais est mort à l'âge de 73 ans ce mois-ci, après moults péripéties autour de l'annonce de sa mort (les autorités gabonaises l'ayant ressuscité après l'annonce espagnole). Il était au pouvoir depuis 41 ans. Avec cette disparition, comme le rappelle Libération, c'est un des piliers du système "Françafrique" qui disparaît. Tous les présidents français sans exception auront choyé et ménagé ce "meilleur ami de la France en Afrique". Comme nous l'avons vu, il doit même son poste et la conservation de celui-ci aux autorités françaises, lesquelles auront bénéficié de l'appui inconditionnel du Gabon en Afrique équatoriale. La classe politique française aura bénéficié quant à elle des largesses de l'autocrate.
Le lieu de décès de Bongo est symptomatique de la gestion politique et sociale de son pays. En effet, conscient des carences du système de santé gabonais, qu'il s'est évertué à ne jamais développer (là n'étaient pas ses priorités), il est parti se faire soigner en Espagne (les récentes poursuites judiciaires ouvertes contre lui l'ont convaincu d'éviter la France)...
Pour illustrer cet article, nous vous proposons un morceau produit à l'occasion du voyage de Valery Giscard d'Estaing au Gabon lors de son mandat (paroles ci-dessous)
Refrain — Bongo est l’ami de Giscard
Giscard est l’ami de Bongo
Bongo est l’ami de Giscard
la France est l’amie du Gabon
Le vrai président de tous les français
l’ami de Bongo et des Gabonais
l’ami de l’Afrique et des Africains
ce président-là, c’est Giscard d’Estaing
Pour gouverner la France et les Français
la France a dit : « Giscard à la barre !! »
pour gouverner le Gabon et les Gabonais
nous disons : « Bongo à l’avant du bateau !! »
refrain ... refrain ...
Pour vivre mieux, pour vivre en paix
il faut changer bien des orientations
Giscard et Bongo, l’un et l’autre l’ont fait
le changement c’est la rénovation
Président de la France, président du Gabon
notre peuple uni vous salue de la main
pour Giscard l’ami et pour nos deux nations
Gabonais, mes frères, chantons ce refrain
refrain ... refrain ...
Sources:
- L'Afrique enchantée: "Bienvenue à Bongoland".
- Jeune Afrique n°2527, 12 juin 2007.
- Vivonzheureux: "Tchibanga: Giscard Bongo"
Liens:
- Le tigre.
- Le Monde: "Bongo, une série d'affaires politico-judiciaires". - "Bongo et la France: quarante ans de mauvais coups" sur Rue 89. - "Omar Bongo, une vie en image".
- Bakchich.info: "La France orpheline d'Ormar Bongo".
- Sur le blog de Colette Braekman: "Omar Bongo, le doyen de la Françafrique s'est éteint en Espagne".
- Tiken Jah Fakoly: "Quitte le pouvoir".
- Tryo: "Pompafric".
- Dub Incorporation: "Survie".
Sur les circonstances pour le moins rocambolesques de la passation de pouvoir entre Mba et Bongo on peut se référer à l'excellente emission "Rendez-vous avec x" diffusée la semaine dernière sur France Inter et encore disponible en pocast pour quelsues temps à cette adresse:
RépondreSupprimerhttp://sites.radiofrance.fr/franceinter/em/rendezvousavecx/index.php?id=79585
Merci pour le lien. L'émission de Pesnot vaut le détour et elle a le mérite d'aborder des sujets originaux, toujours de manière captivante.
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