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vendredi 21 mai 2010

210. Zao: "ancien combattant".

Dans un article précédent nous nous sommes intéressés à la création du corps des tirailleurs sénégalais, leur rôle dans la conquête coloniale en Afrique, puis leur engagement en Europe au cours de la grande guerre: 1. Félix Mayol: "Bou Dou Ba Da Bouh".
Nous nous sommes ensuite intéressés ici aux tirailleurs en tant que sentinelles de l'Empire dans l'entre-deux-guerre, puis à leur participation à la deuxième guerre mondiale. 2. C.A.M.P.: "Hosties noires". Une autre chanson du CAMP évoque le massacre du camp de Thiaroye, le 1er décembre 1944, qui reste un symbole fort de l'injustice coloniale et des promesses non tenues par la France. 3. C.A.M.P.:"Thiaroye".

* * * * *

Garde d'un ouvrage d'art. Tonkin (vers 1953) [cf E. Deroo voir sources].

Dans l'immédiat après guerre, les troupes de tirailleurs se professionnalisent. En 1951, la terminologie officielle remplace le terme de tirailleurs sénégalais par celui de tirailleurs africains.
Le goût de l’aventure, la certitude d’une bonne solde et l’apprentissage d’un métier motivent la plupart des engagés.

* Les "dogues noirs de l'Empire".

Les gouvernements de la IVème République utilisent ces soldats pour réprimer les grandes grèves de 1948 ( grève des mineurs en particulier). Beaucoup redoutent alors que ces soldats ne deviennent de véritables soldats janissaires, utilisés pour réprimer les mouvements sociaux.
Le commandement français utilise aussi ces troupes pour réprimer toute contestation à l'intérieur de l'Empire. Cela permettait en outre de manipuler les ressentiments et oppositions entre les différentes populations coloniales pour mieux maintenir l’ordre. Les tâches les plus ingrates incombent ainsi aux tirailleurs, chargés des terribles répressions de Thiaroye (1944), Sétif (1945), Madagascar (1947).

Affiche pour le régiment d'AEF-Somalie, vers 1945 [cf E. Deroo voir sources].

Cette méfiance grandit encore avec l'engagement massif des tirailleurs dans les conflits coloniaux:
- 60 340 soldats africains de métiers, recrutés parmi les démobilisés de 1945 en AOF et AEF, servent en Indochine jusqu'en 1954. A cette date, ils représentent 15% des effectifs du corps expéditionnaire. Le Viêt-Minh développe d'ailleurs une propagande à destination des soldats africains appelés à la désertion au nom de la "solidarité des peuples opprimés par le colonialisme et l'impérialisme" (sans grand succès semble-t-il).
- l'état-major engage aussi des bataillons de tirailleurs, afin d'écraser l’insurrection de Madagascar en 1947, à plusieurs reprises encore en Tunisie et au Maroc, les deux protectorats en marche vers l'indépendance. En 1956, des tirailleurs prennent part à l'expédition de Suez.
- Enfin, huit régiments de tirailleurs africains, soit plus de 15 000 hommes, participent à la guerre d'Algérie.

Léopold Sedar Senghor, qui a dédié de sublimes poèmes aux tirailleurs, dénoncent désormais "les dogues noirs de l'Empire". L'image des tirailleurs se brouille, notamment au Maghreb.

* Des tirailleurs transformés en cadres des armées nationales.

Avec l'accession aux indépendances des dernières colonies françaises, les régiments de tirailleurs sénégalais sont transformés en régiments d’infanterie de marine en 1958 avant d’être définitivement supprimés entre 1960 et 1962.

Ces tirailleurs africains servent d’ossature aux armées nationales formées à partir de 1960. Dans le cadre de la coopération militaire, l’armée coloniale se charge à partir de 1958 de l'instruction et de l'entraînement des cadres des armées des États accédant à l'indépendance dans le cadre de l’école de formation des officiers ressortissants des territoires d’outre-mer (EFORTOM) de Fréjus. En 1960, nombre de tirailleurs sont alors reversés dans leurs armées nationales (sauf au Togo et en Guinée). Plusieurs dirigeants africains, qui s'imposent souvent par des coups d'état, sont issus de l'Efortom (Seyni Kountche au Niger, Kérékou au Bénin,Moussa Traoré au Mali, Kolingba en République centrafricaine) ou sont d'anciens tirailleurs ou officiers indigènes de l'armée française (Jean Bedel Bokassa en Centrafrique, le Togolais Gnassingbé Eyadema).

* La mémoire vive des derniers tirailleurs.

Au lendemain des indépendances, les tirailleurs disparaissent de la mémoire collective française. Il faut attendre les dernières décennies, pour que l'ancienne métropole "redécouvre" leur existence. En 1980, un ancien soldat du Sénégal attaque la France devant la Cour de justice européenne car sa pension militaire est "cristallisée" (c'est-à-dire gelée aux taux versés lors de l'indépendance à un niveau qui ne tient pas compte de l’évolution du coût de la vie). En effet, les logiques discriminatoires ancrées dans l’histoire de ces troupes conduisent à la cristallisation des pensions à partir de 1958.

Désormais la mémoire des tirailleurs est une mémoire vive. L'argument de la "dette de sang ", ancien, puisqu'il remonte aux lendemains de la grande guerre, est réactivé. Lamine Senghor en 1927 dénonçait déjà les écarts de pension entre citoyens et sujets: "Nous savons et nous constatons que, lorsqu'on a besoin de nous, pour nous faire tuer ou pour nous faire travailler, nous sommes des Français; mais quand il s'agit de nous donner les droits, nous ne sommes plus des Français, nous sommes des nègres."
Or, en août 1996, les représentants des sans-papiers de l'église saint-Bernard (Maliens et Sénégalais principalement) demandaient leur régularisation au motif de leur longue présence en France et du sacrifice de leurs ancêtres tirailleurs venus combattre pour la France lors des deux guerres mondiales. Ils dénoncent alors l'injustice faite aux descendants de ces tirailleurs traités comme de véritables parias (la situation ne s'est guère améliorée entre "immigration choisie et "amendement ADN").

Ces dernières années, les vieux tirailleurs apparaissent comme des victimes, des oubliés de la mémoire collective. La discrimination flagrante que constituait la "cristallisation" par rapport aux pensions des anciens combattants métropolitains, fut progressivement dénoncée et en partie supprimée par la décristallisation partielle de 2007 (grâce aux mobilisations des associations d'anciens combattants et au succès du film Indigènes de Rachid Bouchareb). Le 28 mai 2010, le conseil constitutionnel censure pour la première fois des lois en vigueur et "estime que, dans un même pays de résidence, il ne doit pas y avoir de différence de traitement entre un ressortissant français et un ressortissant étranger présentant les mêmes droits."

Statue "à Demba et Dupont en souvenir de leur fraternité d'armes" (Dakar).

Le président sénégalais Aboulaye Wade, en 2004, inaugure une journée nationale du Tirailleur et proclame le 23 août Journée du tirailleur au Sénégal. Il en appelle au devoir de mémoire et se prononce en faveur de l'enseignement de l'histoire des tirailleurs en Europe. Il fait réinstaller devant la gare de Dakar, la statue de Dupont et Demba, érigée à la gloire des poilus français et africains à la fin de la grande guerre et démontée au moment des indépendances. Autant d'actions qui permettent de réintégrer les tirailleurs dans la mémoire collective africaine.
La République française semble (enfin) sur la même voie avec la reconstruction (encore virtuelle) du monument aux héros de l'armée noire à Reims, érigé en 1924 et détruit par les Allemands en 1940.

http://www.crdp-reims.fr/memoire/LIEUX/1GM_CA/monuments/armee_noire_reims/armee_noire.jpg
Monument aux héros de l'armée noire, Reims.

* "Ancien combattant".
Dans la chanson « ancien combattant », le Congolais Casimir Zoba dit Zao se met dans la peau d’un tirailleur sénégalais qui a fait la guerre et raconte, de retour au pays, la manière dont le conflit frappe aveuglément tout ce qui bouge. Derrière l'aspect comique du morceau, il s'agit d'un hymne antimilitariste irrésistible.
Un seul destin pour tous les belligérants, mais aussi les civils plongés dans la guerre: "cadavéré". Seul l'ouverture d'un dialogue semble offrir une planche de salut. La chanson se termine ainsi par une série de mains tendues et de salutations dans la la langue de l'autre.
Le morceau représente aussi un bel hommage aux anciens combattants, ces figures ambivalentes des sociétés africaines. Respectés, ils suscitent dans le même temps les moqueries des jeunes générations qui raillent le "français tirailleur" des anciens combattants dont les sempiternels discours sur la guerre finissent par lasser.




Zao explique à propos de sa chanson:
" Un sage a dit: 'Tant que l'humanité ne tue pas la guerre, la guerre tue l'humanité.' Alors je me suis mis dans la peau d'un ancien combattant qui dénonce les atrocités qu'il a vécues. J'ai voulu faire un message qui s'adresse à tout le monde. A tous ceux croient trouver une solution dans l'usage des armes, je dis qu'ils seront tous cadavres. L'humour permet de mieux traduire ce genre de chose. J'ai voulu qu'un ancien combattant parle comme le faisaient les tirailleurs sénégalais."

* "Intoxiqués par l'espéranto militaire".
Dans la bouche de Zao, l'ancien combattant multiplie les néologismes savoureux. En prêtant ces mots à son personnage, le chanteur évoque le "parler petit-nègre"utilisé par les tirailleurs, sabir officialisé par des livres d'instruction.
La peintre et écrivain Lucie Cousturier, qui accueillit à Fréjus des tirailleurs de 1916 à 1919, témoigne dans "Des inconnus chez moi" des conséquences du développement d'un tel langage:
"Je suis enchantée de mes nouveaux élèves; mais c'est par eux que m'est posée, pour la première fois, sous un aspect cruel, la question de l'enseignement du français à des Africains intoxiqués par l'espéranto militaire. [...] Ce jargon est issu de deux sources: celle d'abord, des recrues bambaras qui ont indiqué par leurs balbutiements en présence de notre langue, leurs préférences de formes et de mots; deuxièmement celle des instructeurs blancs, qui ont adopté ces balbutiements et leurs conséquences... [...] Les tirailleurs ont appris, par les rires, que leur langage les ridiculise: 'c'est français pour tirailleurs' reconnaissent-ils tristement."

* "Petit n'imprudent".

Idrissa Soumaoro.


La chanson de Zao s'inspire d’un morceau antérieur, "petit n’imprudent", du Malien Idrissa Soumaoro, enregistrée en 1969 pour la radio malienne, qui relate une altercation opposant un ancien combattant retraité et un jeune homme irrespectueux qui violentait sa sœur aux pieds de l’Ancien. Indigné, le vieux chef de famille se déchaîne verbalement, noyant le garçon sous un flot d’injures. Face à l'impudence du blanc bec, il oppose son parcours irréprochable de combattant de la deuxième guerre . L'ancêtre vitupère en utilisant un jargon fondé sur un sabir savoureux. Le vieux est emporté dans une scansion qui ne semble jamais devoir s'arrêter: "Petit n’imprudent provocatèr, malappris, tu ne sais pas que je suis vié? Moi j’ai fais lé guerre mondiaux, j’ai tué allemand, j’ai tué tchékoslovaqui …"


Le titre remporte un immense succès, mais ne rapporte absolument rien à son auteur qui s'est fait voler son enregistrement. Quinze ans plus tard (1984), le Congolais Zao en a fait Ancien combattant. Dès sa sortie, elle rencontre un grand succès. Par une triste ironie du sort, sa chanson prend, a posteriori, un nouveau relief...

* Guerre au Congo-Brazzaville.
En 1984, l’Angola, ancienne colonie portugaise, voisin du Congo, connaît une terrible guerre civile, un des conflits les plus longs et les plus meurtriers de l’Afrique au XXème siècle. Le Congo Brazzaville est alors une république populaire qui sert de base arrière aux conseillers militaires soviétiques et aux soldats cubains qui soutiennent le MPLA d’Agostinho Neto, le leader angolais rallié au camp socialiste.

Pour les Congolais, les problèmes commencent avec la chute du mur Berlin en novembre 1989 et la redistribution des cartes qui l’accompagne. En 1990, le multipartisme est rétabli après 20 ans de parti unique. Lors des élections présidentielles, le président D. Sasou Nguesso perd le pouvoir qu’il occupait depuis 13 ans au profit de Pascal Lissuba. Lors des élections législatives qui suivent, la situation dégénère et Lissuba envoie ses milices ninjas qui affrontent l’armée gouvernementale. Un peu plus tard, ce sont les milices de Sasu Nguesso, les cobras, bien aidés par Elf, qui délogent Pascal Lissuba de sa fonction présidentielle.
Entre 1993 et 1999, le pays est en proie à une terrible guerre civile. Miliciens et militaires mettent le pays à feu et à sang. Comme l’immense majorité des Congolais, Zao n’a pas pu échapper au conflit. Il se réfugie dans son village natal. Les incursions de soldats l’obligent à fuir dans la forêt avec sa famille où se nourrit de baies sauvages, de racines, de champignons. Il y perd son fils de 4 ans, déshydraté et affaibli.


Pochette du premier disque de Zao.


Un très grand merci à Gaëlle !
__________________



Zao - Ancien combattant

Moi engagé militaire, moi engagé militaire
Moi pas besoin galons, joutez-moi du riz
Sergent masamba, tirailleur mongasa, caporal mitsutsu (...)

Marquer le pas, et 1, 2
Ancien combattant
Mundasukiri
Marquer le pas, et 1, 2
Ancien combattant
Mundasukiri

Tu ne sais pas que moi je suis ancien combattant
Moi je suis ancien combattant,
J'ai fait la guerre mondiaux
Dans la guerre mondiaux,
Il n'y a pas de camarade w’lai
Dans la guerre mondiaux,
Il n'y a pas de pitié mon ami
J'ai tué Français,
J'ai tué Allemand,
J'ai tué Anglais,
Moi j'ai tué Tchécoslovaque

Marquer le pas, 1, 2
Ancien combattant
Mundasukiri
Marquer le pas, 1, 2
Ancien combattant

Mundasukiri
La guerre mondiaux
Ce n'est pas beau, ce n'est pas bon
La guerre mondiaux
Ce n'est pas beau, ce n'est pas bon
Quand viendra la guerre mondiaux
Tout le monde cadavéré
Quand viendra la guerre mondiaux
Tout le monde cadavéré
Quand la balle siffle, il n'y a pas de choisir
Si tu ne fais pas vite changui, mon cher, ho!
Cadavéré
Avec le coup de matraque
Tout à coup, patatras, cadavéré

Ta femme cadavéré
Ta mère cadavéré
Ton grand-père cadavéré
Ton père est cadavéré
Tes enfants cadavéré
Les rois cadavéré
Les reines cadavéré
Les empereurs cadavéré
Tous les présidents cadavéré
Les ministres cadavéré
Les gardes de corps cadavéré
Les motards cadavéré
Les militaires cadavéré
Les civils cadavéré
Les policiers cadavéré
Les gendarmes cadavéré
Les travailleurs cadavéré
Les chomeurs cadavéré
Ta chérie cadavéré
Ton premier bureau cadavéré
Ton deuxième bureau cadavéré
La bière cadavéré
Le champagne cadavéré
Le whisky cadavéré
Le vin rouge cadavéré
Le vin de palme cadavéré
Les soûlards cadavéré
Music lovers cadavéré
Tout le monde cadavéré
Moi-même cadavéré

Marquer le pas, et 1, 2
Ancien combattant
Mundasukiri
Marquer le pas, et 1, 2
Ancien combattant
Mundasukiri

Pourquoi la guerre
Pourquoi la guerre
Pourquoi la guerre
La guerre ce n'est pas bon, ce n'est pas bon
Quand viendra la guerre tout le monde affamé, oh!
Le coq ne va plus coquer, cocorico oh!
La poule ne va plus pouler, pouler les oeufs
Le footballeur ne va plus footer, pousser le ballon
Les joueurs cadavéré
Les arbitres cadavéré
Le sifflet cadavéré
Même le ballon est cadavéré
Les équipes cadavéré
Diables Noirs cadavéré
Etoile du Congo cadavéré
Les Lions Indomptables cadavéré
Les Léopards cadavéré
Les Diables Rouges cadavéré
Les journalistes cadavéré
La radio cadavéré
La télévision cadavéré
Le stade cadavéré
Les supporters cadavéré

La bombe ce n'est pas bon, ce n'est pas bon
La bombe à neutrons ce n'est pas bon, ce n'est pas bon
La bombe atomique ce n'est pas bon, ce n'est pas bon
Les Pershing ce n'est pas bon, ce n'est pas bon
S.S. 20, ce n'est pas bon, ce n'est pas bon
Quand viendra la bombe
Tout le monde est bombé oh!

Ton pays bombé
L'URSS bombé
Les États-Unis bombé
La France bombé
L'Italie bombé
L'Allemagne bombé
Le Congo bombé
Le Zaïre bombé
L'ONU bombé
L'UNESCO bombé
L'OUA bombé
Mes boeufs bombé
Mes moutons bombé
Mon cuisinier bombé
Tous les cuisiniers bombé
Ma femme bombé
Les taximan bombé
Les hôpitaux bombé
Les malades bombé
Les bébés bombé
Le poulailler bombé
Mes coqs bombé
Mon chien bombé
Les écoles bombé
Ma poitrine bombé
Tout le monde bombardé

Semez l'amour et non la guerre mes amis
Tenons nous la main dans la main
Jetez vos armes Jetez vos armes Jetez vos armes
Tenons nous la main dans la main

Ah! si tu voyais Français : Bonjour
Ah! si tu voyais Anglais : Good Morning
Ah! Si tu voyais Russe :zdravstvuche
Ah! si tu voyais Allemand : guten tag
Ah! si tu voyais Espagnol: Buenos Dias
Ah! si tu voyais Italien: Buongiorno
Ah! si tu voyais Chinois : Hiho
Ah! Si tu voyais Bulgare :Dóbar den
Ah! Si tu voyais Israélien: Shalom
Ah! Si tu voyais Egyptien :Sabahkarlarer
Ah! Si tu voyais Sénégalais :Nagadef
Ah! Si tu voyais Malien :Anissoucouma
Ah! Si tu voyais Nigérien :Carouf
Ah! Si tu voyais Mauritanien :Alagouna
Ah! Si tu voyais Togolais :Afoi
Ah! Si tu voyais Souaéli :D'jambo
Ah! Si tu voyais Tchadien :Lali
Ah! Si tu voyais Malgache :Malaouna
Ah! Si tu voyais Centre Africain :Mibaramo
Ah! Si tu voyais Camérounais :Anenvoyé
Ah! Si tu voyais Gabonais :M'bolo
Ah! Si tu voyais Congolais :Bonté
Ah! Si tu voyais Zaïrois :Bonté Na Yo

Marquer le pas, et 1, 2
Ancien combattant
Mundasukiri
Marquer le pas, et 1, 2
Ancien combattant
Mundasukiri

Sources:
- Emmanuel Blanchard: "Les tirailleurs: bras armés de la France coloniale", sur le site de la LDH Toulon.
- Eric Derro, Antoine Champeaux: "La force noire. Gloire et infortune d'une légende coloniale", Taillandier, 2006.
- Pap Ndiaye: "Dette de sang", le Nouvel Observateur, Hors Série, octobre-novembre 2008.
- Franck Tenaille: "Le swing du caméléon", Actes Sud, 2000.
- Marc Michel: "Essai sur la colonisation positive", Perrin, 2009.
- L'Afrique enchantée du 21 août 2006: "la guerre".

Liens:
* Vivonzheureux!: "Zao: ancien combattant"
* Philippe Bernard: 'Le dernier de la "force noire"'.

jeudi 13 mai 2010

208. C.A.M.P.: "Hosties noires".

Dans un article précédent nous nous sommes intéressés à la création du corps des tirailleurs sénégalais, leur rôle dans la conquête coloniale en Afrique, puis leur engagement en Europe au cours de la grande guerre: 1. Félix Mayol: "Bou Dou Ba Da Bouh". Nous nous intéressons ici aux tirailleurs en tant que sentinelles de l'Empire dans l'entre-deux-guerre, puis à leur participation à la deuxième guerre mondiale.

*** 

 A l'issue de la grande guerre, à l'exception de deux régiments envoyés occuper la Rhénanie, les tirailleurs sénégalais sont rapidement rapatriés en Afrique (début 1919). La guerre a laissé des traces profondes sur les sociétés africaines. Elle représente incontestablement une étape cruciale dans la volonté d'émancipation chez ceux qui y participèrent à l'instar de Galandou Diouf, Lamine Gueye. Chez nombre d'anciens combattants, le ressentiment grandit face aux promesses non tenues de la métropole, notamment en matière de citoyenneté. Pourtant au lendemain de la guerre de 14-18, pour les autorités coloniales, le recours à l'Empire s'impose plus que jamais compte tenu des terribles pertes démographiques.

1939: tirailleur sénégalais et Alsaciennes (source: ECPAD).

* Des tirailleurs sentinelles de l'Empire (1919-1939). A l'initiative de Blaise Diagne, un décret instaure la conscription par tirage au sort pour une durée de trois ans en Afrique, mais, alors que cette durée du service est ramenée à 12 mois en métropole en 1928, elle reste de 36 mois en Afrique. Pour autant, les engagements de tirailleurs se multiplient au cours des années 1930. Plusieurs éléments peuvent l'expliquer: des soldes plus élevées, des cantonnements au confort amélioré, les possibilités de reclassement offertes et d'emplois réservés... Dans l'entre-deux-guerre, les tirailleurs sont de tous les théâtres d'opération de la France coloniale: au Maroc, dans le cadre de la guerre du Rif, mais aussi dans les mandats confiés à la France au Levant (Syrie et Liban). Les autorités emploient aussi ces troupes dans les confins sahariens encore mal contrôlés (Mauritanie, Niger, Tchad).

* Le nouvel appel à l'Empire. En 1939, le rappel des réservistes, ainsi que d'intenses campagnes de recrutement, permettent d'acheminer de nombreux combattants africains vers la France (78 000 combattants, 63 300 Africains et 14 7000 Malgaches sont dans la zone des armées en 1940 pour Eric Deroo et Antoine Champeaux voir sources). Si la mobilisation ne donne pas lieu aux résistances rencontrées lors de la guerre précédente, c'est que désormais l'administration s'appuie sur les chefferies traditionnelles. En outre, le racisme constitutif de l'idéologie nazie convainc beaucoup d'hommes de s'engager.

 

Corps de tirailleurs sénégalais dans le nord-est de la France, juin 1940 (photographie de source allemande).

* La rude campagne de France.

Lors de la drôle de guerre, les camps de Fréjus, Rivesaltes et Souge accueillent des milliers d'Africains comme cela avait déjà été le cas au cours de la première guerre mondiale (hivernage). Lors de l'offensive allemande, les unités de tirailleurs engagées dans la campagne de France combattent vaillamment et paient un lourd tribut. Les Allemands réservent en effet un traitement particulièrement dur aux soldats noirs, dont des centaines sont abattus sommairement (à Airaines les 6 juin, Erquinvillers le 10 et surtout Chasselay près de Lyon avec le massacre de 188 Européens et Africains du 25e RTS). L'historien américain Raffael Scheck dénombre à partir des archives militaires environ 3 000 tirailleurs assassinés de la sorte. Si aucun texte allemand ne semble ordonner cette pratique, elle trouve sans doute son origine dans les stéréotypes hérités de la "honte noire", complétés par les théories racistes des nazis.

* La haine raciale des Allemands à l'encontre des troupes coloniales de l'armée française.

La première guerre mondiale est un moment déterminant en Allemagne dans l'élaboration du stéréotype du sauvage noir. Si l'appel à l'Empire et la venue de tirailleurs permet en France de mettre un terme à l'image terrifiante du Noir, envisagé désormais comme un grand enfant sympathique et brave face à l'ennemi; en revanche, le tirailleur coupeur de nez ou d'oreille fait son apparition dans les représentations outre-Rhin. La légende la "honte noire" apparaît lors de l'occupation de la Rhénanie (conformément au traité de Versailles). D'intenses campagnes d'opinion dénoncent la brutalité et la sauvagerie des soldats de l'Empire accusés de violer les femmes allemandes. On retrouve là un des poncifs de la pensée coloniale qui considère l'Africain comme incapable de réprimer ses instincts sexuels. L'idée d'abâtardissement de la race allemande par le métissage est aussi sous-jacente. Pour beaucoup, les coloniaux seraient en outre porteurs de maladies exotiques ou sexuelles.

"Occupation française de la Ruhr", brochure illustrée de A.M. Cray, 1923.

Le récit de ces atrocités rencontre un immense écho dans toute l'Allemagne. Seules les enquêtes internationales menées permettront de convaincre les démocrates, les socialistes, les féministes germaniques de l'inanité de telles affirmations. Pour autant, le gouvernement allemand ne formule pas de protestations. Les ligues nationalistes n'abandonnent pas leur campagne de dénigrement et mènent une intense propagande (conférences, diffusion de tracts). Elle repose sur l'émotion et rencontre un certain succès chez certains Blancs convaincus que les Noirs conservent un instinct sexuel démesuré (notamment dans un pays ségrégationniste comme les Etats-Unis). A partir de 1924, le réchauffement des relations franco-allemande, le rééchelonnement des réparations et l'application plus souple du traité de Versailles permettent de mettre en sourdine les accusations allemandes... pour un temps seulement. Les nazis réactivent en effet la mémoire de cette "honte noire". Hitler y consacre d'ailleurs un passage de Mein Kampf. Pour lui, il ne faut rien attendre d'une France tombée aux main des Juifs et négrifiée. Aussi lorsque débute la bataille de France, Goebbels n'a guère de mal à convaincre les troupes des prétendues atrocités commises par les Noirs durant la grande guerre et l'occupation de la Rhénanie.

La France vue par l'Allemagne nazie. Dessin à caractère raciste dénoncant la "faute de la France" et son armée aux mains d'officiers dégénérés, des tirailleurs et des banquiers juifs.

Après l'armistice, les prisonniers noirs, à la différence des autres captifs, sont maintenus en France dans des Fronstalags situés en zone nord car les Allemands craignent les maladies exotiques dont ces hommes seraient porteurs d'après eux. Ils redoutent en outre une possible "contamination" raciale... Rassemblés dans des baraquements de fortune, la détention des tirailleurs s'avère particulièrement sévère. Début 1943, les Allemands qui manquent d'hommes sur le front russe transfèrent la garde des Fronstalags à des cadres coloniaux français, tous blancs. Cette mesure est bien sûr très mal perçue par les tirailleurs, dont 4000 d'entre eux viennent grossir les rangs du maquis.

Embarquement de tirailleurs en 1941.

Dans les rangs de la France libre.

N'oublions pas que de nombreux tirailleurs participent aussi aux campagnes de la France libre depuis le ralliement de l'AEF, dès août 1940 (à l'initiative de Félix Eboué). Ils se battent sur tous les théâtres d'opération, de Bir Hakeim à la campagne de Syrie au cours de laquelle ils affrontent d'autres tirailleurs, restés fidèles au maréchal Pétain. C'est que l'État français entend lui aussi conserver le contrôle de l'Empire, avec l'aval de l'Allemagne nazie. Il maintient donc dans les colonies des troupes de souveraineté chargées de contrer les tentatives de débarquement des Britanniques, des Gaullistes (à Dakar en septembre 1940, au Levant en 1941, à Madagascar en 1942) puis des alliés sur les côtes algériennes en novembre 1942... en vain. Ces milliers de soldats de l'armée d'Afrique et de la coloniale sont alors mobilisés par la France libre et combattent en Tunisie et en Italie. Des divisions à fort contingent africain (1ère DMI, la 9ème DIC et le 18ème RTS) participent ainsi au débarquement de Provence, puis à la libération de Toulon et de Marseille, avant d'entreprendre la remontée de la vallée du Rhône.

18 août 1944, plage de cavalaire, une section du 18ème régiment de tirailleurs sénégalais.
* Une victoire au goût amer.

Ils contribuent donc à la Libération de la France, mais une fois arrivés dans les Vosges les troupes noires sont remplacées par de jeunes soldats français dans le cadre des opérations de « blanchiment » des unités sous des motifs contestables. De Gaulle écrit dans ses Mémoires: "Comme l'hiver dans les Vosges comportait des risques pour l'Etat sanitaire des Noirs, nous envoyâmes dans le Midi les 20 000 soldats originaires d'Afrique centrale et d'Afrique occidentale qui servaient à la 1ère division française livre et à la 9ème division coloniale. Ils y furent remplacés par autant de maquisards qui se trouvèrent équipés du coup." Nombre de soldats en éprouvèrent une grande rancœur qui vient s'ajouter à d'autres motifs de mécontentement. Ainsi à l'issue des combats, les tirailleurs doivent attendre de longs mois leur rapatriement faute de navires disponibles. Par ailleurs, les autorités ne versent pas toutes les primes et soldes promises. Ces mesquineries provoquent des mutineries ou des refus d'embarquement comme à Morlaix le 4 novembre 1944 (les tirailleurs réclament le règlement de leurs soldes). C'est dans ce contexte qu'éclate la révolte des tirailleurs rassemblés dans le camp de Thiaroye, près Dakar en novembre 1944. La troupe tire et provoque au moins 24 morts. 

Le "Tata" sénégalais, nécropole de style soudanais érigée près de Chasselay, abritant les corps de cent quatre-vingt-huit Sénégalais exécutés sommairement par les Allemands en 1940. (Source : MINDEF/SGA/DMPA).

Les soldats coloniaux, souvent en butte au racisme d'une administration civile et militaire engoncée dans ses préjugés, bénéficient en revanche du soutien d'une population curieuse mais amicale. 

 


L'album "A nos morts" est l'œuvre d'une compagnie de rappeurs et de chanteurs de Strasbourg : le C.A.M.P., Collectif d'artistes pour une mémoire partagée. Il retrace l'histoire des tirailleurs africains, maghrébins et asiatiques - de 1857 à 1945 -, à travers de raps originaux ou de textes fondateurs ("l'Affiche rouge" de Louis Aragon, des déclarations de Jean Jaurès ou de Kateb Yacine) mis en musique et conceptualisé par Yan Gilg. Nous avons ici sélectionné le morceau "Hosties noires". Son titre fait référence à un recueil de poèmes que Léopold Sedar Senghor dédie aux tirailleurs sénégalais en 1948. Les paroles du morceau sont également empruntées au grand écrivain franco-sénégalais. 

Poème liminaire
«Vous Tirailleurs sénégalais, mes frères noirs à la main chaude sous la glace et la mort / Qui pourra vous chanter si ce n'est votre frère d'armes, votre frère de sang ? / Je ne laisserai pas la parole aux ministres et pas aux généraux / Je ne laisserai pas - non ! - les louanges de mépris vous enterrer furtivement. / Vous n'êtes pas des pauvres aux poches vides sans honneur / Mais je déchirerai les rires « banania » sur tous les murs de France. (...)» Léopold Sédar Senghor « Poème liminaire», Hosties noires, (1948), © Éditions du Seuil.

Sources:

- Compte rendu d'Olivier Wieviorka du livre d'Armelle Mabon "prisonniers de guerre 'indigènes'. Visages oubliés de la France occupés" dans Libération du 29 avril 2010.

- Pap Ndiaye: "Les soldats noirs de la République, L'histoire n°337, décembre 2008.

- Eric Derro, Antoine Champeaux: "La force noire. Gloire et infortune d'une légende coloniale", Taillandier, 2006.

- Jean-Yves Le Naour: "La 'honte noire'", revue Quasimodo n°8.

mercredi 12 mai 2010

Sur la platine: avril et mai 2010.



1. OV. Wright: "That's how strong my love is".
Une des plus belles chansons de l'homme qui transforma ses maux en musique

2. The Inspirational Gospel Singers: "The Same Thing It took".
Encore une belle compilation du label Numero Group qui explore le gospel côté funk.


3. Sparklehorse: "King of Nails".
Un vieux morceau de Mark Linkous, le brillant et torturé songwriter de Sparklehorse qui vient de passer l'arme à gauche.

4. Bobby Blue Bland: "I got same old blues".
Cet immense chanteur de soul blues, injustement méconnu de ce côté de l'Atlantique, bénéficia pourtant d'une extraordinaire popularité auprès du public féminin noir américain. Sa voix chaude et enveloppante n'y est sans doute pas étrangère.

5. Caribou: "Odessa".
Un titre d'electro pop tout à fait hypnotique et séduisant.

6. Great Pride: "She's a Lady".


7. Bonga: "Makongo".
Chanson de l'album 1974 du chanteur angolais à la voix rauque.

8. Jackie Mitoo: "El bang bang".





1. Welton Irie: "Stone a throw".


2. Charles Mingus: "Moanin".
Un classique du grand bassiste de jazz samplé, entre autres par I am.

http://userserve-ak.last.fm/serve/252/471520.jpg

3. Bobby "Blue" Bland: "I Wouldn't Treat a Dog (The Way You Treated Me)".

4. Tommy McCook: "Tommy's Rock Steady".
Un instrumental sorti de "l'île au trésor" de Duke Reid, rondement mené par un des meilleurs saxophonistes jamaïcains.

5. The Techniques: "Queen majesty".
Toujours dans la même veine, cette formation jamaïcaine reprend à sa manière un des classiques soul de Curtis Mayfield et ses Impressions. Les voix, élégiaques, portent la très belle mélodie de cette chanson imparable.


6. Mgababa Queens: "Maphuthi".
Morceau tiré d'une compilation récemment sortie et consacrée au Mbaqanga, mélange de musique zulu traditionnelle et d'harmonies occidentales.

7. Quantic & His Combo Bárbaro: "Undelivered letter".
Quantic continue ses rencontres et explorations musicales tous azimut. Le résultat est presque toujours à la hauteur.

8. Smoke City: "Underwater Love (Original Mix)".
Ce morceau de trip hop remporta un gros succès en 1997, après avoir été utilisé dans un pub pour Levi's.

mercredi 5 mai 2010

207.The White Stripes : "The big three killed my baby"

The White Stripes est un duo composé de Meg White et Jack White (ex-époux qui a pris le nom de sa femme), devenu ces 10 dernières années un des groupes américains majeurs de la scène rock mondiale. Cette reconnaissance méritée est autant due à l'originalité de leur formation se limitant à deux individus (Meg White à la batterie, dont le style est très minimaliste et Jack White qui l'accompagne à la guitare, à la basse ou aux claviers), qu'à la qualité et tout autant la multitude de projets menés par le leader du groupe (Projet parallèles des Raconteurs et des Dead Weather avec d'autres personnalités très en vue de la scène rock actuelle comme la chanteuse Alisson Mosshart des Kills) ou à la curiosité que suscite ces deux personnalités assez atypiques (Meg White est passionnée de taxidermie, ils ne s'habillent qu'en rouge, noir et blanc etc..). A leur actif, une discographie déjà riche de 7 albums (le dernier live en date retraçant leur récente tournée canadienne totalement farfelue  pour commémorer leurs 10 ans de carrière).
Les White Stripes produisent du gros son mais peu de brûlots politiques. Ils se sont spécialisés dans le  garage rock avec de fortes influences Led Zeppeliennes, tout en allant fricoter du côté du blues (voire de la country music J. White a repris "Jolene" de Dolly Parton et accompagné Loretta Lynn sur "Portland, Oregon").
Mais voilà les Stripes sont originaires de Detroit, LA capitale mondiale de l'automobile, aujourd'hui devenue l'ombre d'elle même. Il était donc assez improbable de ne pas voir émerger quelque chose sur "MoTown" (contraction de Motor Town) en explorant leur discographie. Bingo, sur leur premier album éponyme, le titre "The big three killed my baby" nous plonge directement dans l'univers des majors de l'automobile. Cette 3° piste de l'album constituera d'ailleurs leur premier single en 1999. Sur la pochette du vynil on distingue, toujours en rouge/blanc/noir, un moteur d'automobile sur lequel est indiqué "Insert your money here" et à gauche l'arrière train d'un modèle de voiture dessiné par Preston Tucker : la Torpedo dont voici ci dessous l'intégralité.


Detroit, Michigan : du comptoir français à Motown :

C'est en 1701 que nait Detroit, fondé par Antoine Laumet de La Mothe, sieur de Cadillac. La ville se développe en tant que comptoir commercial placé sur les rives de la rivière du même nom, à proximité des Grands Lacs. La ville passe ensuite en 1761 sous contrôle britannique. Elles est dévastée par un gigantesque incendie en 1805 qui détruit son architecture française en quasi totalité.
Mais c'est entre la fin du XIX° siècle et le début du XX° siècle que Detroit, devenue, entre temps la capitale de l'état du Michigan, va prendre son essor et devenir la capitale mondiale de l'industrie automobile. C'est le début de l'histoire des Big 3 qui suivent jusque dans les années 70, un parcours auréolé de succès.

Henry Ford ouvre le feu et les usines de la Ford Motor Company fabriquent la première Ford T, appelée à une immense succès dès 1908. Le nom de Ford reste indissociable de son modèle de production le fordisme ( associant parcellisation des taches sur une chaine, salaires des ouvriers stimulant la consommation et division du travail entre les tâches d'exécution et de conception).
La première chaine est introduite chez Ford en 1912 pour approvisionner en  sable la fonderie. Celle de montage arrivera en 1913. Des millions de Ford T standardisées sortent des usines de Detroit et assurent la fortune du magna de l'automobile : entre 1908 et 1927, 15 millions de Ford T. sont produites (ci dessus Henry Ford devant la Ford T. en 1921). En 1913, Ford détient déjà 45% du marché automobile intérieur. En reconversion durant les deux guerres mondiales pour participer à l'effort de guerre national, Ford ne cessera de proposer des modèles souvent modifiés à la marge mais permettant de renouveler suffisamment  l'offre sur le marché. Après guerre la possession d'une automobile incarne un des incontournables de l'american way of life.

Ci contre le complexe Ford River Rouge photographié par Robert Franck en 1955, c'est le cœur de la FMC à Dearbourn.











Chaine d'assemblage à Detroit, Robert Franck,1955.

1908 est vraiment une année clé puisqu'elle voit simultanément naitre la Ford T et sa principale concurrente la firme General Motors. GMC (General Motors Company) qui absorbe des marques comme Buick, Pontiac, Cadillac ou encore Chevrolet. A la fin des années 20, GMC est le plus grand producteur mondial d'automobiles (dépassant Ford en 1926). Pour avoir une idée de ce que ce géant de l'automobile standardisée peut réaliser, il produit déjà en 1929 2 100 000 véhicules. Durant la deuxième guerre mondiale le groupe s'investit  comme son concurrent  dans l'effort de guerre des États-Unis. Sa puissance est telle au sortir du deuxième conflit mondial que Charles Wilson, PDG du groupe, pouvait s'enorgueillir et déclarer en 1953 que "ce qui est bon pour l'Amérique est bon pour General Motors et vice versa".


Chrysler est le dernier membre du trio constituant les Big three de Detroit. Née plus tardivement en 1924, la firme se fait connaitre en exposant son premier modèle, la Six, dans le hall de l'Hotel Commodore à New York. 3 ans plus tard Chrysler fabrique sa première décapotable promue par la publicité en couleur : l'imperial.
Avec la deuxième guerre mondiale l'entreprise se réoriente vers la production militaire : moteurs, chars Pershing etc... Une soixantaine de projets sortent des usines Chrysler.
Au cours de la décennie suivante, Chrysler affine son image de marque avec des publicités l'associant à l'élégance faite automobile, ajoute des innovations techniques importantes (un début de direction assistée ou d'auto radio par exemple) et produit la voiture la plus puissante du marché mondial : la Chrysler C-300 (1955). Sur les photos ci-dessous on voit (à gauche) le siège de l'entreprise Chrysler à Highland Park Michigan en 1942,  implantation historique de l'entreprise, à l'endroit même où la Ford Company possède une de ses usines en activité jusqu'en 1950.(photo de droite).

 


Détroit : les big three vs Preston Tucker.

C'est en 1948 que Preston Tucker va venir troubler les trio dominant de l'industrie automobile américaine et mondiale. Il n'est pas un inconnu pour les Big 3 puisqu'il a dejà travaillé sur des moteurs pour le fils d'Henry Ford, Edsel. (Sur la photo ci contre Preston Tucker, au centre  et Henry Ford à sa gauche en 1932 à Indianapolis) Au début de la guerre il récupère auprès du gouvernement les locaux de l'ancienne usine d'aviation Dodge de Chicago contre l'engagement de produire 50 véhicules. Il lève des sommes considérables et se lance dans le projet de construction d'une voiture révolutionnaire la Tucker 48 connue sous le nom de Torpedo, "the car of tomorrow today". 
La Torpedo est une voiture réellement innovante aussi bien du coté conception qu'en matière de sécurité. Elle intègre un pare brise feuilleté et éjectable, des ceintures de sécurité à l'avant et à l'arrière, un phare central mobile bougeant avec le volant (cyclope) ou encore un tablier rembourré de mousse. Sa ligne est racée.  Mais Tucker est  victime d'enquêtes répétées de commissions boursières. Il a du mal à mener à bien son projet et dénonce une campagne en sous main des Big 3 pour lui mettre des batons dans les roues par du lobbying politique ou en l'empechant de s'approvisionner en acier.  
Accusé de malversations financières,il perd la direction de son entreprise et doit renoncer à la production de la Torpedo. Ses démêlées avec la justice le contraignent donc à abandonner  ses rêves automobiles. Il est acquitté en 1950 à l'issue du procès en prouvant qu'il a rempli sa partie du contrat : il aligne 50 rutilantes Torpedo devant le palais de justice. Mais les Big 3 ont la part belle car Tucker est ruiné et son usine fermée.
Preston Tucker meurt en 1956.

The White Stripes : "The big three kills my baby".

The big three killed my baby
Les 3 grands ont tué mon bébé
no money in my hand again
je suis ruiné
the big three killed my baby 
Les 3 grands ont tué mon bébé
nobody's coming home again 
Plus personne ne vient à la maison
Their ideas made me want to spit
leurs idées me donnent envie de gerber
a hundred dollars goes down the pit 
une centaine de dollar engloutie dans le gouffre
30,000 wheels are rollin'
30000 roues tournent
and my stick shift hands are swollen 
et mes doigts collants de travailleurs à la chaine sont enflés
everything involved is shady
tout ce qui entoure [cette afaire] est obscur
the big three killed my baby
Les 3 grands ont tué mon bébé
The big three killed my baby
Les 3 grands ont tué mon bébé
no money in my hand again
je suis ruiné
the big three killed my baby
les 3 grands ont tué mon bébé
nobody's coming home again
plus personne ne vient à la maison
Why dont you take the day off and try to repair ?
Pourquoi ne fais tu pas un break pour essayer de te remettre?
a billion others dont seem to care
un milliard de personnes s'en moquent
better ideas are stuck in the mud
les meilleures idées sont engluées dans la boue
the motors runnin' on tuckers blood
les moteurs carburent au sang de Tucker
dont let them tell you the future's electric
qu'ils ne te disent pas que le future est electrique
cause gasolines not measured in metric
parce que l'essence ne se mesure pas
30,000 wheels are spinnin'
30 000 roues tournent
and oil company faces are grinnin'
et les compagnies pétrolières affichent un sourire carnassier
now my hands are turnin' red
Maintenant mes mains rougissent
and i found out my baby is dead
et j'ai découvert que mon bébé est mort
The big three killed my baby
les 3 grands ont tué mon bébé
no money in my hand again
je n'ai de nouveau plus d'argent
the big three killed my baby
les 3 grands ont tué mon bébé
nobody's coming home again
plus personne ne vient à la maison
Well i've said it now, nothings changed
Je l'avais bien dit, rien n'a changé
people are burnin for pocket change
les gens se damnent pour de l'argent de poche
and creative minds are lazy
les esprits créatifs tournent au ralenti
and the big three killed my baby
et les 3 grands ont tué mon bébé
And my baby's my common sense
et mon bébé est mon bon sens
so dont feed me planned obsolescence
ne me gave pas obsloscence planifiée
yeah my baby's my common sense
oui mon bébé est mon bon sens
so dont feed me planned obsolescence
alors ne ma gave pas obsolescence planifiée
i'm about to have another blowout
je vais de nouveau péter les plombs 
i'm about to have another blowout
je vais de nouveau péter les plombs

(NB : Merci de votre indulgence pour la traduction du texte qui respecte plus l'esprit que les mots de son auteur. Il était difficile de transposer certaines parties assez imagées et à ce titre je remercie ma collègue et amie Blandine Aglossi pour l'aide précieuse qu'elle a apporté à la traduction de la chanson)