En
1945, l’Afrique noire reste presque totalement colonisée. Les
Britanniques sont implantés dans l’est du continent, la France à l’ouest
et au centre, le Portugal au sud, enfin la Belgique possède l'immense
Congo.
Quinze ans plus tard, à l’exception de l’empire portugais et de quelques colonies britanniques, ces empires ont disparu.
Comment expliquer l’ampleur et la soudaineté de cette décolonisation pacifique dans l’ensemble ?
Félix Eboué, alors gouverneur général du "Congo", et Charles de Gaulle lors de la conférence de Brazzaville.
La
Seconde Guerre mondiale peut être considérée comme une étape
fondamentale du processus de décolonisation, puisqu’elle entraîne le
discrédit des puissances coloniales. Le mythe de l’invincibilité de
l’homme blanc est mis à mal par les défaites belge et française face à
l’Allemagne nazie. Les deux grands vainqueurs de la guerre, Etats-Unis
et URSS, diffusent en outre un message libérateur à l'adresse des
colonies. Enfin, l'ONU appuie le droit des peuples à
l'autodétermination.
En 1945, les puissances coloniales se trouvent donc sur la défensive.
Lors
de la conférence de Brazzaville en février 1944, de Gaulle dresse le
programme d’une colonisation plus juste fondée sur de timides réformes
sociales (suppression du travail forcé, obtention progressive de la
citoyenneté), mais qui ne débouche sur aucune avancée politique
significative.
En
1946, la Constitution maintient l’essentiel de la domination
métropolitaine dans le cadre de l’Union française. Les territoires de
l'AOF, de l'AEF et Madagascar envoient des représentants au Parlement
français. Dans le cadre de l’Union française, les Africains se voient
reconnaître des droits juridiques et la promesse d’une pleine
citoyenneté. Mais l’heure n’est pas à l’abandon de l’empire. Toute
contestation est châtiée, à l’instar de l'insurrection malgache de 1947.
Plusieurs facteurs vont pourtant remettre en cause cette situation.
* La pression des Africains eux-mêmes.
Toute
une génération de leaders africains, formés par le syndicalisme ou les
universités de la métropole, s’affirment : Léopold Sédar Senghor, Félix Houphouët-Boigny, Modibo Keita ou encore Sékou
Touré. Des partis politiques, souvent marqués par le marxisme, et des
syndicats critiquent l’impérialisme français et mènent l’agitation
sociale, tels le Rassemblement Démocratique Africain, qui devient un
parti de masse dans toute l’Afrique noire française. Au Cameroun,
l'Union des populations du Cameroun de Ruben Um Nyobé réclame
l'indépendance du territoire. Devant le refus des autorités, il se lance
dans une guérilla violente, impitoyablement réprimée par la France.
* Le contexte international.
Le
contexte international remet chaque jour un peu plus en cause le
maintien de la colonisation. La défaite française en Indochine en 1954,
le début de la guerre en Algérie, la conférence des pays non alignés à
Bandung en 1955, la crise de Suez en 1956 obligent les métropoles à
transiger. Enfin,
l’accession
de la Gold Coast, futur Ghana, à l’indépendance en 1957, connaît un
grand retentissement sur le continent, tout comme les thèses
panafricaines de son leader Nkrumah, favorable à des Etats-Unis
d’Afrique.
Pour Gaston Defferre, ministre de la France d'outre-mer, il faut changer de politique. « Ne laissons pas croire que la France n'entreprend des réformes que lorsque le sang commence à couler »
clame-t-il. Sa loi cadre de mars 1956 remplace les fédérations de l'AOF
(Afrique Occidentale française) et de l'AEF (Afrique Equatoriale
française) par des territoires dotés de capitales.
La
loi Cadre accorde l'autonomie interne aux territoires de l’Union
française, mais la France conserve les attributs de la souveraineté
internationale (monnaie, politique extérieure).
De
retour au pouvoir, en 1958, de Gaulle propose aux membres de l’Union
française de devenir des Etats associés dans le cadre d’une nouvelle
organisation : la Communauté française. au sein de laquelle la France
s’arroge des « domaines réservés » (affaires étrangères notamment). Les
populations de l'Union française doivent se prononcer par référendum sur
l'adhésion à la Communauté française.
La
plupart des dirigeants africains optent pour le oui, qui l’emporte
partout, sauf en Guinée. Sékou Touré, partisan de l’indépendance
immédiate, avait d’ailleurs lancé à de Gaulle lors de sa tournée
africaine d’août 1958 : « Nous préférons la pauvreté dans la liberté à la richesse dans l’esclavage ». La Guinée devient aussitôt indépendante. Outré, le général suspend immédiatement toute aide au nouvel Etat.
De Gaulle à Brazzaville en août 1958.
* Indépendances : liesse et nouveaux écueils.
La
Communauté ne dure pourtant que quelques mois. Les opinions africaines
piaffent d’impatience et aspirent à l’émancipation. Aussi, ce sont 18
Etats qui accèdent à l’indépendance complète en 1960 : Togo, Cameroun,
déjà largement autonomes, Bénin (Dahomey jusqu’en 1975), Niger, Burkina-
Faso (Haute Volta jusqu’en 1984), Côte d’Ivoire, Mali (ex-Soudan
français), Sénégal, Mauritanie, Tchad, République Centrafricaine
(ex-Oubangui-Chari), Congo-Brazzaville, Gabon et Madagascar pour les
anciennes colonies françaises, auxquelles il faut ajouter le Nigéria
britannique et le Congo belge.
Dans
ce dernier territoire, le système colonial belge reposait sur la
ségrégation et le refus catégorique de toute évolution. La situation se
décante avec les émeutes de 1958-1959, prélude à l’ouverture des
négociations de la conférence de la Table ronde à Bruxelles en janvier
1960. Dans un chaos total et sur fond d’exode de la population blanche,
le Congo belge accède à l’indépendance le 30 juin sous le nom de
République du Congo.
Très vite, le pays sombre dans une guerre civile. (1)
Cette
crise met en évidence les nouveaux écueils qui menacent les jeunes
Etats : l’instrumentalisation dans le cadre de la guerre froide qui
s’installe alors en Afrique ; l’instauration de régimes autoritaires
sous la férule de certains dirigeants qui passent du statut de
libérateur à celui de dictateur ; enfin les problèmes du
sous-développement et du néo-colonialisme.
Mais 1960 est l’heure de la célébration des indépendances dans une atmosphère de liesse inouïe.
L’Indépendance Cha Cha de l’African Jazz est alors sur toutes les lèvres… * Jour d'indépendance.
Joseph Kabasele,
connu sous le pseudo de Grand Kalle, fonde en 1953 l'orchestre African
Jazz avec lequel il révolutionne la musique congolaise, en électrifiant la rumba,
y introduisant également les musiques cuivrées importées de Cuba et des
Antilles par les marins. Tumbas et trompettes s'associent alors aux
chants et tambours traditionnels. Or, depuis les années 1950, les musiques congolaises font danser toute l'Afrique
grâce à la diffusion du lingala à la puissance des émetteurs des radios
congolaises qui couvrent une grande partie de continent et évidemment
la qualité indéniable de cette musique festive.
Kabasele est la première vedette africaine à se produire en Belgique et ce, à l'occasion de la fameuse Table ronde au cours de laquelle devait se décider l'avenir de l'ex-Congo Belge. En
janvier 1960, cette table ronde réunit les leaders politiques congolais
et les autorités belges afin de négocier les contours du futur Congo
(actuelle République démocratique du Congo). A l'issue de la Table
ronde, la date de l'indépendance est fixée au 30 juin 1960. Pour
l'occasion Grand Kalle compose indépendance cha cha qui s'impose aussitôt comme l'hymne des mouvements anticolonialistes dans toute l'Afrique francophone.
Note:
(1) Converti à un anticolonialisme radical
par sa participation à la conférence des peuples africains organisée à
Accra par NKrumah en 1958, Lumumba crée en octobre de la même année le Mouvement national congolais
qui remporte un grand succès lors des élections de mai 1960. Devenu
premier ministre, Lumumba préside aux négociations d'indépendance de la
Table ronde. Le gouvernement belge, aux abois, accorde l'indépendance
immédiate. Sur place, l'exode de la population blanche (environ 100 000
personnes) s'accélère dans un chaos total.
Très
vite un conflit personnel oppose le président de la République Joseph
Kasavubu à son premier ministre. Les thèses tiers-mondistes et
panafricaniste adoptées par Lumumba l'inquiètent tout comme elles
indisposent les forces conservatrices et les pays occidentaux.
La
sécession de la riche province minière du Katanga menée par Moïse
Tshombé, soutenue en sous-main par la Belgique, complique davantage
encore la position du premier ministre. Il fait alors appel aux casques
bleus de l'ONU et accepte une aide matérielle de l'Union soviétique pour
mater les séparatistes. Il indispose ainsi les Occidentaux, les
Américains en particulier, et offre un prétexte à Kasavubu pour le faire
arrêter. Le 6 décembre 1960, le chef d'état-major de l'armée de la
nouvelle République, le colonel Mobutu, procède à l'arrestation de
Lumumba, accusé de collusion avec l'URSS. Il est assassiné en janvier
1961.
Le
pays est livré à des luttes ethniques qui entraînent une guerre civile
(compliquée par les interventions indirectes des deux grands et de
l'ancienne métropole dans le cadre d'une guerre froide qui se transporte
désormais en Afrique) conclue par la prise du pouvoir par le chef de
l’armée, le général Mobutu, qui s’empare du pouvoir en 1965 pour
longtemps.
"Indépendance cha cha" _ Kalle et l'African jazz (1960)
Indépendance cha cha tozui e O kimpuanza cha cha tubakidi
O Table ronde cha cha Tua gagné o o dipanda cha cha tozui e
assoreco ne abako bayokani moto moko Na Conakat na Cartel balingani na front commun
___________ Indépendance cha cha nous avons gagné o indépendance cha cha nous avons gagné o table ronde cha cha nous avons gagné indépendance cha cha te voilà enfin entre nos mains. l'assoreco et l'abako comme partis (politiques) comme un seul homme ils ont signé le pacte associant la conakat et le cartel ils se sont unis en front commun Sources:
- La conférence de Berlin livre le Congo au roi des Belges. (Hérodote)
- E. Melmoux, Davis Mitzinmacker "Dictionnaire d'Histoire contemporaine", Nathan, 2008.
- Petit Mourre. Liens:
- Samarra en Afrique.
- Retour sur le Congo de Léopold II en écoutant l'irrésistible Indépendance cha cha.
- Extraits de l'Acte général de la conférence de Berlin sur le Strabon.
Cette chanson de Neil Young se trouve sur l'album Harvest, sorti en 1972. Il y critique l'intolérance et le racisme qui règnent alors dans cet état du sud profond. En effet, il s'agit assurément, avec le Mississippi, de l' état dans lequel la ségrégation est la plus profondément ancrée dans les esprits: le boycott des bus de Montgomery en 1954-55, la répression des Freedom rides en 1961, puis celle des manifestations de Birmingham en 1963, les nombreux assassinats et attentats qui ravagent cette même ville le prouvent.
Le gouverneur de l'état, George Wallace, incarne, plus que tout autre, le refus de déségréguer le sud. Par exemple, en 1963, il s'oppose physiquement à l'entrée des troupes fédérales venues imposer la déségrégation scolaire à l'université d'Alabama, à Tuscaloosa. Il sera élu à plusieurs reprises et bénéficiera d'une extraordinaire popularité dans son fief. Son slogan fait d'ailleurs froid dans le dos: ”ségrégation aujourd'hui, ségrégation demain, ségrégation pour toujours”.
Dans son célèbre discours prononcé à Washington, en août 1963, Martin Luther King mentionne tout particulièrement l'Alabama et son gouverneur. Il lance: "Je rêve que, un jour, même en Alabama où le racisme est vicieux, où le gouverneur a la bouche pleine des mots "interposition" et "nullification", un jour, justement en Alabama, les petits garçons et petites filles noirs, les petits garçons et petites filles blancs, pourront tous se prendre par la main comme frères et sœurs. " George Wallace s'oppose physiquement à l'entrée des troupes fédérales venues imposer la déségrégation scolaire à l'université d'Alabama, à Tuscaloosa. Wallace se présente même comme candidat "dissident" aux présidentielles de 1968. Sans les deux grosses machines des partis démocrate et républicain, il réussit pourtant à convaincre près de 13% des électeurs. Il l'emporte même dans cinq Etats du sud, contribuant ainsi à la défaite du démocrate Humphrey face à Nixon.
Carte des élections présidentielles américaines en 1968
En 1972, Wallace est blessé par un déséquilibré, il restera paralysé. Quelques années plus tard, il reniera ses prises de position racistes et demandera publiquement pardon à la communauté noire. Il sera réélu n 1982. Le chanteur canadien décrit un état en marge, qui aurait fait sécession. A la fin du morceau, Neil Young souligne pourtant que la situation pourrait évoluer, à condition que l'état abandonne ses vieux démons, le racisme et la ségrégation."Alabama" Neil Young (1972)
Oh Alabama The devil fools with the best laid plan. Swing low Alabama You got spare change You got to feel strange And now the moment is all that it meant.
Alabama, you got the weight on your shoulders That's breaking your back. Your Cadillac has got a wheel in the ditch And a wheel on the track
Oh Alabama Banjos playing through the broken glass Windows down in Alabama. See the old folks tied in white ropes Hear the banjo. Don't it take you down home?
Alabama, you got the weight on your shoulders That's breaking your back. Your Cadillac has got a wheel in the ditch And a wheel on the track
Oh Alabama. Can I see you and shake your hand. Make friends down in Alabama. I'm from a new land I come to you and see all this ruin What are you doing Alabama? You got the rest of the union to help you along What's going wrong?
_________________
Oh Alabama Le diable déjoue Les plans les mieux conçus. Tourne au ralenti Alabama Tu as de la ressource Tu dois te sentir bizarre Et c'est maintenant que l'instant Prend tout son sens.
Alabama, tu as le poids sur tes épaules il te brise le dos. Ta Cadillac a une roue dans le fossé Et l'autre sur la chaussée.
Oh Alabama Des banjos jouent A travers les vitres brisées Les fenêtres tombent en Alabama. Regarde les vieux Ligotés dans des cordes blanches Ecoute le banjo. Ça ne te ramène pas au pays ?
Alabama, tu as le poids sur tes épaules il te brise le dos. Ta Cadillac a une roue dans le fossé Et l'autre sur la chaussée.
Oh Alabama Puis-je te rencontrer Et te serrer la main me faire des amis en Alabama. Je viens d'un nouveau pays Je viens vers toi Et je vois toute ces ruines Que fais-tu Alabama ? Tu as tout le reste de l'Union Pour t'aider à avancer Qu'est-ce qui ne va pas? Les paroles de la chanson créées la polémique. En 1974, les sudistes de Lynyrd Skynyrd, un groupe de rock originaire de l'Alabama, répondent à Young avec leur titre Sweet Home Alabama, en 1974. Ils y prennent directement à parti le chanteur canadien et lui font savoir qu'ils n'ont pas de leçons à recevoir de lui: "j'ai entendu monsieur Young chanter à son sujet (l'Alabama) / j'ai entendu Neil le descendre / j'espère que Neil Young se rappellera / Que de toutes façons, un sudiste n'a pas besoin de lui par ici." Contre toute attente, Neil apprécie la riposte et envoie même des maquettes de chansons aux Rednecks.
Petite devinette: savez-vous d'où vient le nom du groupe Lynyrd Skyrnyrd? Tentez votre chance en commentaire... Le Grateful Dead consacrera aussi une chanson à l'Alabama. Le morceau Alabama gateway n'est pas plus amène à l'égard de l'Etat du sud. Jerry Garcia chante en effet: "49 Etats frères avaient tous l'Alabama dans les yeux / Pourquoi ne donne-t-on pas à l'Alabama assez de corde pour se pendre?"
Dès le début des années soixante, Newman compose des morceaux qu'il place auprès d'interprètes aujourd'hui oubliés. En 1968, il sort son premier disque, sobrement intitulé Randy Newman. Déjà, on note ses talent d'auteurs avec des morceaux incisifs dans lesquels il prend pour cible les puissants et dénonce, toujours avec finesse et humour, les travers de son pays. En 1972, Randy Newman sort l'album Sail away, un de ses plus réussis. Il y adopte un ton incisif, accompagné de son seul piano. Sur le morceau titre, le chanteur se place dans la peau d'un marchand d'esclave. Avec ce procédé, contraire à celui de l'identification, Newman entendait « adopter le point de vue d'un type qui était pire que les gens qui l'écoutaient. Comme ça ils pouvaient se rendre compte qu'il avait tort ». Revenons rapidement sur cette traite transatlantique. Avec les grandes découvertes, les Européens organisent la traite des noirs , soit la déportation massive de travailleurs africains vers les plantations d'Amérique. Dès le XVème siècle, les marins Portugais, suivis par des Espagnols, des Anglais, des Français, des Hollandais se livrent au commerce du "bois d'ébène". Dans un premier temps, les colons européens installés aux Amériques, tentèrent d'embrigader les indigènes, mais ceux-ci connaissaient les lieux et pouvaient s'enfuir aisément et surtout, le terrible choc microbien décima ces populations indiennes. Dans ces conditions, les planteurs se tournèrent vers une autre main d'oeuvre.
Convoi d'esclaves enchaînés.
Dans les colonies anglaises, les premiers esclaves noirs arrivent en Virginie dans les années 1610. Les plantations du sud des Etats-Unis de tabac, riz, puis coton, réclamaient une main d'œuvre de plus en plus nombreuse, bon marché et à demeure. Dès 1661, la Virginie reconnut l'existence légale de l'esclavage. Les colonies voisines l'imitèrent très rapidement. Il reste impossible d'estimer avec précision le nombre d'africains qui furent arrachés à leurs terres, néanmoins les estimations les plus plausibles se situent entre 1,5 millions et 3 millions pour le XVIIème siècle, entre 6 et 7 millions pour le XVIIIème siècle. Carte de la traite négrière de 1500 à 1870. Les négriers suivaient la plupart du temps une route triangulaire: d'Europe en Afrique, d'Afrique en Amérique, avant de retourner en Europe. Les marchands d'esclaves s'étaient établis sur une longue bande côtière s'étendant de l'embouchure du fleuve Sénégal au sud de l'Angola actuel. Les négriers, disposant de denrées européennes à échanger, marchandaient auprès des chefs de tribus locaux qui se chargeaient de procurer des captifs en nombre suffisant. Hommes, femmes, enfants, auscultés comme du bétail, étaient ensuite marqués au fer rouge sur la poitrine . Ils embarquaient alors sur les navires, enchaînés deux par deux. Ils emplissaient alors la cale du navire, chargé au maximum le plus souvent, rendant tout mouvement très difficile pour les esclaves. La traversée durait de six à dix semaines, dans des conditions épouvantables, impossibles à décrire. De nombreux captifs tentaient l'impossible pour quitter ces navires, quitte à se noyer. Les conditions d'entassement, l'absence d'hygiène, les mauvais traitements, transformaient les navires en véritables mouroirs. La plus grande hantise des négriers reste les mutineries, relativement fréquentes. Affiche annonçant une vente aux enchères de Nègres à Charleston (Caroline du Sud) en 1769. En tout cas, ce commerce s'avérait extrêmement florissant, permettant d'engranger des profits considérables pour ceux qui s'y livraient. Les esclaves qui avaient survécu au voyage étaient alors exposés nus sur des marchés et vendus au plus offrant. Ils ne reverraient plus jamais l'Afrique.
"Sail away" (1972) - Randy Newman
In America you'll get food to eat Won't have to run through the jungle And scuff up your feet You'll just sing about Jesus and drink wine all day It's great to be an American
Ain't no lions or tigers-ain't no mamba snake Just the sweet watermelon and the buckwheat cake Ev'rybody is as happy as a man can be Climb aboard, little wog-sail away with me
Sail away-sail away We will cross the mighty ocean into Charleston Bay Sail away-sail away We will cross the mighty ocean into Charleston Bay
In America every man is free To take care of his home and his family You'll be as happy as a monkey in a monkey tree You're all gonna be an American
Sail away-sail away We will cross the mighty ocean into Charleston Bay Sail away-sail away We will cross the mighty ocean into Charleston Bay ________________________________
Une fois en Amérique tu auras de quoi manger Sans devoir courir à travers la jungle Et t'écorcher les pieds Tu n'auras qu'à chanter sur Jésus et boire du vin toute la journée C'est quelque chose que d'être américain
Pas de lions ou de tigres-pas de cobras Seulement la douce pastèque et des gâteaux à l'orge Tout le monde est aussi heureux qu'un homme peut l'être Monte à bord, petit négro - voguer au large avec moi
Voguer au large, voguer au large Nous traverserons le Grand Océan jusqu'à Charleston Bay Voguer au large, voguer au large Nous traverserons le Grand Océan jusqu'à Charleston Bay
En Amérique tout le monde est libre De s'occuper de sa maison et de sa famille Tu seras heureux comme un singe dans son arbre Tu vas faire un parfait Américain
Voguer au large, voguer au large Nous traverserons le Grand Océan jusqu'à Charleston Bay Voguer au large, voguer au large Nous traverserons le Grand Océan jusqu'à Charleston Bay
Le chanteur Bruce Springsteen fait partie de la génération qui a si chèrement sacrifié sa jeunesse au Vietnam. Le "Boss", originaire du New Jersey, n'y est pas allé lui-même (la conscription ne concernait qu'un pourcentage des jeunes susceptibles d'être incorporés chaque année, d'où les paroles du deuxième couplet), mais a connu beaucoup de personnes qui y ont combattu. Le batteur de son premier groupe y est mort.
Le thème de la chanson, ce n'est pas la guerre elle-même, finie pour les Américains depuis 1973 (elle s'achève en 1975 avec la prise de Saïgon par les Nords-Vietnamiens), mais le retour des Vets, les vétérans. Nourri des lectures (Né un 4 juillet de Ron Kovic notamment) et rencontres de Springsteen, la chanson a été concue dès 1981 et aurait dû s'appeler "Vietnam", mais à la demande du cinéaste Paul Schrader pour lequel il l'écrit Springsteen la rebaptise "Born in the USA", titre originel du film. Sont évoqués les morts lors de la bataille de Khe San. Il s'agit d'un camp américain proche de la ligne de front avec les Nord-Vietnamiens sur lequel le général Westmoreland voulait concentrer le plus de troupes communistes possibles. Le siège dure tout le début de l'année 1968, en parallèle avec l'offensive du Têt menée dans tout le Sud-Vietnam, qui va faire basculer l'opinion américaine contre la guerre. Mais le message tient surtout dans la difficulté de la réinsertion des anciens combattants qui, à l'inverse de la grande génération, celle de la Seconde Guerre mondiale, ont mené une guerre que la majorité des Américains ne considère plus comme juste. Chômage, mépris, prison, misère, troubles psychologiques sont le lot quotidien des vétérans dont témoigne cette chanson.
L'album Born In The USA sort en 1984 et c'est un franc succès. C'est une année électorale aux Etats-Unis. Le républicain Ronald Reagan, séduit par le titre, mais sans doute quelque peu oublieux des paroles, félicite Springsteen pour son "patriotisme" :
"Vous êtes le symbole de l'esprit américain. Vous n'êtes pas venus ici en espérant trouver des rues pavées d'or. Vous n'attendiez pas le bien-être ou un traitement de faveur. L'avenir de l'Amérique repose dans les milliers de rêves qui animent nos cœurs. Il repose dans le message d'espoir lancé par un artiste admiré par tant de jeunes gens : Bruce Springsteen, un enfant du New Jersey. Et mon job consiste à vous aider dans la réalisation de ces rêves."
Or les paroles sont une critique du modèle américain et du libéralisme économique (évocation du chômage et des difficiles conditions de travail). Aussi refuse-t-il l'utilisation de la chanson par les deux candidats, Reagan comme le démocrate Walter Mondale (qui subit l'une des plus larges défaites de l'histoire américaine...). En guise de réponse à Reagan, il interprète la chanson "Johnny 99" qui dénonce les ravages sociaux de sa politique. En 2008, Springsteen a soutenu Obama.
Born down in a dead man’s town
The first kick I took was when I hit the ground
You end up like a dog that’s been beat too much
Till you spend half your life just covering up
Born in the USA
I was born in the USA
I was born in the USA
Born in the USA
Got in a little hometown jam
So they put a rifle in my hands
Sent me off to a foreign land
To go and kill the yellow man
(CHORUS)
Come back home to the refinery
Hiring man said « son if it was up to me »
Went to see my VA man
He said « son don’t you understand now »
Had a brother at Khe Sahn fighting off the Viet Cong
They’re still there, he’s all gone
He had a woman he loved in Saïgon
I got a picture of him in her arms now
Down in the shadow of the penitenciary
Out by the gas fires of the refinery
I’m ten years burning down the road
Nowhere to run ain’t got nowhere to go
Born in the U.S.A.
I was born in the U.S.A.
Born in the U.S.A.
I'm a long gone Daddy in the U.S.A.
Born in the U.S.A.
Born in the U.S.A.
Born in the U.S.A.
I'm a cool rocking Daddy in the U.S.A
Ci-dessus, le frêle Bob Dylan interprète Only the pawn in their game, le 28 août 1963, lors de la marche sur Washington. Devant une foule immense réunie devant le Lincolm memorial.
Medgar Evers devient en 1954 le secrétaire de terrain de la NAACP du Mississippi. Il multiplie les enquêtes sur des violences racistes. Après la campagne menée par Martin Luther King à Birmingham début 1963, le gouvernement fédéral se doit de réagir. Le 11 juin 1963, lors d'une conférence de presse télévisée, le président J.F. Kennedy annonce que "le temps est désormais venu pour cette nation de rempli ses promesses. Les événements de Birmingham et d'ailleurs ont augmenté les cris en faveur de l'égalité, si bien qu'aucune ville, aucun Etat, aucun corps législatif ne peut choisir prudemment de les ignorer (...) Nous affrontons une crise morale en tant que pays, en tant que peuple". Il annonce ainsi la loi sur les doits civiques en gestation (que portera son vice-président Johnson). Les tenants de la suprématie blanche dans le vieux Sud rejettent avec violence cette évolution. Ils se vengent alors sur les membres les plus actifs du mouvement des droits civiques. Le 12 juin 1963, le lendemain du discours présidentiel, Medgar Evers est tué d’une balle dans le dos alors qu’il sort de sa voiture. Deux jurys composés de blancs refusent de condamner son assassin, malgré les preuves accablantes qui pèsent sur lui. Il faudra attendre 1994 pour que Byron de la Beckwith soit condamné et emprisonné. Sitôt l'événement connu, Dylan consacre une chanson au drame, qui choqua profondément l'opinion publique américaine. Le morceau s'avère très réaliste, cependant le chanteur ne se contente pas de décrire l'assassinat. Il s'intéresse ici aux racines du mal et démontre que le meurtrier devient un instrument entre les mains des institutions racistes du sud des Etats-Unis. Adeptes du "diviser pour régner", les élites du sud, adeptes de la ségrégation, comprennent qu'elles doivent s'appuyer sur les petits blancs, dont les conditions de vie sont souvent très proches de celles de leurs voisins noirs. Finalement, le seul signe distinctif reste la couleur de peau et pour les élites blanches du sud , une des solutions de facilité consistait à désigner les populations noires à la vindicte publique. Les petits blancs, constamment humiliés, firent donc de leurs voisins noirs des parias, adversaires absolus, par delà la misère commune. Au fond, l'assassin est un pion dans le jeu des puissants, ce qui ne retire rien à la gravité de son acte et à sa responsabilité personnelle. Ci-dessous: la pierre tombale de Medgar Evers. Il semblerait que ce soit l'assassinat d'Evers qui décide King à annoncer officiellement le projet d'une marche sur Washington. Le leader noir voulait "faire une démonstration de force de la non-violence t mobiliser la population bien au-delà de la seule communauté noire". La marche du 28 août 1963 sera un immense succès, auquel Dylan participa à son niveau. "Only a pawn in their game" Bob Dylan (1963) A bullet from the back of a bush took Medgar Evers'blood. A finger fired the trigger to his name. A handle hid out in the dark A hand set the spark Two eyes took the aim Behind a man's brain But he can't be blamed He's only a pawn in their game. Une balle tirée d'un buisson répandit le sang de Medgar Evers. Un doigt appuya sur la gâchette à son nom. Un poing caché dans l'obscurité Une main arma le fusil Deux yeux le prirent comme objectif Guidés par le cerveau d'un homme Mais on ne peut pas lui reprocher Il n'est rien qu'un pion dans leur jeu. A South politician preaches to the poor white man, "You got more than the blacks, don't complain. You're better than them, you been born with white skin," they explain. And the Negro's name Is used it is plain For the politician's gain As he rises to fame And the poor white remains On the caboose of the train But it ain't him to blame He's only a pawn in their game. Un politicien du sud a dit au pauvre blanc, "On t'a donné plus qu'aux noirs, te plains pas. Tu es meilleur qu'eux, tu es né avec la peau blanche", on t’apprend. Et le nom du noir Est employé c'est clair Au profit du politicien Pour accroître sa renommée Et le pauvre blanc est laissé A la queue du train Mais on ne peut pas lui reprocher Il n'est rien qu'un pion dans leur jeu. The deputy sheriffs, the soldiers, the governors get paid, And the marshals and cops get the same, But the poor white man's used in the hands of them all like a tool. He's taught in his school From the start by the rule That the laws are with him To protect his white skin To keep up his hate So he never thinks straight 'Bout the shape that he's in But it ain't him to blame He's only a pawn in their game. Les shérifs, les soldats et les gouverneurs ont été payés, Les inspecteurs et les flics aussi, Mais ils se servent du pauvre blanc comme d'un outil entre leurs mains. Dans son école on lui apprend Depuis le début et dans les règles Que les lois sont avec lui Pour protéger sa peau blanche Qu’il faut garder beaucoup de haine Alors il ne doute jamais Du moule qu'on lui a coulé Mais on ne peut pas lui reprocher Il n'est rien qu'un pion dans leur jeu. From the poverty shacks, he looks from the cracks to the tracks, And the hoof beats pound in his brain. And he's taught how to walk in a pack Shoot in the back With his fist in a clinch To hang and to lynch To hide 'neath the hood To kill with no pain Like a dog on a chain He ain't got no name But it ain't him to blame He's only a pawn in their game. Du fond de sa pauvre baraque, des fêlures il regarde les rails, Et de ses sabots il bat le pavé dans sa tête. Et on lui apprend comment marcher en bande A tirer dans le dos Avec les poings serrés A pendre et à lyncher A se cacher derrière la cagoule A tuer sans remords Comme un chien enchaîné Il n'a pas de nom Mais on ne peut pas lui reprocher Il n'est rien qu'un pion dans leur jeu. Today, Medgar Evers was buried from the bullet he caught. They lowered him down as a king. But when the shadowy sun sets on the one That fired the gun He'll see by his grave On the stone that remains Carved next to his name His epitaph plain: Only a pawn in their game. Aujourd'hui, Medgar Evers est mort de la balle qui l'a frappé. Ils l'ont fait descendre comme un roi. Mais quand l'ombre tombera sur celui Qui tira le coup de feu Il verra près de sa tombe Sur la pierre qui restera Gravé à côté de son nom Cette simple épitaphe : Rien qu'un pion dans leur jeu. Sources: - Y.Delmas et C. Gancel:"Protest song", textuel, 2005, p62. - D. Brun-Lambert:"Nina Simone", Flammarion, p 126. Liens: - Le musée Edgar Evers et son site. * D'autres titres consacrés à l'assassinat de Medgar Evers sur L'Histgeobox: -l'histgeobox: 112. Phil Ochs:"Too many martyrs". - l'histgeobox: 24. Nina Simone: "Mississippi goddam".