Sur quels principes reposent l'exclusion des femmes de la vie politique et le partage sexué des fonctions sociales et économiques dans la Grèce antique?
* "ô Zeus! A quoi bon dire du mal des femmes? N'est-il pas suffisant de dire: 'C'est une femme.'?" Carcinos (poète tragique du Veme siècle av. J.-C.).
Avant de débuter, il convient de garder à l'esprit que, s'agissant des femmes, la parole grecque vient des hommes. (1) Or, à la différence des héroïnes de fiction connues de tous (2), les femmes grecques du quotidien sont absentes, anonymes et muettes. La domination masculine sans partage, étouffe leurs voix, les contraint au silence, mais ne se prive pas en revanche de développer un discours sur les femmes.
Ainsi, dans l'Athènes du Vè s. av. J.-C., la tradition misogyne s'observe partout, aussi bien dans les tragédies d'Euripide que dans la comédie d'Aristophane. A l'encontre des femmes, un fond commun de blâme s'élabore, ressassant ad nauseam les défauts rebattus des Grecques. D'aucuns dénoncent l'intempérance féminine, décrivant leurs épouses comme des ventres affamés de nourriture et de sexe, créatures incapables de vertu et de résolution, dont le sexe est assimilé à un animal. " Chez les femelles, ce qu'on nomme la matrice ou utérus est, en elles, comme un vivant [zôon] possédé du désir de faire des enfants", constate Platon dans son Timée.
* Confinée dans le gynécée.
Pour les hommes, l'épouse idéale est une recluse. La femme honnête est celle qu'on ne voit pas, celle qui ne s'aventure sur l'Agora qu'exceptionnellement pour les funérailles, la quête de l'eau, les visites aux sanctuaires, les grandes fêtes civiques.
Les auteurs grecs justifient la place de la femme dans le couple, le foyer, la cité, par ses caractères biologiques. Dans son Économique (Ve s. av. J-C.), Xénophon note ainsi: " Les dieux, selon moi, ont adapté la nature de la femme aux travaux et aux soins de l'intérieur et celle de l'homme aux travaux du dehors." La dissemblance fondamentale entre l'homme et la femme se concrétise donc en termes spatiaux. Hiéroclès surenchérit: "A l'homme de s'occuper des champs, du marché, des courses à la ville; à la femme le travail de la laine, le pain, les travaux de la 'maison'."
Dans la sphère domestique, elle doit rester derrière son mari ou se retirer dans ses appartements privés (gynécée). Il lui est impossible d'accéder à l'andrôn, l'espace réservé aux hommes. En revanche, la maîtresse de maison doit superviser les tâches ménagères au sein de sa maison (l'oikos). C'est à elle encore qu'échoit l'éducation des enfants en bas-âges, qu'il convient de nourrir, habiller, éduquer.
L’Économique de Xénophon, sorte de guide à l'usage de la jeune épouse, nous permet de bien connaître les tâches qui incombent aux maîtresses de maisons. Le citoyen athénien y fait ainsi l'éloge de sa femme: "Que pouvait-elle bien savoir quand je l'ai prise à la maison? Elle n'avait pas encore quinze ans. Jusque là, elle vivait sous une stricte surveillance; elle devait voir le moins de choses possible, poser le moins de questions possible. Je fis en sorte qu'elle devienne la reine des abeilles. Maintenant, elle doit rester dans la ruche et ne pas permettre aux abeilles de demeurer oisives, mais elle envoie au travail celles qui doivent travailler dehors; elle vérifie et reçoit ce que chacune d'elles apporte et le conserve jusqu'au moment où l'on en a besoin."
L'épouse modèle doit donc savoir distribuer les tâches au sein de sa maison, mettre au travail ses "abeilles", c'est-à-dire les esclaves. Elle ne doit pas dilapider l'argent et se montrer bonne gestionnaire; répertorier et stocker les productions.
* Incapacité juridique.
Au sein de cette société guerrière traditionnelle, les hommes doivent protéger femmes et enfants. Par conséquent, face au monde extérieur, les Athéniennes restent des exclues, bannies de la vie politique et de la guerre. Elles n'ont pas accès aux assemblées et aux tribunaux et ne prennent jamais part aux décisions politiques.
Éternelles mineures - par "nature" et par incapacité juridique - elles restent toute leur vie soumises à un homme: le kyrios. Chronologiquement, ce dernier est généralement son père, puis son mari, et éventuellement son frère ou son fils. Si le premier vient à disparaître, il est remplacé par un des suivants. Ces épouses, mères ou filles des citoyens, sur lesquelles pèse une autorité masculine, ne sont jamais nommés.
L'étude du mariage en tant qu'institution, s'avère particulièrement éclairante. Une sorte de concours matrimonial met alors aux prises des citoyens dont le but consiste à obtenir l'assentiment, non de l'espérée, mais de son père ou de celui qui a autorité sur elle. Comme le dit Pénélope dans l'Odyssée:" c'est le plus offrant... qui deviendra l'époux" (XVI, 392).
Une fois le verdict prononcé, la fille quitte la maison de son père pour celle de l'époux. Le mariage, alliance entre deux maisons, est donc d'abord un marché d'hommes.
La conclusion du contrat de mariage constitue un moment crucial. Il a pour objet la transmission, la dation, de l'épousée. Cette dation, contractée entre le père (ou le tuteur masculin) et l'époux, porte un nom évocateur puisqu'il s'agit de l'ekdosis: "la remise".
Au cours de la première moitié du Vème s. av. J.-C., il convient d'être le fruit de l'union d'un père citoyen marié légitimement à une femme libre pour devenir citoyen. Dans ce cas de figure, la mère enfante, mais c'est le père qui crée le citoyen. Or tout change avec la loi de - 451 visant à restreindre l'octroi de la citoyenneté aux seuls garçons nés de parents tous deux athéniens. Il suffisait en effet jusque là que le père seul le fût. De sorte que "les hommes ont fait en sorte que les Athéniennes transmettent un statut dont elles-mêmes ne jouissent pas!" (cf Maurice Sartre). Ainsi, dans la sphère politique, les femmes ne jouissent d'aucun droit. D'ailleurs quand Aristophane met en scène les Athéniennes réunies en Assemblée dans 3 de ses pièces (Lysistrata, Les Thesmophories, L'Assemblée des femmes), c'est pour mieux souligner le ridicule de la situation.
Le père de famille aspire avant tout à avoir un fils, futur citoyen et défenseur de la cité. Sa hantise suprême est que sa "maison" tombe en quenouille, c'est-à-dire qu'il ait une fille comme seule héritière. En conséquence, cette fille épiclère, c'est-à-dire sans frère, doit être mariée d'urgence au plus proche parent du père mort.
Les femmes ne pouvant détenir la terre, ni la diriger, comment faire pour que la maison perdure? Pour le géniteur se pose alors la question de la bouche supplémentaire à nourrir, celle la fille improductive qui coûte une fortune en dot et prend la place du garçon qu'on attend impatiemment. Dans ces conditions, une lourde menace pèse sur les premières-nées, celle de l'exposition, phénomène démographique profond dans la Grèce antique. (5)
* "ô Zeus! A quoi bon dire du mal des femmes? N'est-il pas suffisant de dire: 'C'est une femme.'?" Carcinos (poète tragique du Veme siècle av. J.-C.).
Avant de débuter, il convient de garder à l'esprit que, s'agissant des femmes, la parole grecque vient des hommes. (1) Or, à la différence des héroïnes de fiction connues de tous (2), les femmes grecques du quotidien sont absentes, anonymes et muettes. La domination masculine sans partage, étouffe leurs voix, les contraint au silence, mais ne se prive pas en revanche de développer un discours sur les femmes.
Ainsi, dans l'Athènes du Vè s. av. J.-C., la tradition misogyne s'observe partout, aussi bien dans les tragédies d'Euripide que dans la comédie d'Aristophane. A l'encontre des femmes, un fond commun de blâme s'élabore, ressassant ad nauseam les défauts rebattus des Grecques. D'aucuns dénoncent l'intempérance féminine, décrivant leurs épouses comme des ventres affamés de nourriture et de sexe, créatures incapables de vertu et de résolution, dont le sexe est assimilé à un animal. " Chez les femelles, ce qu'on nomme la matrice ou utérus est, en elles, comme un vivant [zôon] possédé du désir de faire des enfants", constate Platon dans son Timée.
Dans sa comédie Lysistrata, Aristophane ironise sur l'incapacité des femmes à résister à leur libido. Pour contraindre les hommes à cesser leurs guerres perpétuelles, Lysistratè ourdit un complot visant à faire la grève du sexe.
Or, dès les premiers instants, elle se méfie de ses conjurées, incapables, selon elle, de réprimer leurs pulsions. "Ah! le joli sexe que le nôtre,
il ne pense toujours qu'à se faire boucher le petit coin!" (3) Cette libido excessive n'est doncpas de la même nature que celle, soi-disant maîtrisée, de l'homme.
Le long poème de Sémonide d'Amorgos, intitulé "ïambe des femmes", met en scène des animaux censés illustrer les caractères particuliers de cet "être abject" qu'est la femme. L'ouvrage fustige la malignité du caractère féminin,
développe un topos ressassé de génération en génération: la femme est un être inférieur à l'origine de tous les malheurs masculins. Ainsi, l'époux doit se méfier de sa compagne car, une fois dans la place, il est à craindre qu'elle ne "mange" sa nouvelle "maison". [pour les mots soulignés, voir lexique] L'image de la femme-parasite, toujours à l'affût de la table, se trouve déjà chez Hésiode qui compare Pandora, la première femme, à un faux bourdon engrangeant le travail d'autrui.
Le long poème de Sémonide d'Amorgos, intitulé "ïambe des femmes", met en scène des animaux censés illustrer les caractères particuliers de cet "être abject" qu'est la femme. L'ouvrage fustige la malignité du caractère féminin,
développe un topos ressassé de génération en génération: la femme est un être inférieur à l'origine de tous les malheurs masculins. Ainsi, l'époux doit se méfier de sa compagne car, une fois dans la place, il est à craindre qu'elle ne "mange" sa nouvelle "maison". [pour les mots soulignés, voir lexique] L'image de la femme-parasite, toujours à l'affût de la table, se trouve déjà chez Hésiode qui compare Pandora, la première femme, à un faux bourdon engrangeant le travail d'autrui.
* Confinée dans le gynécée.
Pour les hommes, l'épouse idéale est une recluse. La femme honnête est celle qu'on ne voit pas, celle qui ne s'aventure sur l'Agora qu'exceptionnellement pour les funérailles, la quête de l'eau, les visites aux sanctuaires, les grandes fêtes civiques.
Les auteurs grecs justifient la place de la femme dans le couple, le foyer, la cité, par ses caractères biologiques. Dans son Économique (Ve s. av. J-C.), Xénophon note ainsi: " Les dieux, selon moi, ont adapté la nature de la femme aux travaux et aux soins de l'intérieur et celle de l'homme aux travaux du dehors." La dissemblance fondamentale entre l'homme et la femme se concrétise donc en termes spatiaux. Hiéroclès surenchérit: "A l'homme de s'occuper des champs, du marché, des courses à la ville; à la femme le travail de la laine, le pain, les travaux de la 'maison'."
Dans la sphère domestique, elle doit rester derrière son mari ou se retirer dans ses appartements privés (gynécée). Il lui est impossible d'accéder à l'andrôn, l'espace réservé aux hommes. En revanche, la maîtresse de maison doit superviser les tâches ménagères au sein de sa maison (l'oikos). C'est à elle encore qu'échoit l'éducation des enfants en bas-âges, qu'il convient de nourrir, habiller, éduquer.
L’Économique de Xénophon, sorte de guide à l'usage de la jeune épouse, nous permet de bien connaître les tâches qui incombent aux maîtresses de maisons. Le citoyen athénien y fait ainsi l'éloge de sa femme: "Que pouvait-elle bien savoir quand je l'ai prise à la maison? Elle n'avait pas encore quinze ans. Jusque là, elle vivait sous une stricte surveillance; elle devait voir le moins de choses possible, poser le moins de questions possible. Je fis en sorte qu'elle devienne la reine des abeilles. Maintenant, elle doit rester dans la ruche et ne pas permettre aux abeilles de demeurer oisives, mais elle envoie au travail celles qui doivent travailler dehors; elle vérifie et reçoit ce que chacune d'elles apporte et le conserve jusqu'au moment où l'on en a besoin."
L'épouse modèle doit donc savoir distribuer les tâches au sein de sa maison, mettre au travail ses "abeilles", c'est-à-dire les esclaves. Elle ne doit pas dilapider l'argent et se montrer bonne gestionnaire; répertorier et stocker les productions.
Femmes lavant du linge. Pélikè attique, vers 470-460 av. J.-C., Musée du Louvre. |
* Incapacité juridique.
Au sein de cette société guerrière traditionnelle, les hommes doivent protéger femmes et enfants. Par conséquent, face au monde extérieur, les Athéniennes restent des exclues, bannies de la vie politique et de la guerre. Elles n'ont pas accès aux assemblées et aux tribunaux et ne prennent jamais part aux décisions politiques.
Éternelles mineures - par "nature" et par incapacité juridique - elles restent toute leur vie soumises à un homme: le kyrios. Chronologiquement, ce dernier est généralement son père, puis son mari, et éventuellement son frère ou son fils. Si le premier vient à disparaître, il est remplacé par un des suivants. Ces épouses, mères ou filles des citoyens, sur lesquelles pèse une autorité masculine, ne sont jamais nommés.
L'étude du mariage en tant qu'institution, s'avère particulièrement éclairante. Une sorte de concours matrimonial met alors aux prises des citoyens dont le but consiste à obtenir l'assentiment, non de l'espérée, mais de son père ou de celui qui a autorité sur elle. Comme le dit Pénélope dans l'Odyssée:" c'est le plus offrant... qui deviendra l'époux" (XVI, 392).
Une fois le verdict prononcé, la fille quitte la maison de son père pour celle de l'époux. Le mariage, alliance entre deux maisons, est donc d'abord un marché d'hommes.
La conclusion du contrat de mariage constitue un moment crucial. Il a pour objet la transmission, la dation, de l'épousée. Cette dation, contractée entre le père (ou le tuteur masculin) et l'époux, porte un nom évocateur puisqu'il s'agit de l'ekdosis: "la remise".
Comme le rappelle Pierre Brulé, "la célébration tangible du mariage est le gamos. Le tuteur
(kyrios) remet sa femme à un autre homme. Quant à la fille, il est assez
évident qu'elle n'a pas son mot à dire (...).
Cet acte, apparemment simple, opère le transfert de la lourde
autorité qu'exerce un père sur sa fille. Elle passe de celle de son
père à celle de son époux. Cette fille est remise et non donnée. Si le
mari se conduit mal ou que la fille se plaint, le père peut la reprendre
chez lui, faisant jouer son droit de préemption de la 'maison' ancienne
sur la nouvelle, sauf si l'épouse s'est transformée en mère."
La jeune mariée est "remise" avec "sa" dot dont elle n'est toutefois pas titulaire. L'époux, quant à lui, en a la garde. En tant qu'usufruitier , il en tire tous les bénéfices possibles, mais doit la rendre intacte en cas de séparation ou la transmettre en héritage au(x) fils.
Le mariage constitue une rupture terrible pour la mariée, généralement très jeune et vierge. Mais pour les auteurs grecs, dans chaque parthenos résiderait un animal sauvage pas encore soumis au processus de civilisation. D'aucuns décrivent les premières années de la vie conjugale comme le temps de la domestication. "Être épousée" peut d'ailleurs se dire en grec "être mise sous le joug".
Alors que pour les hommes, l'âge au mariage s'avère tardif (trente ans en moyenne), la mariée n'est encore qu'une enfant qui vient d'offrir, à l'occasion du gamos, ses jouets (osselets, poupées) à Artémis. Pour elle, le mariage constitue donc le choc de le plus brutal de son existence. Ignorante de tout, elle quitte un univers familier (la "maison" de son père) pour un monde totalement étranger. (4) Elle doit désormais se comporter en parfaite maîtresse de maison, se distinguant par l'assiduité au travail. A l'instar de Pénélope, la femme grecque passe une grande partie de sa journée à filer et tisser, tout en prenant bien soin de ne jamais sortir du rôle qu'on lui a attribué.
Pénélope incarne cette épouse fidèle, qui attend patiemment Ulysse parti guerroyer. Or, cette interminable absence (20 ans) rend la position de son épouse très particulière. Elle tient désormais la "maison" seule et ne se trouve plus sous la loi d'un époux". Son fils Télémaque supporte mal cette situation. Au cours d'une crise d'autorité, il reproche ainsi à sa mère ses interventions publiques, lui rappelant sèchement qu'elle est "sa place". "Remonte donc chez toi, retourne à tes travaux, toile et quenouille, donne l'ordre à tes suivantes de se mettre à l'ouvrage: la parole est affaire d'hommes, et d'abord mon affaire, car la force ici m'appartient!"
* La mère.
Les femmes sont exclues de la communauté politique (demos), corps exclusivement masculin, mais font partie de la communauté civique (astos), ne serait-ce que par leur rôle reproductif. L'épouse légitime a en effet pour mission première de donner des enfants légitimes, de futurs citoyens pour ce qui est des garçons. La jeune mariée est "remise" avec "sa" dot dont elle n'est toutefois pas titulaire. L'époux, quant à lui, en a la garde. En tant qu'usufruitier , il en tire tous les bénéfices possibles, mais doit la rendre intacte en cas de séparation ou la transmettre en héritage au(x) fils.
Le mariage constitue une rupture terrible pour la mariée, généralement très jeune et vierge. Mais pour les auteurs grecs, dans chaque parthenos résiderait un animal sauvage pas encore soumis au processus de civilisation. D'aucuns décrivent les premières années de la vie conjugale comme le temps de la domestication. "Être épousée" peut d'ailleurs se dire en grec "être mise sous le joug".
Alors que pour les hommes, l'âge au mariage s'avère tardif (trente ans en moyenne), la mariée n'est encore qu'une enfant qui vient d'offrir, à l'occasion du gamos, ses jouets (osselets, poupées) à Artémis. Pour elle, le mariage constitue donc le choc de le plus brutal de son existence. Ignorante de tout, elle quitte un univers familier (la "maison" de son père) pour un monde totalement étranger. (4) Elle doit désormais se comporter en parfaite maîtresse de maison, se distinguant par l'assiduité au travail. A l'instar de Pénélope, la femme grecque passe une grande partie de sa journée à filer et tisser, tout en prenant bien soin de ne jamais sortir du rôle qu'on lui a attribué.
Pénélope incarne cette épouse fidèle, qui attend patiemment Ulysse parti guerroyer. Or, cette interminable absence (20 ans) rend la position de son épouse très particulière. Elle tient désormais la "maison" seule et ne se trouve plus sous la loi d'un époux". Son fils Télémaque supporte mal cette situation. Au cours d'une crise d'autorité, il reproche ainsi à sa mère ses interventions publiques, lui rappelant sèchement qu'elle est "sa place". "Remonte donc chez toi, retourne à tes travaux, toile et quenouille, donne l'ordre à tes suivantes de se mettre à l'ouvrage: la parole est affaire d'hommes, et d'abord mon affaire, car la force ici m'appartient!"
Coupe attique attribuée au peintre Sotades, vers 470-460 av. J.C. Musées royaux d'Arts et d'Histoire, Bruxelles. |
* La mère.
Au cours de la première moitié du Vème s. av. J.-C., il convient d'être le fruit de l'union d'un père citoyen marié légitimement à une femme libre pour devenir citoyen. Dans ce cas de figure, la mère enfante, mais c'est le père qui crée le citoyen. Or tout change avec la loi de - 451 visant à restreindre l'octroi de la citoyenneté aux seuls garçons nés de parents tous deux athéniens. Il suffisait en effet jusque là que le père seul le fût. De sorte que "les hommes ont fait en sorte que les Athéniennes transmettent un statut dont elles-mêmes ne jouissent pas!" (cf Maurice Sartre). Ainsi, dans la sphère politique, les femmes ne jouissent d'aucun droit. D'ailleurs quand Aristophane met en scène les Athéniennes réunies en Assemblée dans 3 de ses pièces (Lysistrata, Les Thesmophories, L'Assemblée des femmes), c'est pour mieux souligner le ridicule de la situation.
Le père de famille aspire avant tout à avoir un fils, futur citoyen et défenseur de la cité. Sa hantise suprême est que sa "maison" tombe en quenouille, c'est-à-dire qu'il ait une fille comme seule héritière. En conséquence, cette fille épiclère, c'est-à-dire sans frère, doit être mariée d'urgence au plus proche parent du père mort.
Les femmes ne pouvant détenir la terre, ni la diriger, comment faire pour que la maison perdure? Pour le géniteur se pose alors la question de la bouche supplémentaire à nourrir, celle la fille improductive qui coûte une fortune en dot et prend la place du garçon qu'on attend impatiemment. Dans ces conditions, une lourde menace pèse sur les premières-nées, celle de l'exposition, phénomène démographique profond dans la Grèce antique. (5)
L'épouse sert son mari sur ce vase attique à figures rouges (vers -480). |
* Les femmes du dehors.
Voilà pour ce qui est de l'idéal (masculin). Or, ce schéma d'une stricte répartition des rôles est largement contredit par la réalité. Certes, les épouses des riches athéniens restent cloîtrée chez elles. Mais tel n'est pas le cas dans les milieux populaires où, pour des raisons économiques évidentes, les femmes quittent quotidiennement leur foyer et s'adonnent à des activités considérées comme dégradantes. Aussi, pour Ménandre - auteur comique grec du IVème av. J.-C. - , "une honnête femme doit rester chez elle; la rue est pour les femmes de rien."
Les épouses de paysans aident aux travaux des champs tandis que les femmes d'artisans tiennent l'étal pendant que leurs maris fabriquent les objets vendus. Ainsi, lorsqu'elles font le marché ou qu'elles cultivent la terre, servantes et esclaves sont en contact avec l'extérieur. De même, pour survivre, des veuves deviennent marchandes des quatre saisons à moins qu'elles ne se fassent nourrices.
De même le hétaïres, "compagnes"/prostituées d'un rang social élevé, n'hésitent pas à s'afficher en public. Certaines, à l'instar de Théodotè, mènent grand train. La plus illustre des courtisanes se nomme Aspasie. Orginaire de Milet, capitale de l'Ionie. Elle s'installe à Athènes où elle devient métèque. Elle y vend les services de son corps et dirige un bordel qui a tout du salon philosophique. La fine fleur des penseurs athéniens y afflue. (6)
Car Aspasie joue un rôle crucial auprès du plus célèbre dirigeant athénien de son temps: Périclès. Or, si ce dernier impressionne par sa maîtrise de la rhétorique et ses talents oratoires exceptionnelles, il le doit avant tout à Aspasie, véritable professeur d'éloquence du stratège et auteur de ses illustres discours. Subjugué, Périclès assume même publiquement cette relation. Mais ce non-conformisme déplaît, scandalise. Aux yeux de ses détracteurs et d'une partie de l'opinion, Aspasie n'est qu'une vulgaire prostituée. Les femmes de son engeance ne suscitent que réprobation. Ces étrangères représentent des anomalies, incapables d'assurer la descendance légitime qu'on est en droit d'attendre d'une Athénienne. (7) Elles ne peuvent donc en rien faire figure de modèle pour l'ensemble des femmes de la cité.
D'après le Pseudo-Démosthène, la répartition des rôles est on ne peut plus clair. "Les
courtisanes (hétaïros), nous les avons pour le plaisir; les concubines
(pallakas) pour les soins de tous les jours; les épouses, pour avoir une
descendance légitime et une gardienne fidèle du foyer."
Dans le gynécée, trois jeunes femmes s'apprêtent. Coupe à figures rouges. |
* Le recours aux mythes pour justifier l'infériorité des femmes.
Pour légitimer l'infériorité des femmes et leur exclusion de la sphère publique, les Grecs ont recours à la mythologie. Les mythes féminins sont rappelés dans les tragédies, les comédies, par les orateurs, représentés sur les frises des temples, peints sur les murs des portiques... Bref, ils sont bien présents dans la vie de la cité. Ils sont, pour les Grecs, une façon de penser le monde, "une manière de façonner le passé tout en construisant l'identité politique du présent." Aussi les mythes consacrés aux femmes permettent de comprendre la construction du genre dans les cités grecques du Vème siècle avant J.-C.
Dans deux récits très populaires et repris partout - Les Travaux et les jours et la Théogonie - le poète Hésiode raconte la création de la première femme: Pandora. Après une querelle avec le mortel Prométhée, Zeus donne l'ordre de fabriquer une femme qu'il envoie aux hommes pour s'en venger. Les dieu des dieux s'en sert comme d'un leurre, "piège profond et sans issue destiné aux humains", créature dotée d'un "esprit impudent, un coeur artificieux."Façonnée par Héphaïstos avec de la terre et de l'eau, elle est parée de vêtements et bijoux par les divinités, ce qui lui confère toutes les apparences de la séduction. Mauvaise gestionnaire, Pandora dilapide les récoltes engrangées grâce au dur travail des hommes. Hésiode insiste sur les nombreux défauts de Pandora (duperie, avidité, concupiscence, oisiveté...). Or, par extension, ces défauts deviennent ceux de toutes les femmes dont elle est la représentante.
Ce mythe présente la femme comme un être distinct et étranger, appartenant à une race maudite et dépréciée. "C'est de celle là [Pandora], en effet, que provient la race des femmes, femelles de leur espèce; oui, c'est d'elle que proviennent, pernicieuse, la race et les tribus des femmes, grand fléau pour les mortels," affirme Hésiode dans la Théogonie.
Jean Cousin le Père: Eva Prima Pandora, vers 1550, Musée du Louvre. "Pandore, tenant dans ses mains un grand vase, en souleva le couvercle, et les maux terribles qu'il renfermait se répandirent au loin. L'Espérance seule resta." [d'après Hésiode: Les travaux et les jours, VIIIè s. av. J.-C." |
Le recours aux mythes permet de justifier la réduction du rôle féminin. Ainsi, le premier Athénien, Erichtonios, n'est pas né d'une femme, mais du sperme du dieu Héphaïstos. Alors que ce dernier poursuit de ses ardeurs Athéna en fuite, son liquide séminal tombe au sol et féconde la Terre (Gè). Le seul sperme du dieu permet la conception, la Terre ne jouant qu'un rôle de couveuse. Le mythe doit sans doute aussi être interprété comme une "manière très subtile de se passer des femmes pour faire naître le premier Athénien et, penser la reproduction sans les femmes." [cf: P. Schmitt Pantel] (8)
Autre exemple: on persuade Zeus de se méfier de la descendance de son épouse Métis, parce que, après la naissance d'Athéna, un fils doit lui naître, qui menacera sa souveraineté. Pour ne pas courir de risque, Zeus avale sa femme; mais en digérant la mère, il se trouve enceint d'Athéna. A terme, celle-ci jaillit du cerveau de son divin père déjà adulte et toute armée.
De même, lors du procès d'Oreste, assassin de sa mère Clytemnestre, les juges de l'Aéropage s'interrogent sur la qualification du crime. Les débats portent sur la question liée à la conception des rapports entre les parents et leur progéniture. Apollon plaide le premier:"Ce n'est pas la mère qui enfante celui qu'on appelle son enfant; elle n'est que la nourrice du germe en elle semé. Celui qui enfante, c'est l'homme qui la féconde." A l'appui de son propos le dieu rappelle justement que son père Zeus a engendré seul sa sœur Athéna. Cette dernière prend alors la parole et affirme, péremptoire: "Je n'ai point eu de mère pour me mettre au monde. Mon cœur toujours... est tout acquis à l'homme: sans réserve, je suis pour le père." En tuant Agamemnon, l'époux gardien du foyer, Clytemnestre commet l'irréparable. Elle vote donc avec Apollon la clémence pour Oreste le matricide.
Un autre mythe aborde et propose une explication aux principes fondateurs de la démocratie athénienne, notamment l'éviction des femmes de la vie publique. Athéna et Poséidon se disputent pour savoir lequel d'entre eux donnera son nom à la cité de l'Attique. " C'était alors l'habitude en ce pays que les femmes aussi participent aux consultations publiques. On prit donc l'avis de la masse et les hommes votèrent pour Neptune [Neptune], les femmes pour Minerve [Athéna]. Et comme il se trouvait une voix de plus du côté des femmes, Minerve fut victorieuse. Alors Neptune ravagea de ses flots le pays athénien. Pour apaiser sa fureur les Athéniens [...] imposèrent aux femmes trois sortes de peine: elles n'auraient plus désormais le droit de vote, aucun des enfants à venir ne porterait le nom de sa mère, et on ne les appellerait pas Athéniennes." [Varron dans saint Augustin, la Cité de Dieu]
En privant les femmes de leurs droits de vote, le premier roi d'Athènes, Cécrops instaure une démocratie exclusivement masculine qui admet désormais la filiation paternelle, autorisée par le mariage. En creux, "la filiation maternelle et le droit de vote des femmes sont les signes d'un état de sauvagerie antérieur à la cité (...)."
Amazone au combat sur un vase grec ancien. |
* Les Amazones comme "contre modèle" grec.
Un autre mythe, celui du combat des Athéniens contre les Amazones, permet de faire de ces femmes un "contre modèle" grec. "Les mœurs des Amazones révèlent par un système d'inversion ce qu'est l'être civilisé." Farouches guerrières jusque là indomptables, les Amazones incarnent la démesure et la barbarie, par opposition à la constance et à la bravoure des Athéniens sur le champ de bataille. Alors que pour les auteurs grecs, les Athéniennes s'épanouissent dans la maternité, les Amazones, elles, la refusent. Ces femmes exaltent au contraire la virginité, refusent l'allaitement. Au lieu de s'occuper de leurs foyers, elles se consacrent exclusivement à la guerre et rejettent les enfants mâles qu'elles réduisent généralement en esclavage. Compte tenu du danger qu'elle représentent pour le modèle de vie grec, les héros fondateurs (Héraclès, Thésée) n'ont d'autre choix que de les chasser ou les détruire.
De nombreux récits abordent les obligations faites aux femmes. Ainsi, le mythe de Koré évoque celle de se marier pour une jeune fille. Koré est la fille de Déméter, déesse de la fécondité, et de Zeus. Encore enfant, elle cueille des fleurs lorsque Hadès, son oncle paternel, l'enlève brutalement. Le seigneur des Enfers la cache sous terre et cherche à la posséder. Déméter entend les cris de sa fille et cherche par tous les moyens à la récupérer. De colère, elle rend la terre stérile et contraint Zeus à réclamer la fillette à son frère. Mais le pépin de grenade avalé par Koré continue de la lier à Hadès. Elle s'appellera désormais Perséphone, partageant son temps entre le monde infernal (l'hiver) et le monde terrestre aux côtés de sa mère.
Ce récit, et bien d'autres, mettent en lumière la fréquences des violences exercées sur les femmes, en particulier le rapt et le viol dont sont victimes les jeunes filles. (9) Ces enlèvements sont le prélude à des unions sexuelles violentes et non consenties. La place du corps féminin dans cette relation se réduit à la femme-objet, simple part d'honneur (timé) à répartir entre les dieux ou les héros.
"Tout homme bon et sensé aime son alochos et s'en occupe,
comme moi j'aimais la mienne de tout coeur, bien qu'elle ait été acquise
par la lance." (IX, 336). Par cette formule, Achille témoigne que ce n'est pas seulement à la suite d'une transaction matrimoniale que l'homme "entre en possession" de la femme, mais aussi par la violence. Au début de l'Iliade, Achille s'oppose à Agamemnon au sujet d'un butin. Au cœur du conflit se trouvent Briséis et Chryséis, épouses de princes de Troade vaincus par les chefs achéens. Ces derniers entendent dès lors disposer des deux femmes à leur guise. Or, Agamemnon est contraint de rendre Chriséys à son père et se rabat donc sur Briséis, "part de butin" initialement confiée à Achille. Furieux ce dernier cesse de combattre, précipitant les défaites achéennes en cascade. Au bout de cinq ans, Agamemnon "entend faire amende honorable et offrir [à Achille] une immense rançon" comprenant chevaux, trépieds, bassins resplendissants, mais aussi "7 femmes
habiles aux travaux impeccables et, pour 8ème, la jolie Briséis." (XIX, 242 s.)
Après la cérémonie du mariage, la jeune épouse quitte la maison de son père pour rejoindre celle de son mari. Amphore col attique à figures noires, vers -550. |
* Mulheres de Atenas.
Chantée par Chico Buarque, Mulheres de Atenas est une chanson parfois incomprise. Cette glaçante description d’une société phallocrate suscite un vif débat lors de sa sortie en 1976. D'aucuns y voient un odieux hymne machiste. Chico Buarque, l'interprète, et Auguste Boal, l'auteur, n'ont rien de sombres crétins misogynes et leur morceau ne doit pas être compris au premier degré. Une toute autre interprétation semble possible si l'on se souvient que, lors de sa création, le Brésil subit une terrible dictature militaire. Ce véritable "dribbleur de censure" qu'est Buarque doit donc composer avec l'absence de liberté d'expression. Par conséquent, les critiques du régime qu'il distille dans ses chansons restent feutrées et subtiles pour éviter arrestation et censure. Plusieurs niveaux de lecture et d'interprétation en sont toujours possibles.
C'est le cas ici, car comme nous le rappelle Dror, auteur du blog "Entre les Oreilles" (voir commentaire): "Un premier pied de nez à la dictature consiste, pour Chico Buarque, à mettre en musique Mulheres de Atenas que son ami Augusto Boal a écrit en exil au Portugal, texte féministe et antimilitariste mais inattaquable puisqu'il se déroule pendant l'antiquité grecque. Le deuxième pied de nez consiste à écrire la très belle chanson Meu Caro Amigo, sans dire que cette chanson est un hommage à son copain banni par la dictature..."
Aussi, cette description accablante - mais conforme à ce que nous en savons aujourd'hui - de l'existence des "femmes d'Athènes" peut être considérée comme une métaphore de l'oppression subie par la société civile brésilienne de son temps. Les femmes placées sous le joug des hommes rappellent le sort des opposants à la dictature, réduits au silence et opprimés.
La chanson doit aussi être comprise comme un appel, sinon à la révolution, tout du moins au changement, une incitation à briser les chaînes qui emprisonnent Brésiliens et Athéniennes.
Notes:
1. C'est pourquoi les écrits de Sappho sont si exceptionnelles.
2. Citons, parmi d'autres, Ariane, Iphigénie, Phèdre, Helène, Nausikaa, Andromaque, Electre, Antigone, Pénélope.
3. Une des déléguées se lamente: "Renoncer au zob, [non] Lisette chérie... Il n'y a rien qui vaille ça!"
4. Veuves et femmes répudiées, disposant parfois d'une importante dot, sont du même coup bien moins dépendante que la tendre nymphe. "Exit la virginité, l'éducation par le mari, l'innocence, la grande différence d'âge." (cf: Pierre Brulé)
5. Tout puissant, l'homme peut se défaire d'un enfant déjà né, une petite fille dans la grande majorité des cas.
6. Dans sa Vie de Périclès (IIème s. ap. J.-C.), Plutarque en dit ceci: "Aspasie était native de Milet, en Ionie. Elle s'en prit aux hommes les plus influents, suivant l'exemple d'une ancienne courtisane d'Ionie. Si Périclès devint amoureux d'Aspasie, c'était, selon certains, pour son intelligence et son sens politique: cette femme recevait parfois la visite de Socrate et de ses disciples, et ceux qui la fréquentaient lui amenaient leurs épouses pour leur faire entendre sa conversation, alors que pourtant le métier qu'elle exerçait n'était ni honnête ni respectueux: c'était une courtisane."
7. Périclès se piège lui-même lorsqu'il propose en -451 au peuple athénien un décret visant à restreindre l'octroi de la citoyenneté aux seuls garçons nés de parents tous deux athéniens. Il suffisait en effet jusque là que le père seul le fût.
8. Le mythe permet d'abord aux Athéniens de développer un discours d'autochtonie en démontrant l'attachement du citoyen au territoire civique. Pour d'autres, ce mythe d'autochtonie athénien serait une manière de construire une relation plus étroite et personnelle avec le territoire habité.
9. Poséidon kidnappe la jeune Aithra alors qu'elle se rend dans un sanctuaire. De cette union non consentie naîtra le roi d'Athènes: Thésée.
Lexique:
Maison = l'oikos, c'est l'entité au sein de laquelle vit la femme libre, l'épouse et la fille du citoyen.
Hétaïre =
La concubine se distingue de l'hétaïre par la régularité de sa relation avec le concubin.
parthenos = vierge, jeune fille à marier.
Kyrios = le tuteur masculin d'une femme dans la Grèce antique.
Un immense merci à Boebis, animateur de sites passionnants consacrés aux musiques brésiliennes.
Mulheres de Atenas
Mirem-se no exemplo
Daquelas mulheres de Atenas
Vivem pros seus maridos
Orgulho e raça de Atenas
Quando amadas se perfumam
Se banham com leite, se arrumam
Suas melenas
Quando fustigadas não choram
Se ajoelham, pedem imploram
Mais duras penas, cadenas
Mirem-se no exemplo
Daquelas mulheres de Atenas
Sofrem pros seus maridos
Poder e força de Atenas
Quando eles embarcam soldados
Elas tecem longos bordados
Mil quarentenas
E quando eles voltam, sedentos
Querem arrancar, violentos
Carícias plenas, obcenas
Mirem-se no exemplo
Daquelas mulheres de Atenas
Despem-se pros maridos
Bravos guerreiros de Atenas
Quando eles se entopem de vinho
Costumam buscar um carinho
De outras falenas
Mas no fim da noite, aos pedaços
Quase sempre voltam pros braços
De suas pequenas, Helenas
Mirem-se no exemplo
Daquelas mulheres de Atenas
Geram pros seus maridos
Os novos filhos de Atenas
Elas não tem gosto ou vontade
Nem defeito, nem qualidade
Têm medo apenas
Não tem sonhos, só tem presságios
O seu homem, mares, naufrágios
Lindas sirenas, morenas
Mirem-se no exemplo
Daquelas mulheres de Atenas
Temem por seus maridos
Heróis e amantes de Atenas
As jovens viúvas marcadas
E as gestantes abandonadas não fazem cenas
Vestem-se de negro, se encolhem
Se conformam e se recolhem
As suas novenas
Serenas
Mirem-se no exemplo
Daquelas mulheres de Atenas
Secam por seus maridos
Orgulho e raça de Atenas
************
Femmes d'Athènes.
« Reconnaissez-vous dans l’exemple de ces femmes d’Athènes
Qui vivent pour leurs maris, fierté et race d’Athènes.
Quand aimées, elles se parfument
Se baignent dans le lait, ajustent
Leurs boucles.
Quand molestées jamais elles ne pleurent
Tombent à genou, mais demandent, implorent
De plus dures peines :
Des chaînes.
Reconnaissez -vous dans l’exemple de ces femmes d’Athènes
Qui souffrent pour leurs maris, pouvoir et force d’Athènes.
Quand ils embarquent, soldats
Elles tissent de longs draps,
Mille quarantaines.
Et quand ils reviennent assoiffées
Violents, ils veulent leur arracher
Des caresses pleines,
Obscènes.
Reconnaissez -vous dans l’exemple de ces femmes d’Athènes
Qui se dénudent pour leurs maris, braves guerriers d’Athènes.
Quand ils s’enivrent de vin
Ils vont généralement chercher le sein
D’autres mondaines.
Mais au petit matin, fourbus
Ils retournent souvent dans les bras
De leurs petites
Hélènes.
Reconnaissez -vous dans l’exemple de ces femmes d’Athènes
Qui portent pour leurs maris les nouveaux fils d’Athènes.
Elles n’ont ni goût ou volonté
Ni défaut, ni qualité ;
Elles ont tout juste peur.
Elles n’ont pas de rêves, seulement des présages :
Leur homme, mers, naufrages…
Belles sirènes
Brunes.
Reconnaissez -vous dans l’exemple de ces femmes d’Athènes
Qui tremblent pour leurs maris, héros et amants d’Athènes.
Les jeunes veuves marquées
Et celles enceintes abandonnées
Ne font pas de scènes.
Elles s’habillent de noir, se tassent
Se conforment et se recueillent
Tout à leurs neuvaines,
Sereines.
Reconnaissez -vous dans l’exemple de ces femmes d’Athènes
Qui se fanent pour leurs maris, fierté et race d’Athènes.
Qui vivent pour leurs maris, fierté et race d’Athènes.
Quand aimées, elles se parfument
Se baignent dans le lait, ajustent
Leurs boucles.
Quand molestées jamais elles ne pleurent
Tombent à genou, mais demandent, implorent
De plus dures peines :
Des chaînes.
Reconnaissez -vous dans l’exemple de ces femmes d’Athènes
Qui souffrent pour leurs maris, pouvoir et force d’Athènes.
Quand ils embarquent, soldats
Elles tissent de longs draps,
Mille quarantaines.
Et quand ils reviennent assoiffées
Violents, ils veulent leur arracher
Des caresses pleines,
Obscènes.
Reconnaissez -vous dans l’exemple de ces femmes d’Athènes
Qui se dénudent pour leurs maris, braves guerriers d’Athènes.
Quand ils s’enivrent de vin
Ils vont généralement chercher le sein
D’autres mondaines.
Mais au petit matin, fourbus
Ils retournent souvent dans les bras
De leurs petites
Hélènes.
Reconnaissez -vous dans l’exemple de ces femmes d’Athènes
Qui portent pour leurs maris les nouveaux fils d’Athènes.
Elles n’ont ni goût ou volonté
Ni défaut, ni qualité ;
Elles ont tout juste peur.
Elles n’ont pas de rêves, seulement des présages :
Leur homme, mers, naufrages…
Belles sirènes
Brunes.
Reconnaissez -vous dans l’exemple de ces femmes d’Athènes
Qui tremblent pour leurs maris, héros et amants d’Athènes.
Les jeunes veuves marquées
Et celles enceintes abandonnées
Ne font pas de scènes.
Elles s’habillent de noir, se tassent
Se conforment et se recueillent
Tout à leurs neuvaines,
Sereines.
Reconnaissez -vous dans l’exemple de ces femmes d’Athènes
Qui se fanent pour leurs maris, fierté et race d’Athènes.
Sources:
- Pierre Brulé: "Les femmes grecques à l'époque classique", Hachette littératures, 2001. Ouvrage passionnant d'une très grande érudition et qui se lit avec un immense plaisir.
- Pierre Brulé: "Des osselets et des tambourins pour Artémis.", sur clio.revues.org
- Nicole Loraux: "Aspasie, l'étrangère, l'intellectuelle".
- Lydie Bodiou, Pierre Brulé, Laurence Pierini: "En Grèce antique, la douloureuse obligation de la maternité."
- Pauline Schmitt Pantel: "La part des femmes.", in L'Histoire n°389, juillet-août 2013.
- Brigitte Manoukian: "Femmes, citoyenneté et démocratie à Athènes (Ve et IVe siècles av. J.-C.)."
- Maurice Sartre: "Qui a peur des Athéniennes?", in Les collections de l'histoire n°34.
- Nadine Bernard: "Femmes et société dans la Grèce classique", Armand Colin, Cursus.
Liens:
- Discussions autour de la chanson sur bossa-nova forumactif (toujours passionnant).
- Place des femmes en Grèce antique. (Wiki)
- Scènes de gynécée dans la céramique grecque antique.
- Compte rendu de l'ouvrage "Aithra et Pandora. Femmes, genre et cité dans la Grèce dans la Grèce classique" de Pauline Schmitt Pantel.
- Condition de la femme en Grèce.
- La légende des Amazones. (pdf)