mercredi 22 août 2018

353. "Respect" ou comment transformer une chanson machiste en un hymne féministe.

Né dans une famille de métayer du Mississippi, le jeune révérend Clarence Lavaughn Franklin devient à force de ténacité et d'études un pasteur baptiste influent. Il gravit la hiérarchie symbolique de l'Eglise par la seule puissance de son verbe et ses sermons enflammés. Maître du tempo fracassant, volcanique, répétitif, le révérend fait partie de ces pasteurs qui pratiquent le whoop, cette envolée spectaculaire entre râle, chant et cri susceptible d'emporter l'audience jusqu'à l'extase. Pour prolonger la transe musicale et spirituelle, la New Bethel Baptist Church de Detroit où le pasteur officie, dispose de l'une des meilleures chorales gospel du pays.
Dans les années 1950, les enregistrements de ses sermons distribués par Chess records connaissent un succès considérable. (1) Dès lors, le révérend multiplie les tournées pastorales et sillonne les Etats-Unis à la tête d'un show impressionnant. Parmi les autres chanteurs gospels qui composent la troupe du pasteur, "une voix s'affirmait chaque semaine davantage parmi la multitudes des talents (...); celle d'Aretha, la fille du pasteur, dont le talent était si évident que nul ne s'étonnait de l'entendre chanter en solo à 14 ans devant la foule des fidèles de son père. (...) Au milieu de cette assemblée dont elle était la petite princesse. Ils la regardaient, ils l'écoutaient avec admiration lorsque sa voix s'élevait entre les murs de l'immense bâtisse, lorsqu'elle emplissait l'espace et immobilisait le temps d'un cantique, d'une supplique à Dieu chantée sous les encouragements des hommes et les cris des femmes." [P. Evil: p120]
Subjuguée enfant par les solistes invités par son paternel - Clara Ward, Dinah Washington, Mahalia Jackson ou Sam Cooke - la jeune fille a bénéficié d'une solide éducation musicale. Sa voix adolescente figure sur un enregistrement réalisé par Joe Von Battle en  1956. La future reine de la soul y chante quelques classiques du gospel comme Precious Lord, interprété avec une puissance charnelle et une maîtrise stupéfiante pour une artiste de son âge. 

 
By Atlantic Records (Billboard, page 9, 15 July 1967) [Public domain], via Wikimedia Commons



En 1960, le découvreur de talent John Hammond recrute la jeune femme pour Columbia Records. Sur son premier album, simplement intitulé Aretha, la jeune femme délaisse le gospel pour un répertoire profane, au grand dam des gardiens du temple. (2) "Les envolées imprévisibles de la voix de la chanteuse étaient, d'un bout à l'autre du disque, à couper le souffle." [Guralnick p385] Pour le compte du label new-yorkais, Aretha enregistrera au total neuf albums en six ans dans un répertoire trop souvent constitué de chansons pop médiocres ou de jazz stylisé. Les arrangements tape-à-l’œil choisis par les producteurs successifs ne permettent alors pas de sublimer cette voix sublime.
En 1966, la chanteuse débarque finalement chez Atlantic records et y trouve enfin les conditions propices à l'explosion de son talent. "J'ai voulu la ramener dans le giron de l'église, l'asseoir au piano et lui demander d'être elle-même", se souvient Jerry Wexler, le producteur en chef d'Atlantic. Sitôt le contrat signé, ce dernier emmène Aretha enregistrer aux studios Fame de Muscle Shoals. Le brio des musiciens du cru offre enfin l'écrin instrumental à la hauteur de cette voix d'exception. Dan Penn se souvient de leur première réaction: "Quand elle est arrivée, qu'elle s'est assise au piano et qu'elle a plaqué ce premier accord, ils avaient tous l'air d'abeilles se pressant autour de leur reine." [Guralnick p 388] La chanteuse grave I nerver loved a man (the way I love you), un titre merveilleux qui permet à la chanteuse de s'imposer enfin dans un registre qui lui correspond. Le succès est immédiat. Dès lors et pour sept années successives, les hits - devenus classiques - s'enchaînent: Since you've been gone, Chain of fools, Until you come back to me, Think... Aretha Franklin est désormais considérée comme la "Queen of Soul". A l'été 1968, la chanteuse fait la une de Time, une première pour une femme noire américaine. La couverture la présente comme la figure de proue radieuse de la soul, cette "musique forte, belle, jamais entendue", mais l'article, caricatural, déterre ses problèmes conjugaux et familiaux. (3)

By Atlantic Records / Columbia Records / Screen Gems (http://www.45cat.com/record/452441) [Public domain or Public domain], via Wikimedia Commons

* De la chanson machiste à l'hymne féministe et noir. 
Sur l'album I never loved a man figure une reprise du titre Respect composé et enregistré par Otis Redding en 1965. A cette date, Big O est devenu la superstar du label Stax. Sans cesse en tournée, le chanteur a l'impression que sa famille lui échappe et qu'il perd de son autorité de mari. Son batteur Al Jackson le rassure: "Tout ce que tu peux espérer chez toi, c'est un peu de respect." De cette discussion naît l'histoire de ce musicien qui rentre chez lui et réclame le respect dû - selon lui - au pater familias. "Tout ce que je te demande ma chérie / c'est un petit peu de respect quand je rentre à la maison." (4) La mélodie survitaminée et l'interprétation toute en puissance font oublier le texte machiste.
Le 14 février 1967, Aretha enregistre à New York sa version de Respect. Secondée brillamment par la section rythmique de Muscle Shoals, le saxophone de King Curtis, les chœurs assurés par ses soeurs Carolyn et Erma, la chanteuse délivre une déclaration d'indépendance soul à la puissance phénoménale. Mieux qu'une reprise, il s'agit bien d'une recréation. 
La chanteuse place les paroles de Redding dans la bouche d'une femme. A l'homme demandant du respect lorsqu'il rentre chez lui, elle exige le même respect. Ici, le changement de pronom change tout. Au "Tout ce que je demande c'est un peu de respect quand je rentre à la maison", elle substitue "Tout ce que je demande c'est un peu de respect quand tu rentres à la maison".
 Dans sa version de la chanson, Aretha semble répondre à Otis. "Tu peux me tromper, si tu veux / Tu peux me tromper, chérie, pendant que je suis parti" chante ce dernier, "Je ne te tromperai pas, pendant que tu seras parti / Je ne te tromperai pas, parce que je ne le veux pas", rétorque-t-elle. Quand Otis lance: "Hey, petite fille, tu es plus douce que le miel / Et je vais te donner tout mon argent / Tout ce que je veux en échange c'est un peu de respect quand je rentre à la maison ", Aretha répond du tac au tac: "je vais te donner tout mon argent / et tout ce que je veux en échange, chéri / c'est que tu me donnes ce que je mérite quand tu rentres à la maison."



La chanteuse ajoute également des paroles au texte d'Otis qu'elle truffe d'expressions issues du ghetto. A la fin du morceau par exemple, les chœurs répètent à l'envi "sock it to me". Dans le contexte du morceau cela peut signifier "donne moi du respect". Ensuite Aretha demande de "Take care T.C.B.!" (Taking Care of Business signifie en argot noir américain "prends les affaires en main"). Ces expressions à double sens confèrent également une impérieuse dimension sexuelle au titre. 
Le talent prodigieux d'Aretha réside autant dans ces paroles revisitées avec humour que dans la manière dont elle les chante. (5) Le refrain incantatoire ou sa façon d'épeler R-E-S-P-E-C-T laissent peu de place à la négociation. « (...) Sa version est si profonde et si remplie d’angoisse, de détermination, de ténacité et de toutes ces émotions contradictoires que c’en est devenu un hymne » note David Ritz, biographe de la Queen of soul.
Au total, la version d'Aretha Franklin subvertit le sens initial du morceau. (6) "La chanson en elle-même est passée d'une revendication de droits conjugaux à un vibrant appel à la liberté. Alors qu'Otis parle spécifiquement de questions domestiques, Aretha en appelle ni plus ni moins à la transcendance extatique de l'imagination", note Peter Guralnick. [source H: p 380]

* "Retha, Rap and Revolt"
Pour comprendre l'impact considérable du morceau, il faut le replacer dans son contexte. Alors que le magazine Ebony présente les mois chauds de l'année 1967 comme "l'été de Retha, Rap et de la Révolte" (7), le chant et les paroles de Respect font mouche. Le morceau se répand aussitôt dans les foyers de la culture noire des quartiers pauvres. "Cette chanson répondait aux besoins du pays, au besoin de l'homme et la femme de la rue, l'homme d'affaires, la mère de famille, le pompier, le professeur - tout le monde aspire au respect. La chanson a pris une signification monumentale. Elle est devenue l'incarnation du 'respect' que les femmes attendent des hommes et les hommes des femmes, le droit inhérent de tous les êtres humains", explique a posteriori la chanteuse dans son autobiographie.
"Lorsque Aretha réclame davantage de considération, tout le monde comprend qu'elle réclame l'égalité des droits non seulement pour les Afro-américains, mais aussi et peut-être, surtout pour la femme en cette période de montée du féminisme." [Danchin p 219]
Alors que le revenu moyen de la femme afro-américaine est trois fois inférieur à celui d'un homme blanc et deux fois inférieur à celui d'un homme noir, où une Afro-américaine sur trois élève seule ses enfants, où la femme noire a trois fois plus de risques de mourir en couches que ses concitoyennes, la chanson devient une puissante dénonciation des dérives machistes et misogynes, l'hymne d'une prise de conscience des problématiques du féminisme. 
En 1967, la lutte des Afro-américains pour l'obtention des droits civiques bat son plein. Si la ségrégation raciale est devenue illégale dans le Sud, cela n'empêche pas la persistance des violences racistes. (8) Les conditions d'existence sordides dans les grandes métropoles américaines provoquent d'ailleurs une série d'émeutes raciales d'une ampleur considérable au cours de l'été (le "Long Hot Summer"). L'attente de respect n'en est que plus forte. Dès la sortie du disque, les auditeurs noirs se reconnaissent dans cette voix prodigieuse dont l'influence culturelle devient considérable. "On entendait Aretha trois ou quatre fois par jour. On n'entendait Martin Luther King qu'au journal télévisé", se souvient l'humoriste Dick Gregory. [Delmas, Gancel: p182] Désormais, aux yeux de tous, Lady soul "incarne avec constance l'intransigeante dignité des femmes et des Afro-américains" et devient l'éminente représentante de la soul, terme qui "transcende progressivement sa signification musicale pour devenir synonyme de blackness (négritude) et de fierté des Noirs." (Delmas, Gancel: p181)

Aretha Franklin. By Jerry Schatzberg/CORBIS. (CC. BY 2.0)


Respect (version Otis Redding). 1965
What you want, honey, you got it                       Ce que tu veux, chérie, tu l'as
And what you nedd, baby, you've got it             Et ce dont tu as besoin, chérie, tu l'as
All I'm asking, is for a little respect                    Tout ce que je demande c'est un peu de respect
When I come home, hey now                              Quand je rentre à la maison, hey maintenant

Do me wrong, honey, if you wanna to               Tu peux me tromper, chéri, si tu veux
You can do me wrong, honey,                             Tu peux me tromper, chéri
 while I'm gone                                                       Pendant que je suis parti
But all I'm asking                                                   Mais tout ce que je demande en échange
Is for a little respect when I come home,          C'est un peu de respect quand je rentre
Oh, yeah now                                                         Oh, oui maintenant
Hey hey hey, yeah now                                        Hey hey hey, oui maintenant


Hey hey hey, yeah now                                         Hey hey hey, oui, maintenant
Hey little girl, you're so sweeter than honey    Hey petite fille, tu es plus douce que le miel
And I'm about to give you all of my money      Et je suis sur le point de te donner tout 
                                                                                   mon argent
All I'm asking hey, is a little respect                  Tout ce que je demande c'est un peu de respect
When I come home, hey hey                              Quand je rentre à la maison, hey maintenant
Hey hey hey, yeah, now                                      Hey hey hey oui, maintenant

...
Respect is what I want from you                      Du respect, c'est ce que j'exige de toi
Respect…                                                                Du respect...


__________________________________________

Respect (version Aretha Franklin). 1967
What you want Baby, I got it                            Ce que tu veux baby, je l'ai
What you need cause you know I got it         Et aussi ce dont tu as besoin car tu sais que je l'ai
All I'm askin' is for a little respect                  Tout ce que je demande c'est un peu de respect
When you get home (just a little bit)             Quand tu rentres à la maison (juste un petit peu)
Hey baby (just a little bit) when you             Hey baby (juste un petit peu) quand tu
get home                                                             rentres à la maison
(just a little bit) mister (just a little bit)       (juste un petit peu) monsieur (juste un petit peu)

I ain't gonna do you wrong while                 Je ne te tromperai pas pendant
you're gone                                                       tu seras parti
Ain't gonna do you wrong 'cause                 Je ne te tromperai pas parce

 I don't wanna                                                  que je ne le veux pas
All I'm askin' is for a little respect               
Tout ce que je demande c'est un peu de respect
when you come home (just a little bit)        Quand tu rentres à la maison (juste un petit peu)
Baby (just a little bit)                                      Chéri (juste un petit peu)

when you get home (just a little bit)           Quand tu rentres (juste un petit peu)
Yeah (just a little bit)                                     Ouais (juste un petit peu)

I'm about to give you all of my money         je suis sur le point de te donner tout mon argent
And all I'm askin' in return, honey               Et tout ce que je demande en retour, chéri
Is to give me my propers                                C'est que tu me donnes ce que je mérite
When you get home (just a 4x)                     Quand tu rentres (juste un 4x)
Yeah baby (just a 4x)                                      Ouais chéri (juste un 4x)
When you get home (just a little bit)           Quand tu rentres (juste un petit peu)
Yeah (just a little bit)                                      Ouais (juste un petit peu)

pont instrumental

Ooo, your kisses  sweeter than honey        Oh, tes baisers sont plus doux que le miel
And guess what? So is my money               Et devine quoi? Mon argent aussi

All I want you to do for me                           Alors tout ce que je veux que tu fasses pour moi
Is give it to me                                                 C'est de me le donner

when you get home (re, re, re, re)               Quand tu rentres à la maison (re, re, re ,re)
Yeah baby (re, re, re ,re)                               Ouais chéri (re, re, re, re)
Whip it to me (respect, just a little bit)     Rends le moi (respect, juste un petit peu)
When you get home, now                            Quand tu rentres à la maison

(just a little bit)                                             (Juste un petit peu)

R-E-S-P-E-C-T                                              R-E-S-P-E-C-T
Find out what it means to me                    Trouves ce que cela signifie pour moi
R-E-S-P-E-C-T                                             
R-E-S-P-E-C-T 
Take care, TCB                                              Prends soin, maîtrise la situation


Oh (sock it to me 4x)                                  Oh (montre moi ce que tu sais faire 4x)
A little respect (sock it to me 4x)             Un peu de respect
(montre moi ce que tu sais faire) Whoa, babe (just a little bit)                     Whaou, chéri (juste un petit peu)
A little respect (just a little bit)                Un peu de respect (juste un petit peu)
I get tired (just a little bit)                        J'en ai assez (juste un petit peu)
Keep on tryin' (just a little bit)                Essaie encore (juste un petit peu)
You're runnin' out of foolin'                    Tu cours en faisant l'imbécile

(just a little bit)                                           (juste un petit peu)
And I ain't lyin' (just a little bit)             Et je ne mens pas (juste un petit peu)
(re, re, re, re) 'spect                                   Du (re, re, re, re) respect
When you come home (re, re, re ,re)     Quand tu rentres (re, re, re, re)
Or you might walk in                                Ou tu pourrais courir les rues

 (respect, just a little bit)                         (respect, juste un petit peu)
And find out I'm gone                              Et découvrir que je suis partie

(just a little bit)                                         (juste un petit peu)
I got to have (just a little bit)                   Je dois avoir (juste un petit peu)
A little respect (just a little bit)              Un peu de respect (juste un petit peu)


Notes:
1. Il fréquente les stars, enchaîne les tournées qui le conduisent loin de chez lui et de sa famille. Lassée de ses infidélités, sa femme Barbara Siggers, quitte le foyer alors qu'Aretha n'a que 6 ans.
2. Chez les Franklin, "la musique profane n'a jamais été interdite, et les aspirations commerciales n'étaient pas non plus découragées. (...) Au milieu des années cinquante, les sermons de Clarence Franklin en font une star de Chess sur le marché gospel."
3. La perte d'amis chers (Sam Cooke, Dina Washington, King Curtis), un divorce très difficile avec Ted White, des hospitalisations pour "surmenage", des accouchements précoces (14 ans pour son fils Clarence, 17 pour Edward). Le reportage contribuait à "la stigmatiser comme une 'victime' et une femme battue, ce qui renforça à jamais sa crainte quasi-inébranlable des interviews et de la publicité." [Guralnick: p 394]
4. Johnny Hallyday en donne une version franchouillarde en 1966.
5. Aretha Franklin définit ainsi la soul music: "Pour moi, la soul, c'est une sensation, beaucoup de profondeur et la capacité de ramener à la surface ce qui se passe à l'intérieur, de donner une image claire. La chanson n'a pas d'importance... C'est seulement l'émotion, la façon dont elle touche d'autres personnes."
6. "Lui [Otis] se rend compte de combien on peut donner du sens aux mots. Il voit bien que la chanson marche mieux, qu'elle a plus de sens portée par Aretha, et ce n'est pas juste l'arrangement très réussi par Aretha et ses musiciens, c'est aussi le sens qui est projeté par le public sur la chanson", note avec justesse Frédéric Adrian. (source B) "J'ai perdu ma chanson, cette fille me l'a prise" concédera Redding. En 1967, alors qu'il s'apprête à interpréter Respect au festival de Monterey, il lance goguenard: « La prochaine chanson est une chanson qu’une fille a emmenée loin de moi. Une bonne amie, cette fille, elle m’a juste pris la chanson. Mais je vais quand même la jouer. »
Dror précise d'ailleurs que "finalement il copie la version d’Aretha dans une émission à la télévision la veille sa mort (émission Upbeat de Don Webster, Cleveland, 9 décembre 1967).
7. Retha pour Aretha. Revolt pour les émeutes qui ravagent Detroit le 23 juillet. Rap pour le Black Panther H. Rap Brown. 
8. Dans les années 1950, alors qu'elle accompagnait son père dans ses tournées pastorales, Aretha avait pu mesurer l'ampleur du racisme qui sévissait alors dans le pays. Aussi célèbres et riche soit-il, Clarence Franklin - et sa troupe - ne pouvait manger dans les restaurants réservés aux Blancs ou dormir dans les hôtels ségrégués.
 
Sources: 
Source A. Pierre Evil:"Detroit sampler", Ollendorff & Desseins, 2014. 
Source B. "Respect: il y a cinquante ans, Aretha Franklin en faisait un hymne féministe."
Source C. "Comment Aretha Franklin a transformé Respect d'Otis Redding en un manifeste féministe et politique", in Le Monde du 16/8/2018. 
Source D. Dorian Lynskey: "33 révolutions par minute" (vol. 1), éditions Payot et Rivages, 2012.
Source E. Gerri Hirshey: "Nowhere to run. Étoiles de la soul music et du rythm and blues", éditions Payot et Rivages, 2013.
Source F. Comparaison des deux versions de Respect et la traduction de l'interview pour Time Magazine en juin 1968 par Dror. 
Source G. Yves Delmas, Charles Gancel: "Protest song. La chanson contestataire dans l'Amérique des sixties", Textuel, 2005. 
Source H. Peter Guralnick: "Sweet soul music", éditions Allia, 2003.


Liens:
- "I never loved a man the wai I love you", le premier disque pour Atlantic, est un chef d'oeuvre absolu. "Aretha ne s'éloignait pas vraiment de la norme, mais son génie, précisément, redéfinissait cette norme. Son succès balaya tout sur son passage (...); les anciens critères d'excellence furent tous brusquement revus à la hausse face à un talent aussi unique. L'inspiration dont tmoignait l'art d'Aretha renvoyait tous les autres artistes au statut de nains. Rien n'est perdu aujourd'hui du frisson qui vous parcourait l'échine quand (...) vous vous empariez de ce premier album pour Atlantic (...). [...] C'est une musique qui vous saute au visage, qui réclame votre attention, un instant artistique éternellement jeune, éternellement frais", écrit Peter Guralnick dans son indispensable "Sweet soul music". [source H p394-395]
- "My song" / "Ain't no way" / "Rough lover" / "The weight" / "One step ahead" / "Until you come back to me" / "You'll lose a good thing" / "Chain of fools" / "I'm trying to overcome"
- Un peu de Sweet soul music sur l'histgeobox: "Dancing in the Streets", "Quand la northern soul galvanisait la jeunesse anglaise", "A Muscle Shoals, seul le groove comptait,  "Respect yourself". 
- NPR: "Respect wasn't a feminist anthem until Aretha Franklin made it one"

Bonus: 
En 1980, dans une brève scène du film The Blues Brothers, Aretha joue la propriétaire d'un restaurant soul food de Chicago. Au moment où les Blues Brothers essayent d'enrôler son guitariste d'amant en le convaincant d'abandonner sa spatule et de rejoindre le groupe, Aretha et ses "filles" - jouant les clientes - leur tiennent tête avec une version intense de "Think", son tube de 1968. Dans ce qui constitue sans doute la meilleure séquence du film, "Aretha arpente le sol carrelé et cendreux avec des mules blanches, menace du doigt, fait claquer son tablier et agite les bras. Gainée dans un collant rose de circonstance, elle est un concentré explosif de la femme bafouée et blessée." (Source E p299)

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vendredi 10 août 2018

352. Serge Gainsbourg - "L'eau à la bouche" (1960), amour et consentement

1969, l'orgasmique "Je t'aime moi non plus" célèbre la passion amoureuse au cœur de l'immense œuvre de l'homme à la tête de chou. La sortie du morceau enregistré dès 1966 avec Brigitte Bardot est annulée par Serge Gainsbourg, amant éconduit mais gentleman envers Gunther Sachs, mari de BB, peu enclin à entendre la trace radiophonique des ébats passés de sa belle. Les râles et soupirs de BB sont alors réenregistrés par Jane Birkin, pétillante anglaise de 23 ans et nouvelle muse du chanteur. Slow sulfureux, ce tube de l'année érotique est banni des ondes complètement ou avant minuit. Pour la petite histoire, Gainsbourg dira que "Je t'aime moi non plus" est la chanson la plus morale qu'il ait écrite car "l'amour physique ne suffisant pas à la passion, il faut s'en référer à d'autres arguments." S'il n'est pas le premier oser le sexe en chanson, Gainsbourg contribue à faire tomber les tabous de l'amour physique puisqu'en 1984 "Love on the beat" est autorisé.


"L'amour à la papa
Dis moi, dis moi
Dis moi ça ne m'intéresse pas
Ca fait déjà des mois
Des mois, des mois
Que j'attends autre chose de toi

Quatre-vingt-dix à l'ombre
De mon corps et tu sombres
Tu n'es pas une affaire
Tu ne peux faire
Qu' l'amour à la papa

Crois moi, crois moi
Y a trente deux façons de faire ça
Si d'amertume
Je m'accoutume
Il est fort probable qu'un jour
En ayant marre
C'est à la gare
Que je t'enverrais toi et tes amours"

Sorte de face B de "L'amour à la papa" vilipendé par Gainsbourg en 1959, plus bestial dans le propos que "Je t'aime…", "Love on the beat" c'est l'acte charnel torride mais diffusable à la télé, une permissivité dont les seventies ont accouché.


Écoutant "Je t'aime moi non plus" et "Love on the beat" en 2018 à l'aune de l'affaire Weinstein et du mouvement #MeToo, on peut se demander si Gainsbourg est le chanteur de l'amour consenti où désir et jouissance sont pleinement partagés. Aujourd'hui, la notion de consentement se construit et reste difficile à définir car il a un double sens comme le note la philosophe et historienne Geneviève Fraisse.


"C'est à la fois choisir et accepter. De nombreux campus américains ont adopté une règle pour lutter contre les agressions sexuelles qui consiste à dire que le consentement ne peut être exprimé que par un "oui" formulé verbalement, qu'un silence ne vaut pas consentement, afin de clarifier un peu les choses. En français, on parle souvent de consentement tacite, éclairé ou implicite. Tous ces adjectifs qu'il faut ajouter à ce terme montrent bien qu'il a plusieurs sens."

Dans l'œuvre de Gainsbourg, "L'eau à la bouche" est une chanson qui traite parfaitement de l'interprétation du consentement sexuel, "une question complexe dans le schéma où l’homme propose et la femme dispose, viennent s’insérer silences et quiproquos, la fameuse « zone grise »." (1)


En 1960, Gainsbourg signe la bande originale du film "L'eau à la bouche" de Jacques Doniol-Valcroze. Michel Galabru et Bernadette Lafont jouent notamment à merveille un couple fripon dans un château des Pyrénées-Orientales où six personnages réunis pour régler une question d'héritage se laissent aller au marivaudage. Les paroles de Gainsbourg qui servent l'intrigue amoureuse s'immiscent dans cette zone grise de la séduction. Entre prédateur (Je t'en prie ne sois pas farouche / Quand me vient l'eau à la bouche (…) Je te veux confiante, je te sens captive / Je te veux docile, je te sens craintive / Je ne prends que ta bouche) et homme patient capable d'attendre l'accord explicite de sa partenaire (Si tu veux bien / Je te prendrais doucement et sans contrainte), Gainsbourg fait sa danse nuptiale à la frontière du consentement et de la "liberté d'importuner" revendiquée par Catherine Deneuve (qu'il surnommait Catherine d'Occase) et BB dans une tribune au Monde de janvier 2018 (2). "Nous pensons que la liberté de dire non à une proposition sexuelle ne va pas sans la liberté d’importuner", concluent ces femmes, qui débutent leur texte en estimant que "la drague insistante ou maladroite n’est pas un délit, ni la galanterie une agression machiste".


Écoute ma voix, écoute ma prière 
Écoute mon cœur qui bat laisse-toi faire
 Je t'en prie ne sois pas farouche 
Quand me vient l'eau à la bouche 

Je te veux confiante, je te sens captive
 Je te veux docile, je te sens craintive
 Je t'en prie ne sois pas farouche
 Quand me vient l'eau à la bouche

 Laisse toi au gré du courant
 Porter dans le lit du torrent
 Et dans le mien
 Si tu veux bien
 Quittons la rive
 Partons à la dérive

 Je te prendrais doucement et sans contrainte
 De quoi as-tu peur, allons n'aie nulle crainte
 Je t'en prie ne sois pas farouche
 Quand me vient l'eau à la bouche

 Cette nuit près de moi tu viendras t'étendre
 Oui je serai calme je saurai t'attendre
 Et pour que tu ne t'effarouches
 Vois je ne prends que ta bouche

 




Actuellement, le terme de consentement est réinterrogé partout notamment sur le plan juridique en Suède où une nouvelle loi est entrée en vigueur : la justice considère dorénavant comme viol « tout acte sexuel sans accord explicite ».


À lire sur l'Histgeobox, le billet sur "Tu veux ou tu veux pas" de Marcel Zanini qui détaille le contexte de libération sexuelle des années 1960. L'émission Les pieds sur terre de France culture a consacré une série de quatre documentaires sur le consentement à réécouter sur leur site. Pour ceux qui aiment les voix haut perché,  "Consentement" un titre de Mylène Farmer sorti en 1999, aborde un thème dont s'est emparé Vins, rappeur montpelliérain engagé contre les violences faites aux femmes.


"Puis un viol ça reste un viol ça dépend pas d'la taille de sa robe
Et toi qui cries que c’est toutes les mêmes t’as rien compris
Ouais la salope dans cette histoire c’est surtout toi et ta connerie
Les traiter de putes c’est plus facile que d’admettre
Qu’elles veulent pas prendre un verre avec toi car tu sais pas t’y prendre avec
Tu gonfles les pecs et les abdominaux
Tu vois les femmes comme des femelles car être un homme c’est être un mâle dominant
Puis on dira que c’est de sa faute si les hommes sont dans l’abus
Oui regarde un peu ses habits, normal qu’on l’agresse dans la rue
Étouffées par son étreinte, rares sont celles qui portent plainte
Au final au tribunal on dira qu’elle le voulait peut-être un peu."


Sources
1. Après MeToo, une nouvelle libération sexuelle, Pauline Grand d'Esnon, juin 2018, https://www.neonmag.fr/apres-metoo-une-nouvelle-liberation-sexuelle-507820.html 
2. Nous défendons une liberté d'importuner indispensable à la liberté sexuelle, manifeste d'un collectif de 100 femmes paru le 9 janvier 2018 (https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/01/09/nous-defendons-une-liberte-d-importuner-indispensable-a-la-liberte-sexuelle_5239134_3232.html)

mercredi 8 août 2018

351. "Le camping", Marcel Zanini (1971), de l'éloge du plein air à la slow-life

C'est une véritable institution estivale : les sardines qu'on enfonce, les bouchons qui sautent, le bruit des tongs dans l'allée et le rouleau de Lotus sous le bras… Les vacances au camping, c'est le mode d’hébergement favori des touristes français et étrangers. Et on est bien placé pour en parler puisque l'Hexagone dispose du premier parc de campings en Europe et du second au monde derrière les États-Unis. La pratique du camping est profondément enracinée dans la culture populaire et quelques chansons relatent ce retour à la nature et à une vie simple. De l'éloge du plein air prôné par les pionniers anglo-saxons à la slow-life vernissée d'aujourd'hui, il y a tant à dire sur un type d'hébergement qui confine au mode de vie.

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Les débuts du camping, du vélo au credo

Olivier Sirost relève que c'est dans la presse sportive que le terme de "camping" apparaît en France au mois de juillet 1903 (1). Un article du journal L’Auto portant sur les campements sportifs des Anglais insiste sur l’origine et la culture britannique d’un mode de vie : « Les Anglais ont le génie de ces organisations en plein air. Depuis longtemps le goût du camping out et du bivouac lointain a pris dans le Royaume-Uni des proportions considérables. » Paul de Vivie dit Vélocio, grande figure du cyclotourisme français, écrivait la même année que la "bicyclette n'est pas seulement un outil de locomotion ; elle devient encore un moyen d'émancipation, une arme de délivrance. Elle libère l'esprit et le corps des inquiétudes morales, des infirmités physiques que l'existence moderne, toute d'ostentation, de convention, d'hypocrisie – où paraître est tout, être n'étant rien – suscite, développe, entretien au grand détriment de la santé." Pédaler et camper sont les joies du plein air, un concept en vogue en ce début de 20ème siècle dans les catégories sociales aisées. Avant la Grande Guerre, les campeurs sont principalement des randonneurs battant seuls la campagne à pied ou en vélo avec une toile de tente militaire rudimentaire.
 
Dans l'Europe industrialisée, cette pratique va se diffuser avec les réflexions hygiénistes sur le corps et l'environnement. Bouleversée par les progrès techniques, la vie moderne contraindrait l'homme qui, ne fusionnant plus avec la nature à cause d'une domestication sans freins, s'éloignerait de l'essentiel. Comme le note Alain Corbin, un retour à la nature est une façon de lutter contre les maux de la société industrielle (alcoolisme, tuberculose) en revigorant la vigilance du citoyen prêt à défendre les intérêts de la nation et la production de l'ouvrier à son poste. En Grande-Bretagne et aux États-Unis, l'idéal d'un nouvel Adam est porté par les protestants du Young Men’s Christian Associations (YMCA) qui développent les pratiques du camping en idéalisant l'Indien et la civilisation primitive américaine. Le triangle symbole de l'YMCA représente les trois domaines que l'être humain doit développer pour demeurer en équilibre. « Le triangle est l'exemple d'une symétrie essentielle à l'homme sur les plans spirituel, intellectuel et physique » (Luther Gulick, professeur du YMCA et créateur du symbole). Ce programme fondé sur l’indianisme et l'harmonie entre corps et esprit influence le scoutisme et initie la pratique du camping aux États-Unis. En France, les Unions chrétiennes de jeunes gens (UCJG) importent l'héritage anglo-saxon et en 1910 quelques uns de leurs membres fondent le Camping club français (CCF) pour forger une jeunesse aux rudiments de la vie au grand air.

"Nous méprisons, non sans raison,
les maisons, ces prisons,
d'où l'on ne peut pas voir les étoiles
et le beau ciel sans voile"

La chanson du plein air, extraite du livret Chansons des scouts de France (1932), montre la conjonction entre les influences anglo-saxonnes et suisse-allemande où le camping est le meilleur moyen de prolonger les moments passés au contact de la nature. Face à l'urbanisation galopante, l’Allemagne et l’Autriche proposent aux citadins une cure de nature où la randonnée en forêt, la baignade en rivière et le feu de camp entretiennent parfois un esprit contestataire où naturisme, végétarisme se diffusent en parallèle. C'est sur le disque "Les chansons de Bob et Bobette", première production discographique à l'attention des enfants de l'entre-deux guerres, que l'on retrouve un éloge de la liberté et de la toile de tente avec "La partie de camping" (1948). Les oiseaux chantent, l'air est pur. Parfois un orage craque mais rien ne vaut la vie en pleine nature.


Puisqu'il faut vivre avec son temps
Vivons autrement qu' nos parents
Qui végétaient entre quatre murs
Il nous faut un plafond d'azur
La vie qui nous enchante
Chante, chante, chante
C'est le campeur qui plante
La vie indépendante
Des trappeurs au cœur bien trempé (Un, deux, trois)
Campeurs, sachons camper !

(Refrain)

Ah ! Qu' c'est beau la nature
Les fleurs, les p'tits oiseaux
La brise qui murmure
Et les reflets sur l'eau
Pour posséder tout à la fois
Campons au coin d'un bois

Vers le camping de masse

Au camping éducatif promu par le Camping club français des origines s'ajoute progressivement une pratique plus familiale. Le développement de l'industrie touristique en France s'accompagne d'une massification du camping où l'on distingue les Sybarites (adeptes du confort, du nom de la prospère ville grecque de Sybaris) et les Spartiates. Pratique plutôt bourgeoise au départ, le camping se démocratise avec les congés payés de 1936. La création et la modernisation de zones de vacances dans les communes donnent naissance aux campings municipaux et à une pratique familiale en bord de mer ou sur les terres natales. Après la Seconde Guerre mondiale, une réglementation vise à limiter le camping sauvage qui dégrade des espaces naturels mais représente aussi un manque à gagner pour une industrie des loisirs en plein boom. La plupart des campeurs des Trente Glorieuses se rendent alors gaiement dans les terrains de camping en plein essor ou investissent dans leur propre parcelle privée.




Bob, moustache, lunettes rondes, la bouille de Marcel Zanini est entrée dans les annales de la chanson française avec son reprise impayable de Brigitte Bardot dans "Tu veux ou tu veux pas" déjà étudiée sur l'Histgeobox. Né à Istanbul en 1923, d'un père français et d'une mère d'origine grecque, Zanini voyage entre la Côte d'Azur et les Alpes pour animer les saisons touristiques. En 1971, cet amoureux de jazz s'amuse des petits déboires des vacanciers à toile de tente avec le très seventies "Le camping". Sur la pochette où Zanini mime un coup de fourchette sur son matériel pliable, l'idéal du campeur en quête d'un nouvel Éden est bien loin. Le camping jouxte la route et la gare de chemin de fer, les "gros camions" déboulent sur l'aire et bouchent la vue du pauvre campeur au chapeau zébré. Transistors à bloc et surpopulation, l'espiègle Zanini se délecte du camping de masse. Il y a t-il encore une place pour les puristes du camping dans une société de loisirs et de consommation où le confort s'immisce même là où l'on avait chassé ?


Au super camping de la plage
Evidemment c'était complet
Mais moyennant un bon pourboire
On nous a quand même casés
Entre un gros camion de la Corrèze
Qui nous bouchait toute la vue
Et une famille portugaise
Qui faisait frire de la morue
On s'est regardés
Puis on s'est dit
On se plaindra
A Trigouni

Refrain

Ah quelle joie d'avoir une caravane
Ah quelle joie de faire du camping
L'endroit était très sympathique
Mais il y avait les transistors
Et sans les millions de moustiques

On aurait pu dîner dehors
On trouvait tout à la cantine
A condition d'attendre son tour
Pour une boîte de sardines
J'ai fait la queue pendant trois jours
Un de nos voisins
Pour des petits pois
A fait la queue
Pendant un mois

Refrain

Bien sûr, on ne voyait pas la plage
A cause de la gare de chemin de fer
Mais en grimpant sur le porte-bagage
On pouvait quand même voir la mer
A part les huit jours de tourmente
Et la tente qui s'est envolée
On a passé de bonnes vacances
On s'est vraiment bien amusé
Si on n'est pas
Tellement bronzés
On a quand même
Bien rigolé

Refrain
Ah quelle joie d'avoir une caravane
Ah quelle joie de pouvoir s'en servir


La France, le premier parc européen de campings

L'INSEE (2) nous livre des statistiques récentes qui confirment l'engouement pour le camping hexagonal. "En 2016, la France métropolitaine compte 7800 campings touristiques et 710 000 emplacements, soit une taille moyenne de 90 emplacements par établissement. Elle possède le deuxième parc mondial de campings, derrière les États- Unis et le premier parc européen. Elle concentre notamment un tiers des capacités européennes, contre seulement un dixième du parc européen de chambres d’hôtels." Sur la décennie écoulée, la fréquentation des campings a progressé de 10%. Si les campeurs français préfèrent les emplacements équipés d'un mobil-home, bungalow ou chalet, les visiteurs étrangers optent pour les emplacements "nus" où ils plantent leur propre tente ou garent leur caravane, camping car ou voiture avec tente de toit.


Dans un article du Huffington Post daté d'août 2018, tout montre que les campings français sont en train de devenir un nouvel eldorado économique. La diversification de l'offre séduit de plus  en plus d'urbains aimantés par un hébergement insolite en pleine nature comme le glamping (contraction de glamour et camping). Tous les âges et toutes les catégories socio-professionnelles sont représentés car du camping car à la tente dépliable en deux secondes les solutions d'hébergement sont nombreuses et dans l'air du temps.

D'autres alternatives apparaissent avec les campings cinq étoiles ou les campings permaculture où les clients consomment les légumes et fruits produits sur place qui se rapprochent du camping à la ferme chanté par Jean-Louis Murat sur le double-album Babel que Samarra évoque ici.



Sources

1. Les débuts du camping en France : du vieux campeur au village de toile par Olivier Sirost
(https://www.cairn.info/revue-ethnologie-francaise-2001-4-page-607.htm)
2.  Les campings, un confort accru, une fréquentation en hausse (https://www.insee.fr/fr/statistiques/2852693#graphique-Figure1)

En savoir plus : https://www.francetvinfo.fr/decouverte/vacances/l-evolution-du-camping-a-travers-le-temps_1013263.html