mercredi 20 mai 2020

1939. On ira pendre notre linge sur la ligne Siegfried.

Traumatisées par l'invasion de son territoire en 1870 et 1914, les autorités françaises étudient dès 1920 la construction d'un système défensif moderne le long des frontières avec l'Italie, l'Allemagne, le Luxembourg et la Belgique. Ainsi, le 14 janvier 1930, André Maginot, ministre de la Guerre dans le gouvernement Poincaré, fait voter une loi en vue de construire une ligne fortifiée sur la frontière française du Nord-Est: la ligne Maginot. (1) Au fil des travaux exécutés de 1930 à 1938, plusieurs milliers d'édifices de béton et d'acier s'insèrent dans le paysage. Des ouvrages fortifiés indépendants (2) construits à une dizaine de kilomètres en retrait de la frontière constituent l'ossature de cette ligne. Certes, une attaque allemande est toujours possible, mais le système de fortification construit le long de la frontière doit empêcher l'ennemi de percer les défenses françaises, laissant ainsi aux alliés le temps de riposter. Grâce à cette ligne Maginot, les Français peuvent donc se rassurer et se sentir protégés.
Dents de dragon de la ligne Siegfried. [Peter Tritthart / CC BY (https://creativecommons.org/licenses/by/3.0)]
De leur côté, les Allemands construisent une ligne de fortification sur la frontière occidentale du Reich, d'Aix-la-Chapelle à la frontière suisse, sur plus de 600 kilomètres. Ces défenses comptent plus de 17 000 ouvrages bétonnés et blindés, des tunnels et des dents de dragons. Appelée Westwall ("Mur de l'ouest") par les Allemands, elle est connue des Français sous le nom de ligne Siegfried. Entre 1936 et 1940, l'organisation Todt associée au génie militaire supervise la construction des fortifications par les jeunes de l'Arbeitsdienst (« Service du travail »).
Un no man's land d'une douzaine de kilomètres de largeur sépare les défenses françaises de la ligne Siegfried.

* Drôle de guerre.
L'armée allemande envahit la Pologne le 1er septembre 1939. Le 3, la Grande-Bretagne et la France déclarent la guerre à l'Allemagne. Le 7, les troupes françaises pénètrent en Sarre et font la conquête de quelques villages allemands préalablement vidés de leurs habitants. Le rapport de force est alors largement favorable aux Français qui disposent de 85 divisions le long de la frontière contre 34 pour la Wehrmacht, dont l'essentiel des unités est encore engagé en Pologne. Au bout de 8 km, Gamelin ordonne cependant de stopper l'offensive, craignant de se heurter aux défenses ennemies. Le 20, avec l'effondrement de la Pologne, les Allemands reprennent les positions perdues. Le lendemain, Gamelin ordonne à ses troupes de se retirer sur la ligne Maginot. 

Conscient de ne pouvoir combattre sur deux fronts, Hitler cherche d'abord à vaincre à l'ouest avant de se retourner dans un second temps contre l'Union soviétique. Sitôt la Pologne écrasée, le führer demande à ses généraux de préparer une offensive contre la France. Le dictateur mise tout sur une offensive rapide et spectaculaire, mais après la campagne de Pologne, l'armée a besoin de répit pour se réorganiser. Il faut du temps pour se ravitailler en matières premières, se réapprovisionner en armements. Une attaque allemande en automne serait également hasardeuse. Les conditions climatiques défavorables conduisent finalement à l'ajournement des plans du führer. S'ouvre alors une période 8 mois au cours desquels les deux armées, campées sur leurs lignes défensives respectives, se font face sans s'affronter. L'absence d'opérations terrestres d'ampleur déconcerte. Une expression se répand bientôt dans la presse, celle de "drôle de guerre". Selon un sénateur américain, il s'agit d'une "phoney war", une "fausse guerre".

Soldats français dans une fortification de la ligne Maginot en 1939. [Inconnu / Public domain]
* L'ennui. 
L'attente insidieuse alimente l'ennui d'une partie de la troupe, une source de préoccupation majeure pour le commandement français. Dans L'étrange défaite, Marc Bloch évoque: "l'ennui de ces longs mois d'hiver et du printemps 1939-1940, qui a rongé tant d'intelligences..." Les doutes apparaissent, les premières questions aussi: combien de temps cette situation va-t-elle durer? Que signifie cette guerre fantôme? Un soldat écrit à sa mère: "On s'use les nerfs et personne n'a envie de se battre. Si cela continue, on va devenir complètement abrutis. C'est te dire à quel point l'inaction énerve. Il n'y a rien de plus déprimant, nous sommes des champignons de couche. J'écoute les informations, mais elles sont tout aussi menteuses les unes que les autres. Ce qu'il y a de remarquable, c'est que, toujours et partout, tout va  très bien. (...) Moralité, je crois qu'il ne faut pas chercher trop à comprendre. La vérité, c'est comme la confiture, faut pas trop en manger si on ne veut pas avoir mal au ventre. "

* Guerre psychologique et propagande.
L'attente est le terreau idéal pour diriger une véritable guerre psychologique contre l'adversaire. Côté allemand, les compagnies de propagande (PK) s'adressent directement à l'ennemi dans sa langue. Chargées de relayer les propositions de paix d'Hitler, ces compagnies lancent une série d'intoxications originales: traductions en français de discours du führer déversées sur les lignes ennemies grâce à un ballon, pancartes et banderoles incitant les soldats à faire la paix ou cherchant à semer la désunion entre les alliés franco-britanniques, diffusion de musique par des hauts-parleurs...
Côté français, le GQG (Grand quartier général) utilise la propagande écrite, puis installe des hauts-parleurs à proximité d'ouvrages fortifiés allemands pour saper le "moral de l'ennemi". Le Commissariat général à l'information (CGI) et le Service cinématographique des armées (SCA)  mettent aussi sur pied un cinéma à destination des soldats dont le caractère propagandiste est central: films patriotiques, films sur la France en guerre, actualités filmées doivent convaincre du bien fondé de la lutte et de la victoire à venir.

* Visites au front. 
Pour les soldats, les jours se suivent et se ressemblent: observation, patrouille, entraînement... Les escarmouches restent l'exception. Les rapports d'activité militaire se résument généralement à un laconique: "rien à signaler". Pour autant, les huit mois d’attente derrière la ligne Maginot ne sont pas totalement statiques et apathiques. Au cours de cette période, on déplore ainsi 3000 morts dans les rangs français, une moitié des suites de maladies ou d’accidents sous uniformes français, un autre moitié lors des coups de main des corps francs ou des combats aériens.
L'absence d'opération militaire d'ampleur pousse les autorités à prendre des mesures pour occuper les hommes et combattre l'inactivité. Les soldats se chargent ainsi des corvées agricoles afin de réaliser les travaux que la mobilisation a empêchés. Pour contrer l'ennui et la lassitude généralisée, l'état major organise également de nombreuses visites au front de personnalités politiques ou du spectacle. Il s'agit de montrer qu'on se préoccupe du sort des soldats et qu'on ne les oublie pas. Dès lors, la ligne Maginot apparaît comme un "lieu touristique" prisé, en particulier à l'approche des fêtes de Noël, lorsque divertir les troupes devient une priorité. Des vedettes du spectacle tels que Maurice Chevalier, Joséphine Baker, Blanche Denège, Andrex ou encore Fernandel, s'emploient à divertir les soldats. Les politiques ne sont pas en reste. Le roi d'Angleterre, George VI, le premier ministre britannique, Neville Chamberlain, le premier lord de l'Amirauté, Winston Churchill viennent rendre hommage à leurs troupes. Côté français, le président de la République, Albert Lebrun, le président du Conseil, Édouard Daladier, le ministre des finances, Paul Reynaud, rendent régulièrement visite aux unités.

* Quand la propagande fait pschitt.
Grâce à la lecture du courrier ou l'écoute des communications téléphoniques, le gouvernement dispose de nombreux moyens de surveillance de l'opinion.  Il en ressort que plus la drôle de guerre s'installe, plus les Français se montrent désorientés. Les rapports des préfets concernant les réactions dans les salles de cinéma, confirment ce nouvel état d'esprit au sein de la population. A partir de l'hiver 1939, il apparaît que la propagande gouvernementale prend l'eau. Le décalage avec le quotidien toujours plus difficile des Français exaspère. Les sempiternels discours rassurants ne paraissent plus crédibles. Une grande confusion s'empare des esprits. Dès l'automne, le colonel Charles de Gaulle, qui commande un régiment de chars de combat dans l'est, perçoit les effets délétères de cette stratégie de l'attente. Dans une lettre adressée à Paul Reynaud, il écrit:"L'ennemi ne nous attaquera pas de longtemps. Son intérêt est de laisser cuire dans son jus notre armée mobilisée et passive. Puis, quand il nous jugera lassés, désorientés, mécontents de notre propre inertie. Il prendra l'offensive contre nous avec de toutes autres cartes que celles dont il dispose aujourd'hui. (...) A mon avis, il n'y a rien de plus urgent que de galvaniser le peuple français, au lieu de le bercer d'absurdes illusions de sécurité  défensive. Il faut, dans les moindres délais possibles, nous mettre à même de faire une guerre active, en nous dotant des seuls moyens qui vaillent pour cela: aviation, chars ultra puissants organisés en grandes unités cuirassées."

* Cinquième colonne et ennemis de l'intérieur. 
Bien loin de l'unanimisme  affiché et des propos lénifiants de la propagande, l'état de guerre s'accompagne d'un renforcement de la répression et du contrôle de la société. Une véritable psychose s'empare du gouvernement, convaincu de la présence dans  le pays d'ennemis de l'intérieur, d'espions et de saboteurs. Une loi d'exception permet d'appréhender de façon préventive toute personne considérée comme dangereuse pour la sécurité de l’État. Jugés suspects, les ressortissants de l'Allemagne et de l'Autriche sont internés dans des camps de fortune à partir du 5 septembre 1939, alors même que la plupart de ces 20 000 individus sont des réfugiés juifs ou des militants anti-nazis.
En août 1939, la signature du Pacte germano-soviétique alimente l'anticommunisme ambiant. Édouard Daladier alors président du conseil profite de l'occasion pour signer le décret de dissolution du parti communiste français, le 26 septembre. Des dizaines de parlementaires sont arrêtés, le journal l'Humanité interdit.

La chanson emblématique de la drôle de guerre.
Pour se donner du baume au cœur, il paraît plus judicieux d'écouter les chansons d'alors.
 En novembre 1939, Pathé publie "On ira pendr' notre linge sur la ligne Siegfried", adaptation hexagonale de The washing on the Siegfried line, une chanson  de marche  irlandaise composée par Michael Carr et Jimmy Kennedy. Le rythme scandé imite par dérision la musique militaire allemande qui accompagnait les défilés des troupes marchant au pas de l'oie. Ray Ventura et ses Collégiens adaptent en français cette chanson de circonstance. Les paroles de Paul Misraki  raillent l'efficacité de la ligne Siegfried dont les vaillants pioupious ne tarderont pas à se servir comme d'un étendoir géant. La victoire ne peut échapper à l'armée française. Le refrain tient de la méthode Coué et permet d'entretenir le moral des Français. La chanson se met ainsi au diapason des autorités, car, comme le claironne Paul Reynaud: "Nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts." 
Le titre s'inscrit parfaitement dans la production musicale des années 1930. Alors même que la France connaît de fortes tensions politiques, une très grave crise économique et se trouve confrontée à la montée des périls internationaux, les refrains des chansons de variétés incitent les contemporains à la gaîté, l’insouciance, la facétie, l’amour ou la danse. "Du début de la drôle de guerre à la bataille de France (septembre 1939-juin 1940), on serait bien en peine de trouver une demi-douzaine de chansons martiales à caractère patriotique, elles qui étaient si nombreuses en 1914 (...). Dominent plutôt les évocations sentimentales de la mobilisation (...), les galéjades optimistes du type On ira pendre notre linge sur la Ligne Siegfried (...) par Ray Ventura, ou les appels enjoués au consensus intérieur, dont Ça fait d’excellents Français (...) reste le fleuron", rappelle Yves Borowice. [source B] 

Il en va de même chez l'allié britannique. En 1940, British Pathé  produit ainsi un court dessin animé drôlatique, parodie de la chanson enfantine "Run, Rabbit Run". Ici Adolf Hitler se fait ridiculiser et poursuivre à coups de parapluie par le premier ministre Neville Chamberlain. (3) "Cours, Adolf, cours, Adolf, / Cours, cours, cours / C'est toi qui as commencé / T'as tiré le premier / T'auras pas le dernier mot / Même si on part de zéro / Personne ne croit en toi / T'as pas idée de ce qu'on va faire de ton cas / T'aurais jamais dû tirer le premier / Alors, arrête toi là, Ta croix de fer, vends-la / Cours, Adolf, cours, Adolf"  



* Plan Manstein. 
Le chien aboie et la caravane passe. Au fil des mois, l'état-major allemand élabore un nouveau plan d'attaque, plus hasardeux et audacieux. C'est le plan Manstein qui prévoit d'opérer une percée à travers le massif accidenté des Ardennes, en y concentrant un maximum de forces blindées. 
Le 4 avril 1940, les forces allemandes entrent au Danemark et partent à l'assaut de la Norvège, deux pays pourtant neutres. Hitler entend prendre de cours les alliés dans leur course économique contre le Reich. Les Franco-britanniques ont en effet décidé d'intervenir en Scandinavie pour mettre la main sur le minerai suédois, ressource indispensable au fonctionnement de la machine de guerre allemande. Ce premier affrontement direct entre les deux camps marque la fin de la "drôle de guerre". Alors que ce conflit périphérique s'enlise, Hitler déclenche sa grande offensive à l'ouest le 10 mai.
A la stupéfaction générale, l'armée française subit une déroute totale en à peine plus de cinq semaines. Le 17 juin, tout juste nommé président du conseil, Pétain demande l'armistice dont la signature intervient le 22 à Rethondes dans le wagon même où fut signé celui de 1918. 
A qui imputer la responsabilité de la défaite? Les grands chefs de l'état major déclinent toute responsabilité. "Je suis ici pour défendre l'honneur de l'armée, le gouvernement a pris la responsabilité de la guerre, à lui de prendre la responsabilité de l'armistice", lance le généralissime Weygand à Paul Reynaud qui envisageait lui une capitulation. Pétain, un des grands inspirateurs de la doctrine militaire de l'Etat-major,  milite également pour l'armistice qui présente le grand avantage de dégager les responsabilités de l'armée dans la défaite. Dans son message radiodiffusé du 20 juin, il accuse tout et tout le monde, sauf les grands chefs. "Depuis la victoire, l'esprit de jouissance l'a emporté sur l'esprit de sacrifice. On a revendiqué plus qu'on n'a servi. On a voulu épargner l'effort; on rencontre aujourd'hui le malheur." L'avant veille de Gaulle tenait au contraire le haut commandement pour responsable de la débâcle: "Les chefs qui depuis de nombreuses années, sont à la tête des armées françaises" ont été "surpris" par "la force mécanique et aérienne" de l'ennemi.

Un soldat américain pend son linge sur la ligne Siegfried, en 1945. U.S. Army Signal Corps photograph. Photographer: Wescott.. / Public domain
Au fond, en donnant une fausse impression de sécurité, la ligne Maginot a paradoxalement contribué à l'impréparation à la guerre moderne. Contournée par les troupes allemandes, elle s'est avérée inutile.  Dans L'étrange défaite, rédigée quelques semaines seulement après la déroute, Marc Bloch dressait un constat cinglant: "Si nous n'avons pas eu assez de chars, d'avions ou de tracteurs, ce fut, avant tout, parce qu'on engloutit dans le béton des disponibilités d'argent et de main d’œuvre qui n'étaient pas infinies, sans pour autant avoir la sagesse de bétonner suffisamment notre frontière du Nord, aussi exposée que celle de l'Est; parce qu'on nous apprit à faire reposer toute notre confiance sur la ligne Maginot pour, l'ayant arrêtée trop court sur sa gauche, la laisser finalement tourner. [...] Parce que nos chefs, au milieu de beaucoup de contradictions, ont prétendu avant tout renouveler, en 1940, la guerre de 1915-18. Les Allemands faisaient celle de 1940."
La ligne Siegfried remplit quant à elle son rôle de dissuasion en annihilant toute velléité offensive française en 1939. Elle ne sera percée par les Alliés qu'en 1944. A cette occasion les soldats purent pendre leur linge sur la ligne Siegfried comme le prouve la photo ci-dessus. Un brin optimiste, la chanson avait vu juste, six ans après la date escomptée il est vrai. 
L'immense succès de l'enregistrement de Ray Ventura et ses Collégiens (4) imposa le titre comme l'hymne de la drôle de guerre. Après la déroute française, la chanson fut bannie des ondes vichyssoises, sans doute parce qu'elle rappelait de mauvais souvenir au maréchal et à ses collègues galonnés...   



On ira pendre notre linge sur la ligne Siegfried
Un petit Tommy [soldat britannique] chantait cet air plein d’entrain
En arrivant au camp
Tout les p’tits poilus joyeux apprirent le refrain
Et bientôt tout le régiment
Entonnait gaiement

Refrain: on ira pendr’ notre linge sur la ligne Siegfried
Pour laver le linge, voici le moment
On ira pendr’ notre linge sur la ligne Siegfried
A nous le beau linge blanc.

Les vieux mouchoirs et les ch’mis’s à Papa
En famille on lavera tout ça
On ira pendr’ notre linge sur la ligne Siegfried
Si on la trouve encore là.
On ira là
Tout le monde à son boulot en met un bon coup
Avec un cœur joyeux
On dit que le Colonel est très content de nous
Et tant pis pour les envieux
Tout va pour le mieux.

Refrain 

on ira pendr’ notre linge sur la ligne Siegfried
Pour laver le linge, voici le moment
On ira pendr’ notre linge sur la ligne Siegfried
A nous le beau linge blanc.
Les napp’s à fleurs et les ch’mis’s à Papa
En famille on lavera tout ça
On ira pendr’ notre linge sur la ligne Siegfried
Si on la trouve encore là.
On ira là

Chanson en anglais  
We’re going to hang out the washing on the Siegfried Line.
Have you any dirty washing, mother dear?
We’re gonna hang out the washing on the Siegfried Line.
’Cause the washing day is here.
Whether the weather may be wet or fine.
We’ll just rub along without a care.
We’re going to hang out the washing on the Siegfried Line.
If the Siegfried Line’s still there.. 


Unnamed US Army photographer / Public domain
 Notes:
1. Le terme de ligne Maginot désigne le système entier, mais on le limite souvent uniquement aux défenses frontalières avec l'Allemagne. 
2. On compte des ouvrages d'infanterie, ouvrages d'artillerie, casemates d'infanterie, observatoires d'artillerie. Chacun est protégé de lignes d'obstacles antichars et antipersonnels. "Enfin, une infrastructure de soutien complète l'ensemble: casernements, dépôts de vivres, de munitions, de carburant, réseau téléphonique enterré, usine de production électrique, système de ventilation..." (source D)
3. Chamberlain a pu constater l'échec de sa politique d'apaisement vis-à-vis d'Hitler. La conférence de Munich n'offre qu'un sursis, quelques mois plus tard, les Allemands entrent dans Prague, puis jettent leur dévolu sur la Pologne. Conscient que son pays n'est pas encore prêt à livrer une vraie guerre contre l'Allemagne, il est convaincu du bien fondé de la stratégie défensive adoptée en accord avec la France. Premier Lord de l'amirauté au sein du gouvernement, Winston Churchill  est partisan d'une attitude ferme à l'égard d'Hitler. 
4. Jeune pianiste fondu de jazz, Raymond Ventura forme en 1930 l'orchestre Ray Ventura et ses Collégiens dont feront partie à un moment ou à un autre André Dassary, Jacques Hélian au saxophone, Loulou Gasté, à la guitare, Paul Misraki au piano et Henri Salvador, au chant et à la guitare. Mêlant joyeusement chanson, jazz et sketches, les Collégiens enchaînent les succès avec "Tout va très bien Mme la Marquise" (35), "ça vaut mieux que d'attraper la scarlatine" (36), "Les chemises de l'archiduchesse" (37) "Qu'est-ce qu'on attend pour être heureux" (37), "Sur deux notes" (38), "Comme tout le monde" (38), "Tiens,tiens,tiens"(39), "On ira pendre notre linge sur la ligne Siegfried" (40).
Fuyant l'occupation nazie, ils s'exilent en Amérique du Sud durant la seconde guerre mondiale et y font, avec Henri Salvador en vedette, des tournées triomphales.


Sources: 
A. Documentaire la drôle de guerre.
B. Borowice Yves, « La trompeuse légèreté des chansons. De l'exploitation d'une source historique en jachère : l'exemple des années trente », Genèses, 2005/4 (no 61), p. 98-117. 
C. CHRD Lyon "Chantons sous l'occupation" (pdf) 
D. Ecpad: "la drôle de guerre" (pdf)
E. L'Histoire par l'Image: "Dans la ligne Maginot
- fncv.com.  
- En envor: Morts sur la ligne Siegfried.

mardi 5 mai 2020

"Vous êtes ici". C'est Google Earth qui le dit.

Le 28 avril 2020, en pleine période de confinement pour cause de COVID-19,  Bertrand Burgalat a diffusé Vous êtes ici, douce satire de nos existences hyperconnectées et géolocalisées. Les paroles de Marie Möör évoquent avec poésie un voyage aux quatre coins du monde par écran interposé. Réalisé par Benoît Forgeard et Natacha Serewin, le clip  s'appuie sur les images fournies par le globe virtuel de Google Earth. On y voit des inconnus arpentant des paysages grandioses, en pleine nature, dans des zones isolées, mais pas suffisamment toutefois pour échapper aux objectifs de la firme de Mountain View...
"Vous êtes ici" se réfère à l'esthétique et la vision du monde proposées par Google Earth et autres applis de (géo)localisation, pour mieux les dépasser par l'entremise d'une élégante mélancolie intérieure. Enigmatique, la chanson nous invite à une incursion dans la carte et le territoire.
***
Jusqu'à il n'y a pas si longtemps, les États souverains se réservaient le monopole de l'élaboration des cartes topographiques. Ce pouvoir offrait alors de sérieux atouts. 
Le Moyen Age occidental élabora des cartes fantasmagoriques conformes aux Ecritures: les cartes T dans l'O. [Isidore of Seville / Public domain]
 La carte témoigne de la volonté du pouvoir politique de marquer sa présence dans l'espace. En lien avec la maîtrise effective des territoires, elle permet de s'affirmer, de construire et fixer des frontières, d'aménager, d'administrer (par la fiscalité) (1), elle se révèle en outre très utile pour établir un contrôle économique et commercial sur les territoires.  
La carte s'impose également comme un outil fondamental pour la reconnaissance internationale d'une souveraineté ou pour émettre des revendications territoriales. En ce sens, elle permet de conforter un pouvoir politique et militaire. Jusqu'au XIX° siècle, les cartes - hormis dans le domaine de la navigation - permettent de déterminer et connaître un aire d'influence. La géographie sert d’abord à faire la guerre, administrer, plutôt qu'au voyageur pour s'orienter. 
Au XIV° siècle, l'atelier de cartographes de Majorque aux Baléares, puis les Portugais établirent des cartes des routes de navigation: les portulans. Les informations cartographiées relèvent alors du secret d’État. [Bibliothèque nationale de France / Public domain]


* Géographie française. 
Pour s'en convaincre, développons l'exemple français. Henri IV crée le corps des ingénieurs géographes du roi, dont la mission première était de déterminer les lieux d'implantation des forteresses nécessaires à la protection du royaume. 
En 1744, César-François Cassini de Thury prépare la première carte générale du royaume de France à l'échelle d'une ligne pour cent toises (soit 1/86 400). Composée de 180 feuilles, elle ne sera achevée qu'un siècle plus tard grâce au travail acharné de trois génération de Cassini. Elle présente un niveau de précision encore jamais atteint. 
L'histoire de la fabrication du territoire français est celle de la mise en conformité de l'espace de la monarchie avec un territoire qui offre des garanties de sécurité. L'idée de faire correspondre les limites du royaume avec des frontières dites naturelles (Pyrénées, Alpes, Rhin) y trouve son origine. La Révolution reprend à son compte ce programme géopolitique. (cf: Michel Foucher, source D)


Famille Cassini (XVIIIe siècle) / Public domain
La géographie française se construit véritablement après la guerre de 1870. D'aucuns considèrent alors que la Prusse a gagné la guerre car les officiers allemands disposaient de bien meilleures cartes d'état-major. C'est la IIIème République qui installe la géographie comme discipline scolaire. Accrochées aux murs des salles de classe, les cartes représentent alors les provinces perdues, mais aussi les possessions françaises de l'empire. A la fin du siècle, la cartographie coloniale produite pour le ministère des colonies ou des revues spécialisées nient les sociétés, les caractéristiques sociales de l'Afrique, ne représentant que les ressources économiques exploitables pour et par les Européens. Ces derniers imposent sur place leur toponymie. Là encore, le géographe et ses cartes se mettent au service des conceptions politiques de l'heure.
Compte tenu du rôle stratégique que peuvent jouer les cartes, leur production en France a longtemps été le monopole du ministère des armées, sous couvert du secret défense. Ce n’est qu’en 1940, avec la création de l’IGN, que la production cartographique ne dépend plus directement de ce ministère. 


La projection de Postel est une projection cartographique azimutale polaire équidistante pour les méridiens. Strebe / CC BY-SA (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0)
* Les choix cartographiques. 
Les cartes géographiques ne sont pas neutres. Elles furent très souvent des instruments de pouvoir et toujours des représentations sélectives, élaborées par un Etat. Il n'y a pas de cartes objectives, mais plutôt des cartes mentales, offrant des représentations tout à la fois réelles et imaginaires, variant au fil du temps, tout en exprimant une sensibilité particulière. La manière dont on cartographie implique des intentions  sous-jacentes. Ainsi, ce qui figurera sur une carte dépend toujours du choix cartographique de son concepteur. Un fond de carte envoie déjà un message subliminal. Pourquoi tel fond plutôt que tel autre? Pourquoi orienter une carte vers le nord plutôt que vers le sud comme le faisaient de nombreuses cartes chinoises? Pourquoi centrer le planisphère sur l'Europe plutôt que l'Océanie?
Comme il s'avère impossible de transformer un objet rond comme la Terre sur un espace plan, il faut choisir une déformation. La projection Mercator, inventée par un cartographe hollandais du XVI° siècle, s'est imposée comme la carte de référence internationale (adoptée par le département d'Etat américain, le quai d'Orsay, Google...). Or, cette projection surreprésente l'hémisphère nord. Le Groenland y figure comme deux fois plus grand que l'Amérique du Sud alors qu'il est huit fois plus petit. Elle participe donc à forger notre perception du monde. Des projections très différentes, inversée comme celle de Peters ou plus conforme à la réalité comme celle de Robinson, existent pourtant. 
Carte de guerre sério-comique de l'année 1899. Fred W. Rose / Public domain. Le dessinateur britannique dessinait des cartes humoristiques destinées à rendre la situation géopolitique européenne aisément compréhensible.
 * Changement d'échelle. 
L'essor technologique et l'émergence des réseaux sociaux obligent à envisager différemment l'espace, à sortir du pavage traditionnel du monde en Etats-nations pour considérer les logiques  à l'échelle mondiale. La table de Peutinger vers 300-350, la cartographie arabe du XI°siècle proposaient déjà des cartes de réseaux où les voisinages, les chemins empruntés comptaient davantage que les positions absolues.
Les États furent longtemps les seules organisations taillées pour mettre en œuvre les dispositifs techniques et humains lourds permettant la construction des cartes. Avec la démocratisation de la production des cartes topographiques, de nouveaux acteurs non étatiques sont apparus, en particulier de grandes multinationales. Ainsi, en 2005,  le  service de cartographie en ligne de Google, lança deux outils qui modifièrent en profondeur la visualisation cartographique. Google Earth permit ainsi "à tout possesseur d'un ordinateur, d'une tablette ou d'un smartphone d'accéder gratuitement et facilement à d'étonnantes images de la Terre et à une cartographie à haute résolution." (2) [source A p 309] 
Le lancement de Google Maps, toujours en 2005, modifie également la manière dont les gens utilisent ou font des cartes.   A leur guise, les utilisateurs peuvent choisir entre plusieurs types de vue (image, satellite ou carte hybride des deux, avec symboles et libellés), visualiser quantités d'informations, zoomer pour découvrir un lieu, une rue, un immeuble en trois dimensions ou orienter les vues à loisir. Le géant américain s'est doté d'un design instantanément identifiable et cohérent à toutes les échelles. L'attraction pour le nouvel outil est encore renforcée par l'intégration de multiples fonctionnalités telles que les itinéraires, les  photographies, la vision panoramique... 

Carte par anamorphose de la population mondiale en 2018. Les cartes anamorphiques n'utilisent pas les distances euclidiennes, mais d'autres modes de relations, de communications entre les Hommes. On étend les surfaces importances aux yeux des humains d'un point de vue démographique, symbolique...  [Max Roser / CC BY (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0)]
* A géographie variable.

 Les cartes proposées par les entreprises commerciales, soucieuses de préserver leurs intérêts, ne sont pas plus neutres que celles conçues au temps des Etats-nations. Les algorithmes retenus pour les fabriquer induisent toujours un choix idéologique, économique... Ainsi, pour ne fâcher personne, Google Maps adapte ses cartes au récit national de chaque pays. Dans le cas des conflits transfrontaliers, l'entreprise américaine propose aux utilisateurs des États la position géopolitique officielle du gouvernement. Les utilisateurs russes de Google Maps constateront ainsi que la Crimée est russe, quand les Français verront qu'elle ne l'est pas. De la même façon, Google Maps contente Indiens et Chinois en représentant la frontière entre les deux Etats selon la vision officielle de chacun des pays. Google, plutôt que de proposer un seul produit pour tout le monde, préfère s'adapter aux différentes législations locales ou faire des choix pour satisfaire ses "clients". Dans le même esprit, les militaires demandent à la firme de ne pas montrer certaines informations (avec des bases floutées, pixelisées ou inaccessibles) ou, au contraire, d'en afficher de très précises  (les camps de prisonnier en Corée du Nord).
La précision des espaces cartographiés varie également en fonction du potentiel économique des territoires. La cartographie de l’Afrique proposée par le géant du numérique américain est ainsi plus approximative que celle de régions plus riches. Quant aux milliardaires cloîtrés dans leurs ghettos dorés, ils peuvent décider de ne pas apparaître sur Google Maps, car leurs résidences fermées empêchent l'accès aux voitures Google qui photographient les rues et les façades. C'est la cas de "Hidden Hills", le quartier des stars  hollywoodiennes à LA.
Moxie Lieberman / CC BY-SA (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0)
 *Géolocalisés. 
La révolution numérique transforme le rapport des particuliers au territoire (et à la carte). Il y a encore vingt ans, nous dépliions tant bien que mal nos cartes pour préparer une balade en montagne ou déterminer un itinéraire routier. Désormais, il suffit de sortir son smartphone et d'utiliser les applications installées pour trouver une boutique, un produit, un événement, rendre visible sa position sur les réseaux sociaux.... La géolocalisation (3) a pris une place considérable dans notre quotidien et rend des services immenses. Elle peut aussi se transformer en un outil très intrusif tant les objets du quotidien nous tracent en permanence: smartphones bien sûr, mais aussi cartes de transports en commun, cartes bancaires...
Sans sombrer dans le complotisme et regretter le temps des chopines à quatre sous, il est important de connaître les implications de ce traçage numérique. Les données collectées peuvent être utiles. L'enregistrement de nos déplacements sert ainsi à réguler le trafic, mais lorsqu'il est croisé avec des informations de consommation, il peut aussi être utilisé à notre insu. Le but de tous les acteurs (4) qui chercher à nous géolocaliser va être de collecter un maximum d'information sur notre comportement. Cette captation massive de données sur la vie d'une personne fournit des métadonnées, un ensemble de renseignements très riches si on dispose d'informations sur la localisation précise de l'utilisateur. Il est alors possible de déterminer le lieu d'habitation, de travail, les  habitudes de consommation, de loisirs, de déplacements... Cette situation ne va pas sans poser de nombreux problèmes: collecte et exploitation des données sans contrôle et à l'insu de l'utilisateur, exfiltration des données vers des serveurs installés à l'étranger (notamment aux Etats-Unis), risque de divulgation d'informations sensibles (convictions politiques, religieuses, informations sur la santé, la sexualité)... Face à ces écueils, la législation tente de s'adapter. (5) L'utilisateur dispose également d'une marge de manœuvre. Il peut toujours changer de logiciel , de système d'exploitation, utiliser des outils alternatifs performants et plus respectueux de la vie privée de l'utilisateur. Il est ainsi possible d'échapper à la dépendance de Google (6) en se tournant vers la concurrence (Apple, Uber utilisent leurs propres cartographies) ou en utilisant  Open Street Map (OSM), qui propose des cartes libres de droit en s'appuyant sur une dynamique communauté d'utilisateurs. OSM s'est d'ailleurs associée avec l'IGN en France pour produire une base adresse utilisable par tous.
Le problème principal reste que, bien souvent, ne voulons pas nous séparer de nos mouchards de poches et semons sur les réseaux nos données personnelles, volontairement, sans qu'aucun tortionnaire ne nous y oblige. Le rêve de tout dictateur en somme... 

"Le monde vu de la 9e Avenue". [CC BY to 2.0. Alyletteri] Cette carte réalisée par Saul Steinberg fit la couverture du New Yorker en 1976. Elle invite chacun à imaginer le monde depuis sa rue et démontre à quel point nos cartes mentales affectent notre rapport au monde.


 * Carte mentale.
Désormais sans sortir de chez soi, avec une simple connexion internet, il est possible de s'évader par écran interposé, ou retracer les itinéraires empruntés lors des dernières vacances d'été. En cas de confinement, cela est bien pratique.  
A condition de s'immerger dans le paysage sans chercher à le noter, le liker ou l'instagramer, il semble possible d'exploiter les ressources offertes par la géolocalisation sans en devenir l'esclave.  A l'heure des feuilles d'autorisation de sortie, Bertrand Burgalat invite également à aller au delà de l'appli, à s'engouffrer dans le plis, dans la faille spatio-temporelle, à prendre la clef des champs pour une excursion onirique qui conduira l'auditeur de la place d'Italie à Capri, en passant par le Grand Canyon, la Pennsylvanie ou Mars. A chacun de construire sa propre carte du tendre, issue de ses expériences individuelles et sensorielles. Purement subjectives, mais ô combien personnelles, ces cartes existent au moins dans nos têtes, se nourrissent de nos réminiscences sensorielles, de nos souvenirs. Allez, il est grand temps de se perdre, "loin, loin, au loin dans les dunes".


Vous êtes ici
Vous êtes ici. Place d’Italie. 
Vous êtes ici 75013 Paris.  
Vous êtes ici dans une chambre aux rideaux cramoisis 
Vous êtes bien là c’est bien ma chambre
C’est bien mon lit 
Mais dans ma tête je suis parti 
En bord de mer plutôt Capri.  

Vous êtes ici.  
Au point précis de la faille spatio-temporelle, 
 Dans le turquoise rebelle qui resplendit,
 Le turquoise aigu de nos vies.  

Vous êtes ici
Où se reposent les loups masqués, les panthères suaves, 
Où les horizons poudrés d’Or respirent encore.  
Vous êtes ici, 
 Ici dans les montagnes saignantes 
Faites de rochers de haute lignée.  
Vous êtes là où je suis barré aux forêts
Basculées qui ondulent en mer au loin,
Il y a des îles en cheveux verts, 
Des lits de mousse et des palmiers nacrés
 Sucrés du rose où va la lune
 Dans les vallées d’ombres farouches
 Loin loin au loin dans les dunes  

Vous êtes ici. 
C’est Google Earth qui le dit. 
Vous êtes là, sous la Grande Ourse. 
Vous êtes ici je suis là-bas, 
Somme toute nous voici dans la course  

Vous êtes ici c’est votre appli qui le dit.  
Au point précis de la faille spatio-temporelle. 
Là où le temps qui passe embrase l’espace avec elle . 
Là où le rêve demeure ici,  
Où bat ce cœur et ce rêve galopant de se fondre vivant, dans l’instant,  
De se fondre vivant pourtant  

Vous êtes ici. Localisé.  
À San Diego ou à Delhi 
sur Mars ou en Pennsylvanie.  
Est-ce moi? 
Est-ce toi qui rêve ? 
Est-ce ta personne vivante qui rêve que je suis ici  
Là bas d’entre les mondes  
Vous glissez basculez mais au moment de tomber pfeww... 
Avec moi vous vous envolez

Notes: 
1. Les Égyptiens de l'Antiquité utilisaient les cartes pour consigner les limites des propriétés foncières et des champs après les crues annuelles du Nil.
2. "La plate-forme de visualisation pour Google Earth fut créée par Keyhole Corp., qui réalisa des cartes et des images par télédetection pour la CIA. Keyhole - racheté par Google en 2004 - fondait ses visualisations sur la superposition d'images obtenues par satellite, photographie aérienne, observation au sol et d'autres outils de cartographie pouvant être interfacés avec des systèmes d'information géographique. Il s'agissait d'un véritable exploit technique car la résolution des cartes et des images change lorsque l'utilisateur zoome, grâce à la superposition et la géorectification des bases de données spatiales et des images de télédétection provenant de différentes sources. Google Earth génère également des modèles numériques à partir des données topographiques radar à haute résolution pour permettre aux utilisateurs de voir la surface de la Terre en trois dimensions." [source A p309]
3Une vingtaine de satellites dédiés émettent des signaux captés par un terminal qui calcule la latitude et la longitude (parfois l'altitude). Le système trouve une myriade d'applications: GPS embarqués dans les voitures, contrôle des camions et marchandises dans le secteur de la logistique, surveillance des condamnés en liberté conditionnelle, traçage des suspects dans le cadre d'enquêtes policières...
4. Il s'agit d'un écosystème complexe comprenant de nombreux acteurs:  l'éditeur du système d'exploitation (Android/Google, IOS/Apple, Microsoft), le constructeur de téléphone, l'opérateur téléphonique, le gestionnaire du marché d'application, le développeur et éditeur d'application, mais aussi les régies publicitaires. Ces régies sont là pour mesurer la fréquentation et servir d'intermédiaire pour la publicité ciblée.  Par le biais de bibliothèques et logiciels intégrés aux applications installés sur nos téléphones, les sociétés collectent des informations, notamment de localisation, pour pouvoir ensuite nous proposer de la publicité. En échange d'une application gratuite et de qualité, la société qui l'a développée se rémunère par le biais de cette publicité ciblée présente sur nos téléphones.  
5. La loi informatique et liberté encadre la géolocalisation dont font l'objet les citoyens français et européens. Ce cadre réglementaire définit les données personnelles comme pouvant être attachées à un individu, de façon directe ou indirecte par le responsable de traitement ou par un tiers. Ainsi l'adresse ip (qui identifie un ordinateur sur internet) et les informations afférentes (historique de navigation, achats...) sont des informations personnelles au vue de la loi française. Le traitement de ces données à caractère personnel doit répondre à des principes et mesures réglementés: obligation de sécurité et d'information de l'utilisateur, obligation de proportionnalité dans la collecte, etc. En France, l'instance de régulation qu'est la CNIL cherche à ce que les acteurs de l'écosystème rendent des comptes.  
6. En publiant ce billet via Blogger, votre humble serviteur est bien conscient d'être assez mal placé pour la ramener...
Carte des night-clubs de Harlem - 1932. Campbell, E. Simms (Elmer Simms); Dell Publishing Company / Public domain
Sources:
A. "Cartes. Explorer le monde", Phaidon, 2015.
B. "De l'Antiquité à Google Maps, la cartographie miroir du pouvoir" (France culture)
C. Nouvelles vagues: "Géolocalisation" avec Vincent Roca combien se vendent nos trajets?"
D. "La cartographie dans les têtes" avec Michel Foucher (Concordance des temps sur France culture)
E. "Histoire de la cartographie" avec Christian Grataloup et Elsa Chavinier (Cultures monde sur France Culture).
F. Le Cartographe: "Histoire de la cartographie moderne (XIX°-XX° siècle)"
G. "Pop et pixels pour Bertrand Burgalat" (RFI)

Liens: 
* Tricatel, la maison de disque fondée par Bertrand Burgalat en 1995.
* Quelques précieuses ressources géographiques sur internet: 
- Visionscarto de Philippe Rekacewicz, haut-lieu de la réflexion cartographique.
- Géoconfluences, "publication à caractère scientifique pour le partage du savoir et pour la formation en géographie".
- L'Atelier d'HG Sempai. Ce site de F. Sauzeau s'avère particulièrement inventif et utile aux professeurs d'histoire et géographie.  
- Cartolycée. "Cartographies, infographies et visualisations pour le lycée" par J-C. Fichet. 
- Cartographie(s) numérique(s) de Sylvain Genevois. "Eduquer à la carte passe aujourd'hui nécessairement par une éducation à l'information et à l'image numériques."  
- Neocarto. "Aucune carte n'est digne d'un regard si le pays de l'utopie n'y figure pas." (Oscar Wilde)
- On peut aussi faire de la géographie en confinement. La preuve avec ce projet mené par Karl Zimmer et ses élèves.  
- Beautiful Maps. Une très jolie collection de cartes.