Rio 1968. Charge de cavalerie afin de mater les manifestations de protestation contre le régime des militaires.
Le leader travailliste João Goulart, héritier politique de Getulio Vargas, devient président de la République du Brésil en 1961. Ses détracteurs l'accusent aussitôt de vouloir instaurer un régime rouge. En pleine guerre froide, l'argument anticommuniste est une carte redoutable que ne se privent pas de jouer la droite et les militaires.
Pourtant, il n'existe alors aucun mouvement de lutte armée au Brésil. Quant à Goulart, si il s'appuie comme son mentor sur la mobilisation des masses populaires et engage quelques réformes sociales, il n'a pourtant rien d'un bolchevique comme l'atteste son discours nationaliste, fort peu révolutionnaire.
Après plusieurs mois de conspiration, un coup d'État militaire renverse le président le 31 mars 1964. (1) La bourgeoisie et les classes moyennes applaudissent et soutiennent le nouveau gouvernement militaire. Les généraux déclarent vouloir éradiquer la "subversion communiste" en adoptant des mesures d'exceptions au nom de la "sécurité nationale".
Répression dans les rues de Rio. (1968).
Le pouvoir mène une « guerre révolutionnaire » théorisée et transmise aux officiers brésiliens par les militaires nord-américains (via l'école des Amériques) et français. Pour triompher, tous les coups sont permis. Le Service national d'informations met en place un fichage systématique de la population. La police politique (« DOPS ») et les cellules d'enquêtes et de torture (DOI-CODI ) pratiquent la torture.
Au totale, la dictature serait responsable d'au moins 400 morts et disparus parmi les opposants emprisonnés.
Au lendemain du coup d'état, les généraux annoncent qu'ils ne conserveront le pouvoir qu'une seule année, le temps de "réorganiser le pays." Dans l'immédiat, Humberto Castelo Branco dirige le Brésil. Premier d'une série de 5 généraux-présidents qui se succèdent à la tête de l’État de 1964 à 1985, il se garde bien de respecter l'engagement pris. (2)
Si dans l'année qui suit le coup d'Etat, une résistance pacifique demeure possible, les droits fondamentaux n'en sont pas moins bafoués. En dépit de l'autoritarisme manifeste du régime, les militaires maintiennent une démocratie de façade. Deux partis officiels, l'ARENA et le MDB, censés incarner la majorité et l'opposition, se substituent aux formations politiques existantes. Dans les faits, les élections sont truquées, quant au Congrès, il est vidé de ses attributions.
Rapidement le régime se durcit. Dès 1967, une nouvelle constitution renforce le poids de l'exécutif.
Contre cette chape de plomb, une grande manifestation rassemble à Rio, le 26 juin 1968, plus de 100 000 personnes, dont de nombreux étudiants qui réclament de meilleures conditions d'enseignement et le rétablissement de la démocratie. Les militaires répriment violemment et occupent les universités. Des groupes d'extrême droite tels que le Commandement des chasseurs de communistes ou le Mouvement anti-communiste, font leur apparition, semant la terreur sur les campus.
Les timides velléités de résistance au Congrès servent de prétexte à la junte pour organiser un deuxième coup d'état, plus dur. L'adoption le 13 décembre 1968 de l'acte institutionnel n° V, marque l'entrée du régime dans une phase particulièrement répressive. Le Congrès est dissous, les droits civils invalidés (légalisant l'emprisonnement sans jugement).
Cette répression s'accompagne d'une intense propagande destinée à convaincre l'opinion des bienfaits du régime. En parallèle, une commission de censure est établie, dont sont victimes tous les artistes, en particulier les chanteurs et musiciens populaires. Beaucoup quittent alors le pays et s'exilent (3), précipitant "l'hibernation culturelle" du pays.
Ces manifestations rassemblent des candidats, préalablement sélectionnés par un jury. Les chanteurs retenus interprètent alors leurs morceaux en direct devant les caméras. Le public, nombreux, participe et manifeste son enthousiasme ou son rejet, en fonction des talents musicaux ou des prises de position politiques des interprètes. A l'issue de l'ensemble des prestations, le jury désigne les vainqueurs qui reçoivent un trophée et bénéficient d'une couverture médiatique susceptible de lancer leurs carrières.Le leader travailliste João Goulart, héritier politique de Getulio Vargas, devient président de la République du Brésil en 1961. Ses détracteurs l'accusent aussitôt de vouloir instaurer un régime rouge. En pleine guerre froide, l'argument anticommuniste est une carte redoutable que ne se privent pas de jouer la droite et les militaires.
Pourtant, il n'existe alors aucun mouvement de lutte armée au Brésil. Quant à Goulart, si il s'appuie comme son mentor sur la mobilisation des masses populaires et engage quelques réformes sociales, il n'a pourtant rien d'un bolchevique comme l'atteste son discours nationaliste, fort peu révolutionnaire.
Après plusieurs mois de conspiration, un coup d'État militaire renverse le président le 31 mars 1964. (1) La bourgeoisie et les classes moyennes applaudissent et soutiennent le nouveau gouvernement militaire. Les généraux déclarent vouloir éradiquer la "subversion communiste" en adoptant des mesures d'exceptions au nom de la "sécurité nationale".
Répression dans les rues de Rio. (1968).
Le pouvoir mène une « guerre révolutionnaire » théorisée et transmise aux officiers brésiliens par les militaires nord-américains (via l'école des Amériques) et français. Pour triompher, tous les coups sont permis. Le Service national d'informations met en place un fichage systématique de la population. La police politique (« DOPS ») et les cellules d'enquêtes et de torture (DOI-CODI ) pratiquent la torture.
Au totale, la dictature serait responsable d'au moins 400 morts et disparus parmi les opposants emprisonnés.
Au lendemain du coup d'état, les généraux annoncent qu'ils ne conserveront le pouvoir qu'une seule année, le temps de "réorganiser le pays." Dans l'immédiat, Humberto Castelo Branco dirige le Brésil. Premier d'une série de 5 généraux-présidents qui se succèdent à la tête de l’État de 1964 à 1985, il se garde bien de respecter l'engagement pris. (2)
Si dans l'année qui suit le coup d'Etat, une résistance pacifique demeure possible, les droits fondamentaux n'en sont pas moins bafoués. En dépit de l'autoritarisme manifeste du régime, les militaires maintiennent une démocratie de façade. Deux partis officiels, l'ARENA et le MDB, censés incarner la majorité et l'opposition, se substituent aux formations politiques existantes. Dans les faits, les élections sont truquées, quant au Congrès, il est vidé de ses attributions.
Rapidement le régime se durcit. Dès 1967, une nouvelle constitution renforce le poids de l'exécutif.
Contre cette chape de plomb, une grande manifestation rassemble à Rio, le 26 juin 1968, plus de 100 000 personnes, dont de nombreux étudiants qui réclament de meilleures conditions d'enseignement et le rétablissement de la démocratie. Les militaires répriment violemment et occupent les universités. Des groupes d'extrême droite tels que le Commandement des chasseurs de communistes ou le Mouvement anti-communiste, font leur apparition, semant la terreur sur les campus.
Les timides velléités de résistance au Congrès servent de prétexte à la junte pour organiser un deuxième coup d'état, plus dur. L'adoption le 13 décembre 1968 de l'acte institutionnel n° V, marque l'entrée du régime dans une phase particulièrement répressive. Le Congrès est dissous, les droits civils invalidés (légalisant l'emprisonnement sans jugement).
Cette répression s'accompagne d'une intense propagande destinée à convaincre l'opinion des bienfaits du régime. En parallèle, une commission de censure est établie, dont sont victimes tous les artistes, en particulier les chanteurs et musiciens populaires. Beaucoup quittent alors le pays et s'exilent (3), précipitant "l'hibernation culturelle" du pays.
Dans les rues de Rio, une importante manifestation rassemble 100 000 personnes contre le régime militaire, le 26 juin 1968. On y voit ici Chico Buarque, ainsi que Vinicius de Moraes à l'arrière plan. D'autres clichés sur ce site brésilien.
Dans un premier temps pourtant, la musique populaire semble échapper aux foudres du régime. Elle s'impose même comme le principal vecteur d'une dissidence politique exprimée en musique, dans le cadre des festivals de chansons organisés par les chaînes de télévision (Record, Excelsior, Globo).
L'ère des festivals débutent en 1965 et se clôt avec l'adoption de l'acte n°V fin 1968. Cette période, brève, permet néanmoins de révéler quelques très grands talents, promis parfois à un bel avenir musical. Ainsi, en 1967, Edu Lobo remporte le 1er prix du festival TV record grâce à sa chanson Ponteio, une critique subtile et déguisée de la répression politique ("Courant le monde / je ne quitte jamais ma guitare / je verrai un jour nouveau / et un nouvel endroit pour chanter").
En 1966, Porta-Estandarte (Porte-étendard) de Geraldo Vandré remporte le premier prix du festival TV Excelsior. Élève de João Giberto, Vandré yincorpore de nombreux éléments de musique folklorique dans ses compositions. Ses textes, contestataires, prennent rapidement pour cible le système en place et fustigent l'exploitation économique de millions de Brésiliens.
Son morceau Para não dizer que nao falei das flores ("Pour ne pas dire que je n'ai pas parlé des fleurs") aussi connu sous le titre Caminhando (chemin faisant), se termine par une charge frontale contre les militaires sur un ton de résistance pacifique: "Il y a des soldats armés, / armés ou pas / presque tous perdus les armes à la main / dans les casernes on leur apprend une vieille leçon / Mourir pour la patrie et vivre sans raison (...) L'amour en tête, les fleurs au sol / La certitude au front, l'histoire dans la main / marchant et chantant et suivant la chanson / Apprenant et enseignant une nouvelle leçon"
Caminhando remporte la troisième place du festival international de chanson de Rio en 1968. Aussitôt interdit pour "paroles subversives, (...) offense aux forces armées", le morceau s'impose néanmoins comme l'hymne du mouvement de contestation étudiant.
La police politique brésilienne réprime férocement les manifestations étudiantes en 1968.
Lors du festival TV records MPB Festival de 1966, Disparada, une autre chanson de Vandré - l'histoire d'un vaqueiro nordestin traité comme le bétail qu'il garde pour le compte de riches fermiers - est en compétition pour la première place avec A banda (l'Orchestre), une marcha interprétée par Nara Leão et un jeune chanteur compositeur: Chico Buarque de Hollanda.
Les deux titres l'emportent finalement ex-æquo.
A banda lance véritablement la carrière de Buarque. Pour de nombreux Brésiliens, ce mélodiste exceptionnel et parolier hors pair, incarne désormais le défenseur de la musique traditionnelle brésilienne, mise à mal selon eux par les assauts de la chanson protestataire (Lobo, Vandré) et par le mouvement tropicaliste. (4) Le chanteur fait alors l'objet d'une véritable idolâtrie, qu'il supporte mal. Mais, tout change en 1968.
Sa pièce Roda Viva (une expression qui signifie "commotion") raconte l'histoire d'une jeune pop star littéralement dévorée par son public. Les représentations suscitent aussitôt le scandale, en particulier lorsque les acteurs proposent au public de partager les restes de la star. A São Paulo, un groupe d'extrême droite tabasse les acteurs, menacés de mort quelques jours plus tard à Porto Alegre. Pas en reste, les censeurs du gouvernement interdisent séance tenante toute nouvelle représentation de la pièce. Lassé un temps d'être utilisé ou récupéré, Chico Buarque ne fait désormais plus du tout l'unanimité...
Face au durcissement du régime fin 1968 et l'application de l'Acte V, les chanteurs doivent adopter de nouvelles stratégies de résistance très élaborées. Plutôt que de prendre ouvertement position contre la dictature, certains usent de méthodes plus subtiles, mais, en définitive, tout à fait redoutables. Ils pratiquent alors l'art du double-sens et usent de métaphores bien senties. La signification des morceaux n'échappe d'ailleurs pas à un auditoire habitué aux expressions codées.
Ainsi, en 1973, de retour d'exil, et alors que la censure redouble de plus belle, Chico Buarque et Gilberto Gil composent Cálice. (5) Le titre, ironique, repose sur une homophonie presque parfaite entre le "calice" et l'impératif "Cale-se", qui signifie "ferme là". Le recours à une image religieuse forte permet en outre de dénoncer la complicité et le mutisme d'une grande partie de l’Église catholique avec un pouvoir brutal, qui viole les droits fondamentaux.
Lors de leur première interprétation de Cálice sur scène, Chico et Gil en sont empêchés par la police qui coupe leurs micros; témoignant, s'il en était besoin, de la pertinence d'un morceau fustigeant l'absence de liberté d'expression.
Au bout du compte, l'implacable dictature et la vigueur de sa censure, ne parvinrent pas à tarir l'exceptionnelle créativité musicale du Brésil.
Superbe version de Cálice interprétée par Chico Buarque et Milton Nascimento.
Notes:
1. Ce putsch ouvre le bal d'une série de coup d'état qui conduisent au pouvoir des régimes autoritaires dans tout le sous-continent: l'Uruguay (1973-1985), le Chili (1973-1990) et l'Argentine (1976-1982)... Mieux, la dictature brésilienne devient un modèle. Les juntes militaires phagocytent les classes politiques civiles. Officiers et technocrates occupent désormais les postes de responsabilité.
Au Brésil comme ailleurs, l'armée impose ses valeurs fondées sur l'antiparlementarisme, l'anticommunisme, l'obéissance aveugle aux ordres...
2. Castelo Branco (1964-1967), Costa e Silva (1967-1969), Medici (1969-1974), Geisel (1974-1979) et Figueiredo (1979-1985).
Si la décennie 1970 correspond au "miracle économique brésilien." Cette période faste ne dure guère. Le choc pétrolier provoque notamment une envolée de la dette publique dès la fin de la décennie.
Dans ce contexte défavorable, la conjoncture politique s'inverse. Alors, que d'importantes fractions de la population brésilienne s'étaient accommodées jusque là des militaires, l'inflation galopante précipite leur discrédit. L'assouplissement de la dictature permet en outre l'apparition du PMDB. Ce parti éclectique parvient en quelques mois à fédérer une grande partie de l'opposition. Le processus d'ouverture échappe bientôt aux militaires avec une recrudescence des manifestations (étudiantes et ouvrières) et mouvements sociaux (le parti des travailleurs dirigé par Lula, président du syndicat des métallurgistes, supervise d'importantes grèves en 1980). Ils ne peuvent empêcher l'élection d'un civil à la présidence, en 1985.
Le bilan économique et social de 21 ans de dictature s'avère déplorable. Le "miracle économique" n'a profité qu'à une infime minorité, alors que la misère continuait de sévir dans les campagnes. Pour preuve, sur une population de 140 millions d'individus en 1985, on dénombre 60 millions de sous-alimentés et 30 millions d'analphabètes. Quant aux inégalités sociales, elles sont abyssales: 1% de la population détient alors la moitié des terres disponibles.
3. Emprisonnés en 1969, Gilberto Gil et Caetano Veloso s'exilent à Londres. Chico Buarque quitte le Brésil pour l'Italie en 1969. La même année, Edu Lobo part pour les EU en 1969. Quant à Vandré, il erre au Chili, en Algérie, en Grèce, en France entre 1969 et 1973.
4. Gilberto Gil et Caetano Veloso inventent en 1967 une musique psychédélique qui associe rock et thèmes afro-bahianais. Cette révolution esthétique suscite très vite l'ire des militaires pour lesquels l'usage de la guitare démontre la complicité du tropicalisme avec l'impérialisme nord-américain!
De leur côté, Gilberto Gil et Caetano Veloso reprochent alors à Buarque son "conservatisme" musical. La brouille ne dure guère et, une fois revenus d'exils, tous trois collaborent artistiquement.
5. Depuis 1965, toutes les chansons doivent passer devant la Divisão de Censura de Diversões Publicas qui interdit de très nombreuses œuvres. Par exemple, entre 1974 et 1975, presque aucun titre de Chico Buarque n'obtient l'approbation de cette commission. Pour dribler ses censeurs, il en vient à adopter un pseudo, Julinho de Adelaide.
Si la décennie 1970 correspond au "miracle économique brésilien." Cette période faste ne dure guère. Le choc pétrolier provoque notamment une envolée de la dette publique dès la fin de la décennie.
Dans ce contexte défavorable, la conjoncture politique s'inverse. Alors, que d'importantes fractions de la population brésilienne s'étaient accommodées jusque là des militaires, l'inflation galopante précipite leur discrédit. L'assouplissement de la dictature permet en outre l'apparition du PMDB. Ce parti éclectique parvient en quelques mois à fédérer une grande partie de l'opposition. Le processus d'ouverture échappe bientôt aux militaires avec une recrudescence des manifestations (étudiantes et ouvrières) et mouvements sociaux (le parti des travailleurs dirigé par Lula, président du syndicat des métallurgistes, supervise d'importantes grèves en 1980). Ils ne peuvent empêcher l'élection d'un civil à la présidence, en 1985.
Le bilan économique et social de 21 ans de dictature s'avère déplorable. Le "miracle économique" n'a profité qu'à une infime minorité, alors que la misère continuait de sévir dans les campagnes. Pour preuve, sur une population de 140 millions d'individus en 1985, on dénombre 60 millions de sous-alimentés et 30 millions d'analphabètes. Quant aux inégalités sociales, elles sont abyssales: 1% de la population détient alors la moitié des terres disponibles.
3. Emprisonnés en 1969, Gilberto Gil et Caetano Veloso s'exilent à Londres. Chico Buarque quitte le Brésil pour l'Italie en 1969. La même année, Edu Lobo part pour les EU en 1969. Quant à Vandré, il erre au Chili, en Algérie, en Grèce, en France entre 1969 et 1973.
4. Gilberto Gil et Caetano Veloso inventent en 1967 une musique psychédélique qui associe rock et thèmes afro-bahianais. Cette révolution esthétique suscite très vite l'ire des militaires pour lesquels l'usage de la guitare démontre la complicité du tropicalisme avec l'impérialisme nord-américain!
De leur côté, Gilberto Gil et Caetano Veloso reprochent alors à Buarque son "conservatisme" musical. La brouille ne dure guère et, une fois revenus d'exils, tous trois collaborent artistiquement.
5. Depuis 1965, toutes les chansons doivent passer devant la Divisão de Censura de Diversões Publicas qui interdit de très nombreuses œuvres. Par exemple, entre 1974 et 1975, presque aucun titre de Chico Buarque n'obtient l'approbation de cette commission. Pour dribler ses censeurs, il en vient à adopter un pseudo, Julinho de Adelaide.
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"Cálice" (Chico Buarque et Gibeto Gil) 1973
(Version de Chico Buarque et Milton Nascimento)
Pai, afasta de mim esse cálice | Père, éloigne de moi ce calice |
Pai, afasta de mim esse cálice | Père, éloigne de moi ce calice |
Pai, afasta de mim esse cálice | Père, éloigne de moi ce calice |
De vinho tinto de sangue | De vin rouge de sang |
Como beber dessa bebida amarga | Comment boire de cette boisson amère |
Tragar a dor, engolir a labuta | Avaler la douleur, avaler le labeur |
Mesmo calada a boca, resta o peito | Si la bouche est muette, il reste le coeur |
Silêncio na cidade não se escuta | Silence en ville on n’écoute pas |
De que me vale ser filho da santa | A quoi me sert d’être fils de sainte |
Melhor seria ser filho da outra | Être fils d’une autre serait mieux |
Outra realidade menos morta | Une autre réalité moins morte |
Tanta mentira, tanta força bruta | Tant de mensonges, tant de force brute |
Pai, afasta de mim esse cálice | Père, éloigne de moi ce calice |
Pai, afasta de mim esse cálice | Père, éloigne de moi ce calice |
Pai, afasta de mim esse cálice | Père, éloigne de moi ce calice |
De vinho tinto de sangue | De vin rouge de sang |
Como é difícil acordar calado | Comme il est dur de se réveiller muet |
Se na calada da noite eu me dano | Si dans la nuit muette je me damne |
Quero lançar um grito desumano | Je veux lancer un cri inhumain |
Que é uma maneira de ser escutado | Une manière d’être entendu |
Esse silêncio todo me atordoa | Tout ce silence m’étourdit |
Atordoado eu permaneço atento | Etourdi je demeure attentif |
Na arquibancada pra a qualquer momento | Dans la tribune pour à tout instant |
Ver emergir o monstro da lagoa | Voir émerger le monstre du lac |
Pai, afasta de mim esse cálice | Père, éloigne de moi ce calice |
Pai, afasta de mim esse cálice | Père, éloigne de moi ce calice |
Pai, afasta de mim esse cálice | Père, éloigne de moi ce calice |
De vinho tinto de sangue | De vin rouge de sang |
De muito gorda a porca já não anda | Trop grosse, la truie n’avance déjà plus |
De muito usada a faca já não corta | Trop usé, le couteau ne coupe déjà plus |
Como é difícil, pai, abrir a porta | Comme il est dur, père, d’ouvrir la porte |
Essa palavra presa na garganta | Ce mot emprisonné dans la gorge |
Esse pileque homérico no mundo | Cette griserie homérique dans le monde |
De que adianta ter boa vontade | A quoi sert la bonne volonté |
Mesmo calado o peito, resta a cuca | Si le coeur est muet, il reste la tête |
Dos bêbados do centro da cidade | Des ivrognes du centre-ville |
Pai, afasta de mim esse cálice | Père, éloigne de moi ce calice |
Pai, afasta de mim esse cálice | Père, éloigne de moi ce calice |
Pai, afasta de mim esse cálice | Père, éloigne de moi ce calice |
De vinho tinto de sangue | De vin rouge de sang |
Talvez o mundo não seja pequeno | Le monde n’est peut-être pas petit |
Nem seja a vida um fato consumado | Ni la vie un fait consommé |
Quero inventar o meu próprio pecado | Je veux inventer mon propre péché |
Quero morrer do meu próprio veneno | Je veux mourir de mon propre venin |
Quero perder de vez tua cabeça | Je veux pour toujours perdre ta tête |
Minha cabeça perder teu juízo | Ma tête perdre ton esprit |
Quero cheirar fumaça de óleo diesel | Je veux sentir la fumée du diesel |
Me embreagar até que alguem me esqueça | M’enivrer jusqu’à ce que quelqu’un m’oublie |
(Traduction de Georges da Costa)
Sources:
- Maud Chirio: "20 ans de dictature militaire", in L'Histoire n°366, 07/2011.
- Chris Mac Gowan et Ricardo Pessanha: "Le son du Brésil. Samba, bossa nova et musiques populaires", éditions Lusophone, 2000.
- Pierre Vayssière: "L'Amérique latine de 1890 à nos jours", coll° Carré histoire, Hachette, 1999.
Liens:
* D'autres titres consacrés au Brésil et son histoire sur l'histgeobox:
- Chico Buarque: "Funeral de um labrador": Funérailles d'un laboureur, une mélopée lente, tragique. Le poète y décrit l'enterrement d'un pauvre hère qui n’a pour tout bien que la fosse dans laquelle il repose sur les terres du grand propriétaire terrien.
- Chico Buarque: "Construçao". Zoom sur les candangos, les ouvriers qui construisirent Brasilia, promue capitale du pays en 1960.
- Luis Gonzagua: "Asa Branca". Le roi du baião décrit une de ces terribles sécheresses qui s'abattent à intervalle irrégulier sur le sertão, le "polygone des sécheresses", à l'intérieur du Nordeste.
* L'indispensable Blogothèque propose un post consacré à Calabar, autre grand disque censuré de Chico Buarque: "Brésil 73"
* Très bonne mise au point sur les musiques du Brésil: "La Musique brésilienne derrière les clichés." (merci Boebis)
* Un autre blog formidable, l'Elixir du dr Funkathus qui s'intéresse tout spécialement aux musiques brésiliennes: "Le "Cálice" de Chico Buarque et Gilberto Gil, des images exceptionnelles de 1973."
* Un dossier intéressant sur la MPB, en particulier le tropicalisme sur le site de la Médiathèque de Vincennes. (format PDF ici)
* Médiathèque de la cité de la musique: "MPB et dictature. "
- Chico Buarque: "Funeral de um labrador": Funérailles d'un laboureur, une mélopée lente, tragique. Le poète y décrit l'enterrement d'un pauvre hère qui n’a pour tout bien que la fosse dans laquelle il repose sur les terres du grand propriétaire terrien.
- Chico Buarque: "Construçao". Zoom sur les candangos, les ouvriers qui construisirent Brasilia, promue capitale du pays en 1960.
- Luis Gonzagua: "Asa Branca". Le roi du baião décrit une de ces terribles sécheresses qui s'abattent à intervalle irrégulier sur le sertão, le "polygone des sécheresses", à l'intérieur du Nordeste.
* L'indispensable Blogothèque propose un post consacré à Calabar, autre grand disque censuré de Chico Buarque: "Brésil 73"
* Très bonne mise au point sur les musiques du Brésil: "La Musique brésilienne derrière les clichés." (merci Boebis)
* Un autre blog formidable, l'Elixir du dr Funkathus qui s'intéresse tout spécialement aux musiques brésiliennes: "Le "Cálice" de Chico Buarque et Gilberto Gil, des images exceptionnelles de 1973."
* Un dossier intéressant sur la MPB, en particulier le tropicalisme sur le site de la Médiathèque de Vincennes. (format PDF ici)
* Médiathèque de la cité de la musique: "MPB et dictature. "