Le 15 août 2023, au cours d'un entretien, la chanteuse Juliette Armanet attaque frontalement Les Lacs du Connemara, moquant son "côté scout, sectaire" et taxant la musique de Jacques Revaux "d'immonde". "C'est de droite, rien ne vas", conclut-elle, lapidaire. Les propos, savamment relayés par des médias en manque de scoop, font polémiques. Le titre, saturé de clichés, décrit un mariage irlandais traditionnel et n'a rien de spécialement "de droite". À défaut d'être très intelligents, les propos de la chanteuse nous permettront de nous interroger sur la vision de la France, de son histoire et de sa société, véhiculée dans les enregistrements de Michel Sardou.
* Contre l'anti-américanisme.
Fils du comédien Fernand Sardou et de la danseuse Jacky Rollin, Michel s'initie au théâtre, fait du cabaret, puis se lance dans la chanson en 1966. Les débuts sont timides. Dans un premier temps, la conception des chansons est généralement assurée par Jacques Revaux pour la musique, et Pierre Delanoë pour les paroles. En 1967, alors que sur les campus, les étudiants protestent contre l'engagement au Vietnam et brûlent la bannière étoilée, Sardou enregistre "Les Ricains", sur fond de musique western. L’année précédente, Charles de Gaulle a condamné l’intervention de Washington et claqué la porte du commandement intégré de l’OTAN. À rebours, le chanteur salue le sacrifice des GI's qui débarquèrent sur les plages normandes en 1944. "Si les Ricains n'étaient pas là / Vous seriez tous en Germanie / A parler de je ne sais quoi / A saluer je ne sais qui", chante-t-il. Pour renforcer le propos, il insère dans un des enregistrements les échos d'un meeting nazi. Sans être interdite, la chanson est "déconseillée" aux programmateurs de la radio nationale. Le titre, remarqué, contribue à imposer Sardou comme un chanteur à contre-courant.
Avec "Monsieur le président de France", Sardou enfonce le clou. Alors que la guerre du Vietnam suscite l'hostilité de la jeunesse du monde entier, le chanteur, pour mieux pourfendre l'anti-américanisme à l'œuvre, se place dans la peau d'un jeune homme dont le père est mort lors du débarquement allié en Normandie. De la sorte, il se met l'auditeur dans la poche et conclut : "Dites à ceux qui ont oublié, / A ceux qui brûlent mon drapeau, / En souvenir de ces années, / Qu'ce sont les derniers des salauds". Enfin, la plage musicale se clôt par la mélodie d'A long way to Tipperary, si populaire au moment de la Libération. En résumé, la mort de soldats américains en 1944 justifierait l'impérialisme américain au Vietnam.
* Le Franchouillard.
En 1969, Barclay résilie son contrat, estimant qu'il n'est pas fait pour ce métier, mais Sardou persévère et obtient ses premiers succès en titillant la fibre patriotique de l'auditoire. En 1970, Les bals populaires lancent sa carrière. L'ascension est irrésistible et le succès s'installe dans la durée. Dans la foulée de cette première réussite, il enregistre "J'habite en France", forge sa réputation de chanteur populaire, attaché aux valeurs traditionnelles, volontiers cocardier et chantre de la "majorité silencieuse". En cherchant à tordre le cou aux clichés, Sardou en alimente d'autres que l'on pourrait résumer ainsi : le Français ne picole pas, n'est pas plus con qu'un autre, baise bien sa femme et fait de la bonne musique. L'arrangement met ici à l'honneur les cuivres agressifs, une rythmique lourde, un accordéon, histoire de faire couleur locale.
* Les pages du livre d'histoire.
L'histoire constitue une des thématiques récurrentes de l'œuvre de Sardou. Puisons dans ce riche répertoire.
En 1983, "L'an mil" accumule clichés et approximations
historiques, offrant une vision caricaturale d'un sombre Moyen Âge. Inspiré très librement d'un livre de Georges
Duby, « L'An Mil » est un titre-fleuve avec des changements de rythme,
des montées dramatiques et des pauses inquiétantes. ["Des crucifix brisés rouillent en haut des montagnes / Des abbayes se changent en maison de campagne / Des peuples enfants gaspillent la dernière fontaine / Des peuples fous répandent la fureur et la haine".]
Son "Danton" (1972), co-écrit avec Maurice Vidalin, fait du révolutionnaire un patriote raisonnable, mettant en garde ses juges contre le fanatisme et les excès à venir du Comité de Salut Public. Danton peut être compris comme une dénonciation des
révolutionnaires qui se réclament de Robespierre et des Jacobins.
Sardou prophétise la venue d'un tyran, qui pourrait être Napoléon ou de Gaulle. L’interprétation, qui oppose la voix de l’interprète à celle d’une foule
sur un fond de musique martiale, fait de l’homme sensé la victime du
groupe. ["Les pauvres ont besoin de l'église / C'est un peu là qu'ils sont humains / Brûler leur Dieu est la bêtise / Qu'ont déjà commis les Romains / Ils ont toujours, dans leur malheur / La certitude d'un sauveur / Laissez les croire à leur vision / Chassez de nous ce Robespierre / Rongé de haine et de colère, / Cet impuissant fou d'ambition"]
En plein bicentenaire de la Révolution, Sardou enregistre "Un jour la liberté" (1989). Il y fustige la Terreur, redit son amour de la Liberté en insistant sur la trahison des idéaux des Lumières, dévoyés selon lui par les événements. L'introduction fait un emprunt au Chant des partisans, tandis que les paroles annoncent l'Apocalypse. "Elle avait de bonnes intentions / La Révolution". « Pour proclamer les droits de l'homme / Je m'inscrirai aux Jacobins / Mais comme je crois au droit des hommes / Je passerai aux Girondins » « Si la France était menacée / Comme eux j'irai mourir à pied / […] Mais qu'on brûle un bout de mon champ / Alors je me ferai Chouan »
Opérons un nouveau bond chronologique avec "Le bon temps des colonies" (1975). "Autrefois à Colomb-Béchar, j'avais plein de serviteurs noirs / Et quatre filles dans mon lit, au temps béni des colonies". Le chanteur incarne un colon dans la bouche duquel sous-entendus racistes, clichés, nostalgie déplacée, s'enchaînent. Face à ceux qui l'accusent de faire
l'apologie du colonialisme, le chanteur clame que les paroles sont à prendre au second degré. L'argument peine à convaincre. Le fait colonial y est au contraire assumé dans sa vérité crue: la soumission de populations considérées comme inférieures, l'exploitations de territoires envisagés comme des réserves à matière premières ("On pense encore à toi, oh Bwana / Dis nous ce que t'as pas, on en a"). Or, une fois l'indépendance acquise, l'ancienne métropole n'a plus un accès direct à ces ressources, ce que semble regretter notre chanteur dans "Ils ont le pétrole" (1979). La
richesse matérielle ne fait pas tout. Si les puissances du Golfe ont le
pétrole, des dollars, des barils, ils leur manquent ce qui fait,
d'après Sardou, les petits plaisirs simples de la vie:
"le bon pain", "le bon vin". Le texte se réfère à la campagne lancée
par le gouvernement Barre contre la gabegie, résumée par le slogan: "On
n'a pas de pétrole, mais on a des idées". Les paroles, très agressives à l'encontre des Arabes (jamais désignés) ne font pas dans la dentelle et osent même un douteux
« Martel à Poitiers »…
Sardou aime à brouiller les pistes. Dans "Zombi Dupont" (1973), il raconte l'histoire d'un aborigène vivant au fin fond
de l'Australie et que des « âmes bien pensantes », au nom de ce qu'elles
considèrent être la civilisation, veulent instruire. Nom de baptême,
scolarité, souliers, confort matériel, service national, Zombi Dupont
refusera finalement tout et retournera vivre en « sauvage » au milieu de
sa forêt.
A notre avis, une des plus grandes réussites du chanteur reste sans doute "Verdun" (1979), lieu de bravoure et d'héroïsme, certes mais aussi le théâtre d'une grande boucherie. Sardou insiste sur le décalage dans la représentation de la bataille entre ceux qui y ont participé et ceux qui n'en ont entendu parler que dans les livres. Pour ces derniers, Verdun n'est qu'un "champ perdu dans le nord-est, entre Epinal et Bucarest", "c'est une statue sur la Grand Place / finalement la terreur ce n'est qu'un vieux qui passe".
En 1983, Sardou, aidé du très anticommuniste Pierre Delanoë, se sert de la figure de "Vladimir Ilitch" (1983) pour dresser un réquisitoire contre l'Union soviétique. Les idéaux socialistes ont été trahis par la tyrannie stalinienne, puis par des apparatchiks corrompus, qui n'ont pas hésité à écraser les peuples, de Prague à Varsovie. (« Lénine, relève-toi : ils sont devenus fous », «Toi qui avais rêvé l'égalité des hommes».)
* Géographie de l'à peu près.
De nombreux titres témoignent du goût du chanteur pour le voyage et l'exotisme. L'omniprésence de termes étrangers aux sonorités étonnantes, le lyrisme, teinté d'une certaine nostalgie transportent l'auditeur dans un ailleurs fantasmé. Il est vrai que Sardou, pour y parvenir, ne lésine ni sur les clichés ni sur les approximations géographiques. Exemple avec l'introduction d'Afrique A dieu.
En 1986, Sardou dresse le portrait de "Musulmanes" qui semblent directement sorties de tableaux d'un peintre orientaliste. Les stéréotypes abondent. Ainsi ces femmes, dépeintes comme sensuelles, sont présentées comme des prisonnières, victimes de la violence atavique des hommes. Dans le clip réalisé pour l'occasion, Sardou incarne un pilote de l'Aéropostale échappant à des Touaregs pillards, avec la complicité de femmes voilées.
* Le chanteur donne aussi son avis sur les transformations de la société, l'évolution des mœurs, tant au niveau individuel que dans un cadre familial.
En 1976, J'accuse débute d'abord comme un plaidoyer écologiste, avant que les paroles de Pierre Delanöe ne verse dans l'homophobie. "J'accuse les hommes de croire des hypocrites moitié pédés, moitié hermaphrodite", instrumentalisant au passage la mémoire du malheureux Zola (qui a dû faire un triple salto dans son cercueil). Dans Le rire du sergent, un jeune conscrit se moque de l'officier homosexuel dont il obtient des passe-droits ("la folle du régiment, la préférée du capitaine des dragons"). Dans les "filles d'aujourd'hui", il déplore que ces dernières n'aiment que les "garçons au teint pâle et femelle". Dans Chanteur de jazz (1985), il se gausse des "nuées de pédales" sortant de Carnegie Hall. Les critiques fusent face à cette homophobie décomplexée. L'évolution des mentalités aidant, en 1990, Sardou demande à Didier Barbelivien de lui écrire Le privilège. Il s'y met dans la peau d'un jeune interne homosexuel, hésitant à faire son coming out. Le texte du refrain reste imprégné de préjugés qui font de l'homosexualité une maladie mentale. «Est-ce une maladie ordinaire / un garçon qui aime un garçon» Rappelons que jusqu'en 1992, l'homosexualité reste considérée comme une pathologie psychiatrique.
* Dans plusieurs de ses chanson les femmes correspondent à des archétypes, tour à tour épouse, mère, objet sexuel passif ou putain. Avec "Les vieux mariés" (1973), le chanteur réduit l'épouse à sa fonction procréatrice. "Tu m'as donné de beaux enfants. / Tu as le droit de te reposer maintenant." "Vive la mariée" enfonce le clou : "C'est elle qui me fera bien sûr tous les enfants qu'il me fallait. / Je sais qu'elle en fera des premiers de leur classe, / Des gamins bien polis, des garçons sans copains / Je sais qu'ils apprendront à s'éloigner de moi / A dormir dans son lit, à pleurer dans ses bras"
Quand elles ne sont pas génitrices, les femmes sont là pour assurer la satisfaction sexuelle masculine. “ J’aime bien les moutons / Quand je suis le berger / C'est gentil c'est mignon, / L'été à Saint-Tropez, / Les moutons en jupon ” ( Les Moutons). Lors des ébats, l'homme a toujours le rôle actif, lui seul est capable de procurer la jouissance à sa partenaire, comme en témoignent les paroles de "Je vais t'aimer". C'est encore le cas de « Je veux l'épouser pour un soir, mettre le feu à sa mémoire ». Paroles vantardes et musique emphatique : on est dans la veine du Sardou donjuanesque qui ambitionne « d'épuiser » d'amour les femmes avant de s'éclipser, heureux et repu. Les paroles témoignent d'une certaine idée de la masculinité dans les années 1970.
Dans "Villes de solitude" (1973), Sardou fait chanter par le personnage qu'il incarne : "J'ai envie de violer des femmes. De les forcer à m'admirer. Envie de boire toutes leurs larmes. Et de disparaître en fumée". Le chanteur se défend de faire l'apologie du viol. Le personnage est un loser, frustré, dont les bas instincts et pulsions refoulées sont libérés par l'ivresse. A la fin du titre, dégrisé, il semble reprendre sa place au sein d'"une multitude qui défile au pas cadencé". "Je ne suis pas ce que je chante", répond Sardou à ses accusateurs. L'atmosphère du morceau entretient en tout cas la culture du viol.
En 1981, avec "Etre une femme", Sardou raille l'évolution de la condition féminine. Il se moque de l'effacement des attributs traditionnellement attachés à la féminité (« enceinte jusqu'au fond des yeux, qu'on a envie d'appeler monsieur ; en robe du soir, à talons plats, Qu'on voudrait bien appeler papa »), tout en enchaînant les commentaires concupiscents (« femme des années 1980, mais femme jusqu'au bout des seins (...) Qu'on a envie d'appeler Georges, mais qu'on aime bien sans soutien-gorge »)
* Une France malade et sur le déclin (désindustrialisation, école, dénatalité).
La hantise du déclin traverse l'ensemble de l'œuvre. Sardou paraît obsédé par l'éclipse de l'influence de la France dans le monde. En 1975, "Le France" compte la triste destinée du paquebot du même nom, ce fleuron de l'ingénierie française désormais amarré au « quai de l'oubli » au port du Havre. La chanson, qui reste l'un des plus grands tubes de Sardou, est saluée à sa sortie par les syndicats et les communistes, en même temps qu'elle contribue à donner de lui l'image d'un chanteur patriote. Il y joue le rôle du bateau (« J'étais un bateau gigantesque »), pour mieux dénoncer l'injustice que représente, d'après lui, la fin de son exploitation (« J'étais la France qu'est-ce qu'il en reste, un corps mort pour des cormorans »). La musique, grandiloquente, aurait pu être jouée par l'orchestre du Titanic."6 milliards, 900 millions, 980 mille" (1978) évoque la baisse de la natalité française provoquée, entre autres, par la chute de la fécondité et par le vieillissement de la population. Le spectre de la dénatalité se profile, suscitant l'angoisse de notre chanteur qui redoute que le Français ne soit un peuple en voie d' extinction. "Mais j ' aimerais que quelqu'un vienne m' expliquer pourquoi, / Nous, les champions de l' amour, / Nous en resterons toujours / A n' avoir seulement que
50 millions de Gaulois."
En 1976, alors que la perpétuation de la peine de mort se pose, Sardou enregistre "Je suis pour", un plaidoyer en faveur de la guillotine. Adoptant une méthode que Sarkozy fera sienne ensuite, le chanteur incarne un père dont l'enfant a été assassiné. Rongé par la colère, ce dernier clame son désir de vengeance. Le titre sort en plein affaire Patrick Henry. Sardou se défend de toute apologie de la peine de mort, affirmant avoir fait une chanson sur la loi du talion et les instincts paternels. Il n'empêche, la construction du morceau dit tout l'inverse, car Sardou pose d'abord le réquisitoire : "Tu as volé mon enfant / Versé le sang de mon sang", avant d'énoncer un verdict sans appel : "Tu n'as plus besoin d'avocat / J'aurais ta peau tu périras [...] / Je veux ta mort [...] / J'aurais ta mort [...] / J'aurais ta tête en haut d'un mât" Démagogue, le chanteur crie avec les loups car, à l'époque, si l'on en croit les sondages, une majorité de Français se prononce pour le maintien de la peine de mort. La sortie du morceau suscite une vive polémique. Les concerts s'accompagnent de manifestations hostiles. Des comités anti-Sardou se forment, obligeant le chanteur à interrompre son tour de chant en 1977.
Le système éducatif en prend également pour son grade. Le titre "Les deux écoles" renvoie dos à dos école publique et privée. Il sort en 1984, alors que la majorité socialiste tente de constituer un "grand service public unifié de l'éducation". Pour le ministre Alain Savary, il s'agit d'assujettir aux règles communes les établissements privés bénéficiant de fonds publics. Les paroles du morceau semblent ménager la chèvre et le chou, reconnaissant au privé et au public des qualités et, surtout, des défauts. Reste qu'en établissant une équivalence entre les deux systèmes, le chanteur entérine le fait que le privé reste au-dessus des lois, recrutant ses élèves avec ses propres règles, ce qui aboutit, in fine, à la création d'une ségrégation sociale en matière scolaire. Le 24 juin 1984, Michel Sardou se trouve parmi les deux millions de manifestants qui réclament, et obtiennent, le retrait du projet gouvernemental. En 1992, "le Bac G" lui permet de dénigrer l'enseignement de la filière technologique dispensée dans le secondaire. Dans "100 000 universités", il dépeint un avenir anxiogène et terne, opposant les petits métiers artisanaux, pratiques, à la vacuité des études universitaires, théoriques et inutiles.
La même année, "La débandade" (1984) est une violente charge contre le pouvoir "socialo-communiste" au pouvoir depuis trois ans. "Il y a dans l'air que l'on respire / Comme une odeur, comme un malaise / Tous les rats s'apprêtent à partir / Ne vois-tu rien de ta falaise?" Comme à son habitude, Sardou joue les Cassandre. En phase avec le tournant de la rigueur.
2006, "Allons danser" Sarkozy est sur le point de se lancer à l'assaut de l'Elysée, Sardou semble enregistrer la bande son du quinquennat à venir. "La France, tu l'aimes ou tu la quittes" lançait l'homme aux talonnettes. Pour sa part, Michel chante: "D'où que tu viennes, bienvenue chez moi / En sachant qu'il faut respecter / Ceux qui sont venus longtemps avant toi", ou encore "Parlons enfin des droits acquis / Alors que tout, tout passe ici bas / Il faudra bien qu'on en oublie / Sous peine de ne jamais avoir de droits." Une bonne rengaine de droite en somme.
Conclusion : A bien y regarder, la plupart des morceaux sont ambigus, comme si leur interprète voulait, tout en chérissant la provocation, toujours se ménager une porte de sortie. Sardou se justifie en avançant que lorsqu'il chante, il incarne des personnages fictifs dont les paroles reflètent les opinions, pas les siennes. L'exceptionnelle carrière du chanteur qui court sur bientôt 60 ans, la popularité de ses chansons témoignent, en creux, de la prégnance, au sein d'une grande partie de l'opinion publique française, d'une certaine forme de déclinisme, mais aussi des regrets face à la remise en cause des valeurs traditionnelles. Si le chœur des adeptes du "c'était mieux avant" compte de nombreux membres, Sardou en est indubitablement le coryphée. En même temps, ses morceaux dressent le portrait d'un individu farouchement individualiste et rétif à l'autorité, qu'elle soit incarnée par l'armée ou l'école. Il reste donc difficile de ranger l'artiste dans une case.
Bref, Sardou, "c'est un cri, c'est un chant", une voix, capable de transporter l'auditoire en concert, c'est aussi le poil à gratter d'une chanson française qui a parfois tendance à se regarder le nombril. Alors profitons de ses chansons, car comme chacun sait ( Thomas Croisière plus que quiconque), "la vie c'est plus marrant / c'est moins désespérant / en chantant".
Sources :
A. Jean Viau, « Michel Sardou : une vedette authentiquement marginale », in La Chanson politique en Europe, éditions des P. U. de Bordeaux, 2008.
B. Louis-Jean Calvet et Jean-Claude Klein : "Faut-il brûler Sardou?", éditions Savelli, 1978
C. "De la pire à la meilleure, nous avons classé les 323 chansons de Michel Sardou", Le Point
D. Poscast Stockholm Sardou.
E. L'indispensable chronique de Thomas Croisière sur France Inter.