Pour cette 300ème contribution de l'Histgeobox, l'équipe a choisi de vous présenter à sa manière le titre de Queen We are the champions. Il nous a semblé tout d'abord que notre aventure commune sur le net, partagée avec nos lecteurs fidèles ou occasionnels méritait bien - arrivés à ce nombre respectable d'articles - un brin d'autosatisfaction. Ce titre nous offre l'occasion d'une petite pirouette.
Certain.e.s d'entre nous sont aussi versé.e.s dans la musique que dans le sport (football, cyclisme, boxe, rugby etc) et il nous semblait plutôt intéressant de croiser deux objets emblématiques des évolutions de la culture de masse de la fin du XXème siècle : le sport et le rock.
En la matière, les stades sont devenus les lieux privilégiés pour entendre les hymnes des équipes sportives ou ceux des stars de la pop mondiale. Le sport et la musique se retrouvent, si l'on peut dire, sur un certain nombre de terrains : liesse collective, adoration des idoles ou figures mythiques, culture, sociabilité et ferveur populaires, marchandisation et mondialisation. Deux objets d'histoire, de sociologie, de réflexion aux dynamiques comparables, aux spécificités fortes.
Nous avons donc pensé à Queen qui est vraisemblablement le deuxième groupe le plus populaire de Grande-Bretagne après les Beatles. Né au début des années 1970 dans la banlieue de Londres, la formation musicale entre dans une phase de succès planétaire à partir de la fin de cette décennie. Groupe très singulier affublé d'un guitariste parti pour être astrophysicien, et d'un chanteur d'origine indienne né à Zanzibar, fantasque et déshinibé, mort prématurément du SIDA en 1991, Queen a façonné sa musique à partir d'une multitude de genres musicaux : glam rock, rock progressif, opéra rock etc.
Tube le plus accrocheur de tous les temps d’après une étude scientifique de 2011, We are the champions a contribué à écrire la légende de Queen. Dans le sillage de Led Zepellin, Queen devient un des groupes phares du stadium rock et de ces spectacles monstres qui enivrent les foules rassemblées dans les arènes sportives du monde entier. Lors des live de Queen, We are the champions succédait à We will rock you - commercialisés sur les deux faces du même 45 tours en Grande Bretagne - lors des rappels. Bouquet final du show, les deux chansons commençant par ‘We’ scellaient la communion du public autour du groupe. Mais la vie d’un classique du rock peut prendre parfois d’étranges tournures. Si We are the champions ne semble pas avoir été récupéré pour entretenir la liesse d’une victoire électorale, le titre est utilisé comme instrument de torture musicale, répété en boucle auprès des prisonniers du camp Guantanamo.
D'aucuns nous opposeront que We are the champions a plus à voir avec les arènes de foot qu'avec celles de l'événement sportif dont nous parlerons ensuite. Certes, et le fait qu'il ait retenti au Stade de France après que les bleus aient gagné la coupe du monde de football en 1998 en est la confirmation. Lorsqu'on dit Queen et We are the champions on pense surtout à Wembley, stade que le groupe remplit à de nombreuses reprises. L'une d'entre elle a revêtu une importance particulière, moment tout à fait symbolique du Charity Business et de la mondialisation culturelle : le Live Aid de 1985.
Le rugby et le rock ont donc parfois cela en commun qu'on y joue dans des stades. Alors que le Coupe du Monde de Rugby 2015 se termine, les matchs se succèdent dans des arènes sportives rutilantes du Royaume-Uni. De Londres à Cardiff la légende des stades mythiques du rugby peine à survivre à la marchandisation de plus en plus poussée de ce sport mais aussi tout simplement à l'usure du temps. Twickenham est rénové, Murrayfied à Edinburgh porte désormais le nom de la grande compagnie de télécommunications britannique, le millenium stadium de Cardiff a remplacé l'Arms Park, l'Aviva stadium de Dublin supplée Lansdowne road.
Au début de chaque match en compétition internationale les hymnes sont chantés, moment de solennité et de ferveur qui cimente l'union de l'équipe et des supporters. Si le XV de France entonne l'hymne national, certaines équipes ont du s'adapter à des réalités géopolitiques un peu plus complexes : ainsi les Irlandais ont-ils fait composer l'Ireland's Call pour les compétitions internationales de façon à ne pas aviver la partition du pays au sein du groupe des XV avant d'entamer un match ; les Ecossais quant à eux ne chantent plus le God Save the Queen depuis 1990, lui ayant préféré le magnifique Flower of Scotland.
A l'issue de la compétition, l'équipe gagnante - qui sera forcément issue de l'hémisphère sud - pourra justifier du choix qui fut le nôtre. Elle pourra entonner en brandissant la coupe William Webb Ellis l'hymne des vainqueurs We are the champions.
En attendant, et comme l'histgeobox, c'est aussi de l'histoire, nous nous devons de revenir sur la genèse et l'essor du rugby.
* Au temps de la Queen Victoria : de Rugby à l'empire
Un beau jour de 1823, sur le terrain de sport du prestigieux public school de Rugby, le jeune William Webb Ellis,
16 ans, joue au football avec ses condisciples. C'est alors que, prétend la légende, Ellis décide de changer la règle. Devant ses
camarades hébétés, il s'empare du ballon avec les mains, puis se
met à courir en direction des buts adverses. Sans le savoir, William
Webb Ellis venait d'inventer le rugby... Cette histoire à dormir debout s'impose en tout cas de nos jours comme le mythe fondateur du rugby moderne. Si William Webb Ellis n'est sans doute pas le géniteur de ce sport dont la genèse demeure assez mystérieuse, une chose est sûre, c'est bien à Rugby que la nouvelle discipline voit le jour dans le premier tiers du XIXème siècle.
Sise dans le comté
du Warwickshire, au coeur des Midlands, à une centaine de km au nord de
Londres, la bourgade de Rugby compte environ 70 000 habitants et
abrite une école très renommée. C'est sur la pelouse de cette public
school qu'apparaît ce que l'on appelle aujourd'hui le
rugby. Paradoxalement, ces "Public schools" n'ont rien de public puisqu'elles sont privées et très chères ! Elles accueillent en leur sein les enfants de l'élite du pays, de manière sélective. Le public school boy qui en sort a son avenir assuré en même temps qu'un rapport au reste de la société empreint d'une certaine condescendance. La fréquentation de ces établissements scolaires engendre un certain formatage du mode de pensée. L'éducation reçue permet aux élèves d'acquérir une capacité d'adaptation à toute situation. L'apprentissage du rugby n'est pas étranger à cette propension à garder la tête haute tout en ayant les pieds dans la gadoue !
Si la Rugby School et
ses vieux bâtiments georgiens sont devenus un lieu de pèlerinage incontournable, c'est qu'à peu près tout ce qui touche à l'Ovalie y a été inventé. (1)
C'est sur les terrains de sport de la prestigieuse public school que les matchs de football évoluent vers une forme qui donnera naissance au rugby. Les premières parties de "football-rugby" - comme on appelle alors ce sport - sont très peu codifiées. Deux équipes, comprenant un nombre de joueurs quasi-illimité s'affrontent parfois pendant plusieurs jours ! Ces joutes ressemblent encore à de vastes empoignades collectives où les
combats prédominent. En 1845, pour mettre un peu d'ordre
dans ces gigantesques mêlées, d'anciens « Rugbeians »
dotent le football-rugby de règles. Pour faciliter l'extraction du ballon, l'habitude est prise de le talonner dans son propre camp, puis de le faire circuler de main en main.
Ce sont encore d'anciens
élèves de la Rugby School qui fondent en 1871 la Rugby Football
Union. Or, c'est cette fédération qui légifère pour fixer les règles et le lexique caractéristique du rugby moderne: essai, mi-temps,
hors-jeu, mêlée, adoption de la forme ovale du ballon, limitation du nombre de joueurs (à 15)... (2)
Pour se procurer les ballons, il suffit de pénétrer dans l'échoppe de William Gilbert, située à quelques encablures seulement des terrains de jeu. Le maître des lieux n'est autre que l'inventeur du
ballon ovale de rugby (en 1835) et le fournisseur officiel de la Rugby School. Gilbert se trouve bientôt à la tête d'une entreprise florissante dont le succès ne s'est jamais démenti. A proximité immédiate de la boutique de Gilbert se trouve une maroquinerie. Dans les années 1840, Richard Lindon, son propriétaire, parvient à y mettre au point une chambre en caoutchouc qui se gonfle grâce à une pompe. La traditionnelle vessie de porc a vécu.
Le trophée récompensant les vainqueurs de la coupe du monde
se nomme la Webb Ellis Cup. Les mythes ont la vie dure... |
A partir de cet épicentre, le rugby gagne de proche en proche les autres public schools du centre et du sud de l'Angleterre (Cambridge, Oxford...). L'apparition et l'épanouissement du rugby au sein des bâtiments
scolaires fréquentés par des enfants de la bonne société victorienne, expliquent que le rugby ait été, à l'origine, un sport amateur. Dès les années 1880 cependant,
d'autres groupes de population s'emparent de ce jeu collectif. Les comtés industriels du nord de l'Angleterre, en particulier le Lancashire, deviennent des hauts-lieux du rugby. De nombreux internationaux sont ainsi des mineurs et ouvriers des aciéries qui doivent quitter leur lieu de travail pour participer aux matchs. C'est la raison pour laquelle, ils en viennent à réclamer un dédommagement à la fédération. Devant le refus des dirigeants de la fédération - partisans d'un amateurisme pur et dur car issus des classes dirigeantes - les clubs du Nord de l'Angleterre décident de fonder leurs propres instances: la Northern Union, fédération de rugby à 13 en 1895.
A
partir du foyer anglais, le rugby gagne le reste de la Grande Bretagne et l'Irlande, avant de se diffuser dans l'ensemble de l'empire britannique. Dès les années 1880, Anglais, Écossais, Gallois et
Irlandais s'affrontent dans le cadre d'une compétition opposant les différentes nations entre elles (International Championship). Il s'agit bien sûr de l'ancêtre du tournoi des cinq nations (lorsque la France intègre la compétition en 1910), puis des six Nations (avec l'arrivée de l'Italie en 2000).
En 1886, l'International Rugby Board (IRB) est créé à l'initiative de l'Ecosse, du Pays de Galles et de l'Irlande. Cet organisme conserve la haute main sur la gestion du jeu, la fixation des règles et des statuts, l'organisation des rencontres officielles. Ces dernières impliquent de nombreux déplacements et mettent en présence des joueurs d'origines sociales très différentes. Les tenants de l'entre-soi et de la perpétuation d'un noble game réservé à l'élite et totalement amateur, en sont pour les frais.
Le rugby poursuit sa diffusion dans l'ensemble de l'empire britannique, emboîtant le pas des colons.
- En Nouvelle-Zélande, le rugby s'impose comme le sport de prédilection des colons européens, mais aussi des Maoris, à tel point qu'il devient un
facteur de rapprochement entre ces deux groupes de population. A la faveur des premiers matchs internationaux, les All Blacks (3) se forgent la réputation de guerriers invincibles. En 1905-1906, les joueurs néo-zélandais réalisent une tournée de 7 mois sur le vieux continent et ne subissent qu'une seule défaite sur les trente-trois rencontres jouées.
Face aux All Blacks, la confrontation débute dès les hymnes avec le haka. Cette danse de guerre maorie adoptée par tous les néo-zélandais, cherche à déstabiliser l'adversaire, apeuré par la détermination affichée.
- En Afrique du Sud, les éleveurs du Transvaal s'adonnent les premiers au rugby. Au XXème siècle, le régime d'apartheid réserve la pratique de ce sport aux seuls Blancs et il faudra attendre 1981 pour qu'un joueur noir (Errol Tobias) puisse intégrer l'équipe nationale (Springboks).
- Très tôt introduit en Australie, le rugby peine cependant à s'y développer et reste longtemps pratiqué par les seuls rejetons de la bonne société formés dans les public schools de la Nouvelle-Galles du Sud et du Queensland. La concurrence du football australien, du cricket et du rugby à XIII - qui rétribue les joueurs - empêche longtemps le plein essor du jeu à XV, demeuré amateur. Dans ces conditions, il ne se démocratise que très lentement.
C'est seulement au cours des années 1980, avec la création de la coupe du monde et la professionnalisation que, sous la houlette d'entraîneurs inventifs, les Wallabies australiens s'imposent comme une des équipes phares de la planète-rugby.
De nos jours, les équipes d'Afrique du Sud, d'Australie et de Nouvelle-Zélande dominent les compétitions internationales et possèdent les meilleurs joueurs au monde. Elles s'affrontent tous les ans lors du Rugby Championship, ex-Tri-nations.
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* La Guerre de 100 ans se (re)joue à XV.
Le rugby s'implante parfois avec succès hors de la sphère d'influence britannique, mais toujours cependant dans le sillage des Anglais comme l'atteste le cas de la France. Marchands et étudiants britanniques fondent ainsi le Havre Athletic Club en 1872, puis le Paris football Club quelques années plus tard. Comme en Angleterre, la pratique du rugby en France reste d'abord cantonnée à la bonne société, des milieux universitaires et grandes écoles. Les élèves du lycée Condorcet sont par exemple à
l'origine de la fondation du Racing Club de France (1882), quand ceux du lycée Saint-Louis créent le Stade français (1883).
L'avènement d'une société de loisirs qui plébiscite le sport et les pratiques hygiénistes, l'anglomanie très en vogue expliquent pour une large part le succès fulgurant que remporte le rugby en ce dernier quart du XIXème siècle. A partir de Bordeaux, où la présence britannique est très marquée, le nouveau sport se propage en province et en particulier dans le Sud-Ouest (4) où les clubs se multiplient: stade olympique des
étudiants toulousains en 1893 (futur Stade Toulousain), Biarritz, Agen, Perpignan, Lourdes, Brive, Béziers... La pratique du ballon ovale se diffuse petit à petit à toutes les classes sociales. Ainsi, "en un quart de siècle, ce jeu de Parisiens fortunés sera devenu une
pratique de paysans d’Occitanie." constate Jean Lacouture. La retransmission des
matchs à la radio, puis la télévision, la gouaille de commentateurs
sportifs de la trempe de Roger Couderc - et son classique "allez les petits!"
- contribuent à populariser davantage encore le rugby dans l'hexagone.
Cette médiatisation contribue à l'émergence d'un panthéon de grands noms
du rugby: Spanghero, Prat, Rives, Blanco et consorts. Les samedis
après-midi d'hiver, de nombreuses familles françaises prennent ainsi
l'habitude d'admirer leurs exploits lors des matchs du tournoi des cinq
nations diffusés à la télévision.
Le Rugby à XIII (ou Rugby League), à bien des égards plus populaires
en Angleterre, reste peu pratiqué en France, notamment victime d'une
politique répressive de la part du régime de Vichy qui y voyait une
perversion du sport amateur qu'était encore le Rugby à XV.
Le rugby français se distingue par ses aspects plus populaires ou moins aristocratiques que le rugby d'Outre-Manche. Rugby des villages et des bourgs du sud ouest de la France, il se fond avec l'identité sociologique de la population (voir article de Mondes sociaux sur Graulhet). Le rugby français aurait aussi des particularités de jeu, moins technique, plus fantasque; il mobilise les joueurs arrières de l'équipe qui déploient un jeu de passe et de champ. La course et la passe sont mises en avant / au contact viril et puissant du jeu des avants. On parle de rugby champagne dont le quinze de France cru 2015 n'a - lui - manifestement jamais entendu parlé. Quoi qu'il en soit, l'hégémonie britannique dans les compétitions reste cependant indiscutable: 37 victoires (dans le tournoi des IV, puis V, puis VI nations) pour les Gallois, 36 pour les Anglais et 25 pour les Français (5). La France parvient ainsi de temps à autre à faire revenir le titre de champion du tournoi sur le continent. Il lui arriva même sous la voix émue de Roger Couderc de commenter la victoire du XV de Jean Pierre Rives pour un 3ème grand chelem d'anthologie remporté sur les terres anglaises de Twinkenham en 1981. L'affrontement entre la France et l'Angleterre porte d'ailleurs un titre distinctif dans le tournoi : le crunch.
* Le Rugby à l'heure du monde
Assez curieusement, il faut attendre très longtemps avant que
ne soit organisée une compétition rassemblant les meilleures
nations de l'ovalie. La première coupe du monde se déroule en 1987, en Nouvelle-Zélande. La compétition, qui se déroule dans des stades relativement petits (35 000
spectateurs seulement pour le match d'ouverture), demeure assez confidentielle. Au fond, la compétition peine à susciter un intérêt au delà du cercle des aficionados.
Dès les compétitions suivantes cependant, le
succès semble au rendez-vous; le rugby devient un des sports
les plus populaires. Aujourd'hui, la coupe du monde s'est imposée comme un événement sportif incontournable, au retentissement mondial. Alors, que la compétition rassemblait environ 600 000 spectateurs en 1991, elle en attire plus du triple en 1997. De même, quand la première coupe du monde ne rassemble que 230 millions de téléspectateurs, celle de 2007 en attire 4,2 milliards (en audience cumulée). Enfin, le budget dont disposent les organisateurs augmente dans des proportions vertigineuses, passant en 20 ans de 5 millions d'euros à 255 millions en 2007...
Bref, le rugby a su se diffuser, gagner des adeptes. Longtemps réservé aux petits cercles fermés de l'aristocratie blanche, le rugby a su se démocratiser et s'ouvrir aux joueurs de minorités ethniques longtemps marginalisées ou discriminées. En Australie, il faut attendre la seconde moitié du XXème siècle pour que les Aborigènes, puissent enfin fouler les terrains de jeu. En Afrique du Sud, ce n'est qu'avec la fin du système raciste de l'apartheid et l'arrivée au pouvoir de Nelson Mandela que le rugby s'ouvre enfin aux Noirs dans le pays. Mieux, c'est aussi par le truchement de ce sport et à la faveur de la réception de la coupe du monde de rugby que la société sud-africaine, a pu - un temps - se souder derrière les Springboks.
Le processus de mondialisation est aussi à l’œuvre dans le monde de l'ovalie comme en atteste la diffusion du jeu à XV loin de ses bastions traditionnels. L'Argentine, l'Italie se sont imposées sur la scène internationale au cours des années 2000. Le récent succès du Japon sur l'Afrique du Sud -même sans lendemain - montre que les cartes peuvent être rebattues à tout moment. Vous n'êtes pas convaincu(e)? Regardez donc cette vidéo...
Même la notion d'équipe nationale n'a plus vraiment de sens aujourd'hui puisque les équipes nationales peuvent désormais intégrer des joueurs étrangers dans leurs rangs, à condition qu'ils jouent depuis au moins trois ans en championnat national.
* Conclusion.
Sport télégénique et très spectaculaire, le rugby a incontestablement le vent en poupe, mais doit se garder de certains écueils. Le passage à la professionnalisation en 1995 a permis l'entrée de l'argent et des sponsors dans le rugby. Ce nouveau modèle économique a pour corollaire l'augmentation faramineuse des chiffres des droits télévisés, ainsi que des
salaires des joueurs. Chaque année, le nombre de rencontres disputées augmente et conduit à des calendriers démentiels. Ces transformations économiques ont d'incontestables répercussions sur le jeu en lui-même. Pour s'en persuader, il suffit de comparer la morphologie des joueurs de rugby dans les années 1970 et aujourd'hui. Les entraînements passent désormais autant par le terrain que par la salle de musculation. Désormais, sur un match, les contacts sont plus violents, le jeu plus rapide, intense, avec désormais la tentation du dopage et les claquages à répétition.
Gagner en visibilité pour plaire au sponsor peut-il se faire sans renier ses valeurs?
Le rugby peine à concurrencer sérieusement le football car ses règles, en constante mutation, restent bien plus complexes. Aussi, le nombre de licenciés progresse lentement. En outre, la greffe du rugby ne prend pas partout. Ce sport reste encore très marginal en Afrique (si l'on excepte les Springboks et la Namibie), en Amérique (Argentine mise à part) et en Asie. Encore très marqué par l'amateurisme, le rugby ne suscite pas pour les jeunes l'espoir de devenir professionnel voire même une star planétaire comme peut le faire le football aujourd'hui.
Notes:
1. Des jeux très anciens s'apparentent au rugby à l'instar de la soule. D'aucuns voient dans ce jeu collectif, pratiqué dans les campagnes françaises du XVIème siècle, l'ancêtre du rugby. Les membres des deux équipes qui s'affrontent doivent porter à la main une vessie de porc jusqu'à un but donné (porche d'église, orée d'un bois...). Le jeu, très violent, relève du rite initiatique et oppose souvent les célibataires aux hommes mariés.
2. Au tout
début, les parties pouvaient durer plusieurs jours et mettaient aux prises un nombre de joueurs prodigieux, donnant aux rencontres un aspect très brouillon, celui d'un vaste entassement de joueurs agglutinés les uns aux autres. La forme ovale du
ballon est peut-être due au fait
qu'au départ on jouait avec une vessie de porc qui n'était pas
ronde et s'est progressivement aplatie. L'habitude se prend en tout cas de donner cette forme au ballon.
3. Au moment de
l'envoi de sa copie, un journaliste du Daily-mail se trompe. « They're all backs » [« ils
sont tous derrière »] devient « They're all blacks »
[« ils sont tout de noir vêtu »].
4. Pour quelle raison le rugby s'épanouit-il particulièrement dans le sud-ouest ? Les historiens sont divisés sur la question. Certains considèrent que les lendits organisés par le docteur Tissié à Bordeaux jouèrent un rôle décisif. Lors de ces épreuves sportives organisés à Bordeaux, des lycéens originaires de tout le sud-ouest (Pau , Bergerac, Mont-de-Marsan) s'affrontent dans des jeux variés dont la barette, forme édulcorée de rugby sans contact. De retour dans les Landes, le Pays Basque, le Lot-et-Garonne, ces jeunes gens aurait continué à pratiquer ce sport...
5. Ce tournoi est organisé pour la première fois en 1883, la France est admise une première fois en 1910 mais exclue entre 1932 et 1939 pour violences. Le palmarès complet est ici.
Liens et sources:
- Jean Lacouture: "Rugby: du combat celte au jeu occitan", in L'Histoire n°8, janvier 1979.
- Olivier Thomas: "le sacre des Wallabies", in les Collections de l'Histoire n° 66, janvier 2015.
- Histgeoblog: "De la domination blanche à la nation arc en ciel: qu'était l'Afrique du sud avant Invictus?"
- La jeune histoire de la coupe du monde de rugby.
- La rugby school, l'école à l'origine du rugby.
- L'émission 2000 d'Histoire consacrée au rugby.
- Michka Assayas (dir.), Le nouveau dictionnaire du rock, Paris, Robert Laffont, 2014, p. 2170 à 2174