L'anarchisme est une théorie politique qui réclame l'abolition définitive de toute forme d'autorité, laquelle ne vise pour les libertaires qu'à assurer la puissance de quelques privilégiés. Au cours du dernier tiers du XIXème siècle, les épouvantables conditions d'existence
du monde ouvrier nourrissent le succès de l'anarchisme. Instabilité économique, épuisement
physique et chômage sont alors le lot quotidien du prolétariat. Cette situation intolérable conduit les partisans de l'anarchisme à imaginer un monde différent, plus juste; un monde organisé sans autorité politique (l'Etat), économique (le capital), ou morale (la religion). Pour les libertaires, l'anarchie n'est pas désordre puisqu'elle propose d'organiser la société différemment.
Les deux premiers grands théoriciens de l'anarchisme sont Pierre-Joseph Proudhon et Mikhaïl Bakounine. Le premier défend avec ténacité les concepts de mutuellisme et d'autogestion, basés sur une réciprocité désintéressée et la solidarité. Il défend également le fédéralisme, un mode d'organisation sociale qui a pour but d'accroître l'entraide entre des individus et des groupes d'individus tout en préservant leur autonomie, sans passer par un pouvoir étatique. Pour Bakounine, les moyens de production (terre, instruments de travail) doivent devenir propriété collective de la société, laquelle doit s'organiser sur la base d'un accord librement consenti par tous et non sous les ordres d'une puissance supérieure. En cela, il s'oppose aux théories de Marx. Alors que les idées anarchistes apparaissent dans les statuts de la Ière Internationale (Association internationale des travailleurs) en 1864, la rupture avec les socialistes intervient en 1872, lors du congrès de La Haye, tandis que les objectifs et les méthodes de l'anarchie sont précisées cette même année au congrès de saint-Imier, dans le Jura suisse, un des principaux foyers de l'anarchie.
Légende : « Ceux qui vivent de la mine. Ceux qui en crèvent. » By Unknown - Le Père Peinard, in Le Péril anarchiste, Public Domain, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=15558769 |
Plusieurs médias contribuent
alors à la diffusion des idées anarchistes. Ainsi, une presse dynamique
se développe, apportant une cohésion à la cause en tenant les
compagnons informés des débats sur la théorie et la tactique. En 1892,
on ne compte pas moins de 16 journaux anarchistes publiés en France.
- La Révolte de Jean Grave a un contenu intellectuel et relativement modéré.
- Hebdomadaire intellectuel, littéraire et artistique, l'en-dehors de Zo d'Axa cherche à convertir par l'ironie et le sarcasme.
- Le Père Peinard d’Émile Pouget tire son nom d'un cordonnier imaginaire au franc parler irrésistible. Grossier et antireligieux, Pouget utilise l'argot familier du petit peuple pour fustiger les "cléricochons" (prêtres), "les troubades" (soldats), "la républicanaille" (républicains) et les "bouffe-galette" (députés).
Les groupes anarchistes pullulent dans les quartiers populaires parisiens tels que Montmartre. Ils y partagent la butte avec les peintres, les écrivains, les artistes d'avant-garde dont certains partagent les idées libertaires (Paul Signac, Henri Toulouse-Lautrec, Camille Pissarro pour les seuls peintres).
Pour un grand nombre de militants, l'éducation du peuple reste l'enjeu capital pour parvenir à l'instauration d'une société anarchiste. Des écoles libertaires pour les plus jeunes, des "universités populaires" pour les adultes voient alors le jour. Or, "parmi les outils propagandistes utilisés par les compagnons pour mener à bien cette œuvre d'éducation du peuple ou de l'esprit des individus, la chanson occupe une place de choix."
* La chanson anarchiste pour "décrasser les boyaux de la tête".
Selon Gaetano Manfredonia, l'importance accordée à la propagande chansonnière est immense. Aux yeux des théoriciens de l'anarchisme, les chansons ont de grandes vertus. Accessibles, elles permettent d'atteindre aisément les couches les plus défavorisées de la population. Elisée Reclus, qui cherche à "atteindre les paysans" par la chanson, affirme: "Ils aiment la chanson, ils la comprennent, ils s'en pénètrent... et se fichent des brochures didactiques." Il s'agit en outre d'un moyen d'expression dont le mode de production est en prise directe avec les aspirations populaires. Au cours des années 1880 et 1890 en effet, les auteurs de ces chansons sont souvent de simples militants qui s'adonnent à la composition sans pour autant en tirer un profit matériel quelconque. Ces très nombreuses chansons accompagnent la plupart des manifestations publiques et privées des compagnons.
La chanson telle que la conçoivent les libertaires vise à former les esprits, à "décrasser les boyaux de la tête" comme l'exprime Le Père Peinard. Ces productions constituent autant de prétextes pour vulgariser les rudiments de la doctrine ou des idéaux libertaires. Les grandes vertus éducatives attribuées à la chanson expliquent la place de choix que lui réserve les anarchistes dans leurs tentatives d'éducations libertaires. (1)
Aux yeux de nombreux anarchistes, la chanson est avant tout un art engagé et partisan. Pour le syndicaliste révolutionnaire Fernand Pelloutier, une chanson ne saurait être envisagée comme une production neutre ou purement individuelle. La chanson doit s'inscrire dans un but de propagande. "Poètes et musiciens, lancez les strophes vibrantes qui éveilleront dans l'âme des humbles l'impatience de leur servage, et, aux heures trop fréquentes du découragement, renouvelleront l'ardeur des forts." Contre la société bourgeoise, Pelloutier exhorte les chansonniers libertaires à mener un véritable combat culturel afin d'éradiquer les chansons chauvines ou licencieuses, mais aussi le music hall et les "café-concert". (2)
Les chansons permettent encore de désigner les adversaires, de dénoncer "les maux provoqués par le capital, le militarisme, la politique et la religion pour exhorter tous les exploités à la révolte."
Enfin, le répertoire des chansons anarchistes s'étoffe et se diversifie au fil des événements, en particulier au cours de la vague d'attentats perpétrés en France de 1892 à 1894.
- La Révolte de Jean Grave a un contenu intellectuel et relativement modéré.
- Hebdomadaire intellectuel, littéraire et artistique, l'en-dehors de Zo d'Axa cherche à convertir par l'ironie et le sarcasme.
- Le Père Peinard d’Émile Pouget tire son nom d'un cordonnier imaginaire au franc parler irrésistible. Grossier et antireligieux, Pouget utilise l'argot familier du petit peuple pour fustiger les "cléricochons" (prêtres), "les troubades" (soldats), "la républicanaille" (républicains) et les "bouffe-galette" (députés).
Les groupes anarchistes pullulent dans les quartiers populaires parisiens tels que Montmartre. Ils y partagent la butte avec les peintres, les écrivains, les artistes d'avant-garde dont certains partagent les idées libertaires (Paul Signac, Henri Toulouse-Lautrec, Camille Pissarro pour les seuls peintres).
Pour un grand nombre de militants, l'éducation du peuple reste l'enjeu capital pour parvenir à l'instauration d'une société anarchiste. Des écoles libertaires pour les plus jeunes, des "universités populaires" pour les adultes voient alors le jour. Or, "parmi les outils propagandistes utilisés par les compagnons pour mener à bien cette œuvre d'éducation du peuple ou de l'esprit des individus, la chanson occupe une place de choix."
* La chanson anarchiste pour "décrasser les boyaux de la tête".
Selon Gaetano Manfredonia, l'importance accordée à la propagande chansonnière est immense. Aux yeux des théoriciens de l'anarchisme, les chansons ont de grandes vertus. Accessibles, elles permettent d'atteindre aisément les couches les plus défavorisées de la population. Elisée Reclus, qui cherche à "atteindre les paysans" par la chanson, affirme: "Ils aiment la chanson, ils la comprennent, ils s'en pénètrent... et se fichent des brochures didactiques." Il s'agit en outre d'un moyen d'expression dont le mode de production est en prise directe avec les aspirations populaires. Au cours des années 1880 et 1890 en effet, les auteurs de ces chansons sont souvent de simples militants qui s'adonnent à la composition sans pour autant en tirer un profit matériel quelconque. Ces très nombreuses chansons accompagnent la plupart des manifestations publiques et privées des compagnons.
La chanson telle que la conçoivent les libertaires vise à former les esprits, à "décrasser les boyaux de la tête" comme l'exprime Le Père Peinard. Ces productions constituent autant de prétextes pour vulgariser les rudiments de la doctrine ou des idéaux libertaires. Les grandes vertus éducatives attribuées à la chanson expliquent la place de choix que lui réserve les anarchistes dans leurs tentatives d'éducations libertaires. (1)
Aux yeux de nombreux anarchistes, la chanson est avant tout un art engagé et partisan. Pour le syndicaliste révolutionnaire Fernand Pelloutier, une chanson ne saurait être envisagée comme une production neutre ou purement individuelle. La chanson doit s'inscrire dans un but de propagande. "Poètes et musiciens, lancez les strophes vibrantes qui éveilleront dans l'âme des humbles l'impatience de leur servage, et, aux heures trop fréquentes du découragement, renouvelleront l'ardeur des forts." Contre la société bourgeoise, Pelloutier exhorte les chansonniers libertaires à mener un véritable combat culturel afin d'éradiquer les chansons chauvines ou licencieuses, mais aussi le music hall et les "café-concert". (2)
Les chansons permettent encore de désigner les adversaires, de dénoncer "les maux provoqués par le capital, le militarisme, la politique et la religion pour exhorter tous les exploités à la révolte."
Enfin, le répertoire des chansons anarchistes s'étoffe et se diversifie au fil des événements, en particulier au cours de la vague d'attentats perpétrés en France de 1892 à 1894.
* La propagande par le fait.
Les principaux théoriciens et la majorité des militants anarchistes n'approuvent pourtant guère cette violence. Pour Jean Grave, Sébastien Faure ou Émile Pouget, c'est l'éducation des masses, la propagande pacifique et la pédagogie qui doivent assurer le triomphe des idées libertaires. (3)
* Dynamite.
Le 1er mai 1891, 9 manifestants sont abattus par la troupe à Fourmies, une ville lainière du Nord de la France. Le même jour, à Clichy, trois ouvriers anarchistes accusés abusivement d'avoir tiré sur la police sont arrêtés et malmenés. En août, ils passent au jugement sous l'accusation de violence sur "des agents de la force publique". Deux des trois hommes subissent de lourdes condamnations (3 et 5 ans de prison).
La
terrible répression de la Commune, en mai 1871, a décapité pour une
décennie le mouvement anarchiste. Ceux qui échappent à l'exécution ou au bagne,
optent pour l'exil, en Suisse notamment.
L'intensité et la cruauté de la répression menée par le pouvoir
"bourgeois" radicalisent les positions des jeunes libertaires dont certains renoncent à l'action collective, ainsi qu'à la propagande orale et écrite, jugées
inefficaces. Certains optent pour la mise en œuvre d'actions violentes, envisagées comme des moyens
de propagande plus "efficaces". Il convient désormais de "frapper par la terreur l'imagination des foules". On parle de "propagande par le fait". Dans un article paru en 1880 dans Le Révolté, Pierre Kropotkine considère que "notre
action doit être la révolte permanente par la parole, par l'écrit, par
le poignard, le fusil, la dynamite ( ... ) Tout est bon pour nous qui
n'est pas la légalité."
Pour certains, le passage à l'acte contribue à la sanctification, élève au rang de martyre. C'est le cas de du nihiliste russe Sergueï Netchaïev dont l'organisation terroriste La Volonté du peuple organise des assassinats de responsables politiques.
Le congrès
international du 14 juillet 1881, réuni à Londres, reconnaît
officiellement cette nouvelle stratégie. " En sortant du terrain légal, sur lequel on est généralement
resté jusqu'aujourd'hui, pour porter notre action sur le terrain de
l'illégalité qui est la seule voie menant à la Révolution, - il est
nécessaire d'avoir recours à des moyens qui soient en conformité avec ce
but. [...] Les sciences techniques et chimiques ayant déjà rendu des
services à la cause révolutionnaire et étant appelées à en rendre encore
de plus grands à l'avenir, le Congrès recommande aux organisations et
individus faisant partie de l'Association Internationale des
Travailleurs, de donner un grand poids à l'étude et aux applications de
ces sciences comme moyen de défense et d'attaque." Pour certains, le passage à l'acte contribue à la sanctification, élève au rang de martyre. C'est le cas de du nihiliste russe Sergueï Netchaïev dont l'organisation terroriste La Volonté du peuple organise des assassinats de responsables politiques.
Le Capital et le Travail, caricature anarchiste extraite du Père Peinard, et citée dans Le Péril anarchiste (Félix Dubois). See page for author [Public domain], via Wikimedia Commons |
Les principaux théoriciens et la majorité des militants anarchistes n'approuvent pourtant guère cette violence. Pour Jean Grave, Sébastien Faure ou Émile Pouget, c'est l'éducation des masses, la propagande pacifique et la pédagogie qui doivent assurer le triomphe des idées libertaires. (3)
* Dynamite.
La propagande par le fait s'inscrit dans le contexte de la seconde révolution industrielle. L'invention d'explosifs permet désormais de commettre
facilement des attentats meurtriers. C'est particulièrement le cas de la dynamite dont le chimiste Alfred Nobel dépose le brevet en 1867. Le nouveau produit trouve immédiatement un marché dans l'armée, les mines, la construction, l'industrie en général. Le potentiel destructeur de la dynamite n'échappe pas aux anarchistes dont certains se font les apôtres à l'instar du relieur allemand Johann Most. A partir des années 1880, la plupart
des journaux anarchistes consacrent d'ailleurs des rubriques spéciales
aux techniques de fabrication d'explosifs (dans Le Révolté, la Révolte, L'en-dehors, Le Père Peinard).
Plusieurs chansons anarchistes composées à l'époque vantent également les mérites des bombes en général et de la dynamite en particulier ("Dame Dynamite", la "polka dynamite"). En 1893, le compagnon Martenot envoie La Dynamite, une chanson explosive au journal L'Insurgé qui n'ose la publier...
Plusieurs chansons anarchistes composées à l'époque vantent également les mérites des bombes en général et de la dynamite en particulier ("Dame Dynamite", la "polka dynamite"). En 1893, le compagnon Martenot envoie La Dynamite, une chanson explosive au journal L'Insurgé qui n'ose la publier...
Il est un produit merveilleux / expérimenté
par la science. / Et qui pour nous les miséreux / fera naître
l'indépendance. / Tant mieux s'il éclate parfois / en faisant beaucoup
de victimes. / Chez nos ennemis les bourgeois / cela nous venge de
leurs crimes.
Placer une marmite / bourrée de dynamite.
/ Quelque soit la maison / en faisant explosion / la nouvelle ira
vite. / Pour inspirer la terreur, / il n'y a rien de meilleur / que la
dynamite.
Défendue par des intellectuels tels que Kropotkine, Louise Michel ou Paul Brousse, la propagande par le fait convainc également de jeunes déclassés venus de milieux très défavorisés. (4)
* "Salut à toi le Ravachol."
Ravachol, de son vrai nom Francis Claudius Koenigstein, est très tôt confronté à la misère. Ouvrier teinturier dans la région stéphanoise, il doit subvenir avec son maigre salaire aux besoins de sa famille. Révolté par les injustices sociales, il est renvoyé pour fait de grève à plusieurs reprises. Ses idées subversives le conduisent naturellement vers l'anarchie dont il devient un militant convaincu. Cet engagement se double toutefois d'actions criminelles sans lien avec l'anarchie. La police est sur ses traces ce qui l'oblige à se cacher et se déplacer constamment. A Barcelone, il apprend à fabriquer des bombes. De retour à Paris, il entend faire parler la poudre au nom de la cause anarchiste, en s'en prenant aux symboles de la répression de l’État qui bat alors son plein.
* "Salut à toi le Ravachol."
Ravachol, de son vrai nom Francis Claudius Koenigstein, est très tôt confronté à la misère. Ouvrier teinturier dans la région stéphanoise, il doit subvenir avec son maigre salaire aux besoins de sa famille. Révolté par les injustices sociales, il est renvoyé pour fait de grève à plusieurs reprises. Ses idées subversives le conduisent naturellement vers l'anarchie dont il devient un militant convaincu. Cet engagement se double toutefois d'actions criminelles sans lien avec l'anarchie. La police est sur ses traces ce qui l'oblige à se cacher et se déplacer constamment. A Barcelone, il apprend à fabriquer des bombes. De retour à Paris, il entend faire parler la poudre au nom de la cause anarchiste, en s'en prenant aux symboles de la répression de l’État qui bat alors son plein.
Échauffourées de Clichy (1891). Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=1077065 |
Ces deux évènements mobilisent dans les milieux anarchistes. ils scandalisent Ravachol qui entreprend dès lors de venger les "martyrs" de Clichy. Aidé d'un complice, le 11 mars 1892, il place une charge explosive au 136 boulevard saint-Germain, dans l'immeuble du juge Benoît, qui a présidé le procès des trois de Clichy. Le 27 mars, il fait subir le même sort à celui du procureur général Bulot, qui avait requis la peine de morts. Peu de temps après, dans un restaurant appelé Le Véry, il se confie au serveur Lhérot qu'il pense acquis à la cause anarchiste. Dénoncé, Ravachol est finalement arrêté. Juste avant l'ouverture de son procès, le 25 avril 1892, une bombe fait sauter Le Véry. L'explosion tue deux hommes dont le patron, monsieur Véry. Pour le Père Peinard, c'est l'heure de la "Véryfication"...
Lors des débats, le procureur Bulot lance à l'accusé: "Vous n'êtes qu'un chevalier de la dynamite", ce que Ravachol prend pour un compliment. Condamné aux travaux forcés pour ses attentats, il écope à l'issue d'un autre procès de la peine capitale pour deux assassinats commis auparavant.
Le 11 juillet 1892, Ravachol est exécuté. Avant de perdre la tête, il crie "Vive la Ré...", mais le couperet l'empêche de terminer. Quelques minutes auparavant, sur le chemin de la guillotine, Ravachol avait entonné la chanson de père Duchesne (également appelée L'bon Dieu dans la merde). (5) Clairement blasphématoire ("nom de Dieu" est répété 37 fois), violente, la chanson dénonce pêle-mêle les illusions de la religion, l'exploitation de la misère, les profiteurs et les institutions en général. Quant aux ennemis de la classe ouvrière, ils doivent être châtiés sans mollesse: "Si tu veux être heureux Nom de Dieu / pends ton propriétaire... / coupe les curés en deux Nom de Dieu".
La mort de Ravachol l'élève au rang de martyr. Dans son Éloge à Ravachol, Paul Adam prévient: "Le meurtre de Ravachol ouvrira une ère nouvelle." Pour le critique anarchiste, Ravachol est un "rédempteur" dont le sacrifice et les souffrances rappellent ceux de Jésus-Christ. Une gravure sur bois de Charles Maurin (voir ci-dessus) le présente "comme un martyr, son visage défait et héroïque pris dans la lunette de la guillotine." [John Merriman p89]
A son tour, Koenigstein inspire des chansons, notamment la Ravachole, dont les paroles sont écrites par Sébastien Faure. Publiée pour la première fois dans L'Almanach du Père Peinard (1894), elle se chante sur l'air de la Carmagnole et du ça ira. " Dansons la Ravachole, / Vive le son, vive le son, / Dansons la Ravachole, / Vive le son / D’l’explosion ! / Ah, ça ira, ça ira, ça ira, / Tous les bourgeois goût’ront d’la bombe, / Ah, ça ira, ça ira, ça ira, / Tous les bourgeois on les saut’ra.. / On les saut’ra !"
La couverture médiatique abondante de l'événement popularise la "propagande par le fait", tout en terrifiant. "C'est alors qu'émerge l'image de l'anarchiste vêtu de sombre, insaisissable, tapi dans l'ombre, une bombe sous le manteau (...)." (Merriman p89) Les attentats spectaculaires de Ravachol provoquent une véritable psychose. La succession des explosions ou agressions attribuées aux anarchistes laisse imaginer un vaste complot organisé. Aussi, une intense répression s'abat sur les anarchistes, qu'ils soient ou non adeptes de la propagande par le fait. Les autorités s'emploient dès lors à infiltrer les milieux libertaires à l'aide d'agents secrets et d'informateurs rétribués. La police multiplie les perquisitions et arrestations, expulse les étrangers soupçonnés d'anarchisme, tout en incitant les employeurs à licencier les ouvriers suspects. La "psychose de la dynamite" semble justifier la violation des droits individuels.
L'accusé avait prévenu ses juges de Montbrison : "J'ai fait le sacrifice de ma personne. Si je lutte encore, c'est pour l'idée anarchiste. Que je sois condamné m'importe peu. Je sais que je serai vengé." Sa prédiction se vérifie très vite. L'affaire Ravachol inaugure le cycle sanglant des attentats et de la répression qui s'abattent sur la France pour deux longues années. La couverture médiatique abondante de l'événement popularise la "propagande par le fait", tout en terrifiant. "C'est alors qu'émerge l'image de l'anarchiste vêtu de sombre, insaisissable, tapi dans l'ombre, une bombe sous le manteau (...)." (Merriman p89) Les attentats spectaculaires de Ravachol provoquent une véritable psychose. La succession des explosions ou agressions attribuées aux anarchistes laisse imaginer un vaste complot organisé. Aussi, une intense répression s'abat sur les anarchistes, qu'ils soient ou non adeptes de la propagande par le fait. Les autorités s'emploient dès lors à infiltrer les milieux libertaires à l'aide d'agents secrets et d'informateurs rétribués. La police multiplie les perquisitions et arrestations, expulse les étrangers soupçonnés d'anarchisme, tout en incitant les employeurs à licencier les ouvriers suspects. La "psychose de la dynamite" semble justifier la violation des droits individuels.
Arrestation de Ravachol à la une du Petit Journal - Bibliothèque nationale de France, Public Domain, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=15760071 |
La suite ici
Notes:
1. Au sein de La Ruche, le théoricien de l'anarchisme Sébastien Faure dirige la chorale.
Passionné de musique et de chant, il est l'auteur et interprète de plusieurs compositions très appréciées des libertaires.
2. Les libertaires luttent contrent l'annexion progressive de la chanson politique et sociale par la sphère marchande. Après 1900, les chansonniers professionnels "engagés" supplantent les militants-compositeurs amateurs. Ce faisant, la chanson anarchiste cesse "d'être une chanson écrite par des militants pour des militants pour devenir une chanson écrite par des professionnels pour des militants, réduits au rand de public payant." (cf Gaetano Manfredonia)
3. En octobre 1879, au Congrès de la Chaux-de-Fonds, la question du futur mode d'action des anarchistes divise et donne lieu à d'âpres discussions. Certains envisagent le recours à la violence, tandis que les autres affirment la nécessité de se rapprocher des syndicats ouvriers. 4. Exemples: Livré à lui-même dès sa plus tendre enfance, Ravachol exerce de nombreux petits métiers pour subvenir aux besoins de sa famille. Petit délinquant, il reçoit bientôt une formation auprès d'intellectuels libertaires dans un centre d'études sociales.
La lecture des ouvrages des penseurs libertaires et des journaux anarchistes jouent un rôle comparable pour Jules Bonnot.
5. Organe de presse des hébertistes sous la Révolution française, le journal du Père Duchesne est ressuscité pendant la Révolution de 1848 ou lors de la Commune de Paris.
* Sources:
- John Merriman: " Dynamite Club. L’invention du terrorisme à Paris", Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Emmanuelle Lyasse, Tallandier, 255 pp.
- Jean Maitron: "Ravachol et les anarchistes", Gallimard, Folio histoire, 1992.
- Jean Garrigues: "Anars: la décennie terroriste", in Les collections de l'Histoire n°27: les grandes batailles de la gauche.
- Gaetano Manfredonia, « La chanson anarchiste dans la France de la belle époque.Éduquer pour révolter », Revue Française d'Histoire des Idées Politiques 2007/2 (n°26), p. 101-121.
- Concordance des temps: "La Troisième République et la violence anarchiste: libertés ou sécurité?", avec Jean Garrigues. [podcast]
* Liens:
- "Les enragés de la dynamite."
- Rebellyon.info: "1892: exécution de Ravachol à Montbrison" / "24 juin 1894 à Lyon: Caserio poignarde Sadi Carnot"
- Deux disques essentiels: "chansons anarchistes" par les Quatre barbus et "pour en finir avec le travail" sur le site vrérévolution.