vendredi 26 juillet 2013

Billie Holiday: "Strange fruit" (1939)

En dépit des espoirs soulevés par l'interdiction de l'esclavage (1865) et par l'inscription des droits civiques dans la constitution (1868), une stricte ségrégation raciale se met en place dans les anciens Etats confédérés du Sud des États-Unis une fois la phase de "Reconstruction" achevée. Cette ségrégation légale s'y accompagne de "lois non écrites, [de la mise en place d']une étiquette réglant les rapports interraciaux quotidiens". (cf: J.-P. Levet)
 Cette étiquette impose aux Noirs un strict contrôle social fondé sur la violence terroriste dont le lynchage devient la pierre angulaire.
Le Tuskegee Institute d'Alabama donne la définition suivante de cette forme de "justice" expéditive: "Une personne tuée en toute illégalité par un groupe de trois individus et plus qui perpétue son action au nom de la justice, de la défense de la race, ou par tradition."

L'origine du terme "lynchage" demeure incertaine. 
Selon Edgar Allan Poe, le terme se réfère au capitaine William Lynch (1742-1820) qui éradique le banditisme du comté de Pittsylvania en Virginie grâce à des méthodes brutales.
Selon une autre hypothèse, le mot viendrait d'un fermier de Virginie, Charles Lynch. Pendant la guerre d'indépendance, ce dernier prend la tête d'une organisation populaire et instaure une justice expéditive dont font les frais les pillards et les partisans britanniques de la région.
Quant au bluesman Billy Boy Arnold, il fait dériver le terme de Willy Lynch, auteur d'un texte (1712) expliquant comment " brider ou (...) anéantir la personnalité des esclaves noirs.
Quelle qu'en soit l'origine, le mot désigne les exécutions sommaires qui ensanglantent le sud des États-Unis entre le dernier tiers du XIXe siècle et les années 1950. 

Le capitaine W.A.Bridge de la 7ème cavalerie s'était vu confié la mission de protéger Lige Daniels, jeune garçon de 16 ans accusé d'avoir tué une vieille femme blanche, de la fureur  de la foule hostile. Pour expliquer sa défaillance, il affirmera n'avoir pu rassembler à temps les membres de sa compagnie. Le 3 août 1920, un millier d'hommes extraient Daniels de prison et le pendent à un chêne. Ce cliché fut édité en carte postale.  


* Un acte collectif.
Le lynchage sévit surtout dans les anciens États du sud cotonnier et vise d'abord la population noire (4/5 des lynchés). Car, par delà la défaite militaire et l'adoption des lois fédérales, les populations blanches cherchent à maintenir leur domination sur les populations noires. Acte collectif, le lynchage représente, pour cette société d'honneur qu'est le Sud, le meilleur moyen d'assurer la défense de ses valeurs, en particulier la prétendue supériorité de la race blanche. Il s'impose comme une véritable institution, ayant pour but de terroriser les Noirs en leur rappelant qu'elle est "leur place": subalterne et soumise. Les lyncheurs agissent d'ailleurs en plein jour, en toute impunité, convaincus de  bénéficier de l'assentiment du reste de la communauté et persuadés de faire acte de justice.
Avec la naissance du Ku Klux Klan, les lynchages se multiplient contre les anciens soldats noirs de l'Union, ceux qui revendiquent des postes électifs ou s'inscrivent sur les listes électorales. 

* Justification du lynchage. 
Les tenants du lynchage invoquent la souveraineté populaire comme source de légitimité. Pratique plébiscitée par le peuple, le lynchage a valeur de loi et doit, aux yeux de ses partisans, être pratiqué et se perpétuer. Quelques parlementaires sudistes (à l'instar de Theodore Gilmore Bilbo) considèrent même le lynchage comme une tradition typiquement américaine et défendent sa nature démocratique. Il faut ainsi attendre 1938 pour que le Congrès daigne étudier un projet de loi antilynchage, finalement repoussé au nom de "l'honneur" des Etats du Sud. 
Lors de son voyage dans l'Amérique profonde de 1936 à 1937, Annemarie Schwarzenbach se rend dans le Tennessee où on lui expliquent que "si l'on avait su pendant la guerre de Sécession qu'une telle loi serait proposée au Sud, les officiers et les soldats n'auraient jamais accepté les conditions de la paix et auraient combattu jusqu'à leur dernière goutte de sang. Si le président Roosevelt persistait à faire passer une loi antilynchage et à violer du même coup l'un des idéaux les plus nobles et l'un des concepts juridiques les plus sacrés du Sud, il perdrait pour toujours la confiance des démocrates des États du Sud et provoquerait une scission fatale du parti démocrate."


En 1934, Claude Neal, accusé du viol et du meurtre d'une femme blanche, fut extrait de sa cellule, puis torturé et tué sur les rives de La rivière Chattahoochee. Son corps, mutilé par la foule, fut traîné jusqu'au tribunal de Marianna, dans le comté de Jackson, en Floride. Enfin, ses bourreaux pendirent sa dépouille à un chêne situé en face du bureau du shérif.


* Rendre la justice mieux que ne le feraient des juges. 
Aux yeux de ses promoteurs, le lynchage prévient l'intervention de la justice, à laquelle on reproche sa lenteur à sévir et son laxisme. Il s'agit donc d'après eux d'une forme de justice, non pas sommaire et expéditive, mais rapide et efficace. 
Tout en dénonçant l'excès de convention de la justice officielle, les lyncheurs se montrent  soucieux de manifester un minimum de formalisme quand ils passent à l'acte. Dans bien des cas, les lyncheurs extraient le prétendu coupable de prison, puis organisent un simulacre de procès, dont l'issue est connue de tous. Une "justice" parallèle se met donc en place, contribuant  à la confusion du genre dans l'esprit de nombreux individus (s'agit-il d'un procès ou d'un lynchage?). Des membres respectés de la communauté compose le jury. Ces "bons citoyens" sont la plupart du temps membres de la "patrouille", une institution de contrôle social chargée de la chasse à l'homme qui précède bien des lynchages. Dans l'esprit des participants, cette milice revêt un rôle officiel qui s'étend au droit de choisir le sort du captif. 

Dans leur prétention à punir toute infraction à l'ordre social, les lyncheurs accordent une place centrale à la victime ou sa famille. Cette dernière se voit parfois attribuée le rôle de bourreau. Ainsi, lors du lynchage de Claude Neal en Floride en 1934, la radio locale annonce qu'"un Nègre allait être lynché et mutilé". Elle donne rendez-vous aux auditeurs à la ferme de la victime du viol "où la famille aura la préséance, à commencer par les femmes.

* Black bodies swinging in the southern breeze.
Les lynchages visent surtout des Noirs pauvres, de nouveaux venus ou des individus de passage dans une région, bénéficiant donc de peu de soutiens locaux. 
Les statistiques établies par les opposants au lynchage fournissent des informations précieuses, en particulier le nombre de victimes, les méthodes d'exécutions... Ainsi, pour les années 1906-1907, on dénombre 73 lynchages en 1906 et 56 l'année suivante. La plupart d'entre-eux sont perpétrés dans le Sud (à eux deux, l'Alabama et le Mississippi totalisent 43 lynchages), mais aussi dans le Middle West. Parmi les 56 suppliciés de l'année 1907 se trouvent 49 hommes noirs, 3 femmes noires et 4 hommes blancs. 
Les lynchés ont été pendus ou tués par balles, mais d'autres sont brûlés vifs, castrés, démembrés. Au total, jusqu'aux années 1960, environ 5000 lynchages sont perpétrés aux Etats-Unis dont près de 4000 noirs.

Les lynchages s'avèrent particulièrement nombreux dans les Etats du sud, mais ils ne sont pas rares dans le Middle West.

 
Que reproche-t-on exactement aux suppliciés? 
Les lynchages punissent des infractions supposées, le plus souvent des accusations de viol ou de manque de respect à l'égard d'une femme blanche. Mais, un simple regard, une parole peuvent coûter très chers. (1) Comme le souligne J.-P. Levet, "chaque attitude, interprétée comme un indice d'affirmation identitaire et donc comme un acte potentiellement subversif, est susceptible de valoir à un Noir un châtiment pouvant aller jusqu'au lynchage."

* La survivance du lynchage.
Il ne faut pas moins de cinq décennies avant que l'ensemble des comtés du territoire américain disposent d'un tribunal et d'une prison! Ce décalage entre l'installation des pionniers et la mise en place d'institutions judiciaires a pu expliquer l'importance du phénomène dans un premier temps. (2) 
 Mais comment comprendre la perpétuation du lynchage une fois l'institution judiciaire solidement établie sur le territoire américain?
La persistance d'une telle pratique au cœur du XXe siècle s'explique en grande partie par la complicité des autorités publiques. Juges et shérifs locaux, des hommes blancs du Sud élus par la communauté, cautionnent souvent cette "justice" expéditive. Selon Arthur Raper, au moins la moitié des lynchages ont été commis en présence ou avec la participation de représentants de la police. Les autorités fédérales semblent, pour leur part, s'accommoder d'une telle pratique. Bien peu de lyncheurs sont poursuivis et, lorsque c'est le cas, très rarement condamnés.
Rappelons en outre que la frontière s'avère souvent ténue entre un lynchage et certains procès organisés au milieu d'une foule hostile et haineuse qui place sous pression les autorités judiciaires. 
Enfin, comme le note Joël Michel: "Au cours des années 1930, les mutations politiques et économiques profondes font que les communautés blanches retirent leur soutien aux lyncheurs: le lynchage recule ou plonge dans la clandestinité, mais se maintient toutefois jusqu'aux années 1950. Ne pouvant plus se présenter comme un acte de justice populaire, mais seulement de haine racial, il fera ses dernières victimes parmi les militants des droits civiques."

* Strange fruit.
 En 1937, Abel Meeropol tombe par hasard sur le cliché du lynchage de Thomas Shipp et Abram Smith. Horrifié, ce jeune professeur blanc, juif et communiste prend sa plume et compose un poème. Rédigé dans une langue élégante, Bitter fruit ("fruit amer") dépeint avec une grande subtilité un lynchage.

Le lynchage de Thomas Shipp et d'Abram Smith, le 7 août 1930 à Marion, Indiana. Sortis de leurs prisons à Marion, dans l'Indiana, ils sont massacrés.Toute la population assiste à la scène, tandis que des photographes prennent des clichés des cadavres pendus aux arbres. Certains d'entre eux seront ensuite édités en cartes postales.


Le poème est publié dans une revue syndicale confidentielle. Meeropol compose alors une musique pour faire de Strange fruit une chanson. Interprétée dans les soirées "progressistes", le morceau séduit Barney Josephson, propriétaire du Cafe Society, le seul lieu de nuit totalement déségrégué du Greenwich Village. (3) Le patron demande à Meeropol de présenter le titre à la nouvelle vedette de son établissement: Billie Holiday. 

Cette chanteuse à la voix déchirante s'illustrait jusque là principalement dans un répertoire romantique ou joyeux. Son interprétation de Strange fruit confère à la chanson une dimension dramatique inédite, renforcée encore par la mise en scène très précise imaginée par Josephson. (4) Le morceau doit clore les trois sets quotidiens de la chanteuse. Lorsque le chanson débute, le personnel cesse de servir afin de plonger la salle dans le silence, tandis que les lumières s'éteignent pour ne laisser qu'un projecteur éclairant le visage de Holiday. A l'issue de son interprétation, la chanteuse quitte la scène, pour n'y plus revenir.
 "La chanson infectait l'atmosphère de la salle" (cf: Dorian Lynskey), suscitant presque toujours la même réaction: au silence médusé succède un tonnerre d'applaudissement. Après avoir assisté à la prestation de Holiday au Café Society, Meeropol note, satisfait: "Elle a donné une interprétation saisissante, plus spectaculaire et plus frappante, qui pouvait ébranler la suffisance de n'importe quel public. C'est exactement l'effet que je voulais pour cette chanson et c'est la raison pour laquelle je l'ai écrite."

Incommodante, éprouvante et particulièrement dure, la chanson possède un poids historique incontestable, puisqu'elle est la première à introduire un message politique clair dans le domaine du divertissement. (5) Le chroniqueur du New York Post ne s'y trompe pas et écrit: "Ce disque m'a obsédé pendant deux jours. [...] Encore aujourd'hui, quand j'y repense, j'en ai les cheveux qui se dressent sur la tête et j'ai envie de frapper quelqu'un. Je crois d'ailleurs savoir qui. [...] Si la colère des exploités monte suffisamment dans le Sud, elle aura désormais sa Marseillaise."
Il se dégage du titre le sentiment obsédant d'un malaise. Meeropol file la métaphore du fruit jusqu'à la putréfaction finale. Il fait de l'auditeur un observateur curieux. Dans un cadre bucolique, en apparence paisible, ce dernier est attiré par des formes étranges, puis très vite confronté à une scène effroyable. Planté au pied de l'arbre, il ne peut désormais plus détacher ses yeux (et surtout ses oreilles) des corps meurtris.
La musique, tout à la fois furtive et lancinante, incarne à merveille l'horreur décrite par les paroles. 

Après un refus catégorique de sa maison de disques habituelle, Columbia, c'est sur le tout petit label Commodore Records que Billie Holiday enregistre le morceau le 20 avril 1939. Une courte introduction jouée au piano permet de planter le décor, lugubre." La trompette en sourdine distille un spleen subtil, "les accords mineurs du piano [...] conduisent l'auditeur vers le lieu fatidique"; enfin la chanteuse entre en scène, toute en retenue et sobriété.

En dépit de très rares passages radio, Strange fruit remporte un certain succès, sans être un grand succès populaire. Il faut dire que le sujet ne s'y prête guère. Au lieu de s'achever par un appel cathartique à l'unité, la chanson reste suspendue au dernier mot; ce crop qui claque comme le son d'un fouet. La chanson n'a d'ailleurs guère le vent en poupe chez les militants des droits civiques. Car, à la différence des freedom songs, la description éprouvante d'une pendaison était le meilleur moyen de plomber l'atmosphère et de transformer une manifestation en veillée mortuaire. Elle ne réveillait pas l'enthousiasme, mais donnait le frisson.
 


  

Strange fruit.
Southern trees bear a strange fruit,
Blood on the leaves and blood at the root,
Black bodies swinging in the southern breeze,
Strange fruit hanging from the poplar trees.


Les arbres du sud portent un fruit étrange.
du sang sur les feuilles et du sang à la racine. 
Corps noirs se balançant dans la brise du Sud.
Un fruit étrange pendant aux branches des peupliers.

Pastoral scene of the gallant south,
The bulging eyes and the twisted mouth,
Scent of magnolias, sweet and fresh,
Then the sudden smell of burning flesh.


Scène champêtre du Brave Sud,
Yeux exorbités et et bouche tordue.
Senteur de magnolia, propre et fraîche,
Puis la puanteur de la chair brûlée.

Here is fruit for the crows to pluck,
For the rain to gather, for the wind to suck,
For the sun to rot, for the trees to drop,
Here is a strange and bitter crop.


Voici un fruit à cueillir pour les corbeaux,
à récolter par la pluie, à sucer par le vent,
à pourrir par le soleil, à laisser tomber par les feuilles
Voici une étrange et amère récolte. 



 
Notes:
1. Dans le contexte d'une société sudiste ségrégationniste, l'obsession des communautés blanches est de "remettre le Noir à sa place". Bien des individus sont ainsi lynchés pour avoir eu une "attitude". Par exemple, le Noir ne doit pas regarder dans les yeux un Blanc, ne doit pas s'adresser à lui en premier, ne pas lui répondre d'une voix forte, ne pas regarder une Blanche ou même simplement avoir l'air renfrogné. 
2. De fait, les lynchages ont souvent lieu dans des régions enclavées et peu peuplées, milieux ruraux où la compétition économique et sociale est bien visible.
3. J.-P. Levet le décrit ainsi:"le Café Society était un haut lieu de la gauche new-yorkaise et l'exact opposé du Cotton Club au public entièrement blanc; les Noirs s'y voyaient réserver les meilleures places. [...] un Hitler simiesque était suspendu au plafond, les portiers portaient des haillons et regardaient les clients ouvrir les portes; les Noirs n'y étaient victimes d'aucune discrimination.
4. Pour Josephson, " les gens devaient se souvenir de Strange fruit, être consumés de l'intérieur par elle." 
5. Comme le rappelle Dorian Lynskey (voir sources), jusque là "les protest songs américaines étaient destinées à des publics précis (piquets de grèves, écoles populaires, meetings politiques) pour des objectifs spécifiques: adhérer à un syndicat, se battre contre les patrons, faire grève."

Sources: 
- Joël Michel: "La loi de Lynch", in l'Histoire n°357, octobre 2010. L'auteur a publié Le Lynchage aux Etats-Unis (La Table ronde).
- Dorian Lynskey: "33 révolutions par minute. Une histoire de la contestation en 33 chansons", vol. 1, Rivages rouge, 2012.
- Jean-Paul Levet: "Talkin' that talk. Le langage du blues, du jazz et du rap.", Outre mesure, 2010.
- Pap Ndiaye: "Les Noirs américains. En marche pour l'égalité", Découvertes Gallimard, 2009.


Liens:
- Sur l'excellent blog Il y a un siècle: "31 octobre 1908: le lynchage.
- Le site de l'exposition Without sanctuary présentée lors des 40èmes rencontres photographiques d'Arles en 2009 (plus d'infos ici).
- NRP music: "The strange story of the man behind Strange fruit.
- L'interprétation du morceau par les Decoders et Raul Midon
 

mardi 16 juillet 2013

273. The Smiths : Suffer little children (1984)

Over the moor, take me to the moor 
Sur la lande, emmène moi sur la lande 
Dig a shallow grave 
Creuse une tombe peu profonde 
And I'll lay me down 
Et je m'y allongerai 

Over the moor, take me to the moor 
Sur le lande, emmène moi sur la lande 
Dig a shallow grave 
Creuse une tombe peu profonde 
And I'll lay me down 
Et je m'y allongerai 

Lesley-Anne, with your pretty white beads 
 Lesley-Anne, avec tes jolies perles blanches 
Oh John, you'll never be a man 
 Oh John, tu ne seras jamais un homme 
And you'll never see your home again 
 Et plus jamais tu ne reverras ton foyer 
Oh Manchester, so much to answer for 
 Oh Manchester, tant de comptes à rendre 

 Edward, see those alluring lights ? 
 Edward, vois tu ces lumières attirantes 
 Tonight will be your very last night 
 Ce soir sera ta toute dernière nuit 
A woman said : "I know my son is dead 
 Une femme a dit : "je sais que mon fils est mort
 I'll never rest my hands on his sacred head" 
Je ne poserai jamais les mains sur sa tête sacrée" 

 Hindley wakes and Hindley says : 
 Hindley se réveille et dit : 
Hindley wakes, Hindley wakes, Hindley wakes, and says : 
 Hindley se réveille, Hindley se réveille, Hindley se réveille et dit 
"Oh, wherever he has gone, I have gone" 
"Oh, quelque soit l'endroit où il est allé, j'y suis allée". 

 But fresh lilaced moorland fields 
 Mais les champs de frais lilas de la lande 
Cannot hide the stolid stench of death 
 Ne peuvent dissimuler la puanteur de la mort 
Fresh lilaced moorland fields 
 Les champs de frais lilas de la lande 
Cannot hide the stolid stench of death 
 Ne peuvent dissimuler la puanteur de la mort 

 Hindley wakes and says : 
 Hindley se réveille et dit : 
Hindley wakes, Hindley wakes, Hindley wakes, and says : 
 Hindley se réveille, Hindley se réveille, Hindley se réveille et dit 
"Oh, whatever he has done, I have done" 
"Oh, quoiqu'il ait fait, je l'ai fait".

 But this is no easy ride
 Mais il n'y a pas de chemin tout tracé 
For a child cries : 
Pour un chagrin d'enfant

 "Oh, find me ... find me, nothing more "
Oh trouve moi, trouve moi ... rien de plus 
We are on a sullen misty moor 
 Nous sommes dans une lande brumeuse et souillée 
We may be dead and we may be gone 
 Nous serons peut-être morts et peut être partis 
But we will be, we will be, we will be, right by your side 
 Mais nous serons, nous serons, nous serons, bien à tes côtés 
Until the day you die 
 jusqu'au jour de ta mort 

 This is no easy ride 
 Il n'y a pas de chemin tout tracé 

 We will haunt you when you laugh 
 Nous viendrons te hanter quand tu riras 
Yes, you could say we're a team 
 Oui, on peut dire que nous faisons équipe 
You might sleep 
 Tu dormiras peut-être 
You might sleep 
 Tu dormiras peut-être 
You might sleep 
 Tu dormiras peut être 
BUT YOU WILL NEVER DREAM ! 
MAIS TU NE RÊVERAS JAMAIS ! 
Oh, you might sleep 
 Tu dormiras peut être 
BUT YOU WILL NEVER DREAM ! 
 MAIS TU NE RÊVERAS JAMAIS ! 
You might sleep 
 Tu dormiras peut être 
BUT YOU WILL NEVER DREAM !" 
 MAIS TU NE RÊVERAS JAMAIS !" 

Oh Manchester, so much to answer for 
 Oh Manchester tant de comptes à rendre 
Oh Manchester, so much to answer for 
 Oh Manchester tant de comptes à rendre 
 Oh, find me, find me ! 
 Oh trouve moi, trouve moi !
 Find me ! 
 Trouve moi ! 
I'll haunt you when you laugh 
Je viendrais te hanter quand tu riras 
Oh, I'll haunt you when you laugh 
 Oh, je viendrais te hanter quand tu riras 
You might sleep 
 Tu dormiras peut être 
BUT YOU WILL NEVER DREAM ! 
 MAIS TU NE RÊVERAS JAMAIS ! 
Oh ... 
 Oh... 
Over the Moors, I'm on the moor
 Sur les Moors, je suis sur la lande 
Oh, over the moor 
 oh, sur la lande
 Oh, the child is on the moor 
 Oh, l'enfant est sur la lande.





Au nord-est de Manchester, à mi chemin de la route qui mène vers Barnsley, bourgade du South West Yorkshire, s’étend une lande désolée, pierreuse et battue par les vents qui ravive dans nos mémoires de grandes oeuvres de la littérature britannique tant on l’imagine en décor parfait d’un drame des Brontë ou d’une enquête de Conan Doyle. Le chien de Baskerville, Jane Eyre, et Heathcliff auraient pu la parcourir à l’heure où se lèvent les brumes et pâlit la lumière du jour.


Google map de la région de Saddleworth Moor (cliquez pour agrandir)
La lande de Saddleworth (source Wikipedia)



Au mitan de ces sixties qui s’enhardissent et se libèrent au son des  premières notes émises par les guitares électrisées des 4 de Liverpool[1], la lande de Saddleworth Moor exhale un parfum morbide, en tout contraire à l’air du temps. Elle sert de sépulture aux corps abusés et exsangues de Paula, 16 ans, John et Keith, 12 ans, Lesley-Ann 10 ans et Edward 17 ans. Quand Paula disparait, Steven Patrick, fils d’une famille d’irlandais immigrés, vit  à Hulme, banlieue de Manchester. Il n’a que 4 ans. Quand il écrit  Suffer Lillte Children  en 1984, il n’a jamais quitté Manchester et il s’apprête à lui demander des comptes pour l’enfance recluse et solitaire qui fut la sienne.


Les victimes du couple John Kilbride, Lesley-Ann Downey,
Edward Evans, Pauline Reade, KeithBennet. (source The examiner)


« Manchester so much to answer for ».

Steven Patrick Morrissey est donc un natif du Lancashire, précisément de Davyhulme dans la banlieue de Manchester. En 1982, il est approché par un certain Johnny Marr, guitariste de son état. Le duo se complète de deux camarades de classe de Marr, Andy Rourke, bassiste et Mike Joyce, batteur. Le quator forme The Smiths, groupe qui marquera de son empreinte une scène mancunienne déjà très riche et talentueuse sur laquelle plane l’ombre tutélaire et l’aura écrasante de Ian Curtis, chanteur charismatique de Joy Division[2]. Il faut aussi compter en la matière avec l’incontournable Antony Wilson, ci-devant producteur et présentateur d’émissions de télévision à Granada Records, la chaine locale, qui l’année de la formation des Smiths ouvre un club en parallèle à sa maison de disques Factory records. Baptisé l’Haçienda ou Fac 51, le lieu deviendra le centre névralgique de la scène mancunienne et mondiale quelques années plus tard non sans que la bande de Marr et Morrissey ne soit étrangère à son succès.[3] Le groupe pourtant signe sur un autre label mythique et indépendant basé à Londres, Rough Trade Records.
ian Curtis par K. Cummins, 1979
P. Saville, T. Wilson et A. Erasmus par K. Cummins. 

Suffer Litlle Children a largement contribué à la réputation des Smiths et à celle de leur premier album éponyme dont le titre est tiré. Sur un rythme assez lent la diction de Morrissey se fait envoûtante et met en valeur son élégante et souvent poétique écriture rehaussée par les notes lancinantes de guitare de Marr, qui sont la marque de fabrique d’un des groupes majeurs des années 80[4]. Le sujet choisi pour violent, tragique et morbide qu’il soit, s’insère colle assez bien avec  l’image très travaillée que le  groupe se construit. L’art work des pochettes des Smiths reste une référence incontournable en matière d’esthétique cherchant à  allier  romantisme, recherches esthétiques, références en faisant souvent appel aux modèles cinématographiques des 60’s tels James Dean ou Alain Delon ainsi qu’à des représentants de la culture populaire  anglaise. Mises au point par Morrissey et les graphistes du label Rough Trade les pochettes des albums des Smiths relèvent bien souvent de l’énigme et du mystère (on reconnaît ou on croit reconnaître la personne sur l’image), ambiance que l’on retrouve partiellement dans ce titre duquel les fantômes ne sont pas absents.


Avec Terence Stamp
Avec Alain Delon




Avec R. Bradford, acteur de la
série Man in  suitcase.

Années 60, morbidité, mystère et Manchester sont la grammaire de Suffer Litlle Children. Morrissey dont l’horizon n’a guère dépassé les rives de l’Irwell[5] lorsqu’il compose le texte, associe de façon assez insistante bien que subtile la ville de son enfance au drame des crimes de la lande. À cette période de sa vie durant laquelle il vécut renfermé sur lui-même, Morrissey associe l’environnement étouffant de la grande cité industrielle du Nord, qu’il rend finalement un peu responsable d’avoir fabriqué des monstres. Les uns se nourrissant de sang, les autres cherchant la rédemption dans les sons.


« Over the moor, take me to the moor ».

Entre 1963 et 1965, la région de Manchester est le théâtre de crimes en série dont les victimes sont des adolescents. La 1ère d’entre elles est John Kilbride. Agé de 12 ans, John est kidnappé, violé et assassiné le 23 novembre 1963. En juin 1964, Keith Bennett est enlevé à son tour alors qu’il quitte son domicile pour rendre visite à sa grand-mère. 6 mois plus tard, le lendemain de Noël, c’est au tour de Lesley Ann Downey d’être kidnappée et assassinée. La macabre série se poursuit jusqu’au 6 octobre 1965, date à laquelle Ian Brady tue Edward Evans, la plus âgée de ses victimes, il a 17 ans.

Ce qui est passé à la postérité sous le terme générique des meurtres de la lande (Moors Murders) constitue bel et bien une des affaires criminelles les plus sordides de l’histoire de l’Angleterre d'après-guerre. De fait, elle a profondément marqué le pays et reste comme une tache au milieu d’une époque plutôt synonyme de croissance et d’insouciance. D’aucuns diront même que cette série d’assassinats particulièrement pervers et violents amorce la fin d’une époque, la fin de l’innocence.


ian Brady & Myra Hindley photographiés sur les lieux de leurs
méfaits. 


Les différents crimes perpétrés sont l’œuvre d’un couple qui sombre dans une entreprise sanguinaire aussi démente qu’il semble, de prime abord, anodin. Et pourtant, Ian Brady et Myra Hindley sont alors bien jeunes ; il a 28 ans et elle en a à peine 23, confirmant peut être ici leur appartenance à cette période de forte natalité passée à la postérité sous le nom de baby-boom. Ils se sont rencontrés quelques années auparavant en 1961, fort banalement, sur leur lieu de travail ; Brady est comptable,  Hindley est dactylo chez Millwards Merchandising, une entreprise qui vend des produits chimiques. Ils se rencontrent par l’entremise du beau-frère de Myra, mari de sa sœur Maureen qui sera à l’origine de leur arrestation.

Le couple, en quête du crime parfait, semble verser dans la littérature nazie, au moins pour Ina Brady. Celui-ci exerce une influence certaine sur sa compagne qui change sa couleur de cheveu pour devenir blonde et se colore toujours les lèvres en rouge vif à la demande de son compagnon. C’est Myra qui aborde généralement leurs victimes dans la rue, parvient à les attirer dans un véhicule. Sous prétexte d’aller chercher un objet perdu, les deux meurtriers conduisent les trois premiers dans la lande, Brady les agresse sexuellement, les tue par égorgement ou étouffement, puis les corps sont enterrés. Les deux dernières victimes sont assassinées au domicile du couple, au 16, Wardle Brook Avenue.  C’est après avoir assisté à l’assassinat d’Edward Evans, enlevé devant la gare de Manchester Central, et qui décède peu de temps après sous les coups de hache de Brady, que le beau frère de Myra, David Smith, dénonce le duo meutrier à la police.


Le couple diabolique dans un style anthropométrique.

A l’issue du procès qui se tient aux assises de Chester à partir d’avril 66, le couple est condamné à la prison à vie. Il échappe vraisemblablement à la peine de mort qui a été abolie dans le pays un an auparavant. Brady est incriminé pour  les 3 premiers meurtres, sa compagne endossant les assassinats de Lesley Ann et Edward est innocentée pour celui de John Kilbride. Les photos de style anthropométriques du duo fixent sur la pellicule et pour l’histoire les visages jeunes mais néanmoins tourmentés des deux criminels les plus diaboliques d’Angleterre, Myra Hindley, en tant que femme, devient à l’échelle de tout le pays, l’incarnation du mal.


« We’ll be right by your side till the day you die ».

Battue du 17/10/65 (source the Telegraph).
Morrissey a brillamment composé son texte. En effet, il fait revenir les enfants tués par les 2 serial killers et il les fait parler. Une ambiance d’outre-tombe, égale à celle qu’on imagine dans la lande s’installe à l’écoute du texte. Dans cette sombre affaire, il n’est en effet question que de hantise et de revenants. Il faut préciser que l’arrestation de Brady et Hindley donne immédiatement lieu à d’importantes battues pour retrouver les corps des victimes. En octobre 65, les dépouilles de Lesley Anne Downey puis de John Kilbride sont localisées sur la lande par la cinquantaine de policiers mobilisés pour les recherches. A ce stade de l’enquête et de la tenue du procès il manque encore deux corps. Ce n’est qu’en 1987 que les recherches relatives aux deux disparus reprennent, mais seule la « tombe » de Pauline Reade dont Brady a récemment revendiqué l'assassinat est identifiée. À ce jour, les restes de Keith Bennett n’ont jamais été localisés, enfouis à jamais semble-t-il dans la lande en dépit des demandes réitérées de la maman du défunt pour les retrouver. La chanson de Morrissey s’adosse à cette réalité, les voix des enfants y résonnent avec ces promesses de venir hanter leurs bourreaux, privés de leur quiétude, de leurs rêves et de leur joie, comme ils ont privé leurs victimes de leur vie.

L’affaire des Moors murders est plus qu’une simple histoire de fantôme, elle a véritablement marqué les mancuniens et, au delà même, les anglais. C’est encore sensible de nos jours comme l’attestent ces quelques évènements. Le procès eut un considérable retentissment médiatique, les journaux s’étant saisis des disparitions pour relayer des appels à témoin. La foule fut contrainte, en raison de l’affluence, de suivre les débats depuis l’extérieur des assises de Chester. Le double portrait de style anthropométrique des meurtriers de la lande laisse pour la postérité l’image d’un couple étonnamment assorti. Si Brady y apparaît médiocre et inspire peu la sympathie, sa compagne campe une sorte de Marilyne sombre du Lancashire, une version démoniaque et peut être un peu vulgaire de la star hollywoodienne. Cette image inversée du fantasme cinématographique incarné cristallise toute la haine que le pays éprouve à l’égard de cette femme qui en a profondément marqué l’histoire contemporaine et qui, là encore, hante l’imaginaire national (on notera que la chanson des Smiths fait tout le temps référence à elle, très peu à Brady) . Hindley passera quelques mauvais moments en prison, brutalisée par plusieurs de ses co-détenues. Sa condamnation à l’emprisonnement à vie a été à confirmée en 1990 suite à ses recours. En 1997, un portrait de la tueuse de la lande réalisé par Marcus Harvey à partir d’empreintes de mains d’enfants est montré à Londres à la Royal Academy of Art de Londres. Il est vandalisé à l’encre et avec des œufs par différents visiteurs dès les premiers moments de son exposition prouvant l’extrême sensibilité de l’opinion au sujet.
Myra par M Harvey (1995)

Myra décède en prison en 2002 suite à une attaque cardiaque, mais le pays n’en a pas encore fini avec son blond fantôme. Elle revient une nouvelle (et dernière ?) fois sur le devant de la scène en 2008 à Pékin. Les JO s’y déroulent, les prochains en 2012 auront lieu à Londres. Lors d’une soirée de promotion de l’événement à laquelle assistent plusieurs personnalités politiques de 1er rang, une vidéo réalisée à la demande de l’organisme Visit London est diffusée. L’œuvre d’Harvey y apparaît brièvement provoquant aussitôt un buzz médiatique et une série de déclarations attestant du choc produit.

ian Brady alimenté par  tube depuis sa grève de la faim de 1999.Credit: ITV News/Priscilla Coleman
Brady est, lui, toujours en vie et incarcéré. Ce n’est pas pour autant qu’il ne se rappelle pas aux souvenirs de l’Angleterre de façon régulière et tonitruante. La presse se fait l'écho de sa folie. Ainsi, en 1999, il entame une grève de la faim qui se poursuit encore aujourd’hui sauf qu’on lui impose désormais de s’alimenter par un tube, l’empêchant ainsi de se soustraire par un lent suicide à sa condamnation. 10 ans plus tard, il entame de nouvelles procédures pour être transféré dans une prison écossaise, pays dont il est natif. Sans résultats à ce jour, il est depuis 2007, le prisonnier qui est resté le plus longtemps à l’ombre des geôles du royaume.  Sa santé se dégradant, il est régulièrement hospitalisé. À 75 ans, les médecins le disent atteint de paranoïa et de différentes psychoses chroniques. Il n’en continue pas moins son bras de fer avec la justice britannique et resurgit par ce biais à intervalles réguliers dans l’espace public tel un fantôme diabolique dont le pays ne peut se débarrasser. 

Le côté obscur des swingin’ sixties s'appelait Ian Brady et Myra Hindley.


Mes remerciements sincères et appuyés à Olivier F. pour son aide à la traduction.

Notes : 


[1] Les Beatles sortent leur premier 45 tours  Love me do  le 5 octobre 1962.
[2] Né le 15 juillet 1956, Ian Curtis se suicide le 18 mai 1980 par pendaison à la veille d’une tournée américaine que devait effectuer son groupe Joy Division alors en pleine ascension vers le succès. Joy Division est alors la signature phare de Factory Records.
[3] Dans un entretien pour les Inrockuptibles, le photographe K. Cummins, spécialiste de la scène musicale mancunienne, se rappelle un concert des Smiths à l’Haçienda en 1983 (aujourd’hui immortalisé sur la timeline installée où se trouvait le club) : « Le concert de l’Haçienda de novembre 83…Un immense moment de fraternité, de fierté mancunienne : c’est comme si nous nous étions tous étreins ce soir-là. Soudain, ils [The Smiths] n’étaient plus le grand groupe de Manchester ; ils devenaient le grand groupe d’une génération »
[4] L’existence des Smiths est vraiment limitée à cette décennie puisque le groupe se sépare en 87 ce qui n’empêche pas ses deux piliers de poursuivre une carrière solo.
[5] L’Irwell est la rivière qui traverse Manchester.


Pistes bibliographiques : 

Il existe pléthore d'ouvrages sur la scène mancunienne et les Smiths mais je recommande chaudement le numéro hors-série des Inrocks2 intitulé "Manchester, l'usine à son".

Sur les Smiths en particulier, quelques articles en plus du Guardian :
- une rigolote infographie http://www.guardian.co.uk/culture/interactive/2013/mar/15/the-smiths-everything-you-need-to-know
- un begginer's guide qui contient une playlist : http://www.guardian.co.uk/music/musicblog/2013/feb/25/smiths-beginners-guide
- une série de témoignages attestant de l'importance du groupe : 
http://www.guardian.co.uk/music/2011/oct/02/smiths-morrissey-fans-changed-lives
- un article sur Morrissey :
http://www.guardian.co.uk/music/2007/may/06/popandrock.features1
- un sur Suffer Little Children :
http://www.dreamindemon.com/2010/02/25/suffer-little-children-morrissey-explores-the-moors-murders/

Sur les Moors Murders et les deux assassins : 

- des articles de presse : 
http://news.bbc.co.uk/onthisday/hi/dates/stories/may/6/newsid_2512000/2512119.stm
http://www.guardian.co.uk/uk/2012/aug/17/moors-murders-timeline
http://www.manchestereveningnews.co.uk/news/greater-manchester-news/moors-murders-prelude-to-the-crimes-that-shocked-694202

- un reportage photo
http://www.pearltrees.com/#/N-u=1_786705&N-f=1_8063410&N-s=1_8063410&N-p=77166068&N-play=2&N-fa=5983031

- des approches biographiques :
http://www.guardian.co.uk/uk/2002/nov/17/ukcrime.niccigerrard
http://www.guardian.co.uk/media/2000/mar/02/tvandradio.television1
http://www.guardian.co.uk/uk/2002/nov/15/ukcrime2