vendredi 7 novembre 2008

112. Zanini: "Tu veux ou tu veux pas". (1970)


Marcel Zanini est un musicien de jazz assez atypique. Physiquement d'abord, il arbore une moustache à la Groucho Marx, tandis qu'un bob est toujours vissé sur la tête. En 1970, il enregistre ce morceau qui est en fait une reprise de la chanson brésilienne Ne vem que mao tem. Cette chanson évoque, sinon une liberté totale, du moins une décontraction ouverte dans les moeurs amoureuses. Rien de bien révolutionnaire certes, cependant il convient de se replacer dans le contexte de l'époque.

La chanson de Michel Polnareff, "je veux simplement faire l'amour avec toi", sortie en 1966, avait provoqué un petit scandale. Les paroles en sont pourtant bien anodines, mais elles choquent néanmoins les plus puritains.

En effet, jusqu'aux années 1950, au moins, une morale sexuelle très rigide gouverne la société. Si sexuellement, les hommes bénéficient d'une certaine latitude, les femmes, en revanche, se voient imposer des barrières difficiles à franchir. En premier lieu, la reproduction continue de dominer la sexualité des femmes, limitée avant tout à sa fonction biologique.

La chasteté reste de mise jusqu'au mariage et les jeunes femmes doivent donc conserver leur virginité jusqu'à la nuit de noces. D'une manière générale, la sexualité ne saurait être envisagée hors des cadres du mariage. Une fois ce dernier consommé, l'épouse doit une fidélité absolue à son mari, son amour unique autant que possible.

Jusqu'à la fin des années soixante, la sexualité reste un sujet largement tabou, à la fois au sein de la famille, mais aussi dans le cadre scolaire.


Le morceau "Let's spend the night together" des Rolling Stones, en 1967, provoque, lui aussi ,le scandale. La chanson est même censurée sur la BBC.

On assiste néanmoins à un changement progressif des mentalités et des mœurs à partir du milieu des années soixante. Certains évoquent ainsi une "révolution sexuelle", en tout cas une libération sexuelle, appuyées notamment par des avancées scientifiques:
- la menace des maladies sexuellement transmissibles comme la syphilis s'éloigne avec les progrès médicaux et le développement d'antibiotiques efficaces au cours des années 40.
- Surtout la mise au point et la diffusion de la pilule contraceptive au cours des années soixante aux Etats-Unis laisse les femmes libres de choisir ou non la maternité.
En France, la loi élaborée par le député gaulliste Lucien Neuwirth autorise la contraception. Il s'agit incontestablement d'un premier pas décisif dans la conquête de la liberté sexuelle. Une place est enfin faite au plaisir et à l'épanouissement personnel. La maîtrise tant attendue et désirée de la fécondité permet de vivre une sexualité épanouie.



Les oeuvres d'Herbert Marcuse ("Eros et civilisation") et du psychanalyste Wilhem Reich ("la révolution sexuelle") permettent de diffuser la pensée de ces théoriciens de la liberté sexuelle. Reich, par exemple, démontre l'importance thérapeutique de la satisfaction sexuelle et de l'orgasme ("la fonction de l'orgasme" en 1967).

Le comportement sexuel fait enfin l'objet d'études scientifiques comme l'attestent les rapports Kinsley (1948) et Masters (1960) sur la sexualité des Américains. Il faudra attendre tout de même 1972 avant que la France ne dispose d'un outil similaire.

Dans ces conditions, les revendications sexuelles grandissent. Elles sont d'ailleurs au cœur des événements de mai 68. Tout commence en fait en mars 1967 à la faculté de Nanterre lorsqu'un groupe d'étudiants, mené par Daniel Cohn-Bendit, revendique la mixité et la libre circulation dans la cité universitaire.

Avec le mouvement de mai 68, ces revendications s'approfondissent. Les slogans écrits sur les murs de Paris l'attestent: "Faites l'amour, pas la guerre", "Jouissez sans entrave", "Plus je fais l'amour, plus j'ai envie de faire la révolution". La trilogie imposée mariage/amour/sexualité vole en éclat. Le plaisir arrive désormais au premier plan.

Une photo très célèbre d'Henri Cartier-Bresson qui se passe de commentaires.

On entre progressivement dans une nouvelle ère qui remet en cause la pudibonderie dominante. Les habitudes vestimentaires changent et illustrent cette nouvelle soif de liberté. D'une part, beaucoup de jeunes femmes arborent des pantalons, des jeans et décident de s'habiller comme elles l'entendent, s'affranchissant de la jupe de rigueur. Dans le même temps, ces dernières se raccourcissent. La minijupe, lancée à Londres en 1962 par Mary Quant, bouleverse les mœurs. Elle sera même interdite un temps aux Pays-Bas.
A la plage, les tenues laissent apercevoir de plus en plus le corps féminin. La mode des bikinis, imaginés par Louis Réard en 1946, est relancée par Brigitte Bardot dont la prestation dans "Et Dieu créa la femme" fera date. Certaines vont jusqu'à pratiquer le topless, rangeant au placard le haut de leur bikini. Certaines des premières adeptes des monokinis écoperont d'amendes pour outrage aux bonnes mœurs.

Brigitte Bardot en 1953.


Au cours des années suivantes, les choses bougent incontestablement. En 1973, une directive du ministère de L'Education nationale introduit l'éducation sexuelle à l'école. De nombreux tabous en matière de pratiques sexuelles sont tombés. Le baiser sur la bouche, encore considéré comme indécent avant la grande guerre, se généralise. Fellations et cunnilingus font désormais partie des pratiques sexuelles répandues chez les Français. Le succès d'un film comme "Emmanuelle" de Just Jaeckin, en 1974, annonce le début de l'érotisme de masse.


L'affiche du film "Emmanuelle".


Pour autant, il convient de relativiser ces changements. Par exemple, les spécialistes constatent que depuis plusieurs décennies, le nombre moyen de partenaires amoureux par individu reste stable: 12 pour les hommes et 3 pour les femmes (c'est bien connu la mémoire masculine est fâchée avec les chiffres dès qu'il s'agit de sexualité...). Nous sommes alors encore très loin d'une véritable parité homme/ femme, mais le long mouvement vers l'égalité (objectif loin d'être atteint aujourd'hui) s'enclenche alors.

Au bout du compte, ce sont avant tout les mentalités qui ont évoluées. Alors qu'à la fin des années 60 la féminité se résumait souvent à la maternité, la place de la femme ne se réduit plus à ce rôle, loin s'en faut.

"Tu veux ou tu vau pas" Marcel Zanini (1970).

REFRAIN:
Tu veux ou tu veux pas
Tu veux c'est bien
Si tu veux pas tant pis
Si tu veux pas
J'en ferai pas une maladie
Oui mais voilà réponds-moi
Non ou bien oui
C'est comme ci ou comme ça
Ou tu veux ou tu veux pas

Tu veux ou tu veux pas
Toi tu dis noir et après tu dis blanc
C'est noir c'est noir
Oui mais si c'est blanc c'est blanc
C'est noir ou blanc
Mais ce n'est pas noir et blanc
C'est comme ci ou comme ça
Ou tu veux ou tu veux pas

La vie, oui c'est une gymnastique
Et c'est comme la musique
Y a du mauvais et du bon
La vie, pour moi elle est magnifique
Faut pas que tu la compliques
Par tes hésitations

REFRAIN

La vie, elle peut être très douce
A condition que tu la pousses
Dans la bonne direction
La vie, elle est là elle nous appelle
Avec toi elle sera belle
Si tu viens à la maison

Tu veux ou tu veux pas? hein!
Quoi? Ah! tu dis oui
Ah! a a a a a a a
Et ben moi je veux plus!
Ouh! la la

Liens:
- Une biographie de Marcel Zanini.
- Quarante ans de révolution sexuelle en images avec Rue 89.
- "Mai 68 une révolution sexuelle nécessaire" avec Roomantic.fr.
- Une chronologie intéressante sur Le Monde.fr.
Bonus:on reproche souvent à Brassens sa misogynie, avec sa chansonnette pour celle qui veut rester pucelle. Il est sur un tout autre registre.

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