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jeudi 30 septembre 2010

221. Tiken Jah Fakoly: Foly Sundjata.

Une récente polémique a éclaté au sujet de l'enseignement des civilisations africaines dans le programme d'histoire du collège. Les tenants passéistes de l'apprentissage d'une histoire de France plongée dans le formol regrettent la disparition des références aux grandes figures héroïques françaises (une lecture objective des programmes dit le contraire). Comment envisager que les jeunes Français d'aujourd'hui ne connaissent pas le tracé de la Marne ou de l'Escaut? Quant à s'intéresser à des contrées et des civilisations que nous avons civilisé! M'enfin, c'est scandaleux.
Ces gardiens attentifs de nos références historiques nationales se sont dotés d'un groupe Facebook où il est possible de signer une pétition "Pour promouvoir et défendre l'Histoire de France et son enseignement dans l'Instruction Publique". Le Collectif "Notre Histoire c’est notre Avenir" insiste avec un slogan qui claque: "Louis XIV, Napoléon, c'est notre Histoire, pas Songhaï ou Monomotapa." Suit une revue de presse d'articles choisis où l'on peut lire les arguments ineptes du collectif repris par des journalistes qui ont sans doute bien mieux à faire que de se pencher sur les programmes scolaires. Tous ceux qui considèrent que "l'homme africain n'est pas assez entré dans l'histoire", nostalgiques du bon temps des colonies, trouveront sans doute d'excellentes raisons d'aller signer la pétition. D'autres, dont nous sommes, se réjouissent de l'introduction dans nos programmes de l’histoire des civilisations africaines ou indiennes (10% du programme. C'est sans doute encore trop...).
La meilleure réponse à apporter à tous ces grincheux consiste sans doute à s'intéresser à l'histoire des royaumes médiévaux africains comme celui de Soundiata Keita, empereur du Mali.
Le vaste empire de Sundjata Keita s'étendait du Sénégal à l'ouest jusqu'au centre du Niger à l'est et du centre du Sahara au nord au sud de la Côte d'Ivoire. Cet espace prospère fut dirigé pendant plusieurs centaines d'années par des souverains puissants dont nous avons gardé le souvenir grâce aux djeli, plus connus sous nos latitudes sous le nom de griots.

 Le Mali se situe au point de rencontre des grandes routes caravanières qui reliaient l'Afrique du nord au reste du continent. Ce commerce qui reposait autrefois sur les échanges d'or et d'esclaves contre des marchandises, a favorisé le développement de villes comme Tombouctou, Gao ou Djenné.

* La légende de Soundiata Keita.
C'est au XIIIème siècle que le petit royaume du Mandé (ou Mali) prend son essor. L’histoire de Soundiata Keïta est essentiellement connue par l’épopée racontée de génération en génération jusqu’à nos jours par les griots, et ainsi analysée par Seydou Camara : « Cette « épopée » aux tonalités légendaires est un mélange de souvenirs réels et de motifs de conte ; c'est, autrement dit, une construction littéraire qui évoque l'histoire locale parasitée par le thème universel du héros classique. »
Naré Maghann Konaté, le père de Sundjata, était un souverain mandingue, à la tête d'un petit royaume. Un chasseur lui affirma qu'une femme laide lui donnerait un fils qui deviendrait un grand souverain. Le monarque se souvint de la prophétie lorsqu'on lui présenta une femme hideuse, Sougoulou Konté. Cette nouvelle épouse lui donna un fils: Sundjata Keïta.
Malingre, le petit garçon éprouvait des difficultés pour marcher. Ses jambes, molles, se dérobaient sous lui. Infirme, il devait donc ramper, arc-bouté sur ses bras. A quatre ans, il ne savait toujours pas marcher. Pourtant, la prédiction affirmait qu'il deviendrait un jour un grand roi.
La mère de Soundiata, Sougoulou Konté, fut prise en grippe par une des autres épouses du père de Soundiata. Cette Sassouma Berte avait juré la perte de la mère et de son rejeton. Or, le fils de Sassouma, Dankaran Toumani Keita, accède au trône à la mort de son père, en 1218. La vie devient alors un véritable enfer pour Soundjata qui n'a d'autre choix que de s'exiler au royaume de Mena. Entre temps, un forgeron lui a donné une barre de fer, qui lui permet enfin de se redresser et de marcher normalement (Sundjata a alors 7 ans).
Carte de l'empire du Mali.

Pendant ce temps, Soumaoro Kante, roi du Sosso, ravage les terres du Mande et menace directement le royaume mandingue. Il tient la soeur de Soundjata captive, ainsi que le griot de la famille. Le demi-frère de Soundiata, Dankaran Toumani Keita, qui règne théoriquement, a pris la fuite après une déroute contre Kanté. Soundjata fait alors figure de sauveur et de libérateur du Mandé. Une cohorte d'émissaires se rend à Mena et le convainc de libérer son pays du joug du tyran, qui pressure et exploite le Manden depuis 3 ans. La popularité de Soundjata inquiète Kante; d'autant plus que des sorciers lui ont affirmé "ton vainqueur naîtra au Mali". Mais, Soumaoro, familier des forces occultes, disposait de pouvoirs surnaturels qui le rendaient insensible aux flèches. En retour, Soundjata sait aussi pouvoir compter sur sa soeur, Djegue. Contrainte de coucher avec Soumaoro, elle perce le secret de l'invincibilité du roi du Sosso. Pour annuler ses pouvoirs, il faudrait ainsi le toucher au talon avec une flèche confectionnée à partir d'un ergot de coq blanc.

A la suite d'une rébellion des Mandé, Kante entend en finir et se lance à l'assaut de ses sujets récalcitrants. Soundjata s'emploie alors à lever une armée qui comprend notamment Fakoly Kumba (un des aïeux de Tiken Jah Fakoly) l'ancien chef de son armée. Il reproche notamment à Kanté d'avoir enlevé son épouse. Les deux armée s'affrontent lors de la bataille de Kirina, en 1235. Soundjata vise son adversaire avec la flèche spéciale, annulant aussitôt tous ses pouvoirs de magicien. Certains racontent que le tyran disparut instantanément, d'autres expliquent qu'il se réfugia dans les montagnes de Koulikoro. Par vengeance, Soundjata ravagea le Sosso, coeur du royaume de son adversaire. Soundiata prit alors les rênes de l'empire du Mande dont il étendit considérablement les frontières.


L'empire du Mali (du 13ème au 17ème siècle) s'étendait du sud du Sahara jusqu'à la côte atlantique. Il a pour coeur la vallée du Niger. Les principales villes sont Niani, en pays malinké, Djenné, grand carrefour commercial et les trois étapes sahariennes de Oualata, Tombouctou et Gao. Un empire si prestigieux que son nom sera d’ailleurs repris en 1960, lorsque le pays devient indépendant.

* L'histoire.
Après l'éclatement de l'empire du Ghana, le petit royaume soninke du Sosso, gouverné par Soumaoro Kante, étend sa suzeraineté sur toute la région comprise entre les fleuves Sénégal et Niger, devenant un des plus puissants de l'Afrique de l'ouest. Il tente d'abord de passer des alliances avec les petits souverains mandingues à la périphérie de son territoire. En vain, ces derniers le méprisent du fait de son appartenance à la caste inférieure des forgerons. Désormais, Kanté sème la terreur dans le pays mandingue. En 1224, il entreprend une importante campagne afin d'annexer le Mandé. Il attaque notamment un petit royaume fondé dans la région du haut Niger par le clan des Keita.

Il met alors en fuite le souverain Dankaran Touman, frère de Soundjata Keita, alors en exil à Méma, près du lac Debo. Ce dernier, appuyé par plusieurs souverains des royaumes environnants, finit par prendre les armes contre Kanté. De nombreux affrontements opposent alors les deux armées. Après la défaite de Kankignè, Soundjata se venge en triomphant à la bataille de Kirina, en 1235. Kanté capitule et Soundjata s'impose alors à la tête de l'empire du Mali.
Après la reddition de Kanté, Keïta annexe le royaume du Ghana, exsangue. Il prend le titre de mansa ("chef suprême"). Durant son règne, de 1235 à 1255, il réussit à unifier tous les clans malinké du Mandé au sein d'un seul et unique royaume, avec Niani pour capitale. La prospérité de l'empire repose notamment sur l'extraction de l'or (les mines du Bouré paraissaient inépuisables), permettant un commerce florissant. La stabilité de l'empire est propice au trafic caravanier qui reprend son essor. Du nord provient le sel, le cuivre, les tissus, ainsi que les produits manufacturés venus d'Europe. Du sud partent les épices, l'ivoire, la kola, l'or et les esclaves. Dans le domaine agricole, l'empire du Mali développe bientôt la culture du coton et de l'arachide.
* Les successeurs de Soundjata
Son fils Mansa Oulé, qui règne de 1255 à 1270, étend l'empire vers l'ouest, jusqu'à l'océan Atlantique. Mais, ses héritiers se disputent son trône qui échoie finalement à Sakoura, un esclave affranchi (1285-1300). Musulman, il entreprend un voyage à la Mecque. C'est au retour de ce pélerinage qu'il est assassiné par des pirates. Les Keïta récupèrent alors leur trône. Abou Bakari II, puis Kankan Moussa. Ce dernier accède au pouvoir en 1312. Il soumet les touaregs du nord. Musulman pratiquant, il se rend en pélerinage à la Mecque en 1324, escorté par une caravane regorgeant d'or. De retour dans son empire, Kankan appelle à sa cour de nombreux lettrés maghrébins qui contribuent en retour à la renommée de leur protecteur. Tombouctou, où Moussa fait construire la mosquée Djingareiber, devient ainsi un véritable centre intellectuel, prospère grâce à l'intensité du trafic caravanier. L'empire du Mali intègre politiquement des populations de nombreuses cultures différentes unifiés sous une même administration décentralisée: Maures et Touaregs sahariens, peuples de la Savane tels que les Wolofs, les Mandingues, les Soninkés, les Songhaïs et les Dogons.
Les querelles de succession et les attaques des Mossis, des Touaregs et surtout des Songhaïs entraînent le déclin de l'empire au XVème siècle. Mais son prestige reste intact à travers les siècles. Surtout l'épopée de Sundjata Keita continue d'être rapportée par les griots.

Détail de l'atlas dit "catalan d'Abraham Cresques (1375). Ce portulan montre le "Musse Melly" (Mansa du Mali) seigneur des nègre de Guinée" (avec couronne, sceptre, globe et trône d'or). La carte représente les richesses de l'empire du Mali. 

* Une société hiérarchisée.
Dans l'empire domine la civilisation malenke ou mandingue (celle du Mandé, la province d'origine de Sundjata). Chez ces derniers, un système de castes organise la société, autour de 3 grandes catégories:
- Les horon sont les nobles. Représentants des fondateurs de l'empire et de leurs alliés, souvent cultivateurs, chasseurs ou commerçants, ce sont eux qui dirigent la communauté;
- les jon (les captifs) qui sont généralement descendants d'esclaves affranchis;
- Les niamakala ou gens de castes se divisent en numu (forgerons), garanké (coordonniers) et djéli (griots). Dans le cadre de cet article, ce sont bien sûr ces derniers qui vont retenir notre attention.
Les griots jouent un rôle fondamental dans la société mandingue. Leur statut se transmet de g
énération en génération. Détenteurs de la mémoire et de la tradition, ils restent les garants du bon fonctionnement de la communauté. Ils font ainsi office de conservateurs en tant qu'uniques dépositaires de la généalogie des familles, dans une société orale (en Afrique de l'ouest, l'enseignement et l'histoire se transmettaient à l'oral ce qui fit dire à Hampâté Bâ qu'en "Afrique, un vieillard qui meurt est une bibliothèque qui brûle."). Ils constituent alors la clef de voûte de la société mandingue. D'ailleurs, au Mali, les griots sont connus sous le nom de djeli ("le sang"). Comme le signifie le terme, le djeli représente le "sang" du corps social. Ce personnage, attaché au prince ou aux hauts dignitaires du régime, connaît la jurisprudence, la constitution. Il joue aussi un rôle de précepteur auprès des enfants. C'est lui qui mémorise et transmet l'histoire, lui qui chante les louanges et les hauts faits des familles princières, auxquelles il sert aussi de porte-parole.

* L'épopée de Soundjata chantée par les musicens.
Rien ne se décide sans eux. Médiateurs, ils se chargent souvent de régler les conflits et jouent fréquemment le rôle d'intermédiaire entre le souverain et ses sujets. Bref, ils jouent un rôle de ciment social fondamental. Sa parole, chantée, souvent accompagnée d'instruments, fait autorité. Sa maîtrise du verbe est sans égale (la qualité des métaphores utilisées permet ainsi de mesurer le talent du griot). Les jelys seraient apparus à l'époque de Sundjata Keïta. Ce dernier ne sépare jamais de Balla Fasséké, son griot attitré. Jusqu'au XVIIIème siècle, les griot jouent et chantent surtout pour les nobles, tout en se rendant parfois dans les villages. A partir de cette époque, ils se tournent vers un public plus populaire, participant par exemple à des événements particuliers (naissance, mariage, funérailles). Ceux pour qui ils chantent leurs font des présents qui constituent leurs ressources. Aujourd'hui, le rôle du griot s'est banalisé et a perdu de son prestige. Dans les villes, ils deviennent souvent des artistes professionnels utilisant des instruments modernes.
Les griots sont aussi des musiciens qui s'accompagnent de la kora, du ngoni, du balafon ou du xalam. Dans leurs morceaux, ils rappellent la genèse de l'empire mandingue, les hauts faits des puissants auxquels ils restent attachés. De nombreuses chansons modernes louent Soundiata et narrent ses exploits, faisant du personnage le symbole de l'unité du mandingue, et par extension de l'Afrique. Ci-dessous, nous avons sélectionné quelques morceaux dont le somptueux morceau "Soundiata (l'exil)" interprété par Mory Kanté avec le rail Band en 1975. Ce joueur de kora guinéen appartient à une prestigieuse lignée de griots. Dès l'enfance, il acquiert une grande renommée en jouant dans les fêtes de quartier et les mariages. Il apprend alors à jouer de la kora auprès du grand maître malien Batourou Sékou Kouyate. En 1971, il intègre le rail band de Bamako en tant qu'instrumentiste, avant d'en devenir le chanteur lorsque Salif Keïta quitte le groupe.


Sources:
- La documentation photographique n°8075: "histoire de l'Afrique ancienne", 2010.
- L'Afrique enchantée du 11/07/ 2006: "le héros".
- Article de Wikipédia sur Sounjata Keita.
- Dossier du magazine Géo sur le Mali (impossible de retrouver la date).
- "Les musiciens du beat africain", collection Compact, Bordas.
- "Le petit atlas des musiques du monde", éditions du Panama, 2006.
- Seydou Camara: "La tradition orale en question", Cahiers d'études africaines, 1996, p770.

Liens:
- CVUH: "Virer l'Afrique de l'histoire de France, il paraît que C dans l'air du temps". La réplique de trois membres du comité de vigilance face aux usages publics de l'histoire: Laurence De Cock, Suzanne Citron, Jean-Pierre Chrétien. Auteur du dernier numéro de la documentation photographique consacré à "l'histoire de l'Afrique ancienne", dont la lecture ferait le plus grand bien à tous ceux qui pensent que l'histoire du continent débute avec la conquête coloniale.
- Mediapart: "Les réacs au piquet!"

samedi 20 mars 2010

204. Tropical fiesta : « Révérence à nos souverains »

Elevé par les missionnaires de l'Oubangui-Chari (cette colonie française est alors intégrée à l'AEF), après le décès de ses parents, Jean-Bedel Bokassa s'engage dans l'Armée française à l'âge de 18 ans, en 1939, et participe, au sein des Forces françaises libres, au débarquement en Provence et à la bataille du Rhin. Il sert ensuite en Indochine et ne rentre qu'en 1964 dans son pays d'origine, devenu indépendant sous le nom de République centrafricaine. Son cousin, David Dacko est à la tête de l'État depuis 1959 et la disparition de Barthélémy Boganda dans un accident d'avion. Cousin de Dacko, Boganda était favorable à la création d'États-Unis d'Afrique et aspirait au maintien d'une fédération rassemblant les pays de l'Afrique Équatoriale française. Les nombreux particularismes locaux auront raison de cette ambition, avant même sa disparition.


bokassa[1] par guisso2
Jean Bedel Bokassa en tenue militaire.




Dacko n'hésite pas à faire de Jean-Bedel Bokassa son Chef d'état-major et l'élève au grade de colonel. Ce poste clef lui permet de réorganiser l'Armée et de nouer des contacts qui s'avéreront cruciaux quelques mois plus tard. Fin 1965, il contre la tentative de Putsch du chef de la gendarmerie , mais conserve le pouvoir à son profit, destituant, de fait, Dacko, le 31 Décembre 1965 (on parlera ainsi du « coup d'Etat de la Saint-Sylvestre »).

Très vite, Bokassa fait savoir qu'il entend maintenir son pays dans le pré-carré français, ce qui rassure de Gaulle et Foccart, le monsieur Afrique de l'Élysée. Le président français respecte aussi le passé militaire de Bokassa qui lui donne du "papa" (ce qui irrite au plus haut point de Gaulle). La Centrafrique demeure en tout cas dans la dépendance complète de l'ancienne métropole et c'est avec l'assentiment de la France que Bokassa assoit son pouvoir de façon brutale.
Le dictateur jouit dans un premier temps d'une certaine popularité grâce à de grandes idées de retour à la terre, de réforme agraire regroupées sous le nom "d'opération Bokassa". Ce volontarisme économique connaîtra quelques succès (de meilleures récoltes)assurant une croissance économique au pays. A l'époque Bangui se dote de nombreuses constructions qui lui valent le surnom de "coquette", tandis que des progrès notables sont à signaler dans le domaine éducatif.


Sur le plan politique, le pays est mené d'une main de fer. Les opposants croupissent en prison. Pour un oui ou un non, le dictateur donne l'ordre de torturer ou d'exécuter, détournant à son profit les aides financières accordées à son pays dans le cadre de la coopération. Grâce à de telles pratiques concussionnaires, il se trouve bientôt à la tête d'un important patrimoine immobilier (château en Sologne, villas dans le midi de la France).



Bokassa sombre dans la mégalomanie. Grisé par le pouvoir absolu, il s'autoproclame "président à vie" en 1972, puis Maréchal en 1974. Président omniscient, il dirige tout, accapare les postes à responsabilité. Le cumule des mandats ne le concerne pas puisque, tout en restant président, il s'arroge dans le même temps dix ministères. Évidemment, il contrôle l'information et les médias, transformant ainsi la radio nationale (La voix de la Centrafrique) en organe de propagande. Admirateur inconditionnel de Napoléon, il organise, le 4 décembre 1977, une fastueuse cérémonie au cours de laquelle il se couronne lui-même empereur. Ce sacre coûtera une fortune au pays, dont l'économie est pourtant exsangue. La couronne, le sceptre sont sertis de pierres précieuses d'une très grande valeur. Pour l'occasion, Bokassa Ier arbore le même costume que le Maréchal Ney lors du sacre de Napoléon (il trouve son inspiration dans le tableau que David réalise pour le sacre de Napoléon). La cérémonie se déroule dans un gymnase omnisports construit quelques années auparavant.
Mais, parmi les 5.000 invités, aucun Chef d'Etat n'a fait le déplacement. L'empereur de Centrafrique n'en reste pas moins soutenu, financé pendant toute la durée de son sinistre règne (13 années) par la France qui y voit un moyen de perpétuer sa présence en Afrique centrale et d'assurer la prospérité des expatriés européens sur place . Elle s'abstient donc de tout commentaire sur le régime.

Timbre commémorant le sacre du premier empereur centrafricain.

Les rapports de Bokassa avec les successeurs de de Gaulle restent plutôt bons et le dictateur parle de Valéry Giscard d'Estaing comme de son « cher parent ». Du côté français, le comportement de plus en plus extravagant du protégé devient embarrassant. Bokassa peut par exemple décider en se levant d'augmenter les salaires des fonctionnaires de 25% sans avoir pour autant les moyens de les payer. Dans ce cas là, il se tourne vers les autorités françaises. Lorsque celles-ci renâclent, il n'hésite pas à menacer son "tuteur" d'aller demander secours à l'URSS ou la Chine. En ces temps de guerre froide, cette méthode s'avère souvent très efficace. Il n'hésitera pas non plus à se convertir à l'islam afin d'être plus convaincant auprès de Khadafi auprès duquel il prend l'habitude de réclamer des subsides.

http://formaementis.files.wordpress.com/2008/09/bokassa.jpg

En janvier 1979, le ministre de l'éducation impose l'uniforme à l'école. Cette mesure suscite la colère de nombreuses familles déjà à genoux. Aussi, écoliers et étudiants descendent dans la rue pour tenter de faire reculer le pouvoir. Bokassa engage au contraire une terrible répression qui se solde par une centaine de morts. C'est cet événement qui précipite son éviction du pouvoir. Désormais en disgrâce à Paris, Bokassa 1er est contraint d'accueillir une commission de juristes sénégalais chargés d'enquêter sur cette tuerie. De nombreux observateurs accusent directement l'empereur qui se serait impliqué personnellement dans la répression des manifestations. Le verdict de la Commission confirme l'implication de Bokassa dans ce drame. Esseulé, ce dernier cherche alors des appuis. Dans cette optique, il se rend en Libye auprès de son vieil ami Kadhafi. Alors qu'il se trouve dans l'avion pour Tripoli, les autorités françaises décident d'une opération commando. L' « Opération Barracuda » aboutit à la destitution du dictateur, remplacé par le docile David Dacko. A cette occasion, les militaires se rendent aussi dans le palais de l'empereur déchu pour y récupérer les archives, sans doute trop compromettantes pour certaines personnalités françaises. Persona non grata en France, Bokassa prend le chemin de l'exil qui le conduit en Côte d'Ivoire, où il rumine sa vengeance à l'égard de son "cher parent" Giscard d'Estaing, qui vient de le lâcher.
Les deux hommes se connaissent bien et partagent une passion commune, la chasse au gros gibier, qui conduit à plusieurs reprises VGE en Centrafrique. Bokassa, de son côté, possède une propriété en Sologne où il s'adonne à son passe-temps favori.

En janvier 1979, le Canard Enchaîné publie un fac-similé d'une lettre de 1973, signée de la main de Bokassa lui-même, autorisant le don d'une plaquette de diamants de 30 carats au profit de VGE, alors ministre des finances. Difficile de démêler le vrai du faux dans cette histoire, en tout cas l'affaire tombe au pire moment pour le président qui ne va pas tarder à briguer un second mandat présidentiel. Giscard oppose un silence méprisant aux allégations de la presse (« Il faut laisser les choses basses mourir de leur propre poison » déclare-t-il). Loin de convaincre l'opinion, son mutisme tend au contraire à attiser les soupçons. En mai 1981, Mitterrand l'emporte. Le président sortant attribue sa défaite électorale de 1981 à l'affaire des diamants (ce à quoi il faudrait sans doute ajouter sa campagne électorale; son bilan politique et économique; les peaux de bananes glissées par son ancien premier ministre devenu rival, Jacques Chirac; et enfin la volonté d'alternance des Français...).

Chassé d'Abidjan, Bokassa se réfugie en France où il demeure jusqu'en 1986, date à laquelle il rentre en Centrafrique afin d'y être jugé. Lors de précédents procès, il avait été condamné à mort par contumace. Il écope alors de la même peine, commuée en prison à vie. En 1993, il bénéficie d'une grâce présidentielle et s'éteint trois ans plus tard des suites d'un arrêt cardiaque, à 75 ans. Il laisse derrière lui une très grande famille (7 femmes officielles et 27 enfants reconnus).

Il ne faudrait pas se laisser abuser à la lecture du règne ubuesque de ce roitelet africain. Bokassa doit aussi être envisagé comme une figure typique du néo-colonialisme. En l'espèce, il convient de ne pas négliger les responsabilités de l'ancienne puissance coloniale.
Comme le rappellent Géraldine Faes et Stephen Smith, auteurs de la biographie de référence "Bokassa: un empereur français", si le dictateur reste " indéfendable ", il n’est ni plus ni moins que " l’archétype de toute une génération de dirigeants dans les anciennes colonies françaises du continent ", " un satrape assez ordinaire de la Françafrique (...) ".


Constatons, au travers de cet exemple, que les intérêts de la France conduisirent ses présidents successifs à appuyer une dictature africaine jusque dans ses aberrations les plus flagrantes. Or, il ne s'agit malheureusement pas d'une exception...



Comme tout autocrate qui se respecte, Bokassa s'attache les services des artistes. A l'occasion du sacre, il convoque les formations musicales centrafricaines afin qu'elles exaltent son impériale personne. Certains morceaux seront réunis sur un album au titre évocateur: "Hit parade spécial couronnement: 4 décembre 1977". Le morceau "révérence à nos souverains" (premier titre ci-dessous) du groupe Tropical Fiesta rappelle que le nouvel empereur centrafricain vient d'intégrer le cercle très fermé des empereurs en exercice, soit Hiro Hito (Japon) et le Shah d'Iran (depuis trois ans Haïlé Sélassié manque à l'appel).

Le deuxième morceau constitue un véritable ovni musical, assurément pas du meilleur goût. Cette comptine sortie l'année même du sacre évoque l'empereur. Nestor, spécialiste des chansons parodiques ne fait ici qu'un plagiat de l'équipe de "la lorgnette", l'émission que Jacques Martin anime alors sur Antenne 2. En quête d'un hymne digne de son rang, Bokassa avait lancé un appel aux compositeurs du monde entier. Les humoristes proposèrent donc une version iconoclaste dont les paroles sont les suivantes:

Il est bo bo bo
Il est ka ka ka
Il est bo ka ka
Il est bo ka quoi
Il est bo ka ssa

Refrain : il est bo ka ssa …

http://www.bide-et-musique.com/images/thumb150/5957.jpg

Nestor ajoute quelques aménagements et apporte surtout sa touche personnelle avec une musique qu'on ne qualifiera pas (attention cependant à ne pas écouter le morceau plus d'une minute au risque de l'avoir dans tête toute la journée).
Les anthropophages sur la pochette font sans doute référence aux rumeurs de cannibalisme qui coururent à une époque sur Bokassa (sans doute liées à la répression des manifestations étudiantes de 1979, au cours desquels l'empereur auraient joué un rôle actif).

Nestor: "Bokaka" (1977).

Bobo Boka Bokassa
Bobo Boka Bokassa
Bobo Boka Bokassa (Oaaaaaaaaaaaaa….)
…aaaaaaaaaaaaaaaaah! Qu'il est beau !

(2 fois)
Il est beau beau beau
Kassa !
Il est cacaca
Comme ça !
Il est bokaka
Kassa !
Il est bokaquoi
Caca !
Il est Bokassa, Bokassa !

Avec tes gros sabots
Quand tu imites Napoléon
Tu fais bien rire les enfants
De Bastia et d'Ajaccio
Avec ta Joséphine
T'as fait une sacrée rumba
Le monde entier s'est bien marré
Et Martin va me foutre une fessée



Sources et liens:
- L'émission l'Afrique enchantée du dimanche 28 février 2010: "Bokassa Ier ... le dernier empereur".
- La "Françafrique" sur l'Histgeobox.
- "Bokassa s'autoproclame empreur de Centrafique" (article de Marc Teynier pour Jeune Afrique, 1er décembre 2003).
- La chute de Bokassa. Reportage de la Télévision Suisse Romande en Centrafrique.
- "Comment meurent les dictateurs: le cas Bokassa".
- Un dossier sur l'excellent site de Florian Nicolas: "Jean Bedel Bokassa, le Napoléon de Centrafrique" (PDF).
- Bokassa grotraka.

lundi 25 janvier 2010

199. Les Ambassadeurs Internationaux: "Mandjou" (1978)

L'ascension politique d'Ahmed Sékou Touré reste tout à fait exceptionnelle. Simple receveur à la poste de Conakry en 1946, il fonde alors le Syndicat des Postes et des Télécommunications, le premier syndicat de Guinée. Cinq ans après, il dirige le Parti Démocratique Guinéen (PDG). Dix ans plus tard, devenu maire de Conakry, il représente la Guinée à l'Assemblée nationale française.
En l'absence de moyens de communication modernes, Touré perçoit très tôt tout le parti qu'il peut tirer de la chanson. Des airs louant les mérites du PDG sont susceptibles de convaincre une population en grande partie analphabète.

Lors d'un sommet des non-alignés, Fidel Castro accueille trois dirigeants africains: Sékou Touré, Agostinho Neto (Angola) et Luis Cabral (Guinée-Bissau) en 1979.
En 1956, la mise en place de la loi cadre-Defferre irrite le leader guinéen qui regrette la suppression des cadres fédéraux de l'AOF et de l'AEF au profit de territoires dotés de capitales. Tout comme Senghor, et à la différence de l'Ivoirien Houphoët-Boigny, il redoute une "balkanisation" de l'Afrique.

De retour au pouvoir en 1958, de Gaulle propose la création d'une Communauté française, au sein de laquelle la France conserverait des prérogatives dans des "domaines réservés" (affaires étrangères notamment). Aussi, du 20 au 29 août, le général de Gaulle effectue une tournée dans plusieurs capitales africaines afin de présenter aux populations son projet. Tous les observateurs sont frappés par les ambigüités du discours. Alors que les Africains attendent le mot indépendance, de Gaulle parle de Communauté. Certes, celle-ci n'est plus la colonisation, mais elle n'est pas non plus le Commonwealth (puisqu'il suppose des États autonomes ou indépendants).
Une question cruciale se pose du côté des Africains, faut-il prendre l'autonomie avec la perspective d'une indépendance à moyen terme ou faut-il demander l'indépendance tout de suite? Les populations de l'Union française sont donc appelées à se prononcer lors du référendum instituant la Communauté française. La plupart des dirigeants africains appellent à voter oui. Sékou Touré, souhaitant accélérer le processus de décolonisation, réclame au contraire que le mot "indépendance" figure dans le texte.
De Gaulle et Sékou Touré lors de la visite du président français à Conakry, le 25 août 1958.
Le 25 août 1958, lors d'un discours tenu dans la mairie de Conakry, Sékou Touré lance à de Gaulle: "Nous préférons la liberté dans la pauvreté à l'opulence dans l'esclavage". Le mois suivant, alors que le "oui" l'emporte partout, la Guinée est le seul pays à rejeter massivement la proposition de de Gaulle lors du référendum. Ce choix entraîne la rupture immédiate avec la métropole.


La Guinée accède à l'indépendance le 2 octobre 1958, tandis que Sékou Touré s'autodésigne premier président du pays. Le général de Gaulle, outré par le ton du discours du 25 août, suspend immédiatement toute aide à la Guinée. L'administration guinéenne, privée de tous les techniciens et fonctionnaires français, doit repartir de zéro. Pire, certaines infrastructures sont démantelées par les anciens colonisateurs. Paris tentera également d’empêcher l’admission du nouvel État aux Nations unies. Le divorce est définitivement consommé entre l'ancienne colonie et sa métropole. L'orientation socialiste du régime guinéen creuse encore le fossé et conduit à la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays de 1965 à 1975.
Les conséquences du non guinéen sont capitales. En effet, relativement esseulée, la Guinée se rapproche des pays de l'Est et du Ghana. Elle devient une base d'action soviétique en Afrique. Avec le Ghana , elle devient le chef de file des pays africains "progressistes". En novembre 1958, NKrumah et Touré tentent de bâtir l'Union Ghana-Guinée, une union susceptible d'entraîner un bouleversement des frontières coloniales et des zones d'influences européennes. Le pays devient aussi un foyer d'accueil pour les révolutionnaires africains (notamment les membres de l'UPC camerounais) en lutte contre la domination coloniale. Mais si Touré s'impose en tant que modèle pour les plus radicaux, il fait figure d'épouvantail pour les autres dirigeants de la Communauté française.
Sékou Touré représenté en Saint-Georges terrassant le dragon du colonialisme.

Rapidement le nouveau chef de l'Etat guinéen instaure un régime très dur. Il adopte le marxisme-léninisme et refuse toute forme de coopération avec la France, fustigeant "l'impérialisme, le colonialisme et le néo-colonialisme".

Le président Sékou Touré à la tribune de l'ONU en 1962.

* Une dictature sanguinaire.
 Le régime ne cesse de se durcir. La répression est encore aggravée par les nombreuses tentatives de coups d'états dont la Guinée fait l'objet (17 au total durant toute la période Touré). Désormais, le dictateur vit dans la hantise du putsch et sombre dans la paranoïa, qui le conduit à massacrer tous ces rivaux potentiels. Il n'hésite pas à faire fusiller la quasi-totalité de son gouvernement en 1964. Le fondateur des Ballets africains et ex-ministre de l'intérieur, Keita Fodéba, est jeté en prison en 1969, où il décède (sans doute des suites de tortures).
Le coup d'Etat manqué d'exilés guinéens du 22 novembre 1970, appuyé par les Portugais, plonge le pays dans la terreur, marquée par des arrestations et exécutions en série. Des milliers d'opposants meurent sous la torture dans les sinistres geôles du camp Boiro. Pour échapper à un sort comparable, des centaines de milliers de Guinéens fuient alors le pays.

Billet à l'effigie de Sékou Touré.

En 1984, à la mort de Touré, le colonel Lansana Conté s'empare du pouvoir, utilisant à nouveau la violence et la contrainte. Ce dernier rompt avec la politique culturelle de Touré, abandonnant à leur sort les orchestres nationaux choyés par le régime de Touré.

La musique comme arme de propagande.
Pour contrer l'influence culturelle de l'ancienne métropole, Touré a mis en place une politique culturelle inédite et originale sur le thème de l’authenticité. L’objectif est de faire naître une musique populaire guinéenne en modernisant les traditions. Le dirigeant y voit le moyen de contribuer à forger chez ses compatriotes ce sentiment national auquel il attache tant importance. Selon lui,"la culture est une arme de domination plus efficace que le fusil".
Le mécénat d'Etat conduit à la création d'orchestres dans les différents régions du pays. Ces formations s'affrontent lors de compétitions et les meilleures d'entre elles sont même "nationalisées", bénéficiant du soutien financier de l'Etat. Parmi les plus célèbres orchestres, citons Keletigui et ses Tambourinis, Balla et ses Baladins, les Amazones de Guinée ou encore le Bembeya Jazz national. Les créations musicales de ces formations sont enregistrées au studio de la Révolution et publiées par la firme d'Etat Syliphone, que symbolise un éléphant, l'emblème du parti présidentiel. Le label permet ainsi la commercialisation de la musique mandingue rénovée dans tout le continent.
 
Pochette du disque Mandjou par les Amabassadeurs Internationaux.

Le mécénat artistique de Sékou Touré attire auprès de lui de nombreux artistes, à l'instar de Miriam Makéba (1) ou du Malien Salif Keita. (2) Membre d'une caste supérieure et albinos, ce dernier doit batailler ferme pour imposer son désir de chanter. Sa voix d'exception, très haut perché, lui permet de surmonter ce double handicap. Il accède à la notoriété au sein du Rail Band Bamako, qu'il quitte en 1973 pour les Ambassadeurs du Motel. Sa rencontre avec le compositeur-guitariste guinéen Kanté Manfila permet à Keita de travailler au "folklore modernisé" que Sékou Touré promeut.

En 1978, les Ambassadeurs (devenus Internationaux) s'installent à Abidjan, la nouvelle capitale culturelle de l'Afrique de l'Ouest, qui éclipse progressivement Conakry. Ils y enregistrent l'album Mandjou. Dans le titre éponyme, le chanteur à la voix d'or loue Sékou Touré et les membres de sa famille. L'écho du morceau est énorme dans toute l'Afrique de l'Ouest.
Le dictateur guinéen apprécie énormément le morceau qui s'inscrit parfaitement dans son idée de folklore modernisé et attribue au chanteur la médaille d'officier de l'ordre national guinéen. La chanson, sublime, a du être diversement apprécié en Guinée. Les suppliciés du camp Boiro ne partageant certainement pas la considération de Keita pour Mandjou...

La pochette arrière de l'album Mandjou sur laquelle Salif Keita arbore fièrement sa médaille. Le chanteur y est qualifié de "Domingo de la chanson malienne" en référence à son homonyme, joueur de foot malien qui fit les beaux jours de Saint-Étienne et de Marseille.


Spéciale dédicace à Greg...
 
Notes:
1. La chanteuse quitte les Etats-Unis où elle est devenue persona non grata depuis son mariage avec Stockely Carmichael, le héraut du Black Power.
2. Keita doit batailler ferme afin d'imposer son désir de chanter. En effet, dans la société de castes malienne, les Keita, représentent les nobles auxquels il est interdit de chanter. Ce rôle est devenu celui des djelis (ou griots). Ces derniers forment une caste à part dont le statut se transmet de génération en génération. Détenteurs de la mémoire et de la tradition, ils restent les garants du bon fonctionnement de la communauté. Dans cette société orale, ils font ainsi office de conservateurs, en tant qu'unique dépositaire de la généalogie des familles nobles. C'est lui qui mémorise et transmet l'histoire, lui qui chante les louanges et les hauts faits de familles princières, auxquelles il sert aussi de porte-parole. Dans ces conditions, il est inadmissible pour un noble de s'abaisser à chanter. Ainsi, le père de Salif Keita n'accepte pas la vocation musicale de son fils et le renie.
Keita est également ostracisé en tant qu'albinos.
 

Les Ambassadeurs Internationaux: "Mandjou" (1978).

Mandjou, ne pleure pas
fils d'Alifa Touré ne pleure pas
Mandjou, ne pleure pas
fils d'Aminata, Fadiga, ne pleure pas
Mandjou, ne pleure pas
Père d'Andrée Madu, ne pleure pas
mon espoir est avec toi
le temps de pleurer n'est pas encore venu, Mandjou
qu'Allah récompense Mandjou avec de l'or
Mandjou, ne pleure pas
fils d'Alifa Touré ne pleure pas
Mandjou, ne pleure pas
père de la petite Aminata ne pleure pas
tout le monde croit en toi
le temps de pleurer n'est pas encore venu, Mandjou
qu'Allah récompense Mandjou avec de l'or
Mandjou, la paternité est une source de fierté
le puissant Allah l'a fait pour toi
Mandjou, avoir des enfants est une source de fierté
le puissant Allah l'a fait pour toi
Mandjou, la vérité est source de fierté
Mandjou, ne pleure pas
fils d'Alifa Touré, ne pleure pas
Mandjou, ne pleure pas
Père d'Andrée Madu, ne pleure pas
la mort d'une jeune personne n'est pas bien mon père
le temps de pleurer n'est pas encore venu Mandjou
qu'Allah récompense Mandjou avec de l'or.

Sources:
- Franck Tenaille: "Le swing du caméléon", Actes Sud, 2000.
- Jeune Afrique n°2558, du 17 au 23 janvier 2010.
- L'Histoire n°350, février 2010.
- Florent Mazzoleni: "Salif Keita".
- Sur Samarra: "L'épopée mandingue en musique".
- «"Mandjou" , le titre qui a révélé Salif Keïta" (Pan-African-Music)

Liens:
* Sur L'histgeobox:
- morceau en hommage à l'ancêtre de Sékou Touré, L'Almamy Samori Touré.
- Titre de Tiken Jah Fakoly consacré aux dictateurs africains qui s'accrochent coûte que coûte au pouvoir.