samedi 18 novembre 2023

"Y a de la joie". Le Front populaire, une parenthèse enchantée.

Au début des années 1930, la France subit à son tour les conséquences du krach boursier de Wall Street d'octobre 1929. La crise économique entraîne chômage et pauvreté. Les ministères, qui ne parviennent pas à endiguer la misère, se succèdent à un rythme effréné, alimentant l'antiparlementarisme. En février 1934, de graves émeutes organisées par les ligues d’extrême-droite menacent de renverser la République. Les partis de gauche y voient une tentative de prise de pouvoir orchestrée par des fascistes. Échaudés par le triomphe de Mussolini en Italie et de Hitler en Allemagne, ils décident de s'unir face au danger. Le parti communiste, qui jusque là obéissait à la tactique "classe contre classe", décide d'opter pour la politique de la main tendue. Les socialistes cessent d'être qualifiés de "sociaux traites" à la solde du patronat, pour devenir des alliés.

Agence de presse Meurisse, Public domain, via Wikimedia Commons

Dans le cadre des élections législatives de mai 1936, le parti communiste, la SFIO (les socialistes) et le parti radical décident de créer un Front populaire pour "le pain, la paix et la liberté". L'alliance électorale remporte la victoire le 3 mai 1936. L'annonce des résultats suscite un immense espoir au sein du monde ouvrier. Aussitôt les travailleurs français déclenchent un très important mouvement de grèves, en soutien au nouveau gouvernement et pour faire pression sur le patronat. En 1936, en phase avec les événements, Ray Ventura et ses collégiens enregistrent "la grève de l'orchestre", trois minutes de négociations comiques entre le chef et ses collégiens qui décident d'arrêter de jouer. 

L'occupation des usines se déroule dans une ambiance festive et joyeuse, souvent décrite comme un grand pique-nique. (1) On joue aux cartes, on chante, on danse au cours de bals improvisés. La musique est omniprésente et l'accordéon de sortie. Or, sur les piquets de grève, ouvriers et ouvrières entonnent moins les chansons révolutionnaires que les airs à la mode à l'instar de "Marinella" interprétée par le très populaire Tino Rossi.

Le socialiste Léon Blum, chef de la SFIO, le parti de la coalition ayant obtenu le plus de députés, devient président du Conseil. Bourgeois, juriste, homme de lettres, il est épris de justice sociale. En 1920, lors du Congrès de Tours, il a refusé les conditions de la III ème Internationale communiste, pour se faire le gardien de la "vieille maison" socialiste. En mai 1937, alors que Blum est sur le point d'être renversé, le chansonnier Montéhus compose "Vas-y Léon". L'écho du morceau semble limité.

Agence de presse Meurisse, Public domain, via Wikimedia Commons
 

En réponse aux grèves de la victoire, en juin 1936, des négociations s'ouvrent entre le patronat, les syndicats ouvriers et le gouvernement. Les accords de Matignon accouchent de nombreuses réformes : augmentation des salaires, réduction du temps de travail  hebdomadaire de 48 à 40h, conventions collectives, reconnaissance des libertés syndicales et - ce qui reste comme un des principaux acquis du Front populaire - les deux semaines de congés payés. De nombreux morceaux de l'époque ont pour thème les vacances, la conquête du temps libre et l'évasion loin du train-train quotidien. Ainsi, le duo Pills et Tabet chante "Prends la route mon petit gars". Exemple parmi beaucoup d'autre de l'intérêt de la chanson populaire d'alors pour la douce et courte euphorie qui s'empare du monde ouvrier lors de l'accession au pouvoir du Front populaire.

L'idée de vacances connaît pourtant une application lente, car pour les premiers estivants, il faut se débrouiller avec les moyens du bord. Faute de campings, on loge chez l'habitant.  L'autocar ou le train permettent des échappées en transports en commun. Le vélo, accessible et pratique, est également très populaire; le vélo ou le "Tandem" que chante Jean Fred Mélè.

Les chansons d'alors sont autant d'instantanés du climat euphorique qui accompagne l'installation au pouvoir du Front pop'. Elles ont pour thèmes les loisirs en vogue: la fréquentation des guinguettes, la pêche, le vélo... Pour s'offrir des moments de répits et s'évader, la plupart des ouvriers de la région parisienne se contentent dans un premier temps de voyages de proximité, dans un rayon de quarante à cinquante kilomètres autour de chez eux. Ainsi, les bords de Marne, de Seine ou d'Oise figurent parmi les principales destinations ("Du côté de Nogent", "Le long de la Marne à Nogent"). Dans ce cadre de verdure, loin des puanteurs de l'usine, il est possible de se délasser, de regarder passer le chaland et de taquiner le goujon. La pêche, activité populaire et contemplative, inspire de nombreux morceaux. Ainsi, Germaine Sablon le clame haut et fort:"Ici, on pêche". Quant à Damia, elle se pose des questions métaphysiques: "Aimez-vous les moules marinières?".


La plupart des ouvriers ne peuvent pas se payer un billet de train, une chambre d'hôtel, une location... Il est donc difficile de partir loin. Léo Lagrange, le sous-secrétaire d’État aux Sports, aux Loisirs et à l’Éducation physique du premier gouvernement Blum, a l'idée d'un billet de trains de "congés populaires" à prix réduits, qui mettrait les vacances à la portée du plus grand nombre. Le billet Lagrange rend le train beaucoup plus accessible. En 1935, Mireille et Jean Sablon chantent "Puisque vous partez en voyage". Avec cette saynète fantaisiste et désinvolte, le french troubadour et l'espiègle compositrice mettent en scène la séparation des amoureux sur le quai d'une gare.

Au milieu des années 1930, la chanson connaît un véritable âge d'or. Pratique populaire ancrée dans le quotidien des Français, elle bénéficie des progrès techniques qui assure une diffusion inédite des morceaux. Ainsi, la commercialisation des tourne-disques électriques permet l'essor du disque. Si les 78 tours restent encore chers pour les particuliers, on peut les écouter dans les cafés. La radio connaît au cours de la décennie un développement prodigieux et s'impose comme le premier vecteur de diffusion des chansons dans les foyers. Enfin, l'apparition du cinéma parlant assure le triomphe des comédies musicales mettant à l'honneur les vedettes de l'époque à l'instar de Maurice Chevalier, Tino Rossi ou Georges Milton. Enfin, l'introduction du microphone sur la scène des music-hall constitue une révolution technique dont sauront s'emparer les crooners comme Jean Sablon. Enfin, ces années sont aussi celles du phénomène Trenet, dont la fantaisie et la liberté de ton tranchent avec les conventions de la chanson réaliste ou sociale. En 1936, il écrit "Y'a de la joie". Cette irrésistible composition du "fou chantant" est parfaitement en phase avec la joie de vivre qui saisit alors la France des congés payés. 


Le jazz, qui a explosé aux Etats-Unis au cours des années 1920, submerge bientôt le vieux continent. En France, Ray Ventura, à la tête de l'orchestre dansant des Collégiens, fabrique une musique française "à l'américaine". Les compositions signées Paul Misraki, Loulou Gasté ou Coco Aslan jouissent d'une belle popularité. D'autres artistes tels que Jean Sablon, Johnny Hess introduisent discrètement le swing dans la chanson. L'Opérette marseillaise bat son plein au cours des années 1930. Les airs respirent la joie de vivre et l'insouciance, sur fond de calanques ensoleillées ou de canebière  animée. Henri Scotto, Mireille Ponsard ("Au soleil de Marseille") et Alibert sont les principales vedettes du genre.  

Le chant choral est alors valorisé. Une association des auberges de la jeunesse laïque, très active, pratique sur le terrain la mixité entre garçons et filles. Ces ajistes chantent "Allons au devant de la vie", le morceau emblématique du front populaire. Sur une musique de Chostakovitch, les paroles de la version française signées par Jeanne Perret en 1934 en font un chant de jeunesse, d'ouverture au monde et de fraternité.

Avec le soutien des intellectuels, des artistes et d'associations culturelles, le gouvernement s'emploie à rendre accessible la culture au plus grand nombre. Les musiciens savants, à la formation académique, se rangent derrière le front populaire. En 1936, Julien Duvivier réalise la Belle équipe. Cinq chômeurs gagnent à la loterie et utilise leur pactole pour rénover une guinguette installée sur les bords de Marne. La guinguette, incarnation du loisir populaire, devient une destination idéalisée, le lieu emblématique de la fraternité, l'endroit où s'adonner à des plaisirs simples le temps des vacances ou d'un week-end, en oubliant quelques heures les tracas du quotidien. Tout au long du film, on entend la chanson "Quand on s'promène au bord de l'eau". Une atmosphère de gaieté insouciante se dégage du morceau.

Au fil des mois, la situation se complique pour le Front populaire. Blum est l'objet d'attaques antisémites. Sur le plan international, les nuages s’amoncellent. En juillet 1936, en Espagne, la rébellion militaire entraîne une guerre civile. Le gouvernement, qui souhaite empêcher le renversement de la République, se résigne à la non-intervention sous la pression des Britanniques et de nombreux radicaux. Face à la montée des périls en Europe, aux provocations de Hitler, les démocraties fragilisées et hantées par le spectre d'un nouveau conflit mondial, restent passives. Écrite en 1935 et composée en une seule nuit par Paul Misraki, le pianiste des Collégiens de Ray Ventura, la chanson "Tout va très bien madame la marquise" illustre à merveille la cécité de ceux qui entendent maintenir la paix à tout prix. Les paroles dépeignent avec humour une succession de rebondissements tous plus catastrophiques les uns que les autres. Un domestique apprend à sa patronne sur un ton badin la mort de sa jument grise, l’incendie de ses écuries, de son château et le suicide de l’époux. Le dialogue contraste avec la musique légère et rythmée, influencée par le jazz et le swing. La chanson s'adapte aux malheurs du temps, au point de s'imposer comme une expression proverbiale permettant de désigner une sorte d’aveuglement face à une situation désespérée.


La situation économique est mauvaise. Le gouvernement doit compter avec une fuite des capitaux et un lourd déficit extérieur. Blum et Auriol décident de dévaluer le franc. Aux yeux des radicaux, la politique sociale voulue par le président du conseil coûte trop cher. Aussi, en février 1937, Blum se résout à annoncer une pause dans les réformes. Les communistes lui reprochent alors de capituler devant le mur d'argent. En juin, le chef du gouvernement se voit refuser les pleins pouvoirs financiers par le Sénat et démissionne. Au printemps 1938, le gouvernement Daladier détricote une partie de la législation sociale. Si l'expérience du Front populaire ne dure que quelques mois, cette "parenthèse enchantée" n'en a pas moins durablement marqué les esprits. Les principes portés par le front populaire - juste reconnaissance de ses droits dans le monde du travail, disposer d'un temps pour soi, tendre à davantage de justice sociale - restent d'actualité.

Notes: 

1. A propose des occupation d'usine, la philosophe Simone Weil écrit: « Il s’agit, après avoir toujours plié, tout subi, tout encaissé en silence pendant des mois et des années, d’oser enfin se redresser. Se tenir debout. Cette grève est en elle-même une joie. Une joie pure. Une joie sans mélange. »

Sources: 

A. "Les fêtes musicales du Front populaire", émission un air d'histoire diffusée sur France musique le 11 septembre 2016.

B. "1936, congés enchantés", Série présentée par Juliette Livartowski sur France musique en août 2016.

C. Michel Margairaz et Danielle Tartakowsky: "L'avenir nous appartient", Larousse, 2006.

D. Jean Vigreux:"Histoire du Front populaire. L'échappée belle", Tallandier, 2016

E. "La chanson française au temps du Front populaire. Du réalisme noir à la révolution Trenet" [médiathèque roannais agglomération]

samedi 4 novembre 2023

"J'entends parler du Sida". Les traces musicales d'une pandémie.

Le 5 juin 1981, les médecins du Centers for Disease Control des Etats-Unis constatent que cinq homosexuels de Los Angeles souffrent d'une déficience du système immunitaire, jusque-là inconnue. (1) Les personnes sont affectées de maladies rares telles la pneumocystose et le sarcome de Kaposi, une forme de cancer de la peau, deux pathologies favorisées par l'effondrement des défenses immunitaires. On ignore alors les causes et la gravité d'une maladie que l'on nommera en 1982 Sida, pour syndrome d'immunodéficience acquise (AIDS en anglais).   

Chabe01, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons

Après les victoires obtenues au cours de la décennie 1970 (2), les quartiers homosexuels de San Francisco ou New York revendiquent une liberté sexuelle totale. Dans les BackRooms, les pièces arrières des bars et des boîtes gays, les saunas et bains publics, il devient possible d'avoir des relations sexuelles avec de parfaits inconnus. Ces pratiques à risques favorisent la diffusion de la maladie. 

Parmi les premières victimes du sida se trouvent les DJs et acteurs du monde des clubs disco. Le producteur Patrick Cowley succombe ainsi dès 1982. Il était derrière les tubes disco de Sylvester: "You make me feel mighty real" ou "Do you wanna funk?" Six ans après la disparition de son mentor, le chanteur le suit dans la tombe, lui aussi terrassé par le Sida. Dans "le langage perdu des grues", le romancier David Leavitt dépeint cette période comme "une époque où les rues étaient envahies par un sentiment de deuil et de panique quasi palpable."

Un puissant courant conservateur s'empresse de dénoncer les lieux fréquentés par les homosexuels comme de  nouvelles Sodome et Gomorrhe. La propagation du sida au sein des communautés gays est considéré par les bigots comme un châtiment divin s'abattant sur des groupes immoraux et tarés. Or, comme dans un premier temps, le mal semble cantonné à la communauté homosexuelle, l'administration Reagan ne prend pas au sérieux une maladie que certains désignent comme un "cancer gay". 

La méconnaissance des causes et des modes de transmission de la maladie fait souffler un vent de panique et alimente la machine à fantasmes. Certains accusent les homos de transmettre délibérément le virus. Les malades sont traités comme des parias par ceux qui redoutent le simple contact avec un séropositif. Un réflexe d'ostracisation se met en place. En Allemagne, la CSU, le parti social chrétien de Bavière préconise l'enferment des malades. En France, Jean-Marie Le Pen propose une politique ségrégationniste à l'encontre de ceux qu'il désigne comme des "sidaïques" à enfermer dans des "sidatoriums". D'aucuns se persuadent que l'on peut être contaminé en touchant un malade, en buvant dans son verre, en étant piqué par un moustique ou en s'asseyant sur les lunettes des toilettes. En réalité, la transmission ne peut se faire que de la mère à l'enfant, par contact sexuel, par échange de seringues ou transfusion sanguine.

En 1989, avec "Halloween parade", Lou Reed propose une description d'un défilé s'apparentant à la Gay Pride. Il y mentionne les absents, emportés prématurément par le sida, mais aussi les conséquences sociales dramatiques de la maladie et l'homophobie rampante qu'elle alimente dans le New York des années 1980.  

Constatant une prévalence de la maladie chez les homosexuels, les héroïnomanes, les hémophiles et les Haïtiens (l'île est devenu le lupanar des gays américains), des épidémiologistes nord-américains forgent la théorie des quatre H (Héroïnomanes, Haïtiens, Homosexuels, Hémophiles). En se focalisant sur ces groupes "à risques", ils contribuent à faire du Sida "une épidémie des marges". La maladie se répand pourtant très vite et l'on découvre qu'une transmission hétérosexuelle se développe simultanément en Afrique.

En 1983, avec l'aide de l'infectiologue Willy Rosenbaum, Françoise Barré-Sinoussi et Jean-Claude Cherman, membres de l'équipe de l'Institut Pasteur de Luc Montagnier (3) identifient le virus responsable du Sida (intitulé LAV), dont on découvre qu'il se transmet par le sperme et le sang. En 1986, l'appellation VIH, Virus de l'Immunodéficience humaine, s'impose. La découverte passe inaperçue auprès du grand public, mais suscite un immense espoir chez les malades, dont l'espérance de vie s'avère alors très faible: entre trois et six mois pour les patients immuno-déficients. (4) Pour beaucoup, la nouvelle du diagnostique entraîne l'angoisse d'une transmission possible des proches et une culpabilité immense.

En février 1988, alors que la pandémie bat  son plein, Leonard Cohen chante dans un des couplets d'"Everybody knows": "Tout le monde sait que la peste arrive / Tout le monde sait qu'elle avance vite / Tout le monde sait que l'homme et la femme nus / Ne sont qu'une œuvre d'art du passé / Tout le monde sait que la scène est morte / Mais il y aura un compteur sur ton lit / Qui révélera ce que tout le monde sait". 


Des avancées significatives interviennent. Des tests de dépistage sont élaborés et bientôt commercialisés. L'AZT, molécule antivirale, permet de retarder l'échéance fatale, mais le traitement médicamenteux est très cher et ses effets secondaires lourds. Au total, à la fin des années 1980, il n'existe toujours de traitement efficace contre le Sida. En 1987, l'ONU vote une résolution visant à unir les pays membres dans la lutte contre le sida, pourtant l'épidémie reste largement invisible pour les pouvoirs publics et dans la société. Alors que le nombre de victimes croît de façon exponentielle, passant de 200 victimes en 1984 à 1200 deux ans plus tard, aucune politique publique de prévention ou de dépistage n'est envisagée. Le climat de suspicion et de peur ne faiblit pas. De folles rumeurs circulent sur l'origine de la maladie ou sa transmission. (Pour anéantir la rumeur qui la prétend malade, Adjani doit démentir en direct au JT). Dans le milieu médical, les réactions face à la maladie sont parfois très violentes. Une psychose ambiante s'installe, au point que certains praticiens refusent d'accueillir des malades.

En 1993, Mano Solo interprète "Pas du gâteau", une chanson sur l'irrépressible envie de vivre, malgré la maladie. (« Mais c’est là que t’as dit / Qu’la vie c’est pas du gâteau / Et qu’on fera pas de vieux os / On fera pas d’marmots / Pour leur gueuler tout haut / Qu’la vie c’est pas du gâteau / Même si je gagne pas ma vie / Et même si j’ai le SIDA/ Moi ça m’coupe pas l’envie / Moi j’me dis pourquoi pas ».

Face à la l'impuissance initiale des médecins, les associations de soutien aux malades, souvent constituées de personnes atteintes du Sida, vont jouer un rôle crucial. Il s'agit d'une grande nouveauté, car ce sont elles qui fournissent un retour sur les stratégies thérapeutiques et participent aux protocoles de recherche. En 1984, Aides est fondé par Daniel Defert, juste après la disparition du sida de son compagnon Michel Foucault. L'association, qui se veut pragmatique et modérée, propose une écoute et un soutien aux malades, tout en menant une politique de prévention. En juin 1987, Larry Kramer comprend que les malades doivent se débrouiller seuls, sans pouvoir compter que sur le président Reagan. Il fonde Act up, un groupe militant qui dénonce des États meurtriers n'investissant pas suffisamment dans la recherche médicale. Act Up Paris est créé en 1989. L'association, dont les réunions sont ouvertes à tous, prône un militantisme radical et use de méthodes offensives comme les zaps, càd une action éclair contre une personne ou une organisation ou les die in, simulation de la mort en se couchant silencieusement au sol. (5) Il s'agit de s'imposer et d'utiliser les médias, en contrôlant sa communication et en changeant l'image du séropositif. Pour l'association, vaincre le sida est une question de volonté politique. Pour les membres, l'activisme sert d'exutoire collectif et de créer un réseau de solidarités face aux deuils à répétition.

 Les malades meurent seuls, officiellement du cancer, tant il est alors tabou de se dire atteint du sida. L'acteur Rock Hudson est la première star à déclarer sa séropositivité en 1985, un nom sur la longue liste des célébrités emportées par le Sida: Rodolf Noureiev, Cyril Collard, Miles Davis, Klaus Nomi, Bruno Carette, Fela Kuti.... Freddie Mercury signe ses adieux en musique avec "The show most go on", un titre publié un mois avant sa mort. Se sachant atteint du sida dès 1985, le chanteur de Queen avait caché à ses proches la maladie, dont il reconnaît officiellement souffrir la veille de sa disparition, le 24 novembre 1991. Il chante: " A l’intérieur mon coeur est en train de se briser / Mon maquillage est peut-être en train de s’écailler / Mais mon sourire reste encore"

La mort de ces célébrité contribue par ricochet à mobiliser les milieux artistiques. En soutien aux associations de lutte contre le Sida, musiciens et chanteurs s'engagent, reversant par exemple les droits de chansons ou les recettes de concerts. Aux Etats-Unis, très affectées par la disparition de proches, Elizabeth Taylor, puis Madonna mobilisent leurs contacts. (6) En 1985, Line Renaud et Dalida organisent un gala au Paradis Latin pour lever des fonds. (7) Barbara écrit "Sid'amour" en 1987. Jamais enregistrée en studio, elle ne l'interprète qu'en concert, au cours desquels elle fait distribuer des préservatifs. Disponible, attentive, elle ne cessera d'apporter une aide active et discrète aux malades. « Ô Sida, Sid’assassin qui a mis l’Amour à mort »

Les politiques restent à la traînent et semblent dans un premier temps dépassés. Helmut Khol, François Mitterrand ne parlent pas du Sida. En France, la situation évolue avec Michèle Barzach. La ministre de la santé du gouvernement Chirac adopte des positions courageuses et mène une politique volontariste de prévention. Il devient possible de faire des campagnes de pub en faveur du préservatif et de vendre des seringues à usage unique dans les pharmacies. Cette mesure contribue à la chute des transmissions chez les toxicomanes. En Allemagne, la ministre de la santé Rita Süssmuth prône une politique fondée sur l'information et non sur l'exclusion. Aux Etats-Unis, en revanche, Ronald Reagan prône l'abstinence. Quant au pape Jean-Paul continue de condamner l'usage du préservatif.

Pour contrer les bigots obscurantistes, le groupe de r'n'b américain TLC transforme le préservatif en accessoire de mode pour promouvoir les rapports protégés auprès de leur public. En dépit des risques encourus, certains rechignent toujours à utiliser la capote. Dans leur répertoire, les trois jeunes afro-américaines valorisent le plaisir féminin, l'indépendance à l'égard des hommes et les rapports sexuels protégés. En 1994, le morceau "Waterfalls" décrit ainsi la disparition d'un homme séropositif. "Un jour il se voit dans le miroir / mais il ne reconnaît pas son propre visage / sa santé baisse et il ne sait pas pourquoi / 3 lettres l'emportent vers sa dernière demeure / Vous ne m'entendez pas."

 

En 1996, un nouveau traitement est mis sur le marché aux Etats-Unis. Afin de contrer le virus, il s'agit d'associer trois molécules différentes et complémentaires. Les premières trithérapies. Cette combinaison de trois antirétroviraux diminue considérablement la mortalité. Huit malades sur dix survivent. Dès lors, le sida devient une maladie chronique, avec laquelle il devient possible de vivre, à condition de prendre un traitement à vie, lourd, non sans complication, et qui ne permet pas de guérir. Faute de vaccin, la prévention joue un rôle crucial, en incitant à l'utilisation du préservatif ou des seringues jetables pour les toxicomanes. Il faut alors convaincre les autorités d'organiser des campagnes d'information massives, ce qui ne va pas sans mal, car les milieux traditionalistes s'y opposent, au nom de la décence. "Halte au sida, les capotes sont là.

Alors qu'une rumeur insistante prétendait que les Africains-Américains ne pouvaient pas être atteints par le Sida, le Wu-Tan-Clan, groupe de rap phare de l'époque, tord le coup à la rumeur avec le titre "America". En France, le groupe de rock nantais Elmer Food Beat chante "le plastique c'est fantastique". Le slogan fait mouche. La chanson est adoptée par le ministère de la Santé pour une campagne en milieu étudiant recommandant le port du préservatif. Dans une veine différente, mais également très efficace, les Raggasonic chantent: "Love C'est l'amour avec un grand "A"/ Je veux bien le faire tous les jours  / Mais il court, il court le SIDA  / Et veut me couper le parcours  / A toutes les maîtresses et les amants qui se la donnent / Il ne faut pas que ça cesse, mais il pourrait y avoir maldonne / Ecoute mon pote / Même si personnellement tu n'aimes pas ça  / Mets une capote  / Tu verras finalement c'est mieux comme ça".

En France, en 1992 sortent sur les écrans "Les nuits fauves" de Cyril Collard, un film manifeste qui fait du réalisateur le porte-parole involontaire de la génération sacrifiée des années sida. Avec trois millions d'entrées le film est un succès. "Là-bas / les nuits fauves" .

Un premier sidaction se tient en 1994. Cette même année sort Philadelphia. Dans le film de Jonathan Demme, Tom Hanks incarne un malade du sida. Pour l'occasion, Bruce Sprigsteen compose et interprète"Streets of Philadelphia". Il y décrit la déambulation d'un malade dans une ville hostile. "J'étais meurtri et blessé et ne pouvais dire ce que je ressentais / J'étais méconnaissable / J'ai vu mon reflet dans une vitre, je ne reconnais pas mon propre visage / Oh mon frère, vas-tu me laisser dépérir? Dans les rues de Philadelphie". 


 Le sida sévit avec virulence sur le continent africain en raison de la combinaison de plusieurs facteurs comme le coût exorbitant des traitements antirétroviraux pour des populations pauvres, les discours hostiles à l'utilisation du préservatif tenus par le pape lors de voyage sur le continent, enfin le tabou entourant une maladie considérée comme honteuse. En dépit des discours apaisants, la communauté internationale a toléré cette situation sans apporter l'aide indispensable pour contrer l'épidémie. En cela, le Sida est bien une maladie politique, dont la dimension raciste ne fait aucun doute. Franco, grand maître de la rumba congolaise, compose "Attention na sida", un titre fleuve dans lequel il interpelle directement son auditoire. La dimension pédagogique du morceau est évidente.

C°: 40 ans après les premiers cas identifiés, le Sida n'a pas disparu. 38 millions de personnes vivent avec le VIH et 700 000 en meurent chaque année. (8) La désinformation continue de sévir et les contaminations se poursuivent. Au total, depuis le début des années 1980, plus de 40 millions de personnes sont décédées des suites de maladies liées au au Sida.

Notes:

1. L'origine du Sida. Le virus immunodéficience humaine serait une mutation du VIS, un virus présent chez certains singes d'Afrique. La contamination s'expliquerait par des accidents de chasse ou la consommation de viande singes. Le premier signe d'infection de l'homme par le VIH est repéré en 1959 à Kinshasa. 

2. A la fin des années 1970, l'organisation des première gay pride, l'apparition de clubs comme le Palace puis la dépénalisation de l'homosexualité en 1981, suscitent un grand espoir pour les homosexuels français. Ce vent de liberté est cependant stoppé net par l'apparition du Sida.

3. Un contentieux oppose un temps les médecins de l'Institut Pasteur à l'équipe du biologiste américain Bob Gallo à propos de l'antériorité de la découverte du VIH. En 1997, un accord reconnaît finalement la victoire des chercheur français. Montagnier et Barré-Senoussi reçoivent le prix Nobel de médecine en 2008.

4. Toutes les personnes séropositives ne sont pas atteintes immédiatement du Sida, le stade ultime de la maladie. Les hommes représentent encore 90% des cas, mais de plus en plus de femmes sont elles aussi touchées. Les malades scrutent avec anxiété la chute des cellules T4. Au dessous de 200, le corps du patient ne peut plus défendre le corps contre des maladies opportunistes.

5. En 1993, une capote géante disposée sur l'obélisque de la place de la Concorde permet de médiatiser la lutte contre le Sida.  

6. Dans leurs compositions, certains artistes pleurent parfois la perte d'êtres chers. C'est le cas d'"In this life" de Madonna ou encore "Boy blue" de Cindy Lauper

7. Line Renaud est à cet égard une pionnière puisqu'elle crée, dès 1985, l'Association des artistes contre le sida (AACS). L'amitié bien connue de Line pour Jacques Chirac donnera à sa lutte un poids supplémentaire. En 1990 se monte également l'association Sol en si, dont le but est d'aider les enfants de parents séropositifs. De nombreux chanteurs, parmi lesquels Maxime Le Forestier, Michel Jonasz, Francis Cabrel, Alain Souchon et Zazie, apporteront une assistance significative à cette association.

8. Aujourd'hui en France, près de 175 000 personnes vivent avec le VIH. Environ 5000 personnes découvrent leur séropositivité chaque année, dont 13% de jeunes de moins de 25 ans. 

Sources: 

- Bill Brewster & Frank Broughton: "Last night a DJ saved my life", Le Castor Astral, 2017

- Matthieu Stricot: "De l'angoisse à la la lutte, une histoire du sida", CNRS le journal, 23/06/2021.

- "Sida, quand les artistes s'engagent", Toute la culture, 1/12/2010

- "Le sida", podcast Mécaniques des épidémies diffusé sur France culture, 19/7/2022.

- Playlist de Télérama:"le sida dans la chanson", 2/7/2008

- La Case du siècle: "les années sida, à la mort, à la vie", documentaire de Lise Baron diffusé sur France 5 le 26/3/2023.

mardi 24 octobre 2023

"SLT". Une chanson coup de poing de Suzane pour dénoncer les différentes formes de harcèlement dont sont victimes les femmes.

En 2020, Suzane enregistre SLT, pour "salut" en langage sms. Sur un fond sonore mélangeant rap et électro, elle décrit différentes formes de harcèlement dont sont victimes les femmes. Sous la vidéo du clip, la chanteuse revient sur la signification du morceau: «SLT, (…) c’est l’histoire de la fille qui reçoit constamment des "salut la miss tu baises" parce qu’elle a posté une photo d’elle sur Insta. C’est l’histoire de la fille qui ne porte plus de jupes "trop courtes" parce qu’elle a peur de se faire siffler par un inconnu dans la rue. C’est l’histoire de la fille qui ne donne plus son opinion trop fort parce qu’elle en a marre qu’on lui réponde "t’es énervée, t’as tes règles aujourd’hui?". C’est l’histoire de la fille qui marche plus vite et qui se tait parce qu’elle a peur. ‘SLT’ c’est le quotidien de millions de femmes”. 

Dans la première strophe, une femme marche dans la rue et se fait “accoster” par un homme, qui finit par l’insulter… Dans la seconde, un patron exige - par la menace et l'insulte - un rapport sexuel d'une employée. Enfin, la dernière strophe met en scène une femme victime de cyberharcèlement. Les trois couplets proposent un florilège, loin d'être exhaustif malheureusement, des différentes formes de violences faites aux femmes. A chaque fois, la chanteuse adopte le point de vue du harceleur (dans la rue, au travail, sur internet). Les menaces succèdent aux flatteries. Systématiquement, l'agresseur inverse les rôles. Si il se montre de plus en plus insistant, c'est soit disant à cause de la tenue ou de l'attitude de son interlocutrice, réduite à un objet de satisfaction sexuelle. Quand il constate que ses assauts échouent, l'homme devient menaçant, insultant, hostile. 

EddyLlrg, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons

* Harcèlement de rue.
Premier couplet, la jeune femme part au travail, quand un homme l'invective de façon vulgaire. Après les compliments outranciers d'usage ("Hey salut bonne meuf, t'es vraiment très charmante" ), il lance une proposition salace: "Tu sais j'te mangerais pour le 4 heures, t'es si appétissante / J'te ferais pas la bise mais si tu veux on peut baiser." Constatant que son interlocutrice poursuit son chemin, il lui reproche de l'ignorer, feignant de ne pas comprendre l'attitude de celle qui a l'affront de lui résister. "Bah pourquoi tu marches plus vite? J't'ai pas agressé / J't'ai même fait des compliments, tu pourrais au moins t'arrêter". Pathétique, il reproche à la jeune femme sa tenue, une jupe courte justifiant à ses yeux son agression verbale. " là tu l'as bien cherché / T'as une jupe tellement courte même pas besoin de la soulever". Cette attitude est typique du victim blaming, qui consiste à tenir pour responsable les femmes lorsqu'elles sont victimes d'abus ou d'agressions. "Trop jolie", "habillée trop court", "le coin est mal fréquenté", autant de mauvaises raisons pour justifier l'injustifiable. En ignorant le harceleur, la passante change de statut; de femme à séduire, elle devient "une pouf" ("T'es une pouf, c'est devenu courant / De l'entendre trois fois par journée"). Dès lors, «"T'as un num?" peut devenir violent/ Si tu donnes pas un vrai».

Reprise dans les médias français, l'expression "harcèlement de rue", traduction de l'anglais street harassment, devient rapidement incontournable et le sujet sort des sphères féministes pour s'imposer dans le débat public. (1) Plusieurs initiatives ont permis de faire connaître l'ampleur du phénomène pour mieux le dénoncer et le combattre. Nous les détaillons dans la note 2.

En juillet 2018, Marie Laguerre, une étudiante en architecture est prise à parti par un type assis à la terrasse d'un café. Elle lâche un "ta gueule". L'homme attrape un cendrier et le jette sur la jeune femme, puis se lève, l'insulte et la gifle avec une très grande violence. L'agresseur s'en va, tout comme sa victime. En quelques instants, on est passé du harcèlement à une agression caractérisée. Décidée à ce que les choses n'en restent pas là, la jeune femme parvient à récupérer les images de surveillance du café, puis à porter plainte. C'est cette affaire qui, plus que tout autre, contribue à médiatiser le phénomène en France.

Giuseppe Bartolomeo Chiari, Public domain, via Wikimedia Commons

> Ce harcèlement provoque pour les femmes un sentiment d'insécurité. Il a ceci d'insupportable qu'il oblige parfois à rester sur le qui-vive, à éviter certains secteurs à ne pas sortir seule tard le soir, à modifier sa façon de s'habiller. "Tout cela a pour conséquence une occupation genrée de l'espace public: les hommes investissent la rue et se comportent comme si elle leur appartenait, tandis que les femmes, conscientes d'être des proies potentielles, ne font que passer." (source A) Pour que ces violences cessent, plusieurs municipalités mettent en place des amendes pour les coupables pris en flagrant délit. Par ailleurs, depuis août 2018, la loi française sanctionne les «outrages sexistes », lorsqu'ils sont «dégradants, humiliants, intimidants, hostiles ou offensants». Les amendes peuvent aller de 90 à 1500 euros en cas de circonstance aggravante, notamment lorsque la victime a moins de 15 ans.

* Harcèlement au travail.
Dans le deuxième couplet de la chanson, la scène change. La jeune femme se trouve désormais sur son lieu de travail. "T'es au boulot dans la réserve / Tout le monde est parti manger / Le patron t'appelle dans son bureau". Profitant de l'isolement, de sa position hiérarchique, et après les compliments d'usage ("aujourd'hui t'es ravissante"), le boss soumet une proposition indécente à son employée, balayant d'un revers de main les objections qu'elle pourrait lui opposer ("Ouais je sais que t'as un mec / Mais ça c'est pas gênant"). Justifiant, là encore, son attitude, par la tenue vestimentaire de son interlocutrice ("Ton joli décolleté me dit que t'es plutôt partante"), il se fait menaçant et exige un rapport sexuel. Aucune échappatoire ne semble possible pour la jeune femme, dont l'absence de consentement est ignoré par l'agresseur.  "D'façon si tu dis non / Moi j'entendrai un oui / Tu verras que j'suis con / Je plaiderai ton hystérie". Le chantage à l'emploi se double d'une volonté d'humilier. "Tu seras pas la première à passer sous mon bureau / Les filles comme toi font moins les fières / Quand elles veulent garder leur boulot / Alors maintenant tu vas te taire / T'en diras pas un mot / Si tu veux garder ton salaire / Pour nourrir tes marmots". 

Les violences sexuelles et les comportements sexistes au travail prennent des formes diverses. Le Code pénal définit le harcèlement sexuel comme "le fait d'imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste, qui portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant ou créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante." Par ailleurs, faire pression pour "obtenir un acte de nature sexuelle" est également considéré comme du harcèlement sexuel, même si ce n'est pas de manière répétée et que le coupable n'est pas son supérieur hiérarchique.
Tous ces comportements et violences sont punis par la loi. L'auteur des faits est passible de deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende, voire trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende lorsque les faits sont commis par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions. Pour la victime de harcèlement, il est important de signaler les faits, en particulier à sa direction, et de déposer plainte. Par ailleurs, l'employeur a l'obligation de prendre les dispositions nécessaires pour prévenir les faits de harcèlement sexuel en informant, en mettant en place des mesures de prévention et en finançant la formation des représentants des travailleurs.
 
* Cyberharcèlement. 
Troisième couplet. "T'es enfin chez toi" et pourtant toujours pas de répit. Caché derrière son pseudo, dans l'anonymat offert par les réseaux sociaux, le cyberharceleur fait d'internet un espace de prédation. Les sollicitations indues, les propos et photos à caractères sexuels constituent autant d'agressions. Non content d'envoyer une photo de son sexe (dick pic ou cyber-flashing) ("Du coup je t'envoie une tof / De moi, ma teub et un cœur bleu"), le persécuteur cherche à humilier ("t'en vaux pas la peine"), faisant tout l'étalage de sa misogynie crasse. La femme n'est vue que comme un objet de satisfaction sexuelle ("t'es vraiment sexy / je cherche un plan pour la nuit", "ton regard de chienne qui attendrait de bouffer depuis au moins une semaine"), forcément intéressée ("J'suis sûr que t'es du genre à dîner étoilé") que l'on peut insulter, menacer ("Quand j'serai en bas dans ta rue / On verra ce que tu feras") et dont on ignore le non consentement et la personnalité ("T'façon t'es comme les autres").
 
Le cyberharcèlement est une forme de violence qui s'exerce par voie numérique (réseau social, forum, jeu en ligne...). (4) Puni par la loi, il est fondamental de le signaler. Le cybersexime se caractérise par des "actes / commentaires / messages à caractère sexuel ou qui critiquent la manière de s’habiller, l’apparence physique, le comportement amoureux ou sexuel. Ce sont des violences sexistes ou sexuelles qui visent principalement les filles (mais aussi des garçons)..." Les sanctions peuvent aller jusqu'à trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende. Pour l'individu victime de cyberharcèlement, il est important de révéler les faits à une personne de confiance, de bloquer ou signaler le harceleur, de garder des preuves (capture d'écrans des contenus, copie de l'url), de demander la suppression des contenus problématiques, éventuellement de porter plainte. 

Après avoir encaissé ("Souffle, serre les dents / Comme d'hab tu te tais"), le refrain de la chanson invite les femmes à se protéger ("Souffle, sois prudente / Marche dans le couloir d'à côté") en faisant preuve de lucidité ("Un gentil peut devenir méchant / Faut pas croire aux Disney"), de résilience et de résistance ["Bats-toi fillette (Bats-toi, bats-toi, bats-toi)"]
 



Notes:

1. Le terme est loin d'être parfait. En effet les harceleurs agissent non seulement dans la rue, mais dans tous les autres espaces publics, en particulier les bars, les transports en commun... L'expression désigne un lieu et non l'auteur du harcèlement. "Enfin, le harcèlement (moral, sexuel) désigne habituellement une action répétée par la même personne. Or, ici, la sensation de harcèlement éprouvée par la victime vient de la multiplicité des harceleurs. (...) Malgré ses défauts, ce terme a le mérite de mettre un mot sur le phénomène, et de désigner comme un problème ce qui était autrefois subi comme une sorte de fatalité. Oui, des hommes se permettent d'interpeller des femmes dans les lieux publics, sans tenir compte de leur refus, les hèlent, commentent leur corps. Non, il ne s'agit pas de drague: à partir du moment où on ne respecte pas les signaux négatifs envoyés en retour, on n'est pas un dragueur «lourd», on est un harceleur." (source A, p103)

2. Le Projet Crocodiles propose des "Histoires de harcèlement et de sexisme ordinaires mises en BD". Sur Youtube, en 2010 le court-métrage Majorité opprimée d'Eléonore Pourriat remporte un franc succès. La réalisatrice y inverses les rôles entre femmes et hommes. En 2012, Anaïs Bourdet, une graphiste marseillaise, recueille la parole de milliers de femmes sur le tumblr "Paye ta schnek". Cette même année, une chaîne flamande diffuse Femme de la rue, un documentaire de la réalisatrice Sofie Peeters. La jeune femme s'y filme en caméra cachée, déambulant dans les rues de Bruxelles. Sur son passage, les hommes multiplient les réflexions sur son physique. Les propositions salaces et les insultes fusent. Certains la sifflent, d'autres simulent des orgasmes... La vidéo bénéficie d'un large relais sur internet qui incite de nombreuses femmes à raconter via les réseaux sociaux leurs expériences personnelles. (3) En 2013, l'émission Envoyé spécial diffuse un reportage reprenant le même dispositif que Sofie Peeters, transposé cette fois ci en Ile-de-France. En 2014, le collectif new-yorkais Hollaback! met en ligne 10 Hours of Walking in NYC as a woman , une vidéo tournée en caméra cachée dont le cumul des vues atteindra les 50 millions. Le collectif Stop au harcèlement de rue , lancé en France en 2014, organise des happenings pendant lesquels sont mis en place des "zones sans relous" pour sensibiliser les passant.e.s. Un rapport de 2015 du Haut Comité à l'égalité entre les femmes et les hommes montre que 100% des femmes interrogées ont été harcelées dans les transports en commun. Face à l'ampleur du phénomène, la Mairie de Paris imagine une campagne de sensibilisation avec le slogan «Ma jupe n'est pas une invitation». (sources D) En 2016, le "harcèlement de rue" entre dans le Petit Robert.

3. Certains hommes, au contraire s'interrogent: ne s'agit pas que de "drague un peu lourde"? Les féministes ne voient-elles pas le mal partout? pour décrédibiliser le reportage, d'aucuns reprochent au documentaire un biais raciste. Sofie Peeters a tourné Femme de la rue dans le quartier pauvre d'Anneessens, où les populations issues de l'immigration maghrébine sont nombreuses. Certains hommes se saisissent de ce choix pour mieux développer un argumentaire raciste expliquant que les comportements sexistes auraient une origine culturelle. Or, le harcèlement dans l'espace public concerne toutes les populations et toutes les classes sociales comme en attestent de nombreux exemples. En 2012, par exemple, Cécile Duflot, alors ministre du logement, essuie des sifflements dans l'enceinte de l'Assemblée nationale, parce qu'elle avait eu le malheur de porter une robe. En 2021, le député de Vendée Pierre Henriet traite une élue de l'opposition de "poissonnière" dans l'hémicycle

4. Les harceleurs agissent parfois en meute. Ainsi, les Incel, "célibataires involontaires" en français, se définissent comme victimes des femmes, qui refusent d'entamer une relation amoureuse ou sexuelle avec eux.

Sources:

A. Marie Kirschen et Anné Wanda Gogusey: "Herstory. Histoire(s) des féminismes", La ville brûle, 2021.

B. Ivan Jablonka:"Des hommes justes. Du patriarcat aux nouvelles masculinités.", Seuil, 2019.

C. "L'affaire Marie Laguerre, le harcèlement de rue à la une" [Affaires sensibles du 6 décembre 2019 sur France Inter] 

D. Bibia Pavard, Florence Rochefort, Michelle Zancarini-Fournel:"Ne nous libérez pas, on s'en charge", Éditions La Découverte, 2020. 

E. "Marie Laguerre, l'histoire d'une indignation féministe 2.0" [L'effet domino du 27 septembre 2019 sur France Inter] 

F.  "Harcèlement de rue" [Wikipédia]

Liens:

- Les Décodeurs: "Est-ce de la drague, du harcèlement ou une agression sexuelle? Un quiz pour faire la différence." 

- "projet crocodile / harcèlement de rue" [pointculture.be]

jeudi 19 octobre 2023

La musique sous le Troisième Reich

Les nazis ont un rapport ambivalent avec la musique. Elle est bien sûr un puissant vecteur d'embrigadement, à condition d'avoir défini ce qu'il est possible ou pas d'écouter en tant qu'Allemand. Dans cette optique, sous le IIIème Reich, la musique est mise au pas. Toute forme d'innovation artistique sortant de la ligne définie par le régime est proscrite, tout comme sont bannies les influences étrangères. Les artistes juifs sont quant à eux persécutés et leurs œuvres interdites.

*** 

* Le bouillonnement culturel de la République de Weimar. 

En 1918, la République est instaurée en Allemagne. Le nouveau régime doit signer le traité de Versailles en 1919, ce que de nombreux Allemands vivent comme une injustice et une humiliation. L'hyperinflation du mark en 1923 fragilise considérablement un régime qui parvient néanmoins à se stabiliser dans la deuxième moitié de la décennie. La levée de la censure impériale libère les arts qui connaissent alors un foisonnement créatif exceptionnel. Le dadaïsme, l'expressionnisme, la nouvelle objectivité révolutionnent les arts visuels, mais aussi la musique. A l'aube des années 1930, le kroll oper de Berlin s'impose comme le haut lieu des créations modernes de la République de Weimar, avec des mises en scène très audacieuses. Otto Klemperer, son directeur musical, dirige une suite orchestrale de "l'opéra de quat' sous" de Kurt Weill. On peut y entendre une musique ouverte aux influences étrangères, en particulier le jazz. 


Dans les années 1920, les jazz-bands se multiplient, jouant fox-trot, shimmy et charleston dans les cabarets et dancings. Une des formations les plus connues se nomme les Weintraub's Syncopators. Son chef d'orchestre et pianiste, Friedrich Hollaender signe les musiques de l'Ange de Joseph von Sternberg. La chanson la plus célèbre du film, Ich bin von Kopf bis Fuss, est un immense succès, qui ne contribue pas peu à la popularité de Marlène Dietrich.

La République de Weimar est surtout fragilisée par la crise économique de 1929. Adolf Hitler profite de cette situation. A la tête du NSDAP, son parti politique, il accuse la République, les Juifs, les communistes d’être responsables des difficultés du pays et remporte de grands succès électoraux. Le 30 janvier 1933, Hitler est nommé chancelier, chef du gouvernement. En quelques semaines, il obtient les pleins pouvoirs et instaure une dictature. Les élections sont supprimées et les opposants politiques arrêtés par la Gestapo, la police politique. Désormais seul le NSDAP est autorisé. Ainsi, l'Allemagne sous le joug nazi devient un État totalitaire. Le strict contrôle de l’État nazi s'abat sur l'ensemble de la société allemande. La propagande impose le culte de la personnalité. Hitler est présenté comme le guide (führer). Des organisations du parti encadrent les adolescents au sein des Jeunesses hitlériennes. La propagande est partout et l'endoctrinement se fait aussi en chansons.

* La musique comme vecteur d'embrigadement. 

La musique constitue un puissant levier d'embrigadement car elle s'adresse d'abord à l'émotion et s'inscrit parfaitement dans les mises en scène géantes du régime. Le III° Reich accorde la plus grande attention à l'endoctrinement de la jeunesse. Le chant choral, censé créer une dynamique de groupe est privilégié, tandis que les rythmes répétitifs accompagnent parfaitement les marches et défilés militaires chers aux nazis; enfin les thématiques du "sang et de la terre" ("Blut and Boden") ont la faveur des instructeurs. Lors des rassemblements et des activités en groupe, les jeunes doivent chanter fort. L'hymne des Jeunesses hitlériennes insiste sur la soumission absolue au führer. "En avant ! En avant ! Chantent les joyeuses fanfares. En avant ! En avant ! La jeunesse se moque du danger. Führer, nous t'appartenons. Tous les camarades t'appartiennent. Et le drapeau nous conduit vers l'éternité ! Oui, le drapeau est plus fort que la mort !"

Les chants du début du mouvement national-socialiste sont la plupart du temps de simples adaptations, emprunts, reprises, contrefaçons de chants populaires et patriotiques existants, dont le sens est subverti. Ni le texte, ni la musique ne sont originaux. C'est le cas du "Horst Wessel lied". Horst Wessel, obscur chefaillon nazi assassiné en 1930 dans le cadre d'un règlement de compte, devient, par la magie de la propagande, un saint-martyr du nazisme. Le chant qui lui rend hommage s'impose comme hymne officiel du parti nazi. Les Volkslieder, littéralement les "chants du peuple", compatibles avec l'imaginaire Völkish sont chantés à l'unisson et contribuent à l'édification de la pseudo communauté aryenne (Exemple: "Ein heller und ein Batzen").

Les grands compositeurs allemands, à la condition qu'ils ne soient pas juifs, sont exaltés. Bach, Bruckner, Beethoven sont présentés comme des paradigmes du génie créateur aryen. Bien que Hongrois, Lizst, par le miracle de la propagande devient Allemand. Goebbels peut affirmer que l'Allemagne est le "premier peuple musicien de la terre". Wagner fait l'objet d'un véritable culte et devient pour les nazis le promoteur d'un art authentiquement allemand. Antisémite notoire, auteur d'un essai intitulé "la juiverie dans la musique", il est considéré par Hitler comme le compositeur quasi officiel du régime. Ses opéras revisitent les mythologies nordiques. Sa maison à Bayreuth devient un des temples du nazisme, tandis que ses compositions accompagnent les grands rassemblements comme "la chevauchée des Walkyries" ou "les maîtres chanteurs de Nuremberg", dont le chœur proclame fièrement: " Le Saint Empire romain germanique pourra s'effondrer, toujours subsistera l'art sain et noble allemand".

* Musique racialisée et "épuration artistique".

Dès l'arrivée au pouvoir des nazis, la vie culturelle est placée sous contrôle. Goebbels, en tant que président de la Chambre de culture du Reich (Reichkulturkammer), organise et encadre toutes les professions artistiques dont il exclut les juifs. La vie musicale est organisée et contrôlée par le Reichsmusikammer. Alfred Rosenberg, l'idéologue du parti, s'emploie à l'aryanisation de la vie musicale. Dans cet esprit, en mai 1938, se déroulent à Düsseldorf les "journées musicales du Reich" (Reichmusiktage), au cours desquelles une exposition de propagande dénonce la "musique dégénérée" (Entartete Musik), jetant l'anathème sur toute innovation artistique. Le jazz est dénoncé comme une musique à la fois "juive, bolchevique et nègre". L'affiche de l'exposition représente d'ailleurs un saxophoniste noir arborant une étoile de David au revers de la veste, condensé de tout ce que le régime vomit: le juif, le jazz, l'Amérique, le noir. 

Sous la République de Weimar, le jazz jouit d'une popularité exceptionnelle, en lien aussi avec l'émergence de l'explosion d'une culture de masse. Ernst Krenek triomphe alors avec l'opéra jazz Jonny spielt auf. L'accession au pouvoir des nazis change la donne. Les nouveaux dirigeants fustigent l'usage excessif des syncopes et de la batterie. Pourtant, en dépit de l'interdiction de diffusion du jazz à la radio, le succès du genre ne se dément pas, ce qui contraint les autorités à mettre de l'eau dans leur bière, en germanisant les plus grands succès.


Pour le national-socialisme, la musique se résumait donc à une opposition manichéenne entre musique allemande et musique dégénérée, un terme dont l’absence de définition précise permettait d’interdire toute œuvre suspecte. Le bannissement d'un auteur et de son œuvre se fonde sur des critères raciaux, mais aussi sur une base esthétique. Ainsi, toutes les avant-garde artistiques sont censurées et condamnées. Au fond, les nazis vomissent le foisonnement culturel de la République de Weimar, assimilant l'esthétique musicale au régime politique. Ainsi, la musique d'Arnold Schoenberg, inventeur du dodécaphonisme, est considéré comme subversive, intellectuelle, loin des préoccupations du peuple. Sa musique ne trouve plus droit de citer à la fois parce son auteur est juif, mais aussi en raison de son audace moderniste. Les œuvres des illustres compositeurs juifs passés sont mises à l'index. Malher, Offenbach ou Mendelssohn ne sont plus joués. Dès lors, impossible par exemple d'écouter le "songe d'une nuit d'été" sur une scène allemande. 

Dès 1933, les nazis traquent tous les acteurs du bouillonnement culturel de la République honnie. Ils interdisent par exemple "Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny", l'opéra en 3 actes composé par Kurt Weill sur un livret de Bertold Brecht. Parce qu'elle remet en cause les formes traditionnelles de l'opéra classique, introduit des rythmes de blues, un texte anglais, des personnages féminins avides d'argent facile, l’œuvre ne pouvait qu'irriter les nazis. En mars 1931, dans les Cahiers mensuels du parti nazi, Hitler, l'artiste raté, assène: "Les textes de Bertold Brecht et la musique de Weill ne pourront jamais être considérés comme de l'art allemand." Avec une circonstance aggravante à ses yeux, ces deux hommes sont juifs. 

"Alabama song", la plus célèbre chanson de l'opéra, exprime la complainte d'un groupe de prostituées à la recherche d'une ville sans prohibition. Lotte Lyena muse de Weill, en donne une interprétation lugubre. En 1967, les Doors reprennent le morceau dont ils modifient légèrement les paroles.

 *L'attitude des artistes.

Avec l'accession au pouvoir des nazis, les musiciens se trouvent confrontés à un choix, parfois difficile. Certains compositeurs s'accommodent de façon plus ou moins ambiguë du nouveau régime à l'instar de Richard Strauss qui prend la tête de la Chambre de musique du Reich de 1933 à 1935. L'année suivante, il compose l'hymne des JO de Berlin. Lors de la cérémonie d'ouverture, dans une arène ornée de bannières frappées de la croix gammée, il dirige lui même sa composition. Les chefs d'orchestre Ernest von Karajan, Karl Böhm, les chanteuses Elizabeth Schwarzkopf et Zarah Leander, le compositeur Hans Pfitzner et Werner Egk pactisent franchement avec le régime.

Pour beaucoup d'autres, la prise de décision s'avère très difficile. Faut-il rester dans un III ème Reich de plus en plus hostile ou partir vers une destination inconnue en abandonnant son héritage culturel? Arnold Schönberg, Kurt Weill, Ernst Toch, Erich Korngold ("la ville morte"), Otto Klemperer se résignent à l'exil et trouvent refuge aux États-Unis. D'autres voient non seulement leurs carrières brisées, mais aussi leurs existences, à l'instar d'Erwin Schullof. Juif, homosexuel, avant-gardiste et communiste, il subit une véritable chasse à l'homme. Arrêté à Prague, il est déporté à Wülzburg où il meurt de la tuberculose en 1942. Le destin du Tchèque Pavel Haas bascule avec le démantèlement de la Tchécoslovaquie en 1939. Haas est juif, sa musique moderniste, donc interdite. Déporté à Theresienstadt en 1942, il meurt gazé à Auschwitz en octobre 1944.


*Existe-t-il une musique nazie? 

Les nazis savent exclure et mettre au piloris, il peine en revanche à définir ce que devraient être une musique nazie. Leur quête d'un nouveau Wagner reste vaine, trop de talents ayant fui. Quant à ceux qui se rangent sous la bannière du nazisme, ils en étaient largement dénués... Citons tout de même Carl Horff, dont les "Carmina burana" composées en 1937, mettent en musique 24 chants de l'abbaye de Beuem en Bavière. La vitalité rythmique, la simplicité des mélodies et la répétition inlassable font l'intérêt d'une musique compatible avec les canons esthétiques nazis. 

Conclusion :

 L'absence de liberté laissée aux artistes par les nazis explique sans doute qu'aucun compositeur majeur n'est émergé pendant leur règne. En guise de conclusion, citons l'excellent "Entartete Musik. Musiques interdites sous le IIIème Reich" d'Elise Petit et Bruno Giner (source C). "En stigmatisant, déportant et assassinant des milliers d'artistes et intellectuels, c'était bien l'annihilation de toute une culture qui était programmée, peu avant celle de tout un peuple."

Sources: 

A. SCHNAPPER Laure, « La musique « dégénérée » sous l'Allemagne nazie », Raisons politiques, 2004/2 (no 14), p. 157-177.

B. Élise Petit et Bruno Giner présentent "Entartete musik: les musiques interdites sous le IIIème Reich", Bleu nuit éditeur. 

C. "Elise Petit et Bruno Giner: «Entartete Musik: les musiques interdites sous le IIIème Reich», Bleu nuit éditeur, 2015