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samedi 3 mai 2025

A la découverte de la musique dub et du King Tubby.

Le dub est un courant de la musique jamaïcaine, né sous les doigts habiles d'ingénieurs du son surdoués et dont la diffusion hors de l'île caribéenne aura une incidence considérable sur toutes  les musiques électroniques à venir.       

Le dub apparaît dans le contexte éminemment jamaïcain du sound systemAu cours des années 1950, la Jamaïque se dote de ces sortes de disco-mobiles permettant à la population d’écouter et danser sur la musique, à une époque où les disques et la radio coûtent encore chers. Le selecter sélectionne les disques les plus chauds du moment, tandis qu'une sorte de chauffeur de piste, le toaster prend l’habitude de parler sur les disques. En Jamaïque, on l’appelle également deejay. Au cours des années 1960, la production de disques en Jamaïque est impressionnante. On presse les vinyles à la pelle pour alimenter les sound system de Kingston et satisfaire les attentes des danseurs, toujours en quête de nouveaux sons. 

Le dub est un terme anglais qui signifie « copier » / « doubler », comme lorsque l'on copie un son d'un support à un autre. Chez les producteurs jamaïcains, on nomme dubplate, le disque qui sert de master à tous les autres. Ce disque laque ou acetate permet de contrôler que le futur pressage ne contient pas d'erreur. C'est ce dubplate qui donne son nom au dub. L'apparition du genre est, en partie, le fruit d'une heureuse erreur technique. Toutes les semaines, Rudy Redwood, selecter d'un des sound system les plus populaires (le Supreme Ruler Sound basé à Spanish Town)se rend aux studios Treasure Isle de Duke Reid, afin de se procurer les nouveaux sons qui cartonnent. Reid met à disposition du selecter des acétates, afin de tester leur popularité sur la piste de danse, avant de les commercialiser ou pas. Fin 1967 ou début 1968, Byron Smith, l'opérateur du studio de Reid, presse un 45 tours du titre On the beach des Paragons. Lors de l'enregistrement, il omet de lancer la piste vocale. Finalement, deux versions sont gravées, une avec voix, l'autre sans. Or, lorsque Redwood diffuse la version instrumentale dans son sound-system, il ne peut que constater l’engouement du public. L'absence de voix permet aux danseurs de chanter le refrain et au deejay de développer ses interventions. C'est ainsi que les instrumentaux deviennent à la mode. Désormais, les 45 tours sortent systématiquement avec une version instrumentale en face B du titre original.  Ex : le "Jamaican bolero" de Tommy McCook. 

Mais, il ne s'agit pas encore véritablement de dub. Celui-ci n'apparaît que lorsque Osbourne Ruddock, alias King Tubby (le roi des tubes électroniques), opère d'importantes transformations de la matière sonore des versionscomme on se met alors à appeler les instrumentaux. Dès son plus jeune âge, Ruddock monte et remonte des appareils électroménagers pour en comprendre le fonctionnement. Passionné, il répare les appareils électroniques, en particulier les amplificateurs et le matériel de sonorisation. Son expertise lui permet d'être recruté par Duke Reid. A partir de 1968, Tubby possède un petit sound-system installé dans le quartier de Waterhouse (le Tubby's Home Town Hi Fi). Il y diffuse les dub plates qu'il grave à partir de versions des hits Treasure Isle. Le chauffeur de salle se nomme U Roy, un des grands pionniers du style deejay

Tubby ouvre son propre studio d'enregistrement au 18 Dromilly avenue. Studio est un bien grand mot, car il s'agit de la chambre de sa mère, une pièce exiguë qui ne permet pas d'accueillir de musiciens. Fer à souder en main, le maître des lieux, perfectionniste, ne cesse de modifier son installation afin d'obtenir le son adéquat. Son expertise et sa connaissance quasi scientifique du son incitent les producteurs à lui confier leurs enregistrements pour le mixage et la prise de voix, qui se déroulent avec les moyens du bord, dans la salle de bain.

L'ingénieur du son engage un véritable travail de remodelage et de sculpture des versions. Jusqu'en 1972, faute de console de mixage multipiste, il imagine un système qui fait passer le signal sonore à travers une série de filtres, bloquant les fréquences des différents instruments ou du chant, en fonction de ses désirs. (1) D'un côté, il retranche et enlève de la matière, pour mettre en relief et amplifier le couple rythmique basse/batterie, d'un autre il incorpore toute une série d'effets. Ainsi, les fragments de rythmes sont étirés, remodelés et le principe du remixage posé. 

Le dub témoigne d'une réelle capacité à recycler. "Rien ne se perd, rien ne se créé, tout se transforme." Il permet d'insuffler une nouvelle vie à de vieux morceaux, sublimés et métamorphosés à cette occasion. De la sorte, certains titres, qui n'avaient parfois pas bien marchés, peuvent être déclinés des dizaines de fois. Le remixage créatif de ces versions par Tubby et ses disciples – dont le statut change alors - inaugure une nouvelle conception de la production musicale. Sans être musicien, le King transforme cependant la console de mixage en instrument. Toute une série d'effets participe à la déstructuration de la base instrumentale (le riddim original), jusqu'à créer un nouveau morceau.

Ainsi, le dub est un morceau instrumental dont on modifie les différentes couches sonores. Certains instruments sont mis en avant, quand d'autres sont supprimés ou mis en sourdine, tandis que divers effets sonores donnent du relief à l'ensemble. 

> Le delay consiste à répéter plusieurs fois un son. "Don't rush the dub" de Scientist, élève de Tubby, offre un très bel exemple de ces échos répétitifs qui ajoutent de la profondeur et de la texture au morceau.

> La réverbe entretient la persistance du son malgré l'interruption de la source sonore. Cet effet permet de créer une atmosphère immersive et enveloppante. Un exemple avec "Dub you can feel" de King Tubby.

> L'effet phaser module et déphase le signal audio pour créer des crêtes et des creux, produisant un son tourbillonnant et fluctuant. 

> A tous ces effets viennent s'ajouter tout un ensemble de bruitages insolites, destinés à surprendre l'auditeur et à briser la monotonie : cris d'effroi, bruits de sirène, d'animaux ou de rembobinage comme sur "Assack Lawn N°1 dub" de Glen Brown et King Tubby.  

* un véritable paysage sonore. 

Au cours de sessions interminables, Tubby triture et malaxe le son de morceaux nimbés dans un écho spectaculaire, mais aussi désossés pour en faire ressortir le relief et n'en conserver que la substantifique moelle. Il retranche les voix, surexpose la batterie et la basse. Sous les doigts de l'ingénieur du son, cette dernière résonne avec une rondeur incroyable, comme sur ce "Father for the living dubwise", un enregistrement réalisé en collaboration avec le producteur Glen Brown

Travailleur acharné, producteur prolifique, ingénieur du son surdoué, Tubby magnifie le travail de chanteur comme Linval Thompson, Johnny Clarke ou Cornell Campbell. Travaillant avec les meilleurs producteurs de l'île (Augustus Pablo, Glen Brown, Winston "Niney" Holness, Vivian "Yabby U" Jackson, Bunny Lee et ses Aggrovators), il laisse une œuvre colossale, jalonnée de classiques. Ainsi, en 1973, il remixe les enregistrements de Lee Perry pour l'album Blackboard Jungle Dub ("Fever grass dub"). 

La mode du dub emporte tout à partir de 1973 et pour le restant de la décennie. Il faut dire que Tubby a formé ses poulains (Prince Jammy, The Scientist, Philip Smart) et fait des émules (Errol Thompson). Le succès est tel que toute une série d'albums intégralement dub sortent au cours de cette période. Un de plus fameux d'entre eux se nomme "King Tubby meets rockers uptown" (1976), fruit de la rencontre au sommet entre le King et Augustus Pablo, prodige du mélodica. 

A partir de 1974, Lee Perry devient à son tour ingénieur du son. L'homme se distingue par la conservation de motifs mélodiques, une inventivité débridée avec l'ajout des bruitages les plus insolites à ses enregistrements. Dans son Black Ark studio, entièrement conçu par King Tubby, Perry, pieds nus, un spliff en bouche, polit ses propres productions, jusqu'à obtenir satisfaction. Le résultat est bluffant avec une musique dense, luxuriante, comme sur "Bird in hand", enregistrée avec l'aide des Upsetters, ses musiciens attitrés. 

Les variations instrumentales mettent en évidence la partie rythmique qui se révèle une puissante incitation à danser. L'apparition du dub a des conséquences en cascades. Ainsi, les deejays, qui en Jamaïque ne sélectionnent pas les morceaux, mais assurent l'animation des soirées en commentant les sons diffusés par le selecter, trouvent une nouvelle matière pour mettre plus en avant leurs voix avec des interventions plus longues et plus travaillées. Le dub contribue ainsi à l'invention du toast, une forme de proto-rap. Bientôt, les DJ enregistrent leurs interventions sur les versions. Exemple avec "in the ghetto" de Big Joe.

En 1989, un cambrioleur assassine King Tubby, alors âgé de 48 ans. Sa mort correspond aussi à la fin de l'engouement pour le dub en Jamaïque. Plusieurs facteurs explique ce déclin. La production pléthorique de disques à la fin des années 1970 semble avoir provoqué une sorte d'overdose. D'autre part, le dub est enfant du studio et, en Jamaïque, il n'existe pas de groupes de dub susceptibles d'officier sur scène et donc d'entretenir l'intérêt du public. Enfin, en 1985, la réalisation du premier riddim de manière totalement numérique par Prince Jammy, disciple du King, ouvre l'ère du reggae digital et du dancehall, mais clôture celle du dub analogique. Mais, si le genre décline et s'éteint à Kingston, c'est pour mieux essaimer ailleurs Aux Etats-Unis, le dub et ses techniques de remixage pollinisent d'autres genres musicaux : le disco, le hip hop et ses sampling, la house, le punk (Bad Brain : "Leaving Babylon")

Au Royaume-Uni, lassés par les structures simplistes du punk, certains se tournent vers les rythmiques dub à l'image de Bauhaus ("Bela Lugosi's dead") ou des Clash (« The magnificent dance »). Le Guyanais Mad Professor devient le ponte du dub londonien, bientôt épaulé par le groupe Dub Syndicate du producteur Adrian Sherwood. A Bristol, la scène trip hop, menée par Massive Attack incorpore également le genre dans ses créations. Une scène dub spécifiquement française s'est également développée, avec des groupes qui officient en live comme les High Tone, Zenzile ou Improvisators Dub ou Kanka ("Croon it"). 

C° : Ne nous y trompons pas, le dub ne saurait être réduit à un style de reggae ou résumé à une approche technique de la matière sonore.

Notes :

1. L'acquisition de sa table de mixage Dynamic 4 pistes lui permettra, à partir de 1972, d'isoler beaucoup plus facilement les différents éléments constitutifs d'un enregistrement. 

Lexique:
- sound-clash: joute musicale opposant deux sound-system rivaux. La victoire revient au sound ayant suscité le plus d'enthousiasme parmi l'auditoire présent.
- Comme son nom l'indique le selecter sélectionne les disques diffusés, toujours à l'écoute des attentes des danseurs. 
- Le terme sound-man désigne le propriétaire du sound-system, ainsi que les techniciens y travaillant.
- Dancehall désigne dans un premier temps la piste de danse du sound-system. Désormais le mot désigne une forme de reggae digital, très en vogue à partir des années 1980.
- L'operator est le propriétaire d'un sound-system.
- Le toaster improvise des paroles mi-chantées mi-parlées sur des rythmiques reggae.
- Le dubplate ou special est un disque gravé en un seul exemplaire pour un sound system.

- le riddim est la base instrumentale d'un morceau.

Discographie sélective : 

Glen Brown and King Tubby : "Termination dub (1973-1979)", Blood and Fire, 1996.

King Tubby & Prince Jammy : "Dub of rights", Dub gone 2 crazy : in fine style 1975-1979, Blood and Fire, 1996

Prince Jammy : The crowning of Prince Jammy, Pressure Sounds, 1999

King Tubby & the Soul Syndicate : Freedom sounds in dub, Blood and Fire, 1996

Barrington Levy : Barrington Levy in dub, Auralux recordings, 2005

Lee Perry : Blackboard Jungle Dub, 1973

Augustus Pablo : King Tubby meets rockers uptown, 1976

Lee Perry : Return of the Super Ape, 1978

Big Joe : If Deejay was your trade (The Dreads at King Tubby's 1974-1977), Blood and Fire, 1994

Source :

A. "Lloyd Bradley : "Bass Culture. Quand le reggae était roi", Editions Allia, 2005.

B. Bruno Blum : "King Tubby" in "Le Nouveau Dictionnaire du Rock" (dir.) M. Assayas, Robert Laffont, 2014. 

C. Pony Music - King Tubby, The Dub master - interview de Thilbault Ehrengardt. (émission Pony Express sur la RTS)

D. T. Ehrengardt : "Real or fake Tubby

E. "Travail du bricolage et bricolage du travail. Lee Perry au Black Ark studio"

F. Thomas Vendryes« Des Versions au riddim. Comment la reprise est devenue le principe de création musicale en Jamaïque (1967-1985) »Volume ! [En ligne], 7 : 1 | 2010, mis en ligne le 15 mai 2012, consulté le 05 novembre 2024.

mercredi 12 mai 2010

Sur la platine: avril et mai 2010.



1. OV. Wright: "That's how strong my love is".
Une des plus belles chansons de l'homme qui transforma ses maux en musique

2. The Inspirational Gospel Singers: "The Same Thing It took".
Encore une belle compilation du label Numero Group qui explore le gospel côté funk.


3. Sparklehorse: "King of Nails".
Un vieux morceau de Mark Linkous, le brillant et torturé songwriter de Sparklehorse qui vient de passer l'arme à gauche.

4. Bobby Blue Bland: "I got same old blues".
Cet immense chanteur de soul blues, injustement méconnu de ce côté de l'Atlantique, bénéficia pourtant d'une extraordinaire popularité auprès du public féminin noir américain. Sa voix chaude et enveloppante n'y est sans doute pas étrangère.

5. Caribou: "Odessa".
Un titre d'electro pop tout à fait hypnotique et séduisant.

6. Great Pride: "She's a Lady".


7. Bonga: "Makongo".
Chanson de l'album 1974 du chanteur angolais à la voix rauque.

8. Jackie Mitoo: "El bang bang".





1. Welton Irie: "Stone a throw".


2. Charles Mingus: "Moanin".
Un classique du grand bassiste de jazz samplé, entre autres par I am.

http://userserve-ak.last.fm/serve/252/471520.jpg

3. Bobby "Blue" Bland: "I Wouldn't Treat a Dog (The Way You Treated Me)".

4. Tommy McCook: "Tommy's Rock Steady".
Un instrumental sorti de "l'île au trésor" de Duke Reid, rondement mené par un des meilleurs saxophonistes jamaïcains.

5. The Techniques: "Queen majesty".
Toujours dans la même veine, cette formation jamaïcaine reprend à sa manière un des classiques soul de Curtis Mayfield et ses Impressions. Les voix, élégiaques, portent la très belle mélodie de cette chanson imparable.


6. Mgababa Queens: "Maphuthi".
Morceau tiré d'une compilation récemment sortie et consacrée au Mbaqanga, mélange de musique zulu traditionnelle et d'harmonies occidentales.

7. Quantic & His Combo Bárbaro: "Undelivered letter".
Quantic continue ses rencontres et explorations musicales tous azimut. Le résultat est presque toujours à la hauteur.

8. Smoke City: "Underwater Love (Original Mix)".
Ce morceau de trip hop remporta un gros succès en 1997, après avoir été utilisé dans un pub pour Levi's.

mercredi 18 novembre 2009

Sur la platine: novembre 2009.



1. Nitin Sawhney: "Days of fire". Le producteur et musicien touche à tout propose ici une belle chanson consacrée aux attentats qui endeuillèrent Londres en 2005.

Pochette de la compilation "Gypsy Beats and Balkans Bangers" dont est tiré le titre suivant.

2. Mahala Rai Band: "Mahalageasca (Bucovina Dub)". La musique des Balkans se prête très bien aux bidouillages sonores électro comme le prouve ce morceau.

3. B. Alone: "Time is love". Titre très agréable d'un jeune musicien français. Trouvé sur Nova tunes 1.9

4. Lord Tanamo: "I'm in the mood for ska". Ce chanteur de mentos jamaïcains est aussi un des précuseurs du ska. Voici un de ses titres les plus connus.

O.V. Wright.

5. OV. Wright: "Ace of spades". Immense chanteur de deep soul injustement méconnu. Ses interprétations et sa voix profonde méritent pourtant que l'on s'y attarde.

6. Johnny Pate: "Shaft in Africa". Ce titre instrumental funky, tout de cuivre vêtu, est à écouter sur une compilation soul jazz records consacrée à la musique des films blaxpoitation (ici Shaft en Afrique).

Pochette de la compilation "Hits and misses. Muhammad Ali and the ultimate sound of fistfighting" parue sur le label Trikont.

7. Sir Mack Rice: "Muhammad Ali". Entrée en matière pleine de punch pour ce morceau dédié à Mohammed Ali. A écouter sur une compilation très intéressante du label allemand Trikont autour des combats du champion poids lourd. Nous vous en avons parlé ici.

8. James Carr: "the dark end of the street". Autre très grand chanteur de soul à la voix troublante, James Carr interprète ici une ballade particulièrement envoûtante.

jeudi 3 septembre 2009

180. OMD: Enola Gay. (1980)

Ruines d'Hiroshima après le bombardement.


Truman, en tant que vice-président, succède à F.D. Roosevelt, à la mort de ce dernier, en avril 1945. Il ne sait alors absolument rien des recherches en cours pour mettre au point la première bombe atomique. Elles ont pourtant débuté en juin 1942, sous la direction du général Leslie Groves, responsable du projet Manhattan (nom de code donné en 1941 au programme de recherches sur l'arme atomique). Groves et Henry Stimson, secrétaire à la guerre, le mettent au courant lorsqu'il prend ses fonctions.

Alors qu'il se trouve à la Conférence de Potsdam, le nouveau président américain apprend avec satisfaction que le premier test nucléaire réalisé (le 16 juillet 1945) a réussi "au delà de toute espérance". Quelques jours plus tard, Truman approuve la décision de mener une campagne de bombardements atomiques sur le Japon.

Quatre cibles sont retenues par l'état-major US: Kyoto, Hiroshima, Yokohama et Kokura, quatre villes essentielles pour l'industrie de guerre nippone. Le général Groves préférait Kyoto, mais Stimson le convainquit d'épargner la capitale historique du Japon. Hiroshima fut finalement retenue car elle était entourée de collines, ce qui devait avoir pour effet d'accroître les effets de la bombe.
Koruka constituait ensuite l'objectif pour la deuxième bombe, mais les nuages qui recouvraient alors la ville détournèrent le bombardier vers Nagasaki (le bombardement eut lieu le 9 août 1945 à 11h02: quelques 20 000 personnes périrent immédiatement et 50 000 autres au cours de l'année)...

Le 31 juillet, Truman donne l'ordre de bombarder Hiroshima, "dès que le temps le permet".

Paul Tibbets devant l'Enola Gay.

Cette mission à très haut risque est confiée à l'équipage de l'Enola Gay qui comprend 12 hommes placés sous le commandement de Paul Tibbets. Ce dernier s'est entraîné dur depuis la fin 1944, s'entourant d'individus expérimentés au sein du 509è Composite Group. Très vite, Tibbets se trouve face à un problème crucial: celui de la "délivrance" de la bombe. Les scientifiques expliquent en effet à Tibbets que l'avion devra voler à 9448 m, tandis que la bombe explosera à 600 m d'altitude. Quarante trois secondes s'écouleront entre le moment où la bombe sortira des soutes du bombardier B-29 et la déflagration. Dans cet intervalle, s'il veut survivre, l'équipage devra s'être éloigné d'au moins 12,8 km.

Reste qu'aux États-Unis, l'utilisation de l'arme atomique fait débat. Ralph Bard, sous-secrétaire d’État à la marine propose d'avertir solennellement le Japon avant d'utiliser l'arme (cette option étant écartée, il démissionne). Stimson écrit à Truman le 2 juillet en appuyant Bard. Il écrit: "le Japon est susceptible d'être raisonné, ce n'est pas une nation de fanatiques fous."

Mais voilà, les Américains rêvent tous d'abréger la guerre. Les autorités souhaitent pouvoir rapatrier au plus vite les milliers de soldats qui combattent dans le Pacifique et craignent d'avoir à mobiliser de nouveau les boys qui se sont battus en Europe. Dans le Pacifique, la stratégie des sauts de mouton d'île en île, s'est avérée payante depuis deux ans, mais l'avancée américaine se ralentit fortement au fur et à mesure que l'on se rapproche du Japon. La prise d'Iwo Jima (17 mars 1945), puis celle d'Okinawa, dans le sud du Japon coûtent la vie à des dizaines de milliers d'hommes. Dans ces conditions, l'état-major US redoute par dessus tout le débarquement au Japon, et les très lourdes pertes humaines qu'il entraînerait fatalement.


Little Boy.

Aussi, depuis le début de 1945, les bombardements sur les villes japonaises se sont multipliés. Le 6 mars 1945, 80 000 personnes décèdent sous le tapis de bombes déversées sur Tokyo par les B-29. Dans l'esprit de Truman et de ses conseillers, l'utilisation de la bombe devrait permettre d'accélérer la sortie du conflit et, peut-être, d'éviter l'invasion de l'archipel nippon prévue pour le 1er novembre 1945.

Par l'ultimatum de Potsdam (signé le 26 juillet 1945 par Churchill, Truman et le général chinois Tchang Kaï-Chek), le Japon est invité à capituler avant que ne s'abattent sur lui des forces "incomparablement plus grandes que celles qui, s'exerçant contre les nazis acharnés à la résistance, ont dévasté les terres, l'industrie et la vie du peuple allemand." Le Japon oppose une fin de non-recevoir.


Le champignon atomique géant après l'explosion. Photographie prise par George Caron à bord de l'Enola Gay.

Arrivé au dessus d'Hiroshima, l'appareil du colonel Tibbets largue la bombe à 8 heures 15 minutes et 17 secondes (heure locale), le 6 août. Quelques instants plus tard, l'équipage du bombardier s'est suffisamment éloigné pour pouvoir observer l'immense champignon pourpre qui surplombe la ville réduite en cendres. La bombe d'Hiroshima a tué instantanément environ 70 000 personnes, et peut-être 70 000 de plus au cours des mois suivants.


Une seconde bombe américaine est larguée sur Nagasaki, le 9 août. Le 15 août, l'empereur Hirohito annonce officiellement la capitulation du Japon, la reddition japonaise étant signée le 1er septembre (2 septembre, heure française). La seconde guerre mondiale vient de s'achever et les vœux de Truman exaucé. Le débarquement américain au Japon n'aura pas lieu.

A moyen terme, la détention de cette arme confère un avantage militaire prodigieux aux États-Unis, notamment face à l'URSS. Elle constitue un outil diplomatique puissant et convaincant.

Pochette du disque de l'Orchestral Maneuvres in the Dark.

Avec ce morceau le groupe OMD remporte un succès inouïe. Si la musique s'avère particulièrement entraînante et dansante, son thème n'en reste pas moins sinistre puisque le morceau évoque l'anéantissement d'Hiroshima. Enola Gay, titre du morceau, est aussi le nom du B-29 qui largua la bombe. L'appareil fut baptisé ainsi par Paul Tibbets en hommage à sa mère qui s'appelait ... Enola Gay. Le "petit garçon" qui fait la fierté de sa maman n'est autre que la bombe, surnommée "Little Boy" (deux charges d'uranium 235). Ce "baiser que tu donnes, il ne va jamais s'estomper."



"Enola Gay" _ OMD (1980).

You should have stayed at home yesterday
Ah-ha words can't describe
The feeling and the way you lied

These games you play
They're going to end in more than tears some day
Ah-ha Enola Gay
It shouldn't ever have to end this way

It's eight fifteen
And that's the time that it's always been
We got your message on the radio
Conditions normal and you're coming home

Enola Gay
Is mother proud of little boy today
Ah-ha this kiss you give
It's never going to fade away

Enola Gay
It shouldn't ever have to end this way
Ah-ha Enola Gay
It shouldn't fade in our dreams away

It's eight fifteen
And that's the time that it's always been
We got your message on the radio
Conditions normal and you're coming home

Enola Gay
Is mother proud of little boy today
Ah-ha this kiss you give
It's never ever going to fade away


_______________


Enola Gay,
Tu aurais dû rester à la maison hier
Oh oh c'est indescriptible
Le sentiment et la façon dont tu as menti

Ces jeux auxquels tu joues,
Ils vont tous se terminer mal un jour
Oh oh Enola Gay,
Cela ne devrait jamais se terminer comme ça

Il est 8h15,
Cette heure semble ne jamais passée
Nous avons eu ton message à la radio
Les conditions sont normales et tu rentres à la maison

Enola Gay,
Est la mère fière de son Petit Garçon aujourd'hui
Oh oh, ce baiser que tu donnes
Il ne va jamais s'estomper

Enola Gay,
Cela ne devrait jamais se terminer ainsi
Oh oh Enola Gay
Cela aurait dû faire disparaître nos rêves

Il est 8h15,
Oh Cette heure semble ne jamais passée
Nous avons eu ton message à la radio
Les conditions sont normales et tu rentres à la maison

Enola Gay,
Est la mère fière de son Petit Garçon aujourd'hui

Oh oh, ce baiser que tu donnes
Il ne va jamais s'estomper

Sources:

- Les archives du Monde 2 du 27 août 2005 consacrées à la capitulation du Japon. En particulier un article de Laurent Zecchini: "Le 6 août 1945, à 8h15, Hiroshima anéanti.", paru intialement dans le Monde du 3 août 1995.

Liens:

* Sur l'Histgeobox et Lire-Ecouter-Voir:
- Claude Nougaro: “il y avait une ville”.Histoire d'amour sur fond d'explosion atomique.
- Boris Vian "La java des bombes atomiques".

- Un Manga: Gen, enfant d'Hiroshima.
* Un site très bien fait sur Hiroshima et Nagasaki.


* Sur la Passerelle: "Hiroshima, comment en est-on arrivé là?"
* Formidable infographie sur Curiosphere.

* L'éditorial de Camus dans le journal Combat, le 8 août 1945: La civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie .

* Un article du Monde consacré aux "Mémoires d'Hiroshima" sur le bog de G. Hoibian.


* Nagasaki 9 août 1945, une bombe controversée (site du Monde).