C’est ce qu’on appelle un marronnier quand les journalistes n’ont pas grand-chose à se mettre sous la plume, on ressort régulièrement ce vieux machin, cette vieille ritournelle : Doit-on rouvrir les maisons closes ? Je l’avoue pour avoir un peu creusé la question, c’est un peu pénible.
Certes, la série Maison close qui passe sur Canal + contribue à entretenir l’idée, très excitante ( ?) que ces lieux raffinés où les hommes allaient s’encanailler étaient formidables. Mais bon, les travaux des historiens tendent à prouver qu’au-delà du mythe, les maisons de tolérance étaient en grande majorité des bouges terribles, où les prostituées multipliaient les passes à des cadences industrielles. Par ailleurs, elles n’étaient pas libres et surtout soumises aux règlements de police : plusieurs visites gynécologiques par mois, interdiction de fréquenter les lieux publics, enfermement dans un dispensaire en cas de maladie etc...C’est Parent-Duchâtelet, un médecin, hygiéniste qui jette en 1836, les bases de ce qu’on a appelé le réglementarisme. Pour lui, la prostitution est un mal nécessaire dans une ville qu’il faut traiter et gérer comme les immondices ou les eaux usées par des règlements contraignants et une surveillance des maisons closes qu’on doit tolérer par nécessité.
Bref, tout cela n’a pas grand-chose à voir avec la nostalgie qui prévaut chez beaucoup d’écrivains et témoins de l’époque. Les hommes étaient le plus souvent dépucelés dans ces bordels et ce qui explique sans doute ces récits idéalisés et nostalgiques. Mais la sexualité de notre jeunesse a bien changé et la révolution sexuelle renvoie ces établissements à une misère sexuelle d’un être temps.
Quant à Jean Yanne, il semble faire partie de ces hommes qui ne se remettent pas de la fermeture des maisons closes que l’on doit à Marthe Richard en 1945. Celle-ci surnommée par Antoine Blondin, « la veuve qui clôt » est une ancienne prostituée qui arpentait les trottoirs de Nancy. Elle entame après guerre une carrière politique en devenant conseillère municipale à Paris. Le 13 avril 1946, elle est à l’origine de la fermeture de près de 1500 maisons closes à travers la France.
Presque vingt ans plus tard, Jean Yanne, l’humoriste, chanteur, acteur sort une chanson sur le sujet. Habituellement, drôle et plein d’esprit (un livre de ses meilleurs aphorismes est sorti récemment), il propose une chanson aux paroles faciles, à la rime pauvre....où il regrette justement ces maisons closes. Son impertinence l’amène à imaginer que même à Colombey les Deux Eglises (village de Charles De Gaulle, alors président), il y avait un claque. Le dernier argument mis en avant par Jean Yanne, c’est la construction européenne qui obligerait à la réouverture. Par sa voix, un peu gouailleuse, il chante (ou parle plutôt) de dentelles mais il ne fait pas dans la dentelle, le propos est grivois et sans doute volontairement provocateur.
Jean Yanne, 1965
ah rouvrez les maisons
rouvrez les maisons
rouvrez les maisons
jadis les filles étaient heureuses,
avant qu'on ferme les maisons,
sérieuses et bonnes travailleuses,
elles honoraient la profession
mais un jour qu'elle horrible chose
une nommée Marthe Richard
décida que deviendraient closes
les portes de nos bobinards
ah rouvrez les maisons
rouvrez les maisons
rouvrez les maisons
"qu'on dérouille"
ah rouvrez les maisons
rouvrez les maisons
rouvrez les maisons
"qu'on dérouille"
oui ce fut un immense drame
songez qu'à cette époque là
des claques il y en avait mesdames, partout dans la France à papa
même si ça vous scandalise, notre pays en était plein,
A Colombey les deux églises, la troisième c'en était un
ah rouvrez les maisons
rouvrez les maisons
rouvrez les maisons
"qu'on dérouille"
ah rouvrez les maisons
rouvrez les maisons
rouvrez les maisons
"qu'on dérouille"
dans les maisons, je vous l'assure, 'était pas du boulot bâclé, mais du travail fait sur mesure, des trucs et des spécialités. Car la main d'œuvre était parfaite, y a que dans les maisons qu'on trouvait le demi-tour sur la carpette, et le petit train japonais !
ah rouvrez les maisons
rouvrez les maisons
rouvrez les maisons
"qu'on dérouille"
ah rouvrez les maisons
rouvrez les maisons
rouvrez les maisons
"qu'on dérouille"
Puisqu'il faut construire l'Europe, et des pays faire l'union, il faudra bien qu'on développe le tourisme dans la nation. Ah que celui nous dirigent agisse donc avec raison, car le marché commun l'oblige, à faire rouvrir les maisons !!!!
ah rouvrez les maisons
rouvrez les maisons
rouvrez les maisons
"qu'on dérouille"
ah rouvrez les maisons
rouvrez les maisons
rouvrez les maisons
"qu'on dérouille"
ah rouvrez les maisons
rouvrez les maisons
rouvrez les maisons
"qu'on dérouille"
Pour aller plus loin :
- http://www.bakchich.info/Debat-sur-les-maisons-closes-un,10309.html avec de nombreux extraits de films sur la fermeture des maisons closes
- Le site de la série télévisée : http://maisonclose.canalplus.fr/
- Laure Adler, La vie quotidienne dans les maisons closes 1830-1930
- Alain Corbin, Les filles de noce, prostitution et misère sexuelle au 19è siècle.
- Paul Teyssier, Maisons closes parisiennes (Architectures immorales des années 1930)
Une interview très illustrée de Paul Teyssier.
Une histoire des maisons closes parisiennes avec P. Teyssier
JC Diedrich
1 commentaire:
merci pour ce chouette post.
Sur le sujet,pour une période antérieure, Frémeaux et Associés ont sorti un double cd sur les chansons du trottoir:
http://www.fremeaux.com/index.php?page=shop.product_details&category_id=74&flypage=shop.flypage&product_id=441&option=com_virtuemart
Enregistrer un commentaire