vendredi 17 octobre 2008
107. Nina Simone:"I wish I knew how it would feel to be free".
Privés de toute liberté, les Afro-Américains furent des esclaves avant d’être des exclus du système politique. En 1790, le premier recensement de la population américaine établit que sur les 3,9 millions d’habitants que compte la jeune République, 19,3% sont Noirs. On compte 697 624 esclaves sur les 757 181 noirs qui vivent dans le pays, à 90% ans les Etats du sud. Pourtant, d’après la Déclaration d’indépendance, « tous les hommes naissent égaux… ».
La Constitution fédérale (1787), en revanche, reconnaît l’existence de l’esclavage.
Les grands propriétaires terriens recherchent cette main d’œuvre soumise, peu coûteuse, capable de résister au climat subtropical. Les esclaves cultivent le tabac, le maïs, la canne à sucre et surtout le coton. Ils servent aussi de domestiques.
Malgré l’essor du mouvement abolitionniste au milieu du XIXème siècle, l’esclavage n’est pas remis en cause jusqu’à la guerre civile (1861- 1865), conflit économique, politique et culturel. Le gouvernement fédéral, avec à sa tête le nouveau président Abraham Lincoln, proclame l’émancipation des esclaves.
La ségrégation raciale aux Etats-Unis:
A la fin du conflit, le 13eme amendement à la Constitution supprime l’esclavage (1865), tandis que le 14eme (1868) reconnaît les mêmes droits, « la protection égale des lois » à tous les citoyens des EU. Le 15eme (1870) interdit de restreindre le droit de vote à des citoyens pour « cause de race, couleur ou condition antérieure de servitude ».
Or, les esclaves libérés ne possèdent pas de terres, il leur est à peu près impossible de sortir de la pauvreté. Les noirs peuvent voter, ont des élus qui siègent dans les assemblées législatives. Mais cette égalité politique ne dure guère. Une fois, les troupes fédérales (du Nord) parties des Etats vaincus (ceux du Sud), l’hostilité d’une majorité de blancs à l’égard des noirs, considérés comme inférieurs, ressurgit. Des mouvements racistes comme le Ku Klux Klan (1861) s’organisent et sèment la Terreur dans les anciens Etats esclavagistes.
Les pratiques de ségrégation se multiplient. Les races coexistent, mais ne vivent pas ensemble. Cette situation provoque de profondes inégalités. De fait, les Noirs, même si ils en ont le droit, ne peuvent pas voter (pressions, mesures discriminatoires…). La ségrégation spatiale devient rapidement la norme, à tel point qu’en 1896 la Cour suprême fédérale rend un arrêt qu’on résume en trois mots : « séparés, mais égaux ». Les juges estiment conforme à la Constitution la séparation entre les races dans les wagons de chemin de fer, donc dans tous lieux publics. Cette situation va perdurer près de 75 ans dans les Etats du Sud. Les discriminations sont légions.
Citons en quelques unes :
- l’obligation faite aux noirs de céder leur place aux Blancs dans les autobus urbains et d’aller au fond de la voiture.
- l’exclusion des syndicats ;
- les salaires inférieurs ;
- l’interdiction des mariages interraciaux.
Dans les villes du Nord aussi, la ségrégation spatiale se développe avec l’afflux de nombreux noirs du Sud. Des ghettos naissent, qui regroupent les Noirs dans des quartiers qui se vident de leurs populations blanches et qui se délabrent rapidement en raison des difficultés économiques et sociales qui frappent de nombreux Noirs.
Face aux discriminations, les Noirs réagissent de différentes manières :
- haine de soi pour certains, avec la volonté de paraître plus blanc ; adoption d’un luxe tapageur afin de montrer qu’on est pleinement intégré dans la société ambiante.
- d’autres acceptent la différence, tâche de grimper peu à peu dans la hiérarchie sociale comme le propose Booker T. Washington, dans l’espoir d’accéder à l’égalité avec les Blancs.
- certains affichent avec fierté leur identité distincte.
- d’autres enfin se lancent dans des procédures judiciaires afin d’obtenir une amélioration de leur sort à l’instar de la National Association for the Advancement of Colored People.
Quatre des principaux dirigeants de la NAACP tenant un poster dénonçant le racisme au Mississippi.
Des Américains blancs ont toujours lutté pour l’égalité raciale, mais leur tâche s’avère difficile face à des associations comme le KKK qui multiplie les lynchages. La situation ne progresse guère jusqu’aux 1950’s. Ainsi, ce n’est qu’en 1948, que le président Truman impose l’intégration raciale des forces armées (pendant la Seconde Guerre mondiale, les soldats américains combattent en unités ségrégées le nazisme pour la liberté et l’égalité…).
La lutte pour les droits civiques:
En 1954, la NAACP remporte une grande victoire devant la Cour suprême, puisqu ‘elle déclare que la ségrégation scolaire va à l’encontre de la Constitution (arrêt Brown v. Topeka Board of Education). Or, l’injonction juridique n’est pas respectée dans les Etats du sud profond. En 1957, le gouverneur de l’Arkansas, Faubus, mobilise la garde républicaine afin d’empêcher l’inscription de jeunes noirs dans l’école de Little Rock. Vers 1960, moins de 1% des enfants noirs du sud étaient scolarisés dans des écoles intégrées.
Le mouvement pour les droits civiques naît symboliquement le 1er septembre 1955 lorsque Rosa Parks refuse de céder sa place à un blanc dans un bus à Montgomery, dans l’Alabama. Sous la direction du pasteur Martin Luther King, les noirs boycottent les autobus de la ville, ce qui aboutit à la déségrégation des transports intra urbains. MLK et sa Southern Christian League prônent la désobéissance civile et la non violence pour abattre « Jim Crow ». La marche de Washington en août 1963 de près de 300 000 noirs et libéraux blancs qui se termine par le très beau discours de King, permet, elle aussi, de faire évoluer les esprits.
Le système de ségrégation agonise à partir du début des années 1960 sous la présidence de J.F. Kennedy et surtout avec son successeur L. Johnson, dont la grande loi sur les droits civiques de 1964, interdit toute forme de discrimination et de ségrégation dans les lieux publics. C’est de l’Affirmative action, politique volontariste d’intégration des noirs dans tous les secteurs de la vie professionnelle, avec la mise en place de quotas.
En 1965, après la marche de Selma (en mars) et les émeutes de Watts (en août), Johnson fait voter le Voting right Act, et suspend les clauses restrictives qui avaient éliminé les électeurs noirs des listes. Le système pervers et destructeur de la ségrégation était moribond, mais pas les discriminations ni les violences. De nombreuses émeutes continuent à ensanglanter les ghettos des grandes métropoles américaines. A la suite des actions racistes des blancs du sud ou des traitements humiliants subis lors des heurts avec la police, enfin après l’assassinat de personnalités comme MLK en 1968. On assiste aussi à une radicalisation progressive des organisations noires,la Southern Christian Leadership Conference est rapidement dépassée par des mouvements qui revendiquent l’usage de la violence, incitent les noirs au séparatisme et souhaitent l’instauration d’un « Black power ».
Le parcours de Nina Simone est emblématique de l'évolution du mouvement pour les droits civiques. Au début des années 1960, elle ne s'implique guère dans le mouvement. Mais la lecture des écrits de Malcom X et d'autres théoriciens du Black Power changent profondément son approche et à partir de 1965, elle n'hésite pas à prendre ouvertement position et multiplie les morceaux engagés (voir les liens en fin d'article).
Sources :
- L’Histoire n°197, mars 1996, « Esclaves, exclus, citoyens » par André Kaspi. Les archives du Monde 2 du 16 octobre 2004.
- L’Histoire n°306, février 2006, « Les Etats-Unis : un siècle de ségrégation » par Pap Ndiaye.
"I wish I knew how it would fel to be free" Nina Simone
I wish I knew how it would feel to be free
I wish I could break all the chains holding me
I wish I could say all the things that I should say
say 'em loud, say 'em clear
for the whole round world to hear.
J'aimerais savoir ce qu'on ressent quand on est libre
J'aimerais pouvoir rompre toutes les chaînes qui me retiennent
J'aimerais pouvoir dire toutes les choses que j'ai à dire
dites le fort, dites le clairement
pour que le monde entier l'entende.
I wish I could share all the love that's in my heart
remove all the bars that keep us apart
I wish you could know what it means to be me
Then you'd see and agree
that every man should be free.
J'aimerais pouvoir partager tout l'amour qui emplit mon coeur
supprimer tous les barreaux qui nous séparent
j'aimerais que tu puisses te mettre à ma place
alors tu verrais et tu comprendrais
que tous les Hommes doivent être libres.
I wish I could give all I'm longing to give
I wish I could live like I'm longing to live
I wish that I could do all the things that I can do
though I'm way overdue I'd be starting anew.
J'aimerais donner tout ce que je désire donner
J'aimerais vivre comme je le désire
J'aimerais pouvoir faire tout ce que je sais faire
bien que tout cela tarde je voudrais repartir à zéro
Well I wish I could be like a bird in the sky
how sweet it would be if I found I could fly
Oh I'd soar to the sun and look down at the sea
and I'd sing cos I'd know that
and I'd sing cos I'd know that
and I'd sing cos I'd know that
I'd know how it feels to be free
I'd know how it feels to be free
I'd know how it feels to be free
Eh bien j'aimerais pouvoir être comme l'oiseau dans le ciel
ce serait merveilleux si je découvrais comment voler
oh je voudrais grimper vers le soleil et plonger dans la mer
et je chanterais parce que je saurais (3X)
je le saurais ce que s'est que d'être libre (3X)
Liens:
* Nina Simone sur L'Histgeobox:
- 65. Nina Simone:"Backlash blues".
- 9. Nina Simone:"Why the king of love is dead?".
- 24. Nina Simone: "Mississippi goddam".
* Pour approfondir:
- La musique au temps des Black Panthers.
- La lutte pour les droits civiques en musique (1955-1964).
- Why the king of love is dead?
- Lire-écouter-voir: Quand la soul s'engage.
- Lire-écouter-voir...la suite: Le combat de MLK: une lutte en musique.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire