Protestations en Afrique du Sud à la mort de Steve Biko
Le 18 aout 1977, Steve Bantu Biko, fondateur du premier syndicat étudiant noir d’Afrique du Sud et militant anti-apartheid est arrêté par la police pour terrorisme. Le 12 septembre, celle-ci annonce sa mort, officiellement des suites d’une grève de la faim.
Personne n’est dupe, Biko est mort à la suite des sévices courants dans les prisons sud-africaines. Le scandale va durement toucher la crédibilité du régime de Pretoria et symboliser les déchirements d'une société qui vit séparée par couleurs.
Le pays en effet est une mosaïque ethnique. Il fut colonisé par les portugais puis par des hollandais avant d’être conquis par la force au début du XXème siècle par les britanniques. L’Afrique du Sud vit sous un régime de séparation raciale stricte doublée d’une rivalité entre blancs eux mêmes. Après son indépendance en 1910, la situation du pays est très compliquée. La minorité blanche descendante de colons protestants hollandais et français qui se nomme elle-même afrikaner veut marquer à la fois son rejet du colonisateur anglais avec qui elle s’est violemment battue au XIXème siècle (il y eut même des camps de concentration où les afrikaners moururent par milliers) et sa prééminence sur les différentes tribus noires qui peuplent le pays. Ces afrikaners ont une langue dérivée du néerlandais avec une bonne louche de français (apartheid vient ainsi de l'expression "à part"), une culture et une religion calviniste différente des anglophones anglicans et se considèrent d'abord non comme des européens mais comme des africains blancs, propriétaire de terres vierges qu'ils ont mis en valeur et qui n'appartiennent ni aux anglais, ni aux tribus noires qui ne les ont jamais exploitées.
Une plage en Afrique du Sud dans les années 80
Le 18 aout 1977, Steve Bantu Biko, fondateur du premier syndicat étudiant noir d’Afrique du Sud et militant anti-apartheid est arrêté par la police pour terrorisme. Le 12 septembre, celle-ci annonce sa mort, officiellement des suites d’une grève de la faim.
Personne n’est dupe, Biko est mort à la suite des sévices courants dans les prisons sud-africaines. Le scandale va durement toucher la crédibilité du régime de Pretoria et symboliser les déchirements d'une société qui vit séparée par couleurs.
Le pays en effet est une mosaïque ethnique. Il fut colonisé par les portugais puis par des hollandais avant d’être conquis par la force au début du XXème siècle par les britanniques. L’Afrique du Sud vit sous un régime de séparation raciale stricte doublée d’une rivalité entre blancs eux mêmes. Après son indépendance en 1910, la situation du pays est très compliquée. La minorité blanche descendante de colons protestants hollandais et français qui se nomme elle-même afrikaner veut marquer à la fois son rejet du colonisateur anglais avec qui elle s’est violemment battue au XIXème siècle (il y eut même des camps de concentration où les afrikaners moururent par milliers) et sa prééminence sur les différentes tribus noires qui peuplent le pays. Ces afrikaners ont une langue dérivée du néerlandais avec une bonne louche de français (apartheid vient ainsi de l'expression "à part"), une culture et une religion calviniste différente des anglophones anglicans et se considèrent d'abord non comme des européens mais comme des africains blancs, propriétaire de terres vierges qu'ils ont mis en valeur et qui n'appartiennent ni aux anglais, ni aux tribus noires qui ne les ont jamais exploitées.
Il faut bien voir qu'en ce qui les concerne, les Noirs, largement majoritaires, sont divisés en une myriade de tribus (xhosa, zoulous, sothos etc…) souvent hostiles les unes aux autres auxquels il faut encore rajouter de nombreux immigrés malais ou indiens amenés comme main d’œuvre par le colonisateur britannique (Gandhi, de 1894 à 1914 defendra pendant 20 ans ces mineurs ou paysans indiens corvéables à merci.)
Avec l’indépendance, les blancs, à majorité afrikaner, prennent les rênes du pays pour mieux se démarquer de l’ancienne métropole. Il se met en place un système de lois, votée en 1948, interdisant à la majorité noire ou aux descendants de travailleurs immigrés tout pouvoir politique ou économique. C’est l’apartheid, qui divise strictement les communautés selon la couleur de peau. Par peur de la montée démographique des « colored », c’est aussi une ségrégation géographique qui tend à séparer clairement quartiers blancs et noirs. De même toute relation sexuelle entre blanc et non-blanc devient un crime passible de prison.
Avec l’indépendance, les blancs, à majorité afrikaner, prennent les rênes du pays pour mieux se démarquer de l’ancienne métropole. Il se met en place un système de lois, votée en 1948, interdisant à la majorité noire ou aux descendants de travailleurs immigrés tout pouvoir politique ou économique. C’est l’apartheid, qui divise strictement les communautés selon la couleur de peau. Par peur de la montée démographique des « colored », c’est aussi une ségrégation géographique qui tend à séparer clairement quartiers blancs et noirs. De même toute relation sexuelle entre blanc et non-blanc devient un crime passible de prison.
Une plage en Afrique du Sud dans les années 80
Des minis états noirs, prétendument indépendants, les bantoustans (Lesotho, Swaziland etc…) sont crées pour séparer davantage les noirs des régions les plus riches, à majorité blanche. Ce sont des états fantoches, sans véritable pouvoir ni indépendance économique qui servent à calmer les esprits.
Dans les années 60 puis 70, ces lois de ségrégations ne cessent de se durcir, alors que l’Afrique du Sud profitant de ressources économiques importantes en matières premières en profite pour s’enrichir et se proclamer fer de lance de la lutte contre la menace soviétique dans la région. Elle obtient par ce biais l'indulgence de la plupart des gouvernement occidentaux. Elle s’accompagne d’une politique répressive de plus en plus forte qui vise à empêcher l’éclosion d’une conscience politique dans la majorité noire qui croupit dans la pauvreté. Les leaders noirs comme Nelson Mandela dirigeant de l’ANC (African National Congress ) sont jetés en prison. Steve Biko, un des rares noirs étudiants en médecine dans les années 60 est l’un de ces contestataires. Bien que se revendiquant non-violent, il apparaît comme plus radical que l’ANC, jugé trop conciliant avec le pouvoir blanc, participant à des manifestations qui tournent parfois à l’émeute face à la police.
Dans les années 70, les townships, quartiers de bidonville noirs dont le plus célèbre est Soweto en banlieue de Johannesburg s’enflamment régulièrement. La répression de la police y est féroce, arrestations arbitraires et disparitions se multiplient.
L'arrestation de Biko et sa mort suspecte choquent l’opinion publique mondiale. D’autant que des photos montrant son corps nu et portant de violentes traces de coup font le tour des rédactions des journaux du monde entier. Interrogé à ce sujet, le ministre de la justice de l'époque, Jimmy Kruger, déclare que la mort de Biko le laisse "froid". L’ONU vote deux résolutions appelant à un embargo des armes contre l’Afrique du Sud.
En 1980, l’ancien chanteur du groupe Genesis, Peter Gabriel, passionné de musiques africaines popularise auprès du public occidental la cause de la lutte anti-apartheid au travers d’une chanson sobrement appelée Biko et qui mêle des expérimentations synthétiques à des chants africains plus traditionnels. Si l’album « Peter Gabriel 3 » trop expérimental aux yeux du grand public est un échec commercial, la chanson Biko rencontre elle un écho important, incitant d’autres artistes connus à s’engager politiquement pour soutenir des causes politiques
September '77
Port Elizabeth weather fine
It was business as usual
In police room 619
Oh Biko, Biko, because Biko
Oh Biko, Biko, because Biko
Yihla Moja, Yihla Moja
-The man is dead
When I try and sleep at night
I can only dream in red
The outside world is black and white
With only one colour dead
Oh Biko, Biko, because Biko
Oh Biko, Biko, because Biko
Yihla Moja, Yihla Moja
-The man is dead
You can blow out a candle
But you can't blow out a fire
Once the flames begin to catch
The wind will blow it higher
Oh Biko, Biko, because Biko
Oh Biko, Biko, because Biko
Yihla Moja, Yihla Moja
-The man is dead
And the eyes of the world are
watching now
watching now
-------------------------------
Septembre 1977
Port Elizabeth, météo clémente
Rien de plus que la routine
Au commissariat dans la pièce 619
Oh Biko, Biko, parce que Biko
Oh Biko, Biko, parce que Biko
Ton esprit plane, ton esprit plane
- L'homme est mort
Quand j'essaye de dormir la nuit,
Je ne rêve qu'en rouge
Le monde extérieur est noir et blanc
La seule couleur est la mort
Oh Biko, Biko, parce que Biko
Oh Biko, Biko, parce que Biko
ton esprit plane, ton esprit plane
- L'homme est mort
Tu peux éteindre une bougie en soufflant
Mais tu ne peux pas éteindre un feu
Une fois que les flammes sont là
Le vent lui fera prendre de l'ampleur
Oh Biko, Biko, parce que Biko
-L'homme est mort
Et les yeux du monde
regardent maintenant
regardent maintenant
Peter Gabriel sera un des initiateurs de la fusion entre les courants pop rock et la world music fondant un festival WOMAD (World Of Music, Art & Dance) et un studio, Real World qui ira produire des artistes du monde entier, souvent à perte, car Gabriel frôlera la faillite à plusieurs reprises. D’autres artistes connus reprendront cette cause, la rendant médiatique, comme Tears for Fears et son « Mandela Days » ou le chanteur sud-africain Johnny Clegg surnommé le Zoulou blanc qui popularise les danses tribales traditionnelles (« Scatterlings of Africa » ou « Asimbonanga » dédiée à Mandela).
Les protestations internationales, le prix Nobel de la paix accordé au pasteur noir Desmond Tutu, autre figure de la lutte anti apartheid ou la multiplication des sanctions contre l’Afrique du Sud, privée de Jeux Olympiques ou de relations commerciales normales, vont progressivement obliger les autorités de Pretoria à lâcher du lest face à la contestation noire. Petit à petit, malgré l’opposition des conservateurs blancs qui dénoncent la prétendue influence de la propagande communiste derrière les mouvements anti-apartheid, les présidents Peter Botha puis Frederick de Klerk suppriment une par une les lois ségrégationnistes pour rendre à l’Afrique du Sud sa place parmi les nations.
La campagne de boycott contre les oranges sud-africaines Outspan qui marqua les esprits dans les années 70.
En 1990, après 24 ans derrière les barreaux, Nelson Mandela leader de l’ANC est libéré devant les caméras du monde entier. Un an plus tard alors que les lois d’apartheid sont officiellement supprimées, Mandela devient le premier président noir du pays et se lance dans une politique de réconciliation nationale pour éviter au pays un embrasement ethnique.
De Klerk et Mandela, au moment de la libération de ce dernier. Il recevront ensemble le prix Nobel de la paix.
Depuis, l’Afrique du Sud, devenue l’une des premières puissances économiques africaines et un pays émergeant grâce à ses nombreuses matières premières, joue un rôle international de plus en plus fort et tente de se poser comme la locomotive de l’Afrique. Mais, même si une bourgeoisie noire s’est développée, les inégalités économiques restent encore importantes et la société sud-africaine, bien que démocratique, demeure toujours assez cloisonnée.
Une commission "vérité et réconciliation" fut créée pour juger des crimes du temps de l’apartheid dont la mort de Biko. La police reconnaîtra sa responsabilité dans le décès sous les coups du militant noir, mais au final, en 2003, aucune poursuite ne sera déclenchée. Comme ce sera le cas pour beaucoup de crimes commis par les dirigeants du régime de l’apartheid ou par les membres les plus extrémistes des mouvements anti ségrégationnistes. Le nouveau pouvoir ne veut pas rouvrir des plaies encore vives dans la société sud-africaine.
La mort de Biko a au moins réveillé les consciences et la chanson de Peter Gabriel fut de celles qui forcèrent l’opinion internationale à ouvrir les yeux sur la situation là bas. Comme le dira Mandela en 1994 « Biko a été le premier clou dans le cercueil de l’apartheid. »
Une commission "vérité et réconciliation" fut créée pour juger des crimes du temps de l’apartheid dont la mort de Biko. La police reconnaîtra sa responsabilité dans le décès sous les coups du militant noir, mais au final, en 2003, aucune poursuite ne sera déclenchée. Comme ce sera le cas pour beaucoup de crimes commis par les dirigeants du régime de l’apartheid ou par les membres les plus extrémistes des mouvements anti ségrégationnistes. Le nouveau pouvoir ne veut pas rouvrir des plaies encore vives dans la société sud-africaine.
La mort de Biko a au moins réveillé les consciences et la chanson de Peter Gabriel fut de celles qui forcèrent l’opinion internationale à ouvrir les yeux sur la situation là bas. Comme le dira Mandela en 1994 « Biko a été le premier clou dans le cercueil de l’apartheid. »
4 commentaires:
Passionnant. J'avais entendu parler de ce titre , mais je ne l'avais jamais entendu. Merci pour cette séance de rattrapage et tes précieux éclairages.
J.B.
Je ne suis pas aussi productif ni érudit en musique que toi, Peter Gabriel fut un des mes artistes préféré dans ma jeunesse dans les années 80 et Biko eut un vrai retentissement à l'époque.
J'essaierai de rajouter de temps à autres d'autres chansons notamment celles de cette époque puisque tu sembles plus branchées sur celles des années 60-70...
Très intéressant en effet, je ne connaissais pas la chanson, ou tout au moins je ne m'en rappelais pas (c'est tellement loin les années 1980....).
P.S. : Les deux liens ne fonctionnent pas.
Magnifique texte
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