En1945, l'Allemagne
et Berlin sont divisées et occupées provisoirement par les vainqueurs de la seconde guerre mondiale (EU, RU, URSS et France). Berlin, la capitale,
se situe dans la zone occupée par
l'URSS ce qui provoque d'emblée de vives tensions. Staline tente de faire tomber la ville dans son escarcelle en organisant un blocus pour empêcher
les Occidentaux d'accéder à leurs secteurs d'occupation situées à Berlin-Ouest. Les Américains ripostent en organisant un pont
aérien afin d'approvisionner les zones d'occupation occidentales. L'échec du blocus débouche en 1949 sur la création de 2 Allemagne : la RFA à l'ouest et
la RDA à l'est.
La guerre froide est un conflit idéologique, économique et culturel. Dans le bloc soviétique, les arts font l'objet d'une attention constante et doivent se conformer aux canons esthétiques communistes définis par Jdanov en 1947. Ainsi, dans le domaine musical, les autorités est-allemandes scrutent avec la plus grande attention les musiques venues de l'Ouest. En RDA, si les jeunes Allemands de l’Est s'empressent d’adopter le jazz, puis le rock, pour étayer leur contestation du pouvoir, l’État, lui, renâcle…
La guerre froide est un conflit idéologique, économique et culturel. Dans le bloc soviétique, les arts font l'objet d'une attention constante et doivent se conformer aux canons esthétiques communistes définis par Jdanov en 1947. Ainsi, dans le domaine musical, les autorités est-allemandes scrutent avec la plus grande attention les musiques venues de l'Ouest. En RDA, si les jeunes Allemands de l’Est s'empressent d’adopter le jazz, puis le rock, pour étayer leur contestation du pouvoir, l’État, lui, renâcle…
* "Aujourd'hui, il joue du jazz, demain il trahira son pays."
Très présent militairement sur le sol de la RFA, les Américains imposent leur domination culturelle par le biais des stations de radio des bases implantées sur le sol ouest-allemand (American Forces Network). Biberonnés au jazz, au rhythm and blues, plus tard au rock'n'roll, les teenagers allemands adoptent les codes vestimentaires et musicaux des vedettes américaines ou d'outre-manche dès l'immédiat après-guerre.
Jusqu'en 1948 et la mise en place du blocus de Berlin, le swing prospère également dans la zone d'occupation soviétique avec des formations telles que le RTB-Orchester ou le Tanzkapelles des Berliner Rundfunks. Cependant, "les autorités est-allemandes s'agacent vite de la domination culturelle américaine qui s'impose (...). Le canon socialiste exige une connexion de l'art avec la vie et la construction de L’État. La classe des travailleurs devait pouvoir bien comprendre et se reconnaître dans les musiques jouées à l'est. L'art pour l'art est interdit. Ceux qui séparent art, vie et peuple sont considérés comme anti-esthétiques, comme antidémocratiques, on les rassemble sous le concept infamant de «formels»." [source B p 138]
En 1949, le nouveau régime est-allemand part de l'idée que la bourgeoisie a trahi, suivant aveuglément le führer. Pour les autorités, il faut donner aux classes populaires les moyens d'accéder à la haute culture (hochkultur). Dans cette optique, seule la musique classique a droit de citer. En revanche, la culture de masse, populaire et commercialisée, est considérée comme de la non culture, l'expression de la décadence bourgeoise et de l'impérialisme américain. Le jazz devient suspect en tant que culture américaine, et donc impérialiste. « Formaliste » et « cosmopolite », il participe selon les dirigeants est-allemands d’un complot américain visant à anéantir la culture
allemande en pervertissant la sensibilité des auditeurs. Des slogans hostiles au jazz apparaissent comme "Aujourd'hui, il joue du jazz, demain il trahira son pays." (1) Les
autorités s'emploient donc à restaurer "la grande culture allemande" en
créant en août 1951 des institutions ad hoc comme le Statuko (Staatliche Kommission für
Kunstangelegenheiten) au sein duquel un département musical entend
contrer l’influence négative de l’Ouest. La pression se fait donc plus forte sur les orchestres de swing. (2)
Au moins jusqu’en 1953 cependant, plutôt que de sanctionner, le Statuko maintien le statu quo (ok je sors ☺) et incite les musiciens à se convertir à des principes éducatifs marxistes. Les policiers eux-mêmes ne sont pas vraiment hostiles au jazz et ne mettent pas forcément en application les interdictions locales de jouer. En outre, le jazz jouit d'une relative liberté car il n'a pas, ou rarement, de textes. A partir du milieu des années 1950 en revanche, les interdictions se font de plus en plus lourdes. Les fermetures des clubs de jazz, les interdictions de concerts, les saisies des disques deviennent le lot quotidien des jazzmen est-allemands. C’est pourquoi Kurt Henkel, le leader de la formation de swing la plus populaire de RDA, le Tanzorchester des Staatlichen Rundfunkkomitees, passe à l’Ouest en 1959.
Cependant, pas plus que sous le nazisme, la politique répressive de la zone soviétique, puis de la RDA, ne peut éradiquer complètement le jazz. Faute de système de brouillage efficace, il est impossible d’empêcher la diffusion du jazz par les radios de l’Ouest: la BBC, RFI, Radio Luxembourg et surtout de l'émission de jazz de Willis Conover sur Voice of America.
* Amiga, le label d’État.
Lors du soulèvement populaire de juin 1953, le pouvoir communiste pointe la mauvaise influence des films, de la littérature et de la musique venus d'occident qui auraient incité les ouvriers à la violence. Pour contrer la "décadence capitaliste", Walter Ulbricht, le premier dirigeant de la RDA, promeut la création d'une culture officielle à destination de la jeunesse. Pour ce faire, la production de disques passe sous le contrôle de l’État est-allemand. (3) Le label discographique officiel (la VEB Deutsche Schallplatten) se subdivise en branches spécialisées: Eterna pour la musique classique, Aurora pour les chants de travailleurs et les chansons d'éducation politique et Amiga (4) pour l'Ulterhaltungsmusik, la musique de divertissement. La maison de disques est d'emblée une arme indispensable dans le bras de fer qui commence à se jouer entre les deux blocs. Grâce à elle, les autorités ont la haute main sur la production de musique populaire. Il devient quasi impossible d'enregistrer pour les formations qui déplaisent au régime. Amiga sort d'abord les disques de l'orchestre officiel, le Radio-Tanz Orchester Berlin (RTB) dont les audaces swing finissent par déplaire aux autorités. (5) Ainsi, "après une courte période d'ouverture, Amiga travaille à la germanisation et à la «real-socialisation» des influences anglophones, refrain connu depuis Goebbels."
* "En finir avec la monotonie des yeah-yeah-yeah."
La sortie du film Blackboard jungle en 1955 provoque des échauffourées et donne naissance aux Halbstarker, les blousons noirs allemands. Comme dans le reste de l'Europe, le rock'n'roll déferle en RFA et supplante rapidement le jazz. Face à l'indéniable attraction du mode de vie américain sur la jeunesse est-allemande, les autorités hésitent sur l'attitude à adopter. Faut-il intégrer cette musique pour s'en servir ou la bannir? Les deux politiques sont utilisées alternativement.
Dans un premier temps, l'hostilité prévaut. En 1955, Ulbricht s'insurge lors d'une réunion du comité central du parti communiste: "Faut-il vraiment que nous copiions toutes les saletés venues de l'Ouest? Je pense qu'il est temps camarades d'en finir avec la monotonie du yeah-yeah-yeah." Lors d’un forum de la jeunesse à Leipzig en 1958, le premier secrétaire du parti compare les groupes de rock’n’roll aux singes du zoo municipal.
Dès lors, la censure et la répression s'abattent, implacables. En 1958, la loi 60-40 est instaurée. Désormais, les disc-jokeys doivent diffuser au moins 60% de musique issue des pays socialistes. Le régime n'interdit pas la pratique du rock, mais l'encadre strictement. Histoire de s'assurer qu'ils jouent une musique décente, les musiciens sont soumis à une autorisation et doivent donc passer des auditions devant une commission composée de fonctionnaires. Les textes des chansons font l'objet d'un examen serré devant ces commissions, les danses jugées trop suggestives sont également interdites.
Pour endiguer la percée du rock capitaliste et canaliser les penchants des adolescents est-allemands pour les vedettes de l'ouest, le régime s'appuie sur la Stasi, mais également sur l'organisation de la Jeunesse Libre Allemande (FDJ) dont le service d'ordre s'emploie à lutter contre "l'immoralité capitaliste chez les jeunes". Le district de Leipzig est pionnier dans le domaine de la répression. La police se dote alors d'un fichier spécial recensant les « loubards » (« Rowdys »). Le « Rowdytum » devient un délit sanctionné par une arrestation et une peine d’emprisonnement.
Toutes ces mesures répressives ne parviennent pas à détourner la jeunesse est-allemande du rock'n'roll, ni à empêcher la formation d'une scène contre-culturelle en RDA. Comment empêcher des ados de danser, d'exprimer leur soif de vivre, leur enthousiasme pour une musique nouvelle et électrisante? Les autorités se rendent à l'évidence: mieux vaut troquer le bâton pour la carotte. Mais si le rock'n'roll enthousiasme la jeunesse, il s'agit tout de même de la musique de l'ennemi. Fort de ce constat, Walter Ulbricht encourage le développement d'une culture spécifique pour la jeunesse est-allemande. En 1959, dans le cadre de la conférence de Bitterfeld, il lance à l'auditoire: "Il ne suffit pas de condamner la décadence capitaliste, nous devons proposer quelque chose de mieux".
* "Tout le monde danse le lipsi."
A ses yeux, l'objectif reste de proposer une alternative crédible et locale aux genres musicaux qui enflamment les pistes de danses: le rock'n'roll et bientôt le twist. Les autorités est-allemandes (Walter Ulbricht, le ministre de la culture Alexander Abusch, le parti communiste et son organisation de jeunesse) décident de promouvoir une "danse de contact" éminemment socialiste: le lipsi, dont l'appellation dérive du nom latinisé des habitants de Leipzig, les Lipsiens. Élaboré en 1959 par le musicien René Dubianski et le couple de professeurs de danse Christa et Helmut Seifert, le lipsi est une danse en mesure 6/4, s'apparentant un peu au cha cha cha. L'organe de presse du parti, Neues Deutschland, exulte:"La chorégraphie est très harmonieuse et ses mouvements de détachement et de rapprochement des partenaires ainsi que ses rotations solistiques en font une danse éminemment moderne. Notre jeunesse ne veut pas se mouvoir uniquement en position fermée, elle aspire à un mouvement comme celui du Lipsi, un mouvement très éloigné de ces contorsions obscènes d'Outre-Atlantique qui, tout comme les contrefaçons inaudibles de jazz, embrument les cerveaux de la jeunesse occidentale. "
A partir de 1959, Amiga se met donc à commercialiser toute une série de 45 tours. Problème, le lipsi ne subjugue pas les foules, loin s'en faut. La musique est sirupeuse, le rythme plat, l'innovation absente, les paroles d'une fadeur sans nom. La jeunesse est-allemande rejette cette culture officielle. Les soirées officielles dansantes pour jeunes sont progressivement désertées. (6) Au bout du compte, la politique culturelle dirigiste rate sa cible. Le lipsi ne franchit jamais le rideau de fer, mais s'exporte néanmoins dans plusieurs pays du pacte de Varsovie. Et même si c'est faux, les Flamingos l'assurent: "tout le monde danse le lipsi" ("Alle tanzen lipsi").
Très présent militairement sur le sol de la RFA, les Américains imposent leur domination culturelle par le biais des stations de radio des bases implantées sur le sol ouest-allemand (American Forces Network). Biberonnés au jazz, au rhythm and blues, plus tard au rock'n'roll, les teenagers allemands adoptent les codes vestimentaires et musicaux des vedettes américaines ou d'outre-manche dès l'immédiat après-guerre.
Jusqu'en 1948 et la mise en place du blocus de Berlin, le swing prospère également dans la zone d'occupation soviétique avec des formations telles que le RTB-Orchester ou le Tanzkapelles des Berliner Rundfunks. Cependant, "les autorités est-allemandes s'agacent vite de la domination culturelle américaine qui s'impose (...). Le canon socialiste exige une connexion de l'art avec la vie et la construction de L’État. La classe des travailleurs devait pouvoir bien comprendre et se reconnaître dans les musiques jouées à l'est. L'art pour l'art est interdit. Ceux qui séparent art, vie et peuple sont considérés comme anti-esthétiques, comme antidémocratiques, on les rassemble sous le concept infamant de «formels»." [source B p 138]
Willis Conover [Public domain] |
Au moins jusqu’en 1953 cependant, plutôt que de sanctionner, le Statuko maintien le statu quo (ok je sors ☺) et incite les musiciens à se convertir à des principes éducatifs marxistes. Les policiers eux-mêmes ne sont pas vraiment hostiles au jazz et ne mettent pas forcément en application les interdictions locales de jouer. En outre, le jazz jouit d'une relative liberté car il n'a pas, ou rarement, de textes. A partir du milieu des années 1950 en revanche, les interdictions se font de plus en plus lourdes. Les fermetures des clubs de jazz, les interdictions de concerts, les saisies des disques deviennent le lot quotidien des jazzmen est-allemands. C’est pourquoi Kurt Henkel, le leader de la formation de swing la plus populaire de RDA, le Tanzorchester des Staatlichen Rundfunkkomitees, passe à l’Ouest en 1959.
Cependant, pas plus que sous le nazisme, la politique répressive de la zone soviétique, puis de la RDA, ne peut éradiquer complètement le jazz. Faute de système de brouillage efficace, il est impossible d’empêcher la diffusion du jazz par les radios de l’Ouest: la BBC, RFI, Radio Luxembourg et surtout de l'émission de jazz de Willis Conover sur Voice of America.
Walter Jenson [CC BY 3.0 (https://creativecommons.org/licenses/by/3.0)] |
Lors du soulèvement populaire de juin 1953, le pouvoir communiste pointe la mauvaise influence des films, de la littérature et de la musique venus d'occident qui auraient incité les ouvriers à la violence. Pour contrer la "décadence capitaliste", Walter Ulbricht, le premier dirigeant de la RDA, promeut la création d'une culture officielle à destination de la jeunesse. Pour ce faire, la production de disques passe sous le contrôle de l’État est-allemand. (3) Le label discographique officiel (la VEB Deutsche Schallplatten) se subdivise en branches spécialisées: Eterna pour la musique classique, Aurora pour les chants de travailleurs et les chansons d'éducation politique et Amiga (4) pour l'Ulterhaltungsmusik, la musique de divertissement. La maison de disques est d'emblée une arme indispensable dans le bras de fer qui commence à se jouer entre les deux blocs. Grâce à elle, les autorités ont la haute main sur la production de musique populaire. Il devient quasi impossible d'enregistrer pour les formations qui déplaisent au régime. Amiga sort d'abord les disques de l'orchestre officiel, le Radio-Tanz Orchester Berlin (RTB) dont les audaces swing finissent par déplaire aux autorités. (5) Ainsi, "après une courte période d'ouverture, Amiga travaille à la germanisation et à la «real-socialisation» des influences anglophones, refrain connu depuis Goebbels."
* "En finir avec la monotonie des yeah-yeah-yeah."
La sortie du film Blackboard jungle en 1955 provoque des échauffourées et donne naissance aux Halbstarker, les blousons noirs allemands. Comme dans le reste de l'Europe, le rock'n'roll déferle en RFA et supplante rapidement le jazz. Face à l'indéniable attraction du mode de vie américain sur la jeunesse est-allemande, les autorités hésitent sur l'attitude à adopter. Faut-il intégrer cette musique pour s'en servir ou la bannir? Les deux politiques sont utilisées alternativement.
Dans un premier temps, l'hostilité prévaut. En 1955, Ulbricht s'insurge lors d'une réunion du comité central du parti communiste: "Faut-il vraiment que nous copiions toutes les saletés venues de l'Ouest? Je pense qu'il est temps camarades d'en finir avec la monotonie du yeah-yeah-yeah." Lors d’un forum de la jeunesse à Leipzig en 1958, le premier secrétaire du parti compare les groupes de rock’n’roll aux singes du zoo municipal.
Dès lors, la censure et la répression s'abattent, implacables. En 1958, la loi 60-40 est instaurée. Désormais, les disc-jokeys doivent diffuser au moins 60% de musique issue des pays socialistes. Le régime n'interdit pas la pratique du rock, mais l'encadre strictement. Histoire de s'assurer qu'ils jouent une musique décente, les musiciens sont soumis à une autorisation et doivent donc passer des auditions devant une commission composée de fonctionnaires. Les textes des chansons font l'objet d'un examen serré devant ces commissions, les danses jugées trop suggestives sont également interdites.
Pour endiguer la percée du rock capitaliste et canaliser les penchants des adolescents est-allemands pour les vedettes de l'ouest, le régime s'appuie sur la Stasi, mais également sur l'organisation de la Jeunesse Libre Allemande (FDJ) dont le service d'ordre s'emploie à lutter contre "l'immoralité capitaliste chez les jeunes". Le district de Leipzig est pionnier dans le domaine de la répression. La police se dote alors d'un fichier spécial recensant les « loubards » (« Rowdys »). Le « Rowdytum » devient un délit sanctionné par une arrestation et une peine d’emprisonnement.
Toutes ces mesures répressives ne parviennent pas à détourner la jeunesse est-allemande du rock'n'roll, ni à empêcher la formation d'une scène contre-culturelle en RDA. Comment empêcher des ados de danser, d'exprimer leur soif de vivre, leur enthousiasme pour une musique nouvelle et électrisante? Les autorités se rendent à l'évidence: mieux vaut troquer le bâton pour la carotte. Mais si le rock'n'roll enthousiasme la jeunesse, il s'agit tout de même de la musique de l'ennemi. Fort de ce constat, Walter Ulbricht encourage le développement d'une culture spécifique pour la jeunesse est-allemande. En 1959, dans le cadre de la conférence de Bitterfeld, il lance à l'auditoire: "Il ne suffit pas de condamner la décadence capitaliste, nous devons proposer quelque chose de mieux".
Bundesarchiv, Bild 183-76234-0019 / Sturm, Horst / CC-BY-SA 3.0 |
A ses yeux, l'objectif reste de proposer une alternative crédible et locale aux genres musicaux qui enflamment les pistes de danses: le rock'n'roll et bientôt le twist. Les autorités est-allemandes (Walter Ulbricht, le ministre de la culture Alexander Abusch, le parti communiste et son organisation de jeunesse) décident de promouvoir une "danse de contact" éminemment socialiste: le lipsi, dont l'appellation dérive du nom latinisé des habitants de Leipzig, les Lipsiens. Élaboré en 1959 par le musicien René Dubianski et le couple de professeurs de danse Christa et Helmut Seifert, le lipsi est une danse en mesure 6/4, s'apparentant un peu au cha cha cha. L'organe de presse du parti, Neues Deutschland, exulte:"La chorégraphie est très harmonieuse et ses mouvements de détachement et de rapprochement des partenaires ainsi que ses rotations solistiques en font une danse éminemment moderne. Notre jeunesse ne veut pas se mouvoir uniquement en position fermée, elle aspire à un mouvement comme celui du Lipsi, un mouvement très éloigné de ces contorsions obscènes d'Outre-Atlantique qui, tout comme les contrefaçons inaudibles de jazz, embrument les cerveaux de la jeunesse occidentale. "
A partir de 1959, Amiga se met donc à commercialiser toute une série de 45 tours. Problème, le lipsi ne subjugue pas les foules, loin s'en faut. La musique est sirupeuse, le rythme plat, l'innovation absente, les paroles d'une fadeur sans nom. La jeunesse est-allemande rejette cette culture officielle. Les soirées officielles dansantes pour jeunes sont progressivement désertées. (6) Au bout du compte, la politique culturelle dirigiste rate sa cible. Le lipsi ne franchit jamais le rideau de fer, mais s'exporte néanmoins dans plusieurs pays du pacte de Varsovie. Et même si c'est faux, les Flamingos l'assurent: "tout le monde danse le lipsi" ("Alle tanzen lipsi").
Heute tanzen alle jungen Leute
Im Lipsi-Schritt, nur noch im Lipsi-Schritt
Allen hat der Takt sofort gefallen
Sie tanzen mit, im Lipsi-Schritt
https://lyricstranslate.com
Heute tanzen alle jungen Leute
Im Lipsi-Schritt, nur noch im Lipsi-Schritt
Allen hat der Takt sofort gefallen
Sie tanzen mit, im Lipsi-Schritt
Rumba, Boogie und Cha-Cha-Cha
Darum war'n schon so viele da
Darum hatte sich auch ein Mann so einfach über Nacht
Diesen neuen Rhythmus erdacht
Heute tanzen alle jungen Leute
Im Lipsi-Schritt, nur noch im Lipsi-Schritt
Allen hat der Takt sofort gefallen
Sie tanzen mit, im Lipsi-Schritt
https://lyricstranslate.co
Heute tanzen alle jungen Leute (1959)
Texte et musique: René Dubianski
Interprétation Helga Brauer
Heute tanzen alle jugen Leute
Im Lipsi-Schritt, nur noch im Lipsi-Schritt
Allen, hat der Tanz sofort gefallen
Sie tanzen mit im Lipsi-Schritt
Rumba, Boogie, Cha Cha Cha
Cha Cha Cha,
Davon war'n schon so viele da
Darum hat sich auch ein Mann so einfach über
Nacht
Diesen neuen Rythmus erdacht
Wir gehen heute Abend ins Tanzlokal.
Da war es fedes mal so schön.
Weil mir dieser Tanz soviel Freude macht
Tanz ich die ganze Nacht, aber nur
Im Lipsi-Schritt.
________________
Aujourd'hui, tous les jeunes dansent (1959)
Aujourd'hui, tous les jeunes dansent
au rythme du lipsi, exclusivement au rythme du lipsi
la danse a plus tout de suite à tout le monde
Ils participent à la danse au rythme du lipsi.
Rumba, Boogie et Cha cha cha
Cha cha cha,
On en a déjà vu beaucoup.
C'est pour ça qu'un homme a imaginé tout simplement du jour au lendemain
ce nouveau rythme.
Ce soir, nous allons en boîte.
C'était toujours si sympa.
Et parce que cette danse me procure tant de plaisir,
Je dans toute la nuit,
mais seulement au rythme du lipsi.
Notes:
1. Il n'en fut pas toujours ainsi. Dans les années 1920, le jazz est chaleureusement accueilli par les dirigeants soviétiques, car considéré comme la musique d'une minorité opprimée. Dans cette optique, cette musique se mue en instrument de lutte politique. Des groupes de jazz locaux voient alors le jour.
2. La police politique interrompt également les conférences du Jazz Gruppe Leipzig de Reginald Rudorf.
3. En 1947, l'acteur et chanteur Ernst Busch obtient l'autorisation de l'Administration militaire soviétique en Allemagne de fonder une maison d'édition de musique, la Lied der Zeit. A partir de 1949, la production de disques passe sous le contrôle de l’État est-allemand. Dans les années 1950, Lied der Zeit devient la VEB Deutsche Schallplatten.
4. Amiga est la seule à éditer des disques de musique populaire. Fondée en 1947; elle disparaît en 1994, après son rachat par BMG. Dans une société où l'économie était totalement planifiée, Amiga se devait de respecter des quotas dans les genres musicaux qu'elle publiait (25% de schlager, la variété allemande, 15% de blues et de jazz, 10 % de musique pour enfants, 10% de musique classique et 25 % de rock et de pop). Amiga commercialisa aussi certaines vedettes venues de l'ouest (Beatles, Rolling Stones, Deep Purple).
5. Bientôt, les musiciens de l'orchestre RTB se séparent et quittent l'Allemagne de l'est.
6. Pour David Byrne, il s'agit de "la danse la plus bizarre et asexuée qu'un gouvernement ait essayé d'introduire dans la culture populaire pour contrer les gesticulations du rock d'Elvis."
Sources:
Source A. "Berlin, les sons du mur", 5 épisodes de la série musicale d'été 2019 de France Culture.
Source B. Théo Lessour: "Berlin sampler", Ollendorff et Desseins, 2009.
Source C. Pascale Cohen-Avenel, « 1945, Le jazz libère l’Allemagne... pour la seconde fois », Les Cahiers du MIMMOC, 2010.
Source D. "Derrière le mur: le jazz qui vient du froid"
Source E: Opposition, dissidence et résistance à Leipzig 1945-1989.
Source F: "Sag mir, wo Du stehst"
Source G:"Le rock du rideau de fer"
Liens:
- Quelques titres publiés sur Amiga Records.
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