Quinze ans plus tard, à l’exception de l’empire portugais et de quelques colonies britanniques, ces empires ont disparu.
Comment expliquer l’ampleur et la soudaineté de cette décolonisation pacifique dans l’ensemble ?
Félix Eboué, alors gouverneur général du "Congo", et Charles de Gaulle lors de la conférence de Brazzaville.
Félix Eboué, alors gouverneur général du "Congo", et Charles de Gaulle lors de la conférence de Brazzaville.
La
Seconde Guerre mondiale peut être considérée comme une étape
fondamentale du processus de décolonisation, puisqu’elle entraîne le
discrédit des puissances coloniales. Le mythe de l’invincibilité de
l’homme blanc est mis à mal par les défaites belge et française face à
l’Allemagne nazie. Les deux grands vainqueurs de la guerre, Etats-Unis
et URSS, diffusent en outre un message libérateur à l'adresse des
colonies. Enfin, l'ONU appuie le droit des peuples à
l'autodétermination.
En 1945, les puissances coloniales se trouvent donc sur la défensive.
Lors
de la conférence de Brazzaville en février 1944, de Gaulle dresse le
programme d’une colonisation plus juste fondée sur de timides réformes
sociales (suppression du travail forcé, obtention progressive de la
citoyenneté), mais qui ne débouche sur aucune avancée politique
significative.
En
1946, la Constitution maintient l’essentiel de la domination
métropolitaine dans le cadre de l’Union française. Les territoires de
l'AOF, de l'AEF et Madagascar envoient des représentants au Parlement
français. Dans le cadre de l’Union française, les Africains se voient
reconnaître des droits juridiques et la promesse d’une pleine
citoyenneté. Mais l’heure n’est pas à l’abandon de l’empire. Toute
contestation est châtiée, à l’instar de l'insurrection malgache de 1947.
Plusieurs facteurs vont pourtant remettre en cause cette situation.
* La pression des Africains eux-mêmes.
Toute
une génération de leaders africains, formés par le syndicalisme ou les
universités de la métropole, s’affirment : Léopold Sédar Senghor, Félix Houphouët-Boigny, Modibo Keita ou encore Sékou
Touré. Des partis politiques, souvent marqués par le marxisme, et des
syndicats critiquent l’impérialisme français et mènent l’agitation
sociale, tels le Rassemblement Démocratique Africain, qui devient un
parti de masse dans toute l’Afrique noire française. Au Cameroun,
l'Union des populations du Cameroun de Ruben Um Nyobé réclame
l'indépendance du territoire. Devant le refus des autorités, il se lance
dans une guérilla violente, impitoyablement réprimée par la France.
* Le contexte international.
Le
contexte international remet chaque jour un peu plus en cause le
maintien de la colonisation. La défaite française en Indochine en 1954,
le début de la guerre en Algérie, la conférence des pays non alignés à
Bandung en 1955, la crise de Suez en 1956 obligent les métropoles à
transiger. Enfin,
l’accession
de la Gold Coast, futur Ghana, à l’indépendance en 1957, connaît un
grand retentissement sur le continent, tout comme les thèses
panafricaines de son leader Nkrumah, favorable à des Etats-Unis
d’Afrique.
Pour Gaston Defferre, ministre de la France d'outre-mer, il faut changer de politique. « Ne laissons pas croire que la France n'entreprend des réformes que lorsque le sang commence à couler »
clame-t-il. Sa loi cadre de mars 1956 remplace les fédérations de l'AOF
(Afrique Occidentale française) et de l'AEF (Afrique Equatoriale
française) par des territoires dotés de capitales.
La
loi Cadre accorde l'autonomie interne aux territoires de l’Union
française, mais la France conserve les attributs de la souveraineté
internationale (monnaie, politique extérieure).
De
retour au pouvoir, en 1958, de Gaulle propose aux membres de l’Union
française de devenir des Etats associés dans le cadre d’une nouvelle
organisation : la Communauté française. au sein de laquelle la France
s’arroge des « domaines réservés » (affaires étrangères notamment). Les
populations de l'Union française doivent se prononcer par référendum sur
l'adhésion à la Communauté française.
La
plupart des dirigeants africains optent pour le oui, qui l’emporte
partout, sauf en Guinée. Sékou Touré, partisan de l’indépendance
immédiate, avait d’ailleurs lancé à de Gaulle lors de sa tournée
africaine d’août 1958 : « Nous préférons la pauvreté dans la liberté à la richesse dans l’esclavage ». La Guinée devient aussitôt indépendante. Outré, le général suspend immédiatement toute aide au nouvel Etat.
* Indépendances : liesse et nouveaux écueils.
La
Communauté ne dure pourtant que quelques mois. Les opinions africaines
piaffent d’impatience et aspirent à l’émancipation. Aussi, ce sont 18
Etats qui accèdent à l’indépendance complète en 1960 : Togo, Cameroun,
déjà largement autonomes, Bénin (Dahomey jusqu’en 1975), Niger, Burkina-
Faso (Haute Volta jusqu’en 1984), Côte d’Ivoire, Mali (ex-Soudan
français), Sénégal, Mauritanie, Tchad, République Centrafricaine
(ex-Oubangui-Chari), Congo-Brazzaville, Gabon et Madagascar pour les
anciennes colonies françaises, auxquelles il faut ajouter le Nigéria
britannique et le Congo belge.
Dans
ce dernier territoire, le système colonial belge reposait sur la
ségrégation et le refus catégorique de toute évolution. La situation se
décante avec les émeutes de 1958-1959, prélude à l’ouverture des
négociations de la conférence de la Table ronde à Bruxelles en janvier
1960. Dans un chaos total et sur fond d’exode de la population blanche,
le Congo belge accède à l’indépendance le 30 juin sous le nom de
République du Congo.
Très vite, le pays sombre dans une guerre civile. (1)
Cette
crise met en évidence les nouveaux écueils qui menacent les jeunes
Etats : l’instrumentalisation dans le cadre de la guerre froide qui
s’installe alors en Afrique ; l’instauration de régimes autoritaires
sous la férule de certains dirigeants qui passent du statut de
libérateur à celui de dictateur ; enfin les problèmes du
sous-développement et du néo-colonialisme.
Mais 1960 est l’heure de la célébration des indépendances dans une atmosphère de liesse inouïe.
L’Indépendance Cha Cha de l’African Jazz est alors sur toutes les lèvres…
* Jour d'indépendance.
* Jour d'indépendance.
Joseph Kabasele,
connu sous le pseudo de Grand Kalle, fonde en 1953 l'orchestre African
Jazz avec lequel il révolutionne la musique congolaise, en électrifiant la rumba,
y introduisant également les musiques cuivrées importées de Cuba et des
Antilles par les marins. Tumbas et trompettes s'associent alors aux
chants et tambours traditionnels. Or, depuis les années 1950, les musiques congolaises font danser toute l'Afrique
grâce à la diffusion du lingala à la puissance des émetteurs des radios
congolaises qui couvrent une grande partie de continent et évidemment
la qualité indéniable de cette musique festive.
Kabasele est la première vedette africaine à se produire en Belgique et ce, à l'occasion de la fameuse Table ronde au cours de laquelle devait se décider l'avenir de l'ex-Congo Belge. En
janvier 1960, cette table ronde réunit les leaders politiques congolais
et les autorités belges afin de négocier les contours du futur Congo
(actuelle République démocratique du Congo). A l'issue de la Table
ronde, la date de l'indépendance est fixée au 30 juin 1960. Pour
l'occasion Grand Kalle compose indépendance cha cha qui s'impose aussitôt comme l'hymne des mouvements anticolonialistes dans toute l'Afrique francophone.
Note:
(1) Converti à un anticolonialisme radical
par sa participation à la conférence des peuples africains organisée à
Accra par NKrumah en 1958, Lumumba crée en octobre de la même année le Mouvement national congolais
qui remporte un grand succès lors des élections de mai 1960. Devenu
premier ministre, Lumumba préside aux négociations d'indépendance de la
Table ronde. Le gouvernement belge, aux abois, accorde l'indépendance
immédiate. Sur place, l'exode de la population blanche (environ 100 000
personnes) s'accélère dans un chaos total.
Très
vite un conflit personnel oppose le président de la République Joseph
Kasavubu à son premier ministre. Les thèses tiers-mondistes et
panafricaniste adoptées par Lumumba l'inquiètent tout comme elles
indisposent les forces conservatrices et les pays occidentaux.
La
sécession de la riche province minière du Katanga menée par Moïse
Tshombé, soutenue en sous-main par la Belgique, complique davantage
encore la position du premier ministre. Il fait alors appel aux casques
bleus de l'ONU et accepte une aide matérielle de l'Union soviétique pour
mater les séparatistes. Il indispose ainsi les Occidentaux, les
Américains en particulier, et offre un prétexte à Kasavubu pour le faire
arrêter. Le 6 décembre 1960, le chef d'état-major de l'armée de la
nouvelle République, le colonel Mobutu, procède à l'arrestation de
Lumumba, accusé de collusion avec l'URSS. Il est assassiné en janvier
1961.
Le
pays est livré à des luttes ethniques qui entraînent une guerre civile
(compliquée par les interventions indirectes des deux grands et de
l'ancienne métropole dans le cadre d'une guerre froide qui se transporte
désormais en Afrique) conclue par la prise du pouvoir par le chef de
l’armée, le général Mobutu, qui s’empare du pouvoir en 1965 pour
longtemps.
"Indépendance cha cha" _ Kalle et l'African jazz (1960)Indépendance cha cha tozui e O kimpuanza cha cha tubakidi
O Table ronde cha cha Tua gagné o o dipanda cha cha tozui e
assoreco ne abako bayokani moto moko
Na Conakat na Cartel balingani na front commun
___________
Indépendance cha cha nous avons gagné o indépendance cha cha nous avons gagné
o table ronde cha cha nous avons gagné indépendance cha cha te voilà enfin
entre nos mains.
l'assoreco et l'abako comme partis (politiques) comme un seul homme ils ont signé le pacte
associant la conakat et le cartel ils se sont unis en front commun
Sources:
- La conférence de Berlin livre le Congo au roi des Belges. (Hérodote)
- E. Melmoux, Davis Mitzinmacker "Dictionnaire d'Histoire contemporaine", Nathan, 2008.
- Petit Mourre.
Liens:
- Samarra en Afrique.
- Retour sur le Congo de Léopold II en écoutant l'irrésistible Indépendance cha cha.
- Extraits de l'Acte général de la conférence de Berlin sur le Strabon.
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