lundi 21 avril 2008

19. Charles Mingus:"Fable of Faubus".

Orval Faubus. [John T. Bledsoe, Public domain, via Wikimedia Commons]

Version mise à jour et approfondie de ce billet en cliquant ici.

En 1954, la NAACP (National Association for the Advancement of Coloured People) remporte une grande victoire devant la Cour suprême, puisque cette dernière déclare que la ségrégation scolaire va à l’encontre de la Constitution (arrêt Brown v. Topeka Board of Education). Décision confirmée par un décret de 1955 de l’administration Eisenhower : « La déségrégation scolaire devait se poursuivre aussi rapidement que possible ». Or, les Etats su sud se protègent derrière leurs lois locales pour empêcher les adolescents noirs d’étudier dans des écoles blanches. Ainsi, le gouverneur de l’Arkansas, Orval Faubus se range du côté des ségrégationnistes afin de faire obstacle à l’intégration dans les écoles de l’Etat.
A Little Rock (Arkansas), quelques jours avant la rentrée des classes, le gouverneur de l'Etat, Orval Faubus fait appel à la garde nationale de l’Arkansas, sous prétexte d’éviter les violences. Cette décision fait grand bruit et contraint le président Eisenhower d’envoyer un détachement du 101ème régiment aéroporté pour assurer la sécurité des neufs élèves noirs concernés.



Le 25 septembre, les neufs élèves entrent dans le lycée. Ils y restent tout le reste de l’année scolaire. Cependant, afin d’éviter la déségrégation, le gouverneur Faubus demande la fermeture des écoles publiques lors d’une Assemblée d’Etat en août 1958 (129000 voix favorable au refus de l’intégration raciale, 7600 contre). De fait, les lycées de Little Rock restent fermés pendant l’année 1958-1959. Il faudra attendre 1970 pour que les écoles de Little Rock soient complètement « intégrées ».

Le contrebassiste de jazz, Charles Mingus, révolté contre toutes les injustices, consacre une de ses œuvres phares au gouverneur de l’Arkansas. Dans son Fables of Faubus, il condamne les mœurs racistes de la société américaine.


L'autobiographie Mingus "Beneath the underdog" ("Moins qu'un chien" en français).

En raison de ses origines très métissées (africaines, suédoises, mexicaines, asiatiques), Charles Mingus est rejeté tant par les blancs (parce que trop foncé) que par les noirs (parce que trop clair). Dans son autobiographie, il évoque ainsi sa couleur de peau qui ne lui vaut que des misères, une véritable "couleur de chiasse" affirme-t-il.

Oh, Lord, don't let 'em shoot us!
Oh, Lord, don't let 'em stab us!
Oh, Lord, don't let 'em tar and feather us!
Oh, Lord, no more swastikas!
Oh, Lord, no more Ku Klux Klan!

Name me someone who's ridiculous, Dannie.
Governor Faubus!
Why is he so sick and ridiculous?
He won't permit integrated schools.

Then he's a fool! Boo! Nazi Fascist supremists!
Boo! Ku Klux Klan (with your Jim Crow plan)

Name me a handful that's ridiculous, Dannie Richmond.
Faubus, Rockefeller, Eisenhower
Why are they so sick and ridiculous?

Two, four, six, eight:
They brainwash and teach you hate.
H-E-L-L-O, Hello.


Les paroles dénoncent la politique du gouverneur Faubus et de ses acolytes Rockfeller et le président Eisenhower. En voici la traduction française :

"Oh Seigneur, ne les laisse pas nous abbattre/
Oh Seigneur, ne les laisse pas nous poignarder/
Oh Seigneur, ne les laisse pas nous rouler dans le goudron et les plumes/
Oh Seigneur, plus de croix gammées!/
Oh Seigneur, plus de Ku Klux Klan!/

- Cite-moi quelqu' un de ridicule?/
-Le Gouverneur Faubus/
- Pourquoi est-il malade et ridicule?/
- Il s' oppose à l' intégration scolaire [des noirs]/
- Alors, c'est un dingue/
A Bas les nazis, les fascistes, ceux qui se croient supérieurs/
A Bas le Ku Klux Klan/

- Cite-m' en quelques-uns qui sont ridicules/
- Faubus, Rockfeller, Eisenhower/
- Pourquoi sont-ils à ce point malades et ridicules?/
- Deux, quatre, six, huit. Ils vous lavent le cerveau et vous enseignent la haine."

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Très intéressant, je dois avouer que bien qu'appréciant beaucoup Mingus, j'ignorais tout de la genèse de ce morceau. Et bravo pour ce blog, très pertinent.

thomazz a dit…

Félicitation pour votre initiative, qui rend un grand service pour l'intégration de la musique à l'histoire des arts.

Pour Fables of Faubus, j'ajouterai que Columbia a refusé que les paroles figurent dans le premier enregistrement du thème en 1959 sur l'album Mingus Ah Um. Il a fallu attendre l'année suivante pour que Mingus aille l'enregistrer sur un label plus indépendant, Candid, cette fois avec les paroles que vous avez l'amabilité de reproduire et traduire ici. (les infos sont sur wikipédia).
La liberté des musiciens - en dehors de la signification des paroles - et notamment celle de Dolphy, est remarquable et s'inscrit dans l'émergence du free jazz (ou New thing) qui sera marqué par une dimension politique assumée. A lire ou relire le très bon Free jazz, black power de Comolli et Carles, publié pour la 1e fois en 1971.

Allez, bonne continuation.
Thomas, professeur d'histoire-géo.