vendredi 4 juillet 2008

60. François Béranger:"Mamadou m'a dit."

Ici, François Béranger s'intéresse à la situation des anciennes françaises d'Afrique au lendemain des indépendances. Il insiste sur l'état de sujétion dans lequel ces pays à l'égard de leur ancienne métropole. Cette dernière maintient ses prérogatives par l'intermédiaire des nouveaux dirigeants qui doivent toujours bénéficier de son aval pour disposer d'un peu de marge de manoeuvre. Dans ce système, les deux parties y trouvent leur compte: les dirigeants se font graisser la patte par les grands groupes industriels européens qui ont carte blanche pour exploiter les ressources du pays (Total au Gabon par exemple). Corruption, clientélisme sont encouragés par les anciennes métropoles qui y voient l’occasion de préserver leurs intérêts.
Le néo-colonialisme remplace la colonisation.
* Beaucoup de ces nouveaux Etats connaissent très vite une dérive dictatoriale permise notamment par l'inexpérience de la démocratie, une faible scolarisation, des élites peu nombreuses, d'énormes écarts de richesses favorisant le clientélisme électoral. Dans ces conditions les coups d’états militaires se multiplient ( Mobutu au Congo, Amin Dada en Ouganda en 1971...). Les nouveaux dirigeants font l’objet d’un culte de la personnalité et s’appuient sur un parti unique. Ils instaurent un régime policier répressif, censé maintenir la cohésion de la nation.
* Les métropoles n’ont pas voulu industrialiser leurs colonies dont l'économie reste donc avant tout fondée sur l'agriculture. Les nouveaux États doivent donc recourir à des importations coûteuses des pays industrialisés, c'est-à-dire essentiellement des anciennes métropoles. Les techniques agricoles sont routinières (cultures sur brûlis). Les cultures vivrières ont été le plus souvent remplacées par des cultures d’exportation vers la métropole. Les pays en sont donc dépendants de ces cultures d'exportation, or les prix de ces denrées s'avèrent très fluctuants.

Au bout du compte, les premières victimes de ces échanges inégaux sont les populations pauvres de ces jeunes pays. Certains d'entre eux partent alors vers l'ancienne métropoles pôles de la Triade) pour tenter de gagner leur vie, mais restent souvent cantonnés dans les emplois les plus difficiles. Lorsque les Trente Glorieuses s'achèvent et que la crise pointe le bout de son nez, ces populations immigrées sont souvent rejetées et accusées de tous les maux.
Le Front national utilise jusqu'à la nausée les vieilles rengaines stupides affirmant que les étrangers viennent voler le pain des Français, oubliant au passage à quel point cette main d'œuvre immigrée était vitale pour le pays dans un contexte de croissance (ici la comparaison avec un citron est bien trouvée. On rejette ceux qui ne sont plus considérés comme "utiles").


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"Mamadou m'a dit" François Béranger.

Mamadou m'a dit
Mamadou m'a dit
On a pressé le citron
On peut jeter la peau

Les citrons c'est les négros
Tous les négros d'Afrique
Sénégal Mauritanie
Haute-Volta Togo Mali
Côte d'Ivoire et Guinée
Cameroun et Tutti Quanti

Les colons sont partis avec des flons-flons
Des discours solennels des bénédictions
Chaque peuple c'est normal dispose de lui-même
Et doit s'épanouir dans l' harmonie
Une fois qu'on l'a saigné aux quatre veines
Qu'on l'a bien ratissé et qu'on lui a tout pris.

{Refrain:}
Les colons sont partis
Ils ont mis à leur place
Une nouvelle élite
Des noirs bien blanchis
Le monde blanc rigole
Les nouveaux c'est bizarre
Sont pires que les anciens
C'est sûrement un hasard.

Le monde blanc rigole quand un petit sergent
Se fait sacrer empereur avec mille glorioles
Après tout c'est pas grave du moment que les terres
Produisent pour les blancs ce qui est nécessaire
Le coton l'arachide le sucre le cacao
Remplissent les bateaux saturent les entrepôts.

{au Refrain}

Après tout c'est pas grave
Les colons sont partis
Que l'Afrique se démerde
Que les paysans crèvent
Les colons sont partis
Avec dans leurs bagages
Quelques bateaux d'esclaves
Pour ne pas perdre la main.

Quelques bateaux d'esclaves pour balayer les rues
Ils se ressemblent tous avec leur passe-montagne
Ils ont froid à la peau et encore plus au cœur
Là-bas c'est la famine et ici la misère
Et comme il faut parfois manger et puis dormir
Dans les foyers taudis on vit dans le sordide.

{ Refrain}

Et puis un jour la Crise
Nous envahit aussi
Qu'on les renvoie chez eux
Ils seront plus heureux
Qu'on leur donne un pourboire
Faut être libéral
Et quand à ceux qui râlent
Un bon coup de pied au cul.

Vous comprenez Monsieur c'est quand pas normal
Ils nous bouffent notre pain ils reluquent nos femmes
Qu'ils retournent faire les singes dans leur cocotiers
Tous nos bons nègres à nous qu'on a si bien soignés
Et puis c'qui est certain c'est qu'un rien les amuse
Ils sont toujours à rire ce sont de vrais gamins.

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