Pour son album "1829", Jean-Louis Murat a adapté, en 2005, onze textes du chansonnier Pierre Jean de Béranger (1780-1857), nostalgique des gloires de l’Empire et avide de liberté pour le peuple. Murat a puisé notamment dans les textes révérant Napoléon Ier qui firent une bonne part de la gloire populaire de Béranger (Waterloo, Le 5 Mai, Les Souvenirs du peuple).
Depuis 1815, le régime de la Restauration a rétabli la monarchie. A la chute de l'Empire (1815), le chansonnier Béranger devient le pourfendeur de la Restauration. Pour échapper à la censure, il emploie mille métaphores pour désigner l’empereur déchu et célébrer celui qui fit trembler l’Europe des rois.
Béranger se fait connaître à partir de 1813 dans le cadre du Caveau moderne où il improvise des vers licencieux. Progressivement, il se rapproche de la tradition de la chanson politique. Son titre le roi d'Yvetot, tout en allusion, semble brocarder l'autoritarisme impérial. Pour autant, avec la restauration monarchique, il s'en prend plus ouvertement et plus violemment à la politique réactionnaire des nobles et du clergé.
Pierre-Jean Béranger.
Béranger interprète ses chansons dans les goguettes des faubourgs. Il y célèbre les libertés et l'anticléricalisme, mis à mal par le nouveau régime. Le Marquis de Carabas dénonce ainsi la morgue des nobles de retour d'exil, avides de prendre leur revanche après les troubles révolutionnaires.
Sa chanson le Vieux Drapeau joue sur la nostalgie de l'enthousiasme révolutionnaire et des gloires militaires de l'Empire. Or, ces sentiments sont largement partagés par les milieux populaires, durement éprouvés par les difficultés économiques et le conservatisme politique de la Restauration. En 1821, il publie un recueil de chansons très vite épuisé. Le pouvoir réagit et le poursuit pour outrage aux bonnes mœurs, outrage à la morale publique et religieuse, offense à la personne du roi... Le procès tourne vite au fiasco pour le pouvoir et offre aux chansons de Béranger un écho inespéré. Pour C. Traïni (voir source): "la plaidoirie de l'accusation (...) érige Béranger au rang de dangereux agitateur, de leader d'opinion (...). Sa condamnation lui vaudra d'apparaître désormais comme le porte-parole quasiment officiel des détracteurs de la monarchie (...)."
Condamné à trois mois de prison, cette peine lui vaut aussi le surnom flatteur de "poète national". En 1828, il publie un nouveau recueil de chansons dans lequel il défie ouvertement le pouvoir. Sa chanson Sacre de Charles le Simple lui vaut des poursuites pour délit d'offense envers la personne du roi. Il écope de neuf mois de prisons et dix-mille francs d'amendes.
Logiquement, la révolution de 1830 le comble de joie et il se retire de 1833 à 1841.
La révolution de 1848 renverse la monarchie de Juillet de Louis-Philippe et permet l'avènement de la Seconde République. La popularité de Béranger est telle qu'il est élu député malgré lui. Il démissionne aussitôt. En 1857, sur son lit de mort, il tient à bénir le prêtre venu lui donner l'extrême onction... Ultime pirouette pour celui dont la devise était la suivante:"Ah, pour étouffer, n'étouffons que de rire."
Au cours des années 1820, le souvenir des années impériales reste vivace. Dans les milieux populaires, l'image de Napoléon demeure positive, malgré les milliers de morts causées par les guerres napoléoniennes, les difficultés économiques du temps et la dictature politique ("Bien, dit-on, qu'il nous ait nui, / Le peuple encor le révère, / Oui, le révère."). Le souvenir de l'empereur et de l'Empire, en partie revalorisé par la Restauration, se transforme en mythe. La gloire de la conquête et la domination de l'Europe s'imposent dans l'esprit de nombreux Français qui voient aussi en Bonaparte, un des gardiens de l'héritage révolutionnaire.
Le jeune Bonaparte étudiant, image de la fin du XIXème siècle.
La vision que Béranger donne ici de l'empereur déchu s'inscrit dans cette vague de nostalgie des années impériales. Il souligne ici la proximité entre l'empereur et son peuple en mettant en scène l'improbable visite de Napoléon dans un humble logis. Le chansonnier revient aussi sur la naissance réconfortante d'un héritier ("D'un fils Dieu le rendait père, / Le rendait père. / - Quel beau jour pour vous, grand-mère !"); la bravoure sur le champ de bataille ("Mais, quand la pauvre Champagne / Fut en proie aux étrangers, / Lui, bravant tous les dangers, / Semblait seul tenir la campagne."); les punitions infligées aux ennemis de la France ("Au réveil, voyant mes pleurs, / Il me dit : Bonne espérance ! / Je cours de tous ses malheurs / Sous Paris venger la France.").
L'ultime couplet, pathétique, conte la chute du héros:"Mais à sa perte / Le héros fut entraîné. / Lui, qu'un pape a couronné, / Est mort dans une île déserte."
Louis Napoléon Bonaparte saura réactiver la nostalgie de l'Empire chez de nombreux Français, en tant que président de la République (1848-1851), puis en tant qu'Empereur sous le titre de Napoléon III. Il utilisera d'ailleurs les chansons de Béranger à des fins de propagande.
Depuis 1815, le régime de la Restauration a rétabli la monarchie. A la chute de l'Empire (1815), le chansonnier Béranger devient le pourfendeur de la Restauration. Pour échapper à la censure, il emploie mille métaphores pour désigner l’empereur déchu et célébrer celui qui fit trembler l’Europe des rois.
Béranger se fait connaître à partir de 1813 dans le cadre du Caveau moderne où il improvise des vers licencieux. Progressivement, il se rapproche de la tradition de la chanson politique. Son titre le roi d'Yvetot, tout en allusion, semble brocarder l'autoritarisme impérial. Pour autant, avec la restauration monarchique, il s'en prend plus ouvertement et plus violemment à la politique réactionnaire des nobles et du clergé.
Pierre-Jean Béranger.
Béranger interprète ses chansons dans les goguettes des faubourgs. Il y célèbre les libertés et l'anticléricalisme, mis à mal par le nouveau régime. Le Marquis de Carabas dénonce ainsi la morgue des nobles de retour d'exil, avides de prendre leur revanche après les troubles révolutionnaires.
Sa chanson le Vieux Drapeau joue sur la nostalgie de l'enthousiasme révolutionnaire et des gloires militaires de l'Empire. Or, ces sentiments sont largement partagés par les milieux populaires, durement éprouvés par les difficultés économiques et le conservatisme politique de la Restauration. En 1821, il publie un recueil de chansons très vite épuisé. Le pouvoir réagit et le poursuit pour outrage aux bonnes mœurs, outrage à la morale publique et religieuse, offense à la personne du roi... Le procès tourne vite au fiasco pour le pouvoir et offre aux chansons de Béranger un écho inespéré. Pour C. Traïni (voir source): "la plaidoirie de l'accusation (...) érige Béranger au rang de dangereux agitateur, de leader d'opinion (...). Sa condamnation lui vaudra d'apparaître désormais comme le porte-parole quasiment officiel des détracteurs de la monarchie (...)."
Condamné à trois mois de prison, cette peine lui vaut aussi le surnom flatteur de "poète national". En 1828, il publie un nouveau recueil de chansons dans lequel il défie ouvertement le pouvoir. Sa chanson Sacre de Charles le Simple lui vaut des poursuites pour délit d'offense envers la personne du roi. Il écope de neuf mois de prisons et dix-mille francs d'amendes.
Logiquement, la révolution de 1830 le comble de joie et il se retire de 1833 à 1841.
La révolution de 1848 renverse la monarchie de Juillet de Louis-Philippe et permet l'avènement de la Seconde République. La popularité de Béranger est telle qu'il est élu député malgré lui. Il démissionne aussitôt. En 1857, sur son lit de mort, il tient à bénir le prêtre venu lui donner l'extrême onction... Ultime pirouette pour celui dont la devise était la suivante:"Ah, pour étouffer, n'étouffons que de rire."
Au cours des années 1820, le souvenir des années impériales reste vivace. Dans les milieux populaires, l'image de Napoléon demeure positive, malgré les milliers de morts causées par les guerres napoléoniennes, les difficultés économiques du temps et la dictature politique ("Bien, dit-on, qu'il nous ait nui, / Le peuple encor le révère, / Oui, le révère."). Le souvenir de l'empereur et de l'Empire, en partie revalorisé par la Restauration, se transforme en mythe. La gloire de la conquête et la domination de l'Europe s'imposent dans l'esprit de nombreux Français qui voient aussi en Bonaparte, un des gardiens de l'héritage révolutionnaire.
Le jeune Bonaparte étudiant, image de la fin du XIXème siècle.
La vision que Béranger donne ici de l'empereur déchu s'inscrit dans cette vague de nostalgie des années impériales. Il souligne ici la proximité entre l'empereur et son peuple en mettant en scène l'improbable visite de Napoléon dans un humble logis. Le chansonnier revient aussi sur la naissance réconfortante d'un héritier ("D'un fils Dieu le rendait père, / Le rendait père. / - Quel beau jour pour vous, grand-mère !"); la bravoure sur le champ de bataille ("Mais, quand la pauvre Champagne / Fut en proie aux étrangers, / Lui, bravant tous les dangers, / Semblait seul tenir la campagne."); les punitions infligées aux ennemis de la France ("Au réveil, voyant mes pleurs, / Il me dit : Bonne espérance ! / Je cours de tous ses malheurs / Sous Paris venger la France.").
L'ultime couplet, pathétique, conte la chute du héros:"Mais à sa perte / Le héros fut entraîné. / Lui, qu'un pape a couronné, / Est mort dans une île déserte."
Louis Napoléon Bonaparte saura réactiver la nostalgie de l'Empire chez de nombreux Français, en tant que président de la République (1848-1851), puis en tant qu'Empereur sous le titre de Napoléon III. Il utilisera d'ailleurs les chansons de Béranger à des fins de propagande.
"Les souvenirs du peuple" Pierre-Jean de Béranger. (1828)
On parlera de sa gloire
Sous le chaume bien longtemps.
L'humble toit, dans cinquante ans,
Ne connaîtra plus d'autre histoire.
Là viendront les villageois
Dire alors à quelque vieille
Par des récits d'autrefois,
Mère, abrégez notre veille.
Bien, dit-on, qu'il nous ait nui,
Le peuple encor le révère,
Oui, le révère.
Parlez-nous de lui, grand-mère ;
Parlez-nous de lui. (bis)
Mes enfants, dans ce village,
Suivi de rois, il passa.
Voilà bien longtemps de ça ;
Je venais d'entrer en ménage.
À pied grimpant le coteau
Où pour voir je m'étais mise,
Il avait petit chapeau
Avec redingote grise.
Près de lui je me troublai,
Il me dit :
Bonjour, ma chère,
Bonjour, ma chère.
- Il vous a parlé, grand-mère !
Il vous a parlé !
L'an d'après, moi, pauvre femme,
À Paris étant un jour,
Je le vis avec sa cour
Il se rendait à Notre-Dame.
Tous les coeurs étaient contents ;
On admirait son cortège.
Chacun disait : Quel beau temps !
Le ciel toujours le protège.
Son sourire était bien doux ;
D'un fils Dieu le rendait père,
Le rendait père.
- Quel beau jour pour vous, grand-mère !
Quel beau jour pour vous !
Mais, quand la pauvre Champagne
Fut en proie aux étrangers,
Lui, bravant tous les dangers,
Semblait seul tenir la campagne.
Un soir, tout comme aujourd'hui,
J'entends frapper à la porte ;
J'ouvre, bon Dieu ! c'était lui
Suivi d'une faible escorte.
Il s'asseoit où me voilà,
S'écriant : Oh ! quelle guerre !
Oh ! quelle guerre !
- Il s'est assis là, grand-mère !
Il s'est assis là !
J'ai faim, dit-il ; et bien vite
Je sers piquette et pain bis
Puis il sèche ses habits,
Même à dormir le feu l'invite.
Au réveil, voyant mes pleurs,
Il me dit : Bonne espérance !
Je cours de tous ses malheurs
Sous Paris venger la France.
Il part ; et comme un trésor
J'ai depuis gardé son verre,
Gardé son verre.
- Vous l'avez encor, grand-mère !
Vous l'avez encor !
Le voici. Mais à sa perte
Le héros fut entraîné.
Lui, qu'un pape a couronné,
Est mort dans une île déserte.
Longtemps aucun ne l'a cru ;
On disait : Il va paraître.
Par mer il est accouru ;
L'étranger va voir son maître.
Quand d'erreur on nous tira,
Ma douleur fut bien amère !
Fut bien amère !
- Dieu vous bénira, grand-mère ;
Dieu vous bénira. (bis)
On parlera de sa gloire
Sous le chaume bien longtemps.
L'humble toit, dans cinquante ans,
Ne connaîtra plus d'autre histoire.
Là viendront les villageois
Dire alors à quelque vieille
Par des récits d'autrefois,
Mère, abrégez notre veille.
Bien, dit-on, qu'il nous ait nui,
Le peuple encor le révère,
Oui, le révère.
Parlez-nous de lui, grand-mère ;
Parlez-nous de lui. (bis)
Mes enfants, dans ce village,
Suivi de rois, il passa.
Voilà bien longtemps de ça ;
Je venais d'entrer en ménage.
À pied grimpant le coteau
Où pour voir je m'étais mise,
Il avait petit chapeau
Avec redingote grise.
Près de lui je me troublai,
Il me dit :
Bonjour, ma chère,
Bonjour, ma chère.
- Il vous a parlé, grand-mère !
Il vous a parlé !
L'an d'après, moi, pauvre femme,
À Paris étant un jour,
Je le vis avec sa cour
Il se rendait à Notre-Dame.
Tous les coeurs étaient contents ;
On admirait son cortège.
Chacun disait : Quel beau temps !
Le ciel toujours le protège.
Son sourire était bien doux ;
D'un fils Dieu le rendait père,
Le rendait père.
- Quel beau jour pour vous, grand-mère !
Quel beau jour pour vous !
Mais, quand la pauvre Champagne
Fut en proie aux étrangers,
Lui, bravant tous les dangers,
Semblait seul tenir la campagne.
Un soir, tout comme aujourd'hui,
J'entends frapper à la porte ;
J'ouvre, bon Dieu ! c'était lui
Suivi d'une faible escorte.
Il s'asseoit où me voilà,
S'écriant : Oh ! quelle guerre !
Oh ! quelle guerre !
- Il s'est assis là, grand-mère !
Il s'est assis là !
J'ai faim, dit-il ; et bien vite
Je sers piquette et pain bis
Puis il sèche ses habits,
Même à dormir le feu l'invite.
Au réveil, voyant mes pleurs,
Il me dit : Bonne espérance !
Je cours de tous ses malheurs
Sous Paris venger la France.
Il part ; et comme un trésor
J'ai depuis gardé son verre,
Gardé son verre.
- Vous l'avez encor, grand-mère !
Vous l'avez encor !
Le voici. Mais à sa perte
Le héros fut entraîné.
Lui, qu'un pape a couronné,
Est mort dans une île déserte.
Longtemps aucun ne l'a cru ;
On disait : Il va paraître.
Par mer il est accouru ;
L'étranger va voir son maître.
Quand d'erreur on nous tira,
Ma douleur fut bien amère !
Fut bien amère !
- Dieu vous bénira, grand-mère ;
Dieu vous bénira. (bis)
Sources:
- C. Traïni:"La musique en colère", les presses de SicencePo, Paris, 2008, pp 74-78.
- P. et J.P. Saka (dir.):"l'histoire de France en chansons", Larousse, Paris, 2004, pp96-97.
Liens:
* Une biographie de Béranger et quelques-unes de ses chansons.
* L'album 1829 sur le site officiel de Jean-Louis Murat.
* Textes numérisés des chansons de Béranger.
* Murat sur L'Histgeobox:
- "le coup de Jarnac".
- Un autre titre de 1829, dans la sélection musicale du mois: "la petite fée".
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire