mercredi 10 juin 2009

167: Colonel Bagshot "Six Days War".

Itzhak Rabin avec Moshe Dayan dans la vieille ville de Jérusalem lors de la guerre des Six-Jours.

Aux premières mesures de ce titre, les plus avisés reconnaîtront un sample utilisé par DJ Shadow pour l’un des titres de l'album “The Private Press”. Nous devons ce morceau à un obscur groupe psyché des années 1970 nommé colonel Bagshot. Comme son nom l'indique, le titre revient sur la guerre des Six -Jours qui opposa, en 1967, Israël et les pays arabes alentours. Nous allons donc nous intéresser à ce conflit, un tournant fondamental de l'histoire contemporaine dont on a encore du mal à mesurer toutes les conséquences.

Pour comprendre, il est indispensable de donner au moins deux dates:
- le 14 mars 1948: proclamation de l'État d'Israël, suivi dès le lendemain du premier conflit israélo-arabe. Israël l'emporte et dispose d'un territoire plus vaste que ne le prévoyait le plan de partage de l'ONU de 1947. Quelques 70 000 Palestiniens s'exilent.

- 1956: A la suite de la crise de Suez. Évacuation et démilitarisation du Sinaï par Israël. L'ONU y envoie des casques bleus. La liberté de navigation est garantie aux Israéliens dans le golfe d'Aqaba.

La période comprise entre la crise de Suez et le déclenchement de la guerre des Six jours est une période de calme relatif entre Israël et ses voisins arabes.

Cliquez sur la carte pour l'agrandir.



Mais à partir du milieu des années 1960, la situation se tend à nouveau avec la montée en force des organisations militaires palestiniennes et surtout la série de manœuvres diplomatiques et militaires du rais égyptien, Nasser. Ce dernier est alors le champion du panarabisme.

Le 7 avril 1967, lors d'une bataille aérienne, Israël abat six Mig égyptiens au dessus du lac de Tibériade.

Le 14 mai, prétextant une menace israélienne sur la Syrie, des unités de l'armée égyptienne pénètrent dans le Sinaï, au mépris des arrangements qui ont mis fin à l'occupation de la péninsule par Israël après la campagne de 1956. Deux jours plus tard, l'ONU répond positivement à la demande de l'Égypte de retrait des casques bleus de son territoire. Le 22 mai, Nasser annonce la fermeture du détroit de Tiran, qui commande l'accès au golfe d'Aqaba aux navires israéliens. Pour l'État hébreu, il s'agit d'un casus belli. Ce blocus risque en effet d'asphyxier le port d'Eilat, seul débouché d'Israël vers l'Afrique et l'Asie.


Le 30 mai, une alliance militaire place la Légion arabe jordanienne sous commandement égyptien, avant que les Irakiens ne les rejoignent, cinq jours plus tard. Israël redoute l'encerclement.

Cette série de coups de force vise avant tout à isoler l'État hébreu, à l'épuiser économiquement et moralement. Les radios arabes font dans la surenchère et en appellent à une "disparition du cantonnement sioniste en Palestine." La tension monte donc en flèche, d'autant plus qu'Israël n'obtient pas les soutiens occidentaux escomptés. Les concentrations de forces militaires dans la région inquiètent profondément et la mobilisation générale en Israël se met en place. Or les autorités savent bien que cette mobilisation ne peut être maintenue indéfiniment. Un gouvernement d'union nationale voit le jour. Le premier ministre Eshkol abandonne le portefeuille de la Défense au chef de l'état major de l'armée au moment de la crise de Suez, Moshe Dayan. Aussi, après une période de tergiversations, le gouvernement Eshkol se résout à attaquer sous la pression de l'opinion publique.

Moshe Dayan

La guerre débute le 5 juin avec l'attaque surprise de l'aviation israélienne qui détruit, en trois heures, l'ensemble de la force aérienne égyptienne restée au sol. Israël a dès lors la maîtrise du ciel. Les chars pénètrent dans le Sinaï. C'est le 7 juin que se déroule la grande bataille de blindés au cœur du désert, avec plus de 1000 chars de chaque côté. Dans le même temps, les Israéliens prennent le contrôle de la bande de Gaza, tandis qu'une unité de la marine s'empare de Charm-El-Cheikh.
La légion arabe bombarde les quartiers juifs de Jérusalem. La contre-offensive est foudroyante: le soir Tsahal s'est emparée de toutes les grandes villes de Cisjordanie, de Jérusalem-est et de la bande de Gaza. Le roi Hussein de Jordanie accepte le cessez-le-feu.

Le 7 juin 1967, l’armée Israélienne investit Jérusalem. Un groupe de parachutistes devant les "murs" du temple (photo David Rubinger).

Le 8 juin, les Israéliens atteignent le canal de Suez, ce qui met un terme à la bataille du Sinaï. Nasser se voit contraint au cessez-le-feu. Le bilan est lourd pour les Égyptiens: 10 000 morts, 5000 prisonniers.
Reste donc la Syrie, retranchée derrière ses positions fortifiées du Golan. En deux jours, les 9 et 10 juin, Israël s'empare du plateau; les Syriens s'inclinent, c'est l'arrêt général des combats.

Bilan:
- La superficie de l'État hébreu a quadruplé avec de nombreux gains: la péninsule égyptienne du Sinaï; la bande de Gaza (sous contrôle égyptien depuis 1948): la Cisjordanie (sous souveraineté jordanienne depuis 1950); Jérusalem-Est (Jordanien depuis 1948) et le Golan syrien. Désormais, près d'un million de Palestiniens sont administrés par des Israéliens.
- Israël parvient donc à desserrer l'étau arabe et détruit le potentiel militaire de ses principaux adversaires.
- Pour les pays arabes, cette défaite s'avère particulièrement humiliante. Nasser fait mine de démissionner le 9 juin, après la déroute de son pays, mais se ravise très vite. Et il est bien présent lors du sommet arabe de Khartoum (du 29 août au 1er septembre) au cours duquel les pays arabes votent une résolution, dites des 3 "non": "Non à la paix avec Israël, non à la reconnaissance d'Israël, non à la négociation avec Israël."

La défaite de 1967 signifie la mort du nassérisme (soit l'alliance du nationalisme panarabe et du progressisme tiers-mondiste prosoviétique). Pour les tenants du panarabisme (partis Baath au pouvoir en Syrie et en Irak dans les années soixante, Nasser), le nationalisme arabe est fondé sur l'unité de langue et de civilisation, ciments de l'union des peuples arabes, remplaçant ainsi l'unité de religion.
Or, la guerre des six jours met un terme à ce courant. Désormais, le nationalisme arabe va se teinter d'islamisme. Mohamed Charfi affirme: "l'échec de 1967 va donner des ailes au mouvement intégriste. (...) il va désormais devenir un refuge. (...) Les islamistes combattent l'idée de la défaite, proprement insupportable, par le déni des faits, le refus de l'avenir, le retour au passé. Les maigres acquis de modernité sont sacrifiés.

Char israélien sur le plateau du Golan (juin 1967).

- Dans le contexte de la guerre froide, le Conseil de sécurité de l'ONU reste paralysé et il faut attendre le 22 novembre pour qu'il vote la résolution 242. Particulièrement ambigüe, suffisamment floue pour contenter tout le monde, elle se prête à toutes les interprétations. Le texte affirme l'illégitimité de l'acquisition de territoires par la force. Il exige le retrait de Tsahal "de" (version anglaise) ou "des" (version française) territoires occupés (la formulation anglaise est volontairement ambigüe).

Quoi qu'il en soit, Israël fait le choix de conserver ses conquêtes. Israël refuse leur évacuation tant que ses voisins arabes ne reconnaîtront pas son existence. Ainsi, le 28 juin, la Knesset vote l'annexion des quartiers arabes de Jérusalem, tandis que les premières colonies font leur apparition en Cisjordanie et dans le Golan. Privés de leurs ressources et de leurs terres, de nombreux Palestiniens émigrent et s'installent dans des camps de réfugiés de Transjordanie, Syrie, et du Liban, territoires à partir desquels la résistance s'organise. L'occupation a aussi pour conséquence de diviser la société israélienne. Des intellectuels, notamment les écrivains Amos Oz et Yizhzar Smilansky, dénoncent alors les effets pervers de cette politique.

Avec l'occupation de la Cisjordanie, une nouvelle interprétation du sionisme se fait jour. Alors que depuis la création d'Israël (1948), le sionisme était une idéologie prônant la défense de l'Etat juif menacé par ses voisins arabes qui souhaitent sa disparition. Dans cette optique, il s'agit d'un nationalisme de survie qui répond à une nécessité existentielle.

Or, la guerre des Six-Jours change la donne. L'interprétation donnée au sionisme devient messianique et centrée sur la terre plutôt que sur le peuple. Il devient l'idéologie encourageant la colonisation juive en territoires occupés au nom du "Grand Israël", qui inclut "la Judée et la Samarie" (Cisjordanie). Comme le souligne l'historien Zeev Sternhell, "la colonisation des terres ne répond, elle, a aucune nécessité existentielle". A partir de cette date, de Gaulle reproche d'ailleurs à Israël de s'être métamorphosée en puissance occupante, après avoir été une citadelle assiégée.



- Paradoxalement, le passage de l'essentiel du peuple palestinien sous tutelle israélienne rend alors possible la création d'un futur Etat palestinien, ce qui relevait de l'utopie sous le régime jordanien.

Pour terminer, laissons la parole à Elie Barnavi qui retrace de manière limpide ce conflit pour le magazine L'Histoire:"(...) c'est la conquête du Sinaï qui a permis hier la paix avec l'Egypte [accords de Camp David: L'Égypte reconnaît l'État hébreu et obtient en contrepartie l'évacuation du Sinaï] en 1979, celle du Golan qui permettra la paix avec la Syrie (...). Car tel est le grand paradoxe de la guerre des six jours: les terres arbes conquises au cours d'une guerre dont il ne voulait pas ont servi à Israël de billet d'entrée dans le club des nations du Proche-Orient. Avant, on ne lui demandait rien, sinon de disparaître, et, en effet, il n'avait rien à offrir; après, comme il disposait de biens qui ne lui appartenaient pas, on a commncé peu à peu à lui demander de les rendre, moyennant la paix qu'on lui refusait auparavant".


* La seule solution à cet interminable conflit reste la création effective de deux Etats coexistants en paix. Et il faudra attendre les accords d'Oslo, en 1993, pour qu'Israéliens et Palestiniens se reconnaissent mutuellement. Ils aboutissent à un régime d'autonomie pour les Palestiniens et à la création d'une autorité spécifique. Pourtant 40% de la bande de Gaza et 70% de la Cisjordanie restent sous contrôle exclusif d'Israël jusqu'à ce qu'Ariel Sharon fasse évacuer en août 2005 les 21 colonies de la bande de Gaza.

En Cisjordanie, les colonies restent nombreuses et les rapports sont devenus exécrables entre une opinion israélienne obsédée par sa sécurité et des Palestiniens, victimes de conditions d'existence effrayantes dans le bande de Gaza, de plus en plus séduits par les thèses extrémistes du Hamas.



"Six Days War" Colonel Bagshot (1971)
(Merci à Cee Kay pour cette découverte).

At the starting of the week
At summit talks you'll hear them speak
It's only Monday
Negotiations breaking down
See those leaders start to frown
It's sword and gun day

Tomorrow never comes until it's too late

You could be sitting taking lunch
The news will hit you like a punch
It's only Tuesday
You never thought we'd go to war
After all the things we saw
It's April Fools day

Tomorrow never comes until it's too late

We'll all go running underground
And we'll be listening for the sound
It's only Wednesday
In your shelter dimly lit
Take some wool and learn to knit
Cause it's a long day

Tomorrow never comes until it's too late

You hear a whistling overhead
Are you alive or are you dead?
It's only Thursday
You feel a shaking on the ground
A billion candles burn around
Is it your birthday?

Tomorrow never comes until it's too late

Although that shelter is your home
A living space you have outgrown
It's only Friday
As you come out to the light
Can your eyes behold the sight?
It must be doomsday

Tomorrow never comes until it's too late

Ain't it funny how men think
They made the bomb, they are extinct
It's only Saturday

I think tomorrow's come I think it's too late
I think tomorrow's come I think it's too late
Think tomorrow's come I think it's too late

___________

Au début de la semaine
tu les entendais parler lors des négociations
nous ne sommes que lundi
les pourparlers sont au point mort
et les leaders froncent les sourcils
c'est le jour des épées et des flingues

demain ne viendra pas tant que nous sommes en retard

tu pourrais être assis en train de manger
les nouvelles vont t'asséner une droite
c'est seulement mardi
tu n'aurais jamais cru que tu devrais aller combattre
après tout ce que nous avons vu
c'est le 1er avril


demain ne viendra pas tant que nous sommes en retard

nous allons courir aux abris souterrain
à l'aguet du moindre bruit
nous ne sommes que mercredi
dans votre refuge obscure
prenez de la laine et apprenez à tricoter
car la journée sera longue

demain ne viendra pas tant que nous sommes en retard

vous entendez siffler au dessus de votre tête
êtes-vous mort ou bien en vie?
nous ne sommes que jeudi
vous sentez une secousse dans le sol
un milliard de bougies allumées
est-ce votre anniversaire?

demain ne viendra pas tant que nous sommes en retard

Bien que ce refuge soit votre maison
il est devenu trop petit pour vous
nous ne sommes que vendredi
alors que vous sortez de votre abris
vos yeux peuvent-ils voir?
ce doit être le jugement dernier


demain ne viendra pas tant que nous sommes en retard

n'est-ce pas drôle de voir les hommes penser
comment on fait les bombes, sans jamais savoir les désamorcer
nous ne sommes que samedi

je pense que demain arrive, mais il est trop tard (2X)
Pense que demain arrive, mais qu'il est trop tard.

Sources:

* L'histoire n°321, juin 2007, consacré à la guerre des Six-jours:
- Elie Barnavi: "5 juin 1967: Israël attaque", p32-p41.
- Mohamed Charfi: "Du côté des Arabes: l'insupportable défaite", p50-p52.
- E. Melmoux et D. Mitzinmacker: "Dictionnaire d'histoire contemporaine", Nathan, 2008.

Liens:

- Les “principaux points d'opposition entre Israéliens et Palestiniens” sur LeMonde.fr.
- une chronologie sur le Moyen Orient, mise au point par M.Augris.
- Retour sur le conflit israélo-palestinien, grâce au site de France 5.

Aucun commentaire: