lundi 2 mars 2009

144. Orchestra Baobab:"Cabral".



Amilcar Cabral naît le 12 septembre 1924, à Bafatá, dans l’est de la Guinée-Bissau, de parents cap-verdiens. A l'époque, l'archipel du Cap-Vert et la Guinée Bissau sont sous domination portugaise. Le prénom du bambin en dit déjà long, ses parents ayant été inspirés par Hamilcar, le chef carthaginois (et donc Africain) qui fit trembler l'Empire romain sur ses bases!

Au cours des années 1930, la famille regagne le Cap-Vert. L'archipel subit alors des sécheresses récurrentes qui provoquent des famines particulièrement meurtrières (cinquante mille morts entre 1941 et 1948). Cabral entend, à son niveau lutter contre ce fléau, qui n'est pas une fatalité. Il suit donc des études d’ingénieur agronome, à l’université de Lisbonne. Nommé directeur du Centre expérimental agricole de Bissau, il acquiert une connaissance précieuse du pays et de sa structure socioéconomique.

Dans le même temps, il s'intéresse au panafricanisme dans le sillage de N'Khrumah notamment et se passionne pour la poésie de Senghor et son concept de négritude.



Les autorités coloniales commencent à le trouver gênant et il est contraint de s'exiler en Angola, où il prend contact avec le mouvement nationaliste angolais. En 1956, Cabral fonde à Bissau le Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC), d'idéologie marxiste. Il tente alors de négocier avec les autorités métropolitaines de plus en plus isolées. Les empires français et britanniques sont désormais en grande partie démantelés et l'ONU devient une tribune puissante pour les mouvements de libérations des dernières colonies. Par exemple, en 1960, l'ONU a adopté une résolution sur le droit à l’autodétermination des peuples colonisés.




Ces négociations échouent et, en 1963, le PAIGC engage la lutte armée contre les forces d’occupation. Cabral anime avec sang-froid cette guérilla qui débute dans le sud du pays, avec des bases arrières en Guinée-Conakry (il obtient le soutien militaire des soviétiques). L'armée coloniale (près de 20 000 soldats mobilisés) se trouve très vite débordée. Les officiers portugais et leurs troupes ne tardent pas à douter du bien fondé de cet acharnement de la dictature à s'arque bouter sur son empire. Pour Bernard Droz: "Salazar avait fini par ériger l'Empire comme le plus solide rempart de son régime réactionnaire à tel point que, a contrario, anticolonialisme et antisalazarisme avaient fini par se confondre". D'ailleurs, ce sont ces officiers de l'Armée d'Afrique, notamment Antonio de Spinola qui a combattu en Guinée-Bissau, qui finiront par se retourner contre le pouvoir dictatorial du successeur de Salazar, Marcelo Caetano, renversé le 25 avril 1974.

Sous l’impulsion de Cabral, la guérilla prend un essor rapide qui ne tarde pas à mettre l’armée coloniale en difficulté. En 1973, le PAIGC contrôle ainsi la majeure partie du pays.

En 1972, Cabral remporte un grand succès puisqu'il parvient à organiser l'élection d'une Assemblée nationale. Cette même année, le conseil de sécurité de l'ONU somme le Portugal de mettre un terme à cette guerre coloniale d'un autre âge. Enfin, l'organisation internationale reconnaît L’État indépendant de Guinée-Bissau, le 24 septembre 1973. Par les accords d'Alger, la Guinée-Bissau accède à l'indépendance sans drame majeur dès septembre 1974. Mais Cabral n'est plus, puisqu'il se fait tuer le 20 janvier 1973, près de sa résidence à Conakry, par des membres de son parti, avec la connivence des services secrets portugais.

Le président du jeune Etat n'est autre que le frère d'Amilcar, Luis Cabral. La Ginée-Bissau connaît pour quelques années la stabilité.

Tout au long de la lutte, Cabral tenta de maintenir soudé son organisation, en s'appuyant sur les milieux populaires . Meneur d'homme très souple préférant la persuasion aux purges, il ne parvint cependant pas à apaiser totalement les tensions entre combattants guinéens et cadres cap-verdiens.

L'oeuvre de Cabral n'en reste pas moins conséquente. Pour Augusta Conchiglia, "Cabral laisse une œuvre théorique remarquable, qui est constamment réévaluée. Sa réflexion sur le rapport entre libération nationale et culture est plus que jamais d’actualité. Contrairement à la tendance dominante à l’époque d’importer mécaniquement les théories marxistes, Cabral a fait une relecture des catégories sociopolitiques du marxisme à la lumière des réalités africaines". Surtout, aux yeux de très nombreux Guinéens, Cabral fait figure de héros national. A l'échelle du continent, il reste aussi un martyr, qui est allé jusqu'au sacrifice pour faire triompher ses idées et libérer ses compatriotes de la tutelle européenne, à l'instar de Lumumba au Congo ou plus tard, dans un autre contexte, le Burkinabé Thomas Sankara.

Les musiciens ne tardèrent pas à rendre hommage au grand homme, comme le prouvent ici ces deux chansons:
- Le groupe sénégalais Orchestra Baobab interprète ce "Cabral" teinté de sonorités cubaines, omniprésentes dans leurs morceaux.
- Tony Lima: "Amilcar Cabral".


Tony Lima: "Amilcar Cabral.

Sources:
- Augusta Conchiglia: "Un intellectuel visionnaire".Le Monde diplomatique _ Manière de voir 87, juin 2006, pages 87-88.
- L'émission l'Afrique enchantée (sur France Inter) du jeudi 14 août 2008, consacrée au Cap-Vert.
- Bernard Droz: "Histoire de la décolonisation au XXème siècle", Le Seuil, 2006, pp270-277.

Liens:
- "Grandola vila morena", cette chanson de José Afonso marqu ale coup d'envoi de la révolution des oeillets au Portugal.
- Une compilation d'hommages musicaux au grand Cabral.
- Pour en savoir beaucoup plus sur la Guinée-Bissau.
- Portrait de l'Orchestra Baobab sur Mondomix.
- La page My space de l'orchestra Baobab.
- Une série de sublimes cichés de Cabral.

1 commentaire:

E.AUGRIS a dit…

C'est passionnant !
Je ne connaissais Cabral que de nom. Ce n'est plus le cas grâce à toi (et à Orchestra Baobab...).

E.A.