dimanche 27 mars 2011

232. Johnny Hallyday: "L'idole des jeunes" (1962)

Au cours des années 1950, la hausse de la natalité, du temps libre et du pouvoir d'achat des adolescents constituent autant de facteurs permettant l'émergence de la jeunesse comme acteur social et culturel. Comme jamais auparavant , les jeunes se distinguent de leurs parents. Nous nous intéresserons ici plus particulièrement au phénomène yéyé dont l'apparition s'explique, entre autres, par l'existence d'un public potentiel conséquent, par la prise de conscience de ce marché par les acteurs économiques (industrie du disque avec l'apparition du microsillon, l'émission Salut Les Copains sur Europe N°1...) en lien avec l'essor des médias de masse.

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La société française du début des années 1950 connaît un coup de jeune qui s’explique par la reprise de la natalité depuis 1943. On entre alors dans le baby boom. Les millions de bébés nés au lendemain de la guerre sont enfants dans les années cinquante, puis adolescents au cours de la décennie suivante. Aussi en 1968, sur 49,7 millions de Français, 25% ont moins de 16ans et 15% entre 16 et 25 ans.


* Les baby boomers entrent en adolescence.

Or, jusqu'au lendemain de la seconde GM, "la jeunesse" ne se distingue pas réellement entre l’enfance et l’âge adulte. On quitte l’enfance assez brutalement avec le mariage (souvent après le service militaire pour les garçons) et l’entrée dans la vie active. Après 1945, en revanche, les jeunes deviennent un groupe social nettement identifié. Pour la première fois se constitue un âge de transition, l’adolescence, en lien notamment avec l'allongement et la démocratisation de la scolarité. La loi Berthoin de 1959 rend obligatoire l'école jusqu’à 16 ans. Le nombre d'élèves poursuivant leurs études dans le secondaire, puis le supérieur explose. Alors qu'en 1950, on comptait 32 262 bacheliers, ils sont 139 541 vingt ans plus tard. Par conséquent, les jeunes rentrent plus tardivement dans la vie active (le taux d’activité des jeunes hommes de 15-19 ans passe de 70% en 1930 à moins de 30% en 1975). Il y a donc un phénomène d’ « allongement de la jeunesse ». Ce poids accru se ressent à tous les niveaux de la société et modifie comportements, valeurs et pratiques culturelles. Par conséquent l'entrée dans l'adolescence de la génération du baby boom à la fin des années 1950 représente un public potentiel considérable qui permettra, entre autres, l'essor du mouvement yéyé en France.



* Civilisation des loisirs et société de consommation.
Au cours de la seconde moitié des années cinquante, la France connaît de profondes transformations. Le pays reste encore largement rural en dépit d'un exode rural massif. A la phase de reconstruction succède l'entrée dans les Trente Glorieuses. Or, jusqu'à la fin de la décennie, il n'existe guère de programmes culturels spécifiques pour les jeunes. Leur poids démographique nouveau change la donne et permet l'affirmation d' une culture, d'un style de vie autonomes.
Plusieurs facteurs expliquent aussi ces transformations. Étudiants, ils ont du temps pour lire, écouter de la musique. Le contexte de croissance économique leurs permet de grandir dans une civilisation du loisir, dans une société plus prospère qui devient aussi celle de la consommation matérielle. Ils ont de l’argent de poche, représentent désormais à eux seuls un marché et se dotent de toute une panoplie d'objets auxquels ils s'identifient: radios, tourne-disques, 45 tours, guitares. Ces dernières, pourtant encore onéreuses, se vendent comme des petits pains: en 1966, 1,2 millions d'instruments sont recensés en France alors que son coût oscille entre 1 et 2 SMIC... Les ventes de disques explosent elles aussi: 18 millions de disques vendus en 1952, 62 millions en 1966, dont les deux tiers achetés par des adolescents (à leur apogée, les yéyé représenteront jusqu'à 65% des ventes de disques). Le marché potentiel est inouï et les publicitaires adaptent très vite leurs messages.Au coeur de la vague yéyé, des quantités impressionnantes de produits dérivés sont alors commercialisés. On s'habille yéyé, on boit yéyé... L'obsession consumériste débute vraiment alors.

Les innovations techniques et l'intérêt bien compris des industriels parachèvent ce phénomène avec la mise sur le marché du Teppaz, un pick up transportable et pas très cher qui révolutionne la manière d'écouter la musique. L'essor des transistors à pile, portatifs, permettent même bientôt de s'échapper du domicile. En 1966, 46% des jeunes possèdent une radio, 42% un tourne disque. Les jeunes peuvent désormais écouter leur musique dans leur chambre, loin du regard parental, seuls ou entre copains et copines.

Publicité pour le Teppaz.

L'essor des médias de masse constitue un facteur crucial dans l'émergence de cette nouvelle classe d'âge. La radio Europe n°1 créée en 1955, joue à cet égard un rôle pionnier. Afin de gagner les faveurs d'un public juvénile, les directeurs de la station lancent en 1959 l'émission quotidienne "Salut les copain" centrée sur la musique. Le ton de l'animateur maison tranche avec les voix compassées des autres speakers. Daniel Filipacchi tutoie l'auditeur qu'il appelle par son prénom et n'hésite pas à parler en même temps que la musique. Pour la première fois, le jeune public a une émission qui lui est destinée. Les transistors portatifs contribuent en outre au succès inouïe de SLC, diffusée à l'heure de la sortie de l'école, à partir de 17 heures. L'émission fait pénétrer les idoles et les hit-parade au sein d'un très grand nombre de foyers et joue un rôle décisif dans l'apparition du phénomène yéyé.


Daniel Filipacchi et Johnny Hallyday - emission... par teppazandco

En parallèle se développe une industrie du disque qui commercialise les 45 tours des idoles que SLC passe en boucle. D'autres médias s'engouffrent dans la brèche. A partir de 1961, on enregistre au Golf Drouot Age tendre et tête de bois, un programme télévisé destiné aux adolescents et animé par Albert Raisner.
De nouveaux magazines consacrés aux jeunes inondent les kiosques: Disco-Revue en 1961, une version papier de Salut les copains en juillet 1962 ou encore Mademoiselle âge tendre, déclinaison féminine de SLC. Autant de magazines calqués sur les supports de la presse américaine pour teenagers avec des interviews, des clichés en couleur. Le responsable de la photographie de SLC est le jeune Jean-Marie Périer. Ses posters ornent bientôt les chambres des adolescents français. Là encore le succès est au rendez-vous puisqu'après seulement un an d'existence Salut Les Copains tire à un million d'exemplaires.

La Une de SLC. De très nombreux clichés attestent de la fascination d'une partie de la jeunesse française pour les Etats-Unis, en tout cas l'idée qu'on s'en fait communément de ce côté de l'Atlantique.

* 22 juin 1963: La folle nuit de la Nation.
L'acte de naissance du Yéyé reste la "folle nuit de la Nation".
Pour célébrer le premier anniversaire du magazine Salut les copains, son fondateur et l'animateur de l'émission éponyme, Daniel Filipacchi, convie les jeunes auditeurs à venir applaudir les idoles de la chanson le 22 juin 1963, place de la Nation à Paris. Le concert, gratuit, est organisé par Europe n°1. Sylvie Vartan et Johnny Hallyday, amenés sur scène dans un car de police, s'imposent comme les vedettes du spectacle. En tout, pas moins de 150 000 jeunes spectateurs répondent à l'appel, très au delà des prévisions les plus optimistes qui tablaient au maximum sur 30 000 personnes. Pour mieux entendre et voir, le public grimpe sur les véhicules stationnés, les arbres, le mobilier urbain. Les organisateurs, totalement dépassés par ce flot humain ne peuvent empêcher les dégâts matériels. Dans les jours qui suivent, les quotidiens et hebdomadaires font leurs choux gras des débordements, somme toute très limités, et reprennent en chœur la vieille antienne sur le péril jeune. Pour France soir, "le festival des Copains [a dégénéré] en émeutes". L'éditorial de Paris-Presse consacré au concert s'intitule "Salut, les voyous".
Dans les semaines qui suivent le rassemblement de la Nation, les détracteurs des yéyés dénoncent le conformisme et l'apolitisme de cette jeunesse. Dans le Figaro, André Brincourt considère que "cette nouvelle mythologie a ses rites précis, ses interdits et ses lois. On y répudie avec insolence et sottise le monde des adultes."Dans le Figaro, Philippe Bouvard, quant à lui se lance dans une analogie douteuse, comparant le rassemblement de la Nation aux discours d'Hitler au Reichstag en 1933! De fait, un grand nombre d'adultes, ne comprend absolument pas les aspirations des jeunes générations.

Des grappes de spectateurs, perchés sur les arbres lors de la "folle nuit de la Nation".

* Émergence d'une "culture jeune".
Certains, à l'instar d'Edgar Morin, tentent en revanche d'analyser le phénomène. Le sociologue dresse un portrait éclairant de cette jeunesse. Pour lui, le 22 juin correspond à l'affirmation d'une nouvelle classe d'âge adolescente. Dans tous les domaines, les jeunes entendent se distinguer des adultes et rompre avec les valeurs de leurs parents. Il voit dans "dans le yé-yé les ferments d’une non-adhésion à ce monde adulte où suinte l’ennui bureaucratique, la répétition, le mensonge, la mort(...)." Un groupe social se constitue par autonomisation progressive avec sa propre mentalité, ses pratiques culturelles, des comportements et modes de vie spécifiques… C'est qu'à partir du milieu de la décennie, la métamorphose du pays s'accélère. On assiste à une mutation des valeurs communes. "A la frugalité et la prévoyance se substituent peu à peu des valeurs et des comportements hédonistes (...). Mais déjà pointent une attitude nouvelle face à l'autorité -et donc aux normes- et un autre comportement face aux traditions et aux interdits -et donc aux valeurs." [cf: Sirinelli, voir sources]

Nombre de jeunes aspirent alors à soulever "le couvercle de plomb" d'une France gaulliste où le poids encore important de la religion (bien que déclinant) impose une éducation stricte. Au sein de la famille, ils récusent la prétention des adultes à jouer les censeurs et refusent d'être considérés comme des adultes en devenir. Ils rechignent à écouter leurs parents ressasser les souvenirs de la guerre. En retour, beaucoup d'adultes sont affligés par cette jeunesse qui "ne connais pas Hitler", pour reprendre le titre du documentaire de Bertrand Blier.
Ce portrait reste bien sûr schématique et il s'avère impossible de parler d'une jeunesse. Comme le rappelle Pascale Goetschel: "s'il existe bien, des "signes extérieurs de jeunesse [Anne-Marie Sohn], les pratiques culturelles diffèrent en fonction du sexe, de l'appartenance sociale, de l'éducation et les figures de la jeunesse n'ont pas toute le même visage (...). Il serait en outre schématique de limiter la jeunesse à cette 'cohorte dépolitisée et dédramatisée des Français de moins de 20 ans' dénoncée par François Nourissier dans Les Nouvelles Littéraires."
S'il ne faut certes pas voir en eux des rebelles, il semble tout aussi réducteur de les dépeindre comme une horde d'hédonistes décérébrés, une meute adolescente obsédée par la consommation et la danse, insouciante et évaporée. Rappelons, qu'au moins jusqu'en 1962, les garçons sont confrontés à la dure réalité, car, en tant qu'appelés, ils sont envoyés combattre en Algérie.

Comme jamais auparavant, les jeunes se distinguent de leurs parents. Pour Morin, ils existent, entre autres, par une panoplie vestimentaire, un langage, une consommation culturelle spécifique. C'est d'ailleurs le sociologue qui invente le terme yéyé (francisation de "yeah yeah") pour désigner ce phénomène musical et sociétal.
Dans le domaine vestimentaire, mini-jupe, blue-jean et tee-shirt s'imposent. Les garçons n’hésitent plus à laisser pousser leurs cheveux.
Pour se démarquer, ils se dotent de leur propre langage. Les copains (les jeunes dans le coup) s'opposent aux croulants (les parents) et aux PPH ("ne passera pas l'hiver" pour désigner les grands parents).
Autre critère d'identification et de ralliement: la musique, qui représente pour beaucoup le premier espace de liberté susceptible de sortir d'un carcan gaulliste étouffant. La déferlante du rock'n'roll américain touche l'hexagone à la fin des années cinquante. Les adolescents peuvent se procurer les 45 tours américains dans les PX de l'OTAN ou chez les rares disquaires qui les distribuent. Elvis Presley, Jerry Lee Lewis ou encore Vince Taylor fascinent des adolescents français happés par la culture populaire américaine.
Ces chanteurs font de très nombreux émules et dans leur sillage des centaines de groupe de rock se forment alors (1961-1962), à l'instar des Chats sauvages de Dick Rivers (15 ans en 1961), des Chaussettes noires d'Eddy Mitchell (1962). Le nouveau point de ralliement de cette nouvelle vague musicale est un ancien golf miniature: le Golf Drouot où se tient chaque fin de semaine un Tremplin à l'usage des groupes de rock.
Les pionniers du rock à la française (Dick Rivers, Mitchell, Hallyday) livrent une version pas encore trop aseptisée de son homologue américain, mais qui sera considérablement édulcorée par la vague yéyé. Les chanteurs en herbe adaptent à leur manière, souvent pittoresque, les paroles des originaux interprétés en "yaourt", caricature phonétique de l'anglais reproduite à l'oreille. Ce premier rock en français ne suscite d'abord que railleries. Danyel Gérard, un de ces proto-rockers atypiques, adopte sur scène les mimiques des vedettes américaines. Ses poses convulsives lui valent le surnom de "chanteur suffocant".

A partir de 1956, le Golf Drouot dirigé par Henri Leproux, devient le premier lieu où l'on peut entendre du rock'n'roll. Il organise chaque vendredi soir un Tremplin, véritable radio-crochet à l'usage des groupes de rock.

Pour la première fois, on a des chanteurs qui ont l'âge de leur public, auxquels il est facile de s'identifier. Ainsi, Johnny, qui modèle son personnage autour des personnalités de James Dean et d'Elvis Presley, devient "l'idole des jeunes" en France. Tout en lui irrite un establishment gaulliste incommodé par ses tenues (blouson de cuir noir, banane), sa fougue. Ses chansons, aux textes pourtant bien innocents à cinquante ans de distance, choquent les vieilles barbes ("laisse les filles" 1960). Les pouvoirs publics, inquiets de la popularité du rock, réagissent. La préfecture de la Seine utilise les incidents en marge de concerts pour empêcher l'organisation de ces rassemblements juvéniles. Très vite les éléments les plus durs du rock, assimilés aux dangereux blousons noirs, se voient marginalisés. Le cas Johnny est révélateur de ce phénomène. Après avoir incarné la jeunesse rebelle aux yeux de beaucoup d'adultes, il devient le modèle du good teen, une figure positive et jamais transgressive. Un phénomène similaire s'était d'ailleurs produit aux Etats-Unis où Elvis le Pelvis, menaçant et sexuel, cède le pas au King, bien plus consensuel.
En France, l'industrie du disque, épaulée par le matraquage intensif de SLC, favorise l'essor du yéyé sentimental, expurgé de tout élément subversif, de toute potentialité de révolte. Franck Ténot, le bras droit de Daniel Filipacchi, livre la vision de la jeunesse de ce dernier: "Pour lui, la jeunesse doit respecter un certain cadre social. Tout comme moi, il n'a jamais apprécié les voyous, ni les casseurs. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous n'aimions pas beaucoup le chanteur Vince Taylor: parce qu'il ressemblait à la fois à un voyou et un casseur." Dans le magazine SLC, la parole des jeunes est habilement filtrée, le ton des articles très consensuel, voire paternaliste.

* Le yéyé.

Le célèbre cliché de Jean-Marie Perrier réunissant en 1966 les protagonistes principaux du yéyé. Il marque en fait la fin du yéyé. De nouveaux artistes, tels que Hugues Aufray, Antoine ou Dutronc apparaissent alors et donnent soudain un vrai coup de vieux au yéyé.

SLC privilégie donc les chansonnettes insouciantes des yéyé, variante très édulcorée de la fureur du rock'n'roll qui a le mérite de rassurer les adultes et de plaire à une majorité d'adolescents. Le hit parade de l'émission devient la bible "des copains". La plupart des morceaux, faciles à jouer et fondés sur la répétition, sont des adaptations de titres américains à succès (que la plupart des auditeurs français ne connaissent pas). Ces reprises s'intègrent alors, sans complexe, au patrimoine de la chanson française.
Au bout du compte une dizaine d'idoles yéyé tout au plus accèdent au rang de stars:
- Johnny Hallyday s'impose incontestablement comme le chef de file du mouvement et "l'idole des jeunes", sans véritable rival.
- Avec le précédent, Eddy Mitchell et Dick Rivers sont les pionniers d'un rock français bientôt rattrapé et phagocyté par la vague yéyé.
- Sylvie Vartan est encore au lycée et n'a que 17 ans lorsqu'elle fait son premier Olympia en 1961. Son titre "Tous mes copains" devient un hymne pour la génération yéyé.
- Richard Anthony rencontre très tôt (1959) un grand succès grâce à ses reprises d'originaux américains qu'il massacre la plupart du temps (pour s'en convaincre, il suffit d'écouter à la suite le "three cool cats" des Coasters puis l'adaptation "nouvelle vague" d'Anthony).
- En 1963, Sheila incarne à 16 ans la "petite fille sage de Français moyen". Elle s'impose très vite grâce à une série impressionnante de succès aux paroles d'une crétinerie rare. On lui doit aussi la mode des couettes crêpées ou gonflées qu'adoptent ses auditrices par mimétisme.
- Françoise Hardy, la troisième yéyé girl, a l'image d'une fille sage et mélancolique. Ses chansons distillent un spleen romantique qui lui vaut le surnom peu amène d'"endive du twist" (par Philippe Bouvard).
- Le bondissant Claude François, adepte du shout, se spécialise dans les reprises de succès de la Motown auxquels il réserve un traitement de choc, pas toujours du meilleur goût. Virevoltant, il s'impose néanmoins comme un véritable showman.

Tous contribuent au triomphe de cette musique de jeune, pour les jeunes, dont sont exclus les parents. Ces derniers assistent pantois à l'essor de danses, importées elles aussi des Etats-Unis. Le twist (avant le jerk, le hully-gully, le madison...) déferle sur l'hexagone à partir de 1960 et modifie le rapport à la danse dans la mesure où il s'agit d'une danse individuelle, très facile à maîtriser. Elle contribue à la libération des corps, plus qu'à la libération sexuelle. Comment comprendre sinon le scandale provoqué par "l'amour avec moi" de Polnareff en 1966? En comparaison des bluettes innocentes qui dominent la production yéyé, le morceau peut-être considéré comme obscène...

Les musiques et danses juvéniles sont le moyen d'échapper au carcan familial. Les jeunes se réunissent, loin du regard des "croulants", dans des surprises parties, lieu des premiers flirts où le pschitt orange coule à flot. Ces boums offrent aux adolescents un espace d'autonomie et de libertés, hors du regard des adultes.
Des castings et télé-crochets censés repérer les futurs talents se multiplient. Le triomphe des idoles impose progressivement le jeunisme et laisse accroire à une prise de pouvoir par la jeunesse.

A partir du milieu de la décennie 1960, le yéyé décline au profit des musiques pop anglo-saxonnes (Beatles et Rolling Stones). Salut Les Copains, concurrencée par les autres radios, disparaît dans l'indifférence générale en avril 1969. L'émission a sans doute contribué, plus qu'aucun autre média, à l'homogénéisation de la jeunesse française des années soixante. Cette dernière n'en reste pas moins très diverse. Sur le plan musical, les clivages ne manquent pas et "le phénomène copain" ne doit pas faire oublier que beaucoup de jeunes n'écoutent pas cette musique. Les amateurs de rock pionnier snobent les yéyé en qui ils ne voient que de pâles imitateurs des vedettes anglo-saxonnes. Et si, en France, n'existent pas d'antagonismes comparables à ceux qui opposent mods, rockers et teddy boys britanniques, on constate néanmoins une segmentation croissante de la scène rock, bientôt fragmentée en une multitude de sous-genres musicaux.
Les chanteurs yéyé en voie de respectabilisation sont également ringardisés par de nouveaux venus aux paroles bien plus sarcastiques que les gentilles romances des idoles (Les élucubrations d'Antoine, par exemple).
Surtout les fans du début de la décennie ont grandi et leurs centres d'intérêt évolués. D'aucuns mènent des études supérieures et aspirent "la brise contestataire (...) en train de se lever sur la culture juvénile française." [Sirinelli]
Dans le sillage de la guerre du Vietnam, la contestation et l'engagement d'une partie de la jeunesse sont ainsi perceptibles bien avant 1968. Le conflit joue en effet un rôle crucial dans "l'irrigation politique" de la partie engagée des baby boomers, dans le cadre notamment des comités Vietnam qui se forment alors et font office de nouveaux cadres d'apprentissage politique, en marge des partis politiques établis.
Pour Sirinelli (voir sources), Mai 68 apparaît davantage "comme un révélateur, un catalyseur et un accélérateur, que comme un événement fondateur. Révélateur de cette distorsion croissante entre un système d'autorité et de valeurs hérité d'une société en partie abolie, et cette France en pleine métamorphose."




Pour évoquer le yéyé, nous avons choisi ce grand succès de Johnny, une adaptation,comme l'immense majorité de ses chansons des années soixante, du Teenage idol de Ricky Nelson. Le scopitone ci-dessus met en scène la vie d'une idole en utilisant des photographies issues pour partie du magazine Salut les Copains. Ancêtres des clips vidéo, les scopitones se répandent dans les cafés au début des années 1960 et mettent en image les chansons des idoles. L'essor de la télévision précipite leur déclin rapide.

Sources:
* Ludivine Bantigny, Ivan Jablonka:"Jeunesse oblige. Histoire des jeunes en France XIXè-XXè siècle", PUF, 2009. Deux chapitres en particuliers:
-Sébastien Le Pajolec:"Le cinéma et les yéyés: un rendez-vous manqué?"
- Florence Tamagne: "'C'mon everybody' Rock'n'roll et identités juvéniles en France (1956-1966)".
* Alain Dister: "L'Age du rock", Découvertes Gallimard, n°160, 1992.
* Pascale Goetschel: "Histoire culturelle de la France au XXè siècle", la Documentation Photographique n°8077, septembre-octobre 2010.
* Yé Yé révolution 1962-1966. Documentaire diffusé sur Arte.
- Jean-François Sirinelli: "Génération 68", L'histoire n°274, mars 2003.

Liens:
- "Teppaz and co. Le site des années 60"
- Extraits de Paris Match et Salut les Copains dans les jours qui suivent la folle nuit de la Nation.
- "Il a été le premier des yéyés".

mardi 22 mars 2011

231. The Clash : London Calling (1979)

Alors que le Japon fait difficilement face aux suites radioactives du tremblement de terre du 11 mars 2011, il semble que ce soit le moment de mettre au tableau de l'histgeobox le "London Calling" des Clash. Quel rapport entre ce titre emblématique du mouvement punk et Fukushima ? Pour le savoir, il faut remonter le temps jusqu'à cette fin des années 70, quand l'album éponyme enregistré par le groupe secoua le monde du rock. (1)




The Clash se forme en 1976. Joe Strummer, membre des 101'ers, rencontre Paul Simonon et Mick Jones à Portobello. Dans ce quartier devenu un des plus touristiques du Londres actuel, bon nombre de punks sont installés dans des squatts glauques. Le secteur qui jouxte Notting Hill est populaire. Il concentre en effet, une importante population immigrée, essentiellement originaire des Caraïbes. Avec Paul Simonon et Mick Jones, natifs de Brixton (2), autre quartier caraibéen de la capitale anglaise, Joe Strummer établit son QG entre Notting Hill, le nord de Ladbroke Grove et Paddington, au nord ouest de la capitale.


Notting Hill 1976, les émeutes.




Chaque année depuis 1964, le carnaval de Notting Hill a lieu à la fin du mois d'août. En 1976, ce moment festif est depuis plusieurs années, l'occasion d'affrontements de plus en plus importants entre les populations immigrées concentrées dans le quartier et la police. Les contrôles policiers sont vécus comme du harcèlement puisqu'ils s'effectuent au faciès et avec une grande liberté d'action quant à ce qui les justifie. Le 30 août 1976, Paul Simonon et Joe Strummer trouvent, au milieu des émeutes qui opposent jeunes noirs et policiers, auxquelles ils participent tous deux, une autre raison de faire un bout de chemin ensemble : leur activisme politique. A l'issue des échauffourées très violentes cette année là, plus de 100 policiers sont blessés, une soixantaine de manifestants sont arrêtés. Joe Strummer y puise une inspiration pour plusieurs textes ("Police and thieves" , "White Riot").







Le groupe se lance ensuite l'"Anarchy Tour" en première partie des Sex Pistols qui fréquentent également le quartier. Il signe rapidement chez CBS records et en 1977, son premier album sobrement intitulé "The Clash" et annoncé par 3 singles "1977", "Jonie Jones" et "White riot" est mis en vente. L'année suivante, les Clash proposent un second album "Give'em enough rope". Entre temps le groupe s'est doté d'un batteur stable, Topper Headon.(3)


Le chantier de "London Calling" est lancé. Les répétitions ont lieu sur les rives de Tamise, à Vauxhall au Vanilla studio. Puis, le groupe déménage plus au Nord, à Highbury, dans les studios Wessex. C''est là que l'album est enregistré sous la direction du producteur Guy Stevens. Il sort le 14 décembre 1979.




Il comprend 19 titres, c'est donc un double album. Toutefois, le groupe imposera qu'il soit vendu au prix d'un album classique.
La pochette est illustrée d'une photo de Pennie Smith (4). On y voit Paul Simonon empoigner sa guitare par le manche, s'apprêtant à la fracasser sur scène. La photographe a saisi ce moment de rage suspendu au Palladium, à New York, où les Clash ont tourné en février 79. L'art work de la pochette reprend un ancien disque du King. "London Calling" est un disque hors normes, à plus d'un titre : son format, la photo qui lui servira de couverture et les sons qu'il propose à l'écoute. Du rock, du ska, du reggae, du dub, des sonorités jazzy c'est une palette sans fin de mélanges d'influences et de sons métissés savamment dosés.

Dans ce foisonnement, c'est le 8ème single du groupe, "London Calling" en face A, ("Armagideon Time" en face B), sorti plus tôt le 7 décembre, qui focalise l'attention. Pourquoi fait-il date ? Sans doute parce qu'il résume de façon extrêmement clairvoyante l'état d'esprit de la jeunesse anglaise en cette fin des années 70, un état d'esprit déterminé par une situation nationale très dégradée et un contexte international mortifère. Le futur semble alors plus que jamais incertain (5). Le texte aligne derrière son appel aux villes lointaines, des visions de fin du monde, de catastrophes (inondations, ère glacière), de rejet des temps anciens ("the phoney beatlemania has bitten the dust") sans arriver à se projeter dans l'avenir. Le futur n'est donc pas écrit (6) dans "London Calling" puisqu'à ce moment là, il n'y en a pas.





London calling to the faraway towns
L'appel de Londres aux villes lointaines
Now that war is declared-and battle come down
La guerre est déclarée et la bataille se prépare
London calling to the underworld
L'appel de Londres au monde souterrain (1)
Come out of the cupboard, all you boys and girls
Sortez de vos trous, vous tous garçons et filles.

London calling, now don't look at us
L'appel de Londres, maintenant ne nous regardez pas
All that phoney Beatlemania has bitten the dust
Cette Beatlemania factice a mordu la poussière
London calling, see we ain't got no swing
L'appel de Londres, tu vois nous n'avons pas de swing
'Cept for the ring of that truncheon thing
excepté le bruit sourd de ce genre de matraques

The ice age is coming, the sun is zooming in
L'âge de glace arrive, le soleil se rapproche
Engines stop running and the wheat is growing thin
Les moteurs se sont arrêtés, les moissons s'amenuisent
A nuclear error, but I have no fear
Une erreur nucléaire, mais je n'ai pas peur
London is drowning-and I live by the river
Londres se noie et je vis près de la rivière




London calling to the imitation zone
L'appel de Londres à la zone d'imitation (2)
Forget it, brother, an' go it alone
Oublie ça, mon frère, et vas y tout seul
London calling upon the zombies of death
L'appel de Londres aux zombies de la mort
Quit holding out-and draw another breath
Arrête de t'accrocher et prends une nouvelle respiration
London calling-and I don't wanna shout
L'appel de Londres et je ne veux pas crier
But when we were talking-I saw you nodding out
Mais pendant que nous parlions je t'ai vu t'assoupir
London calling, see we ain't got no highs
L'appel de Londres, nous n'avons plus d'enthousiasme
Except for that one with the yellowy eyes
Excepté pour celui qui a les yeux jaunâtres.
Now get this London calling, yeah, I was there, too
Prends cet appel de Londres, oui, j'y étais aussi
An' you know what they said? Well, some of it was true!
et tu sais ce qu'ils ont dit? Et bien c’était en partie vrai
London calling at the top of the dial
L'appel de Londres à l'heure pile
After all this, won't you give me a smile?
Et après tout çà, tu ne me ferais pas un sourire?


I never felt so much a' like
Je ne me suis jamsi senti comme ça



(1) Le "underworld" du texte original fait référence aux souterrains dans lesquels
se terraient les londoniens lors des alertes durant la guerre.
(2) malgré de nombreuses consultations, ce point du texte n'a pas pu être traduit
de façon pertinente. Il contient sans doute une référence, mais elle reste
incomprise.


Un texte "no future" élaboré dans le chaos de l'Angleterre des 70's finissantes.

Qu'a-t-on retenu de ce côté-ci du Channel de la fin des années 70 en Angleterre ? La réponse sera simple : l'accession au poste de premier ministre d'une femme qui a pris la tête du parti conservateur et qui a remporté les élections générales en mai 1979. Cette femme, c'est Margaret Thatcher, la dame de fer. Ce retour des Tories au pouvoir ne peut à lui seul expliquer un texte aussi sombre que celui de la chanson. Pour l'expliquer il faut également rendre compte de ce qui marque le paysage politique britannique entre les émeutes de Ladbroke Grove en 1976 et l'arrivée de Margaret Thatcher au 10 downing Street, 3 ans plus tard.




La première moitié des années 70 se caractérise par une très importante inflation Outre-Manche. On voit sur le graphique ci-dessous qu'elle atteint un pic de 25% en 1975.


Le chômage est également en hausse sur la période, affectant 4 puis 6% de la population active.
Pour juguler la hausse des prix le gouvernement travailliste de James Callaghan, arrivé aux fonctions en 1974, signe un accord avec les syndicats (Trade Unions). Celui-ci prévoit une augmentation modérée et planifiée des salaires. Ces accords sont prorogés jusqu'en 1977.




Source C. Ray: "the winter of discontent in British politics", 2009.
En 1978, on constate une légère amélioration de la situation économique du pays. Par calcul électoral (7), alors qu'il s'était engagé à revenir à une fixation libre des hausses de salaires, le gouvernement annonce qu'elles resteront plafonnées à 5%. Cette mesure est rejetée par les syndicats et bon nombre d'entreprises privées (dont Ford) qui mènent des négociations salariales hors de ce cadre.


Londres, Leicester Square envahi
par les ordures, lors du "Winter of
discontent".


Dans ce contexte de tensions sociales les salariés s'engagent dans un bras de fer avec le gouvernement travailliste. Ils pensent vraisemblablement que la rapport de force peut être profitable à l'amélioration de leur niveau de vie. Il s'ensuit une multitude de mouvements sociaux qui affectent différents secteurs d'activité : les camionneurs, les hôpitaux, les fossoyeurs, les écoles, les électriciens, les éboueurs cessent le travail. Dans certains secteurs (celui des urgences médicales par exemple), l'armée est réquisitionnée pour assurer un service minimum.




La célèbre une du Sun.

En janvier 79, le pays est au bord du chaos. Pourtant Callaghan, interviewé à son retour d'un voyage en Martinique, minore la crise devant la presse. Le lendemain The Sun titre "Crisis, What crisis ?", achevant de discréditer le chef du gouvernement sur des mots qu'il n'a pas prononcés, mais qui sont instrumentalisés et d'un effet désastreux.







Marche des travailleurs sur le Parlement
durant le "winter of discontent".
Peu après, les négociations reprennent avec les syndicats et le pays sort de la vague protestataire en février 1979. On est alors à quelques mois des élections générales qui auront lieu en mai. L'épisode marquant du "Winter of discontent" - qui tire son nom du Richard III de Shakespeare - pèsera sur les résultats. Malheureux hasard, il s'avère que cet hiver 78-79 compte parmi l'un des plus froids qu'ait connu le Royaume Uni depuis le début du siècle.










Marche suite au décès de Blair
Peach le 24 avril 1979.
Dans le laps de temps qui sépare le pays des élections générales, d'autres évènements viennent expliquer la noirceur, le pessimisme du texte de "London Calling".
Projetons nous en avril, à Southall. La municipalité autorise un meeting du National Front dans cette commune de l'ouest londonien où vit une importante communauté asiatique (les Sikhs y sont très représentés). Le meeting se tient le 23 avril sous très haute protection policière. Peu de partisans du National Front sont à l'extérieur du Town Hall. En revanche, de nombreux militants de l'Anti-Nazi League et d'autres associations anti racistes sont présents pour tenter de gêner la tenue de la réunion politique. Leur objectif, en particulier, est d'arriver à forcer le cordon policier qui enserre le Town Hall.




Les obsèques de Blair Peach après
les émeutes de Southall.
A la fin de la journée, les témoins attestent un changement radical de l'attitude de la police qui se met alors en chasse des manifestants anti-racistes. Dans le déchaînement de violences et de tabassages en règle qui s'ensuit, un jeune enseignant et militant de l'anti-nazi league, Blair Peach, reçoit de nombreux coups à la tête. Il décède à l'hôpital le jour suivant. La marche de protestation et les obsèques du jeune homme natif de Nouvelle Zélande qui s'ensuivent, montrent à quel point la situation est tendue sur le front social et politique, à quelques jours du scrutin.


Un dernier évènement retiendra notre attention. il se place entre la victoire des conservateurs aux élections générales en mai 79 et la sortie de "London Calling" en décembre de la même année. Le 27 août 1979, parti pêcher le homard au large du comté de Sligo, Lord Mountbatten, âgé alors de 79 ans, oncle du Prince Phillip, et dernier vice roi des Indes, perd la vie dans un attentat. Son bateau chargé de dynamite explose. L'attaque est revendiquée par l'IRA (Armée Républiciane Irlandaise) et suivie d'autres explosions près de Warrenpoint à la frontière avec la République d’Irlande qui tuent 18 policiers. Indéniablement, "London Calling" a les accents d'une époque bien sombre.






Silkwood, le "syndrôme chinois" et Three Mile Island : un goût de fin du monde.


La grille de lecture la plus évidente de la chanson est celle liée à l'accident nucléaire de Three Mile Island. De "l'âge de glace qui arrive", aux "moteurs qui se sont arrêtés" en passant par les maigres moissons et "le soleil qui se rapproche" : la thématique du nucléaire est un des fils rouges du texte. Revenons, de nouveau sur l'enchaînement de plusieurs évènements qui peuvent permettre de comprendre la prose des Clash et le retentissement qu'eut la chanson auprès du public.




La voiture de K. Silkwood après
son accident mortel et son portrait.
En mars 79, s'ouvre le procès Silkwood. Les parents de Karen Silkwood assignent, en effet, en justice la société Kerr Mc Gee Nuclear Corp à Oklahoma City. Leur fille, de surcroît activiste syndicale dans son entreprise, travaillait pour cette firme qui fabrique des combustibles nucléaires. Elle a reçu de fortes doses de radiations et entrepris de révéler à la presse les négligences en matière de sécurité sur son lieu de travail. Étrange coïncidence, elle trouve la mort le 13 novembre 1974 au volant de sa voiture alors qu'elle rejoignait un journaliste du New York Times pour une interview. Aucun document n'a été retrouvé dans sa voiture. (8)




Comme souvent aux Etats-Unis, les usages cinématographiques des sujets brûlants, peuvent anticiper les évènements. Ainsi en mars 1979, sort sur les écrans une fiction rapidement appelée à défrayer la chronique. "Le syndrôme chinois" de J. Bridges ; Le film interprété notamment par Jane Fonda (connue pour son engagement anti guerre du Vietnam) décrit un accident dans une centrale nucléaire suite à des négligences sur les conditions et procédures de sécurité. L'hypothèse selon laquelle le réacteur entré en fusion pourrait s'enfoncer jusqu'au centre de la Terre est alors envisagée : c'est ce qu'on appelle le "syndrome chinois".


Affiche du "Syndrôme
chinois".

Par un nouvel hasard calamiteux du calendrier, une dizaine de jours plus tard, soit le 28 mars 1979, à 4 heures du matin, un important incident advient à la centrale de nucléaire civile de Three Mile Island en Pennsylvanie. C'est d'abord l'alimentation en eau des générateurs de vapeur qui se coupe, puis une défaillance humaine (l'opérateur a omis d’ouvrir les vannes) qui empêche l'alimentation en eau de secours de fonctionner. Il devient alors très difficile de refroidir le réacteur. Au total, 15 heures d'intervention seront nécessaires pour stabiliser la situation alors que 50% du coeur du réacteur a fondu sans toutefois briser la cuve de confinement.


Affaire Silkwood, "Syndrôme chinois", Three Mile Island : l'espace du débat public est envahi par le débat autour des risques du nucléaire. Cette préoccupation prend dans la chanson la place qu'elle occupe alors dans l'esprit des gens.

Le site de TMI (Three Mile Island) en Pennsylvanie.
Dans son texte introductif à la réédition pour son 25ème anniversaire de "London Calling" , Tom Vague cite deux influences littéraires majeures dans l'oeuvre des Clash : JG Ballard et Joseph Conrad.


Au milieu de cette année 1979, alors que les Boat People (9) quittent massivement le Vietnam, sort durant l'été une adaptation du livre de Conrad, "Au coeur des ténèbres" filmée par F. Ford Coppola et intitulée "Apocalypse now". Nul doute que ce tour de force cinématographique rentre dans l'univers des influences majeures des Clash. En la baptisant du nom des émissions de la BBC pendant la seconde guerre mondiale - "This is London Calling" - le groupe nous plonge, avec cette chanson, au coeur des ténèbres de la fin des 70's.




La carte ci dessous permet à l'aide des repères de se rendre sur les différents lieux cités dans l'article et d'obtenir quelques informations complémentaires.


Merci à Aug, Virginie et Anne Cécile pour l'aide apportée sur la traduction du texte.

Notes :
(1) L'album "London Calling" a très souvent été classé par des revues spécialisées comme un des albums les plus importants, les plus retentissants et autres palmarès du même type de l'histoire du rock.
(2) L'album comporte également un titre "Guns of Brixton" qui anticipe les grandes émeutes de Brixton, en 1981. Une présentation de ce titre est diponible sur l'histgeobox.
(3) De son vrai nom Nicholas Bowen Headon. Il intègre les Clash en 77 juste après l'enregistrement de leur premier album. Il quitte le groupe en 1982 en raison de son addiction à l'héroïne. On lui doit "Rock the Casbah" qu'il compose entièrement en 81.
(4) Cette photo très emblématique de la rage punk est une des plus célèbres de l'histoire du vinyl. Elle fut distinguée comme la meilleure photo de rock de tous les temps par le magazine musical "Q" en 2002.
(5) Le mouvement punk se résume souvent à l'une de ses devises "no future".
(6) En référence au documentaire de Julian Temple consacré à Joe Strummer et intitulé "The future is unwritten". (2007)
(7) Callaghan voyant la situation économique s'améliorer annonce que les élections générales ne seront pas convoquées de façon anticipées, espérant recueillir les fruits de cette amélioration dans les urnes.
(8) Un film inspiré de l'affaire K. Silkwood a été tourné avec Meryl Streep dans le rôle de Karen Silkwood. "Le mystère Silkwood" de M. Nichols (1983) retrace l'affaire jusqu'à l'accident fatal de la jeune femme.
(9) Le départ des Boat People du Vietnam devient massif à partir de 1976 lorsque le pays se réunifie. Les Clash ont écrit plusieurs titres sur le Vietnam et semblaient très sensibilisés au sujet.


Bibliographie :


Tom Vague : préface au livret de l'édition spéciale 25° anniversaire de "London Calling". L'édition est très riche puisqu'elle comprend le double album, les "vanilla tapes", donc les répétitions du Vanilla Studio pour le double album, un dvd et un livret.


ouvrages généraux :


Dister Alain, "L'âge du Rock", Découvertes Gallimard.
Dixon Keith, "Les évangélistes du marché", raisons d'agir.


Articles de presse et études disponibles sur le net :


Sur le contexte général politique et le "winter of discontent"


Sur Samarra : entretien avec Marc Lenormand à propos du "winter of discontent"


Un article de la BBC sur les élections générales de 79.
Un article de la BBC sur le "winter of discontent"
Un article du Guardian partant des mémoires de J. Callaghan.
Un autre article du Guardian sur les grèves du secteur public de 1979.
Une conférence de Colin Ray, Université de Sheffield, The "Winter of discontent" in British politics", 2009 (cliquer sur le texte "opening conférence")
Une autre conférence de B. Lemonnier, université de Paris X Nanterre, "L'Angleterre depuis 45 : les enjeux d'une histoire culturelle", 1997


Articles de presse sur les émeutes de Southall le 23 avril 1979.


Un documentaire en anglais court mais très pertinent avec une bande son de haute qualité.
Une de la BBC.
Un premier article d'archives tirés du Guardian sur les émeutes et Blair Peach, et un deuxième.
et un autre du Telegraph sur les évènements du 23 avril 79.


Articles de presse sur l'assassinet de Mountbatten :


Un article de la BBC sur l'assassinat de Lord Mountbatten par l'IRA et un du Guardian pour compléter.


Quelques explications sur l'accident de Three Mile Island assez techniques toutefois.