D'avril à juillet 1994, pendant cent jours, les massacres systématiques furent accomplis par l'armée, l'administration et une partie de la population, à l'initiative des autorités.
***
Les premiers habitants connus du Rwanda sont les Twas, des Pygmées. A la faveur des migrations, d'autres peuples s'installent dans la région et s'y mêlent. Très tôt, les termes de Hutu et Tutsi désignent les habitants en fonction de leurs catégories socioprofessionnelles (agriculteurs, éleveurs). Les Tutsi minoritaires sont identifiés à des éleveurs de gros bétail et les Hutus majoritaires à des cultivateurs.
Sous la domination coloniale, les deux castes socio-professionnelles sont transformées en ethnies. Lorsque les Allemands pénètrent au Rwanda à la fin des années 1890, le pays est dirigé par un roi (mwami) à la tête d'une aristocratie contrôlée par des Tutsi. Ces derniers sont rapidement considérés par les colonisateurs allemands, puis belges (1), comme les membres d'une "race" supérieure" faite pour gouverner" les hutu, perçus comme des cultivateurs frustres.
Cette catégorisation stricte de la population rwandaise ne tenait pas compte des réalités économiques et sociales du Rwanda. D'une part les activités agricoles étaient généralement associées (élevage et cultures), d'autre part, la masse des Tutsi vivait dans des conditions de pauvreté identiques à celle de la majorité des Hutu dont certains pouvaient d'ailleurs accéder à l'aristocratie. Surtout, cette classification "ethnique" faisait l'impasse sur l'essentiel: tous les habitants du Rwanda parlent la même langue (kinyarwanda), partagent les mêmes croyances et possèdent donc une histoire commune de plusieurs siècles. La politique suivie par les colonisateurs s'inspira d'un discours manichéen pseudo-scientifique développé dans la deuxième moitié du XIXe siècle. La vague classificatrice qui affectait alors les sciences européennes concerna toutes les espèces vivantes et aboutit à l'élaboration de théories racistes. Ainsi, à l'intérieur du continent africain, les populations furent hiérarchisées selon le degré plus ou moins poussé d'influences extérieures "blanches". Ainsi, le Français Gobineau évoquait dans son Essai sur l'inégalité des races humaines (1853-55) une ancienne "coulée blanche" venue civiliser l'Afrique tout en s'y abâtardissant. Cette invasion "civilisatrice" serait à l'origine de l'opposition irréductible entre "nègres" et "hamites". Ce modèle diffusionniste raciste marquera durablement l'historiographie africaniste. En 1930 encore, l'ethnologue Charles Seligman affirmait dans son ouvrage Races of Africa: "Les civilisations de l'Afrique sont les civilisations des Hamites [...] [qui] étaient des Caucasoïdes pastoraux arrivés vague après vague, mieux armés et d'esprit plus vif que les agriculteurs nègres à peau sombre".
Dans ce sillage, colonisateurs et missionnaires identifièrent la race de conquérants "hamites" aux Tutsi rwandais. (2) Cette "race de seigneur", originaire d'Éthiopie ou d'Asie selon les auteurs, y aurait imposé une féodalité pastorale aux cultivateurs autochtones hutu.
L'anthropométrie coloniale contribua à l'intériorisation du préjugé racial. Selon les spécialistes de l'Institut pour la Recherche Scientifique en Afrique centrale (IRSAC), les Tutsi se distingueraient par leur haute taille, la finesse de leur nez, leur beauté.
Dans les années 1930, l'inscription sur les papiers d'identité de la mention ethnique Tutsi, Hutu ou Twa, racialisa les rapports économiques et sociaux au sein de la société rwandaise.
Crédités d'une intelligence supérieure, les Tutsi furent "identifiés par essence à une couche sociale dirigeante" dont le statut de seigneur légitimait la domination sur la masse servile hutu. Cette vision cadrait "parfaitement avec le calcul colonial de l'utilisation des hiérarchies locales dans la gestion d'un pays dont la population était nombreuse et où les agents européens l'étaient peu." L’Église catholique fit également le choix de s'appuyer sur l'élite tutsi dont elle accueillait en priorité les enfants dans les écoles de missionnaires. C'est aussi parmi les Tutsi que les autorités coloniales recrutèrent les auxiliaires de l'administration. Le régime monarchique fut ainsi utilisé par les Allemands, puis les Belges comme une courroie de transmission du pouvoir colonial en vertu de la logique de "l'administration indirecte".
A partir de la fin des années 1950, dans le contexte de la décolonisation, un courant politique hutu nationaliste apparaît. Dès sa fondation, il se dresse prioritairement contre les privilèges tutsi et non contre le colonisateur belge. La critique sociale - légitime - se fonde d'emblée sur un racisme global antitutsi. Ainsi, en mars 1957, le Manifeste Bahutu reprend à son compte le discours racial hérité de la colonisation, considérant que Tutsi et Hutu appartiennent à des races distinctes. Selon les rédacteurs du manifeste, l'antagonisme n'est donc pas seulement social, mais aussi racial. Les Hutu sont victimes de discrimination car les Tutsi monopolisent tous les pouvoirs. Pour mettre un terme à cette situation, le Manifeste Bahutu réclame une réforme institutionnelle fondée sur le racisme, "sur le nombre (une majorité face à une minorité) et sur les origines (l'autochtonie face à une invasion extérieure) (...)."
En octobre 1959, un mouvement politique à base ethnique se constitue: le Parti pour l'émancipation des Bahutu (Parmehutu). En vertu d'un retournement de veste spectaculaire, l'organisation bénéficie d'emblée du soutien tacite de l’Église missionnaire et des autorités coloniales. (3) Pour le Parmehutu, le recours à la violence doit permettre la conscientisation des masses paysannes restées fidèles au régime monarchique tutsi. Aussi, la mort du mwami Mutara en 1959 et l'avènement du jeune roi Kigeri, constitue une occasion rêvée de renverser le régime en place. A la Toussaint 1959, une révolution dite "sociale" ouvre la voie à une sanglante recomposition politique qui aboutit au renversement du pouvoir de la minorité tutsi au profit de la majorité hutu, dont les membres se considèrent désormais comme les seuls "vrais Rwandais". Au fond, comme le notent J.P. Chrétien et M. Kabanda, "le paradoxe du '1789 rwandais' est d'avoir consolidé ces 'ordres' ethniques, en intervertissant leurs indices de valeur, au lieu de l'abolir." (cf: sources p 166)
Dans les bastions du Parmehutu, un "vent" (muyaga) de violences conduit aux premiers massacres de civils et incendies de cases. Les cibles en sont systématiquement les Tutsi, riches comme pauvres. Préparées et encadrées, les tueries précipitent de nombreux Tutsi (près de 8000) sur les routes de l'exil.
Totalement dépassée, l'administration coloniale envoie un "résident spécial" afin de restaurer l'autorité au Rwanda. A la tête de la troupe coloniale, le colonel Guy Logiest considère le "peuple Hutu" comme le légitime propriétaire du pays auquel s'oppose les Tutsi "qui surent si bien le parasiter qu'ils en firent leur esclave nourricier." Dès sa prise de fonction, l'officier belge brise l'opposition politique au Parmehutu, tout en démantelant les anciennes institutions indigènes. Des milliers de tutsi sont alors déplacés dans la région insalubre du sud-est du pays: le Bugesera.
Dans ce contexte de très vives tensions, les élections communales de juillet 1960 assurent le triomphe du Parmehutu. En janvier 1961, son principal dirigeant, Grégoire Kayinbanda proclame la république avec l'accord tacite de l'administration belge. Le 1er juillet 1962, la République du Rwanda accède à l'indépendance. Le nouveau régime politique, qui se définit comme une démocratie (demokarasi) exerce le pouvoir au nom du "peuple majoritaire" et organise les discriminations à l'égard de la minorité "féodale" tutsi.
En 1963, lorsque les récents exilés tutsi entreprennent une lutte armée, le gouvernement de Kayibanda riposte aux attaques par des représailles contre les Tutsi de l'intérieur. La répression brutale conduit à des exécutions sommaires (massacres de Gikongoro).
A la tête du Parmehutu, désormais parti unique, Kayibanda fait l'objet d'un culte de la personnalité obsédant et rafle tous les suffrages lors des "élections" (il recueille 99% des voix en 1969). Lorsque les critiques se font trop pressantes à l'encontre du régime, le pouvoir ressuscite la propagande antitutsi en guise d'épouvantail. En 1973 par exemple, un "Comité du Salut" expulse systématiquement les Tutsi des écoles et des emplois.
En juillet 1973, le général Juvénal Habyarimana renverse le président Kayibanda par un coup d’État militaire, avant de dissoudre le Parmehutu deux ans plus tard. La loi fondamentale promulguée en 1978 est porteuse d'une promesse d'unité et de réconciliation. Son article 16 garantit en effet l'égalité de tous les citoyens devant la loi, sans disctinction aucune. Pour gouverner, Habyarimana s'appuie sur un nouveau parti, le MRND (Mouvement révolutionnaire national pour le développement) dont le discours officiel a pour maître mot le "développement". Le nouveau régime repose toujours sur le contrôle serré de la population autour d'un parti unique dont les structures se confondent avec celles de l’État. En dépit des apparences, la discrimination raciale sévit toujours. La politique des quotas, censée garantir "l'équilibre ethnique" du pays, limite en fait les possibilités d'emploi ou de scolarisation des Tutsi, tout en contribuant à leur fichage.
Dans le même temps, les mesures prises par la IIème République rendent impossibles le retour des centaines de réfugiés tutsi alors installés dans les pays limitrophes (Tanzanie, Zaïre, Burundi, Ouganda). Dans le domaine éducatif, les programmes d'histoire se fondent toujours sur les mythes racistes hérités des décennies antérieures. Ainsi, sous des apparences débonnaires, la Deuxième République rwandaise entretient la diabolisation des Tutsi.
Extrait de la bande-dessinée Deogratias (Dupuis, 2000) de J.-P. Stassen. |
A l'aube des années 1990, la fin de la guerre froide entraîne une nouvelle donne internationale. L'argument de la menace soviétique ne peut plus être avancée par les autocrates africains. L'aide internationale est désormais conditionnée à la démocratisation des régimes politiques. Pour se maintenir au pouvoir, Habyarimana doit donc assouplir le sien, au moment où l'économie rwandaise s'essouffle, provoquant de vives tensions sociales.
En juillet 1990, Habyarimana demande l'ouverture du pays au multipartisme. Sept nouvelles formations politiques apparaissent. Les partis d'opposition classiques côtoient des formations extrémistes violentes telles que la Coalition pour la Défense de la République (CDR) au discours antitutsi véhément. Le champ politique se radicalise sous le regard des autorités internationales.
Cette accélération de la mutation politique se fait sous la pression militaire des maquisards du Front patriotique rwandais (FPR). Créé en 1987 en Ouganda, ce mouvement de guérilla tutsi (4) rassemble des exilés rwandais, bien décidés à renverser le régime chancelant de Habyarimana. (5) Le 1 er octobre 1990, les soldats du FPR attaquent dans le nord-est du Rwanda; c'est le début de la guerre civile. L'offensive patine, les soldats du FPR sont arrêtés par les forces armées rwandaises (FAR) soutenues par leurs alliés français et belges. Au lendemain de l'attaque du FPR, des milliers de Tutsi sont arrêtés. Dès lors, la guerre civile, qui se poursuit, suscite " une course contre la montre entre une logique de compromis, de recherche de la paix et de démocratisation et une logique de guerre et de recours systématique à la haine Tutsi." [cf: J.P. Chrétien, M. Kabanda]
Des négociations s'ouvrent entre les autorités rwandaises et le FPR, sous l’œil des observateurs internationaux. Les discussions aboutissent finalement à la signature des accords de paix d'Arusha, en août 1993. Les accords préconisent le rapatriement des réfugiés, le retour du FPR dans le jeu politique et la mise en place d'un gouvernement de transition. Une mission des Nations Unies pour l'Assistance au Rwanda (MINUAR) supervise l'opération à l'aide de 2 500 hommes.
L'application des accords est toutefois entravée par les autorités rwandaises, activement soutenues par les médias et par les partisans du Hutu Power, une idéologie anti-Tutsi extrémiste en plein essor. (6)
Au printemps 1993, des massacres de Tutsi reprennent dans plusieurs régions. Ces tueries sont le fruit de la froide détermination politique du régime de Habyarimana, alors bien implanté et consolidé par l'assistance étrangère. Les massacres planifiés (de Bagogwe ou du Bugesera) fonctionnent comme autant des répétitions générales du génocide à venir et s'inscrivent dans la mise en condition calculée de la population.
Une du bimensuel Kangura, novembre 1991. "Quelles armes prendrons-nous pour vaincre définitivement les cafards?" |
L'akazu -aakazu akazuakaakazuakazu la clique présidentielle - et les extrémistes du MRND s'emploient à réactiver la vision binaire de la société fondée sur le clivage hutu-tutsi. Dès lors une surenchère raciste apparaît entre les formations politiques extrémistes en pleine mutation. (7) Un intense travail de conscientisation active incite les partisans à se débarrasser des cafards tutsi (inyenzi-ntutsi).
Pour relancer le corpus idéologique racial, les autorités s'appuient sur la floraison des nouveaux médias, permise par la liberté d'expression enfin accordée. Une presse extrémiste contribue alors à forger la propagande conduisant au génocide. Le bimensuel Kangura ("Réveille!") se distingue par ses contenus abjects. Les rédacteurs insistent à longueur d'articles sur la primauté de l'identité "ethnique". En décembre 1990, Kangura publie les "Dix commandements des BaHutu". Ce décalogue de la haine fustige la duplicité congénitale des Tutsi, en particulier des femmes. Il exige des Hutu qu'ils restent solidaires face aux complots fomentés dans l'ombre par les "cafards". Dans cette perspective, Kangura réclame l'instauration d'un totalitarisme ethnique et la mise en sommeil du multipartisme, envisagé comme une source de division.
A partir de juillet 1993, les extrémistes s'appuient sur un redoutable outil de propagande: la "Radio-télévision libre des mille collines" (RTLM). Dans un pays où l'analphabétisme est très important, s'informer se limite en général à l'écoute de la radio, ce qui fait du média le principal moyen de diffusion d'idées. Le ton interactif et la musique programmée séduisent très vite un large auditoire. Installée au cœur de Kigali, la RTLM émet sur la quasi totalité du territoire. Entre deux programmes enjoués, des mots assassins se font entendre subrepticement. Les animateurs réclament l'éradication des "cafards"/Tutsi. Dans le même temps, leurs critiques se portent aussi contre les hutu favorables à l'application des accords d'Arusha et contre leurs signataires, en particulier Agathe Uwilingiyimana, le premier ministre. A son propos, l'animateur raille, puis menace:"De plus en plus, le premier ministre semble faire partie du FPR et non du gouvernement rwandais qu'elle garde de se (sic) réunir. Elle répète, comme un fidèle et zélé allié, les prises de position des inkotaniy. Pourquoi ne la remplace-t-on pas par un perroquet? Il coûterait nettement moins cher. Son entretien se résumerait à quelques arachides, plutôt que les un million cinq cent mille francs mensuels qu'on lui verse. Vraiment, il paraît clair maintenant que son départ est nécessaire..." ... Agathe Uwilingiyimana et son mari compteront parmi les premières victimes des massacres.
La RTLM prophétise depuis plusieurs mois une action contre les hutu préparée par les Tutsi. On distille ainsi la peur et le complot tout en préparant les âmes à répondre à toute agression. La station multiplie les pseudo-révélations alarmistes. Adeptes de "l'accusation en miroir", les animateurs prophétisent de sanglants massacres dont les auteurs seraient le FPR et ses complices. (8) Zélés porte-voix du cercle présidentiel, ils entretiennent à longueur d'émissions un climat de haine raciste et font du Tutsi le responsable de tous les maux. En créant un climat de panique, ces fausses nouvelles participent à une vaste campagne d'intoxication. Au début du mois d'avril 1994, le présentateur fait des annonces étonnantes et sous-entend que quelque chose va se passer à Kigali. "Les zulus ne vont pas vous épargner. Ils sont vaillants. Les Tutsi furieux, les Tutsi furieux du Front Patriotique Rwandais veulent s'emparer du pouvoir et le prendre avec des armes. Ils veulent faire quelque chose en ce jour de Pâques. Ils disent qu'ils ont des dates. Dans le FPR, on a des complices, ils nous ont dit que le 3, le 4 et le 5, il se passera quelque chose dans la ville de Kigali, même le 7 et le 8. Trouvez donc des armes à feu ou des grenades. Tout ça, c'est à cause des Tutsi qui foutent le bordel!"
Le 6 avril 1994, l'avion du président rwandais Habyarimana est abattu. A ce jour, les circonstances du drame ne sont toujours pas clairement élucidées. L'événement sert en tout cas de prétexte pour entamer l'extermination des Tutsi que la RTLM et Kangura proposent depuis des mois à l'opinion publique comme de parfaits boucs émissaires. Dès le 7 avril, les extrémistes hutu prennent les rênes du pouvoir avec à leur tête le colonel Bakossora.
Les combats se poursuivent sur le front entre le FPR et les FAR, mais à l'intérieur du pays, une action programmée, préméditée se prépare.
Photographies de victimes du génocide. Mémorial du génocide à Kigali. |
C°: Entre avril et juillet 1994, entre 800 000 et un million de personnes sont exterminées, soit les trois quart de la population tutsi. Comme nous venons de le démontrer, les fondements idéologiques du génocide s'inspirent d'un modèle racial fondé sur des typologies héritées du XIXème siècle et sur une fiction des origines. Perpétré en 1994, le génocide a été soigneusement planifié par l'Etat, qui a mobilisé l'armée, l'administration, ainsi qu'une partie de la population civile hutu. Ces massacres d'une ampleur considérable feront l'objet d'un prochain billet.
Notes:
1. Rwanda et Burundi faisaient partie de l'Afrique orientale allemande jusqu'à ce que la SDN les réunisse en un territoire sous mandat confié à la Belgique après le démantèlement de l'empire colonial allemand.
2. Les autorités coloniales entretiennent des relations très ambivalente avec les Tutsi. Considérés comme une race supérieure aux autres Africains en beauté et en intelligence, ces derniers sont dans le même temps soupçonnés de fourberie.
3. Par anticommunisme, l'épiscopat accorde son soutien au Parmehutu au détriment de l'Union Nationale rwandaise (UNAR). En raison de sa proximité avec les nationalistes congolais, cette dernière est en effet considérée comme inféodée à l'URSS.
4. Le FPR comprend aussi des dissidents politiques hutu.
5. Disséminés dans les pays voisins du Rwanda, les réfugiés tutsi sont alors près de 600 000.
6. L'assassinat du président hutu du Burundi, tué par des rebelles militaires tutsi, est aussitôt instrumentalisé par les partisans du "hutu power".
7. Un nouveau parti extrémiste formé par des cadres du régime en place apparaît: la "Coalition pour la défense de la République" (CDR).Le parti présidentiel (MRND) crée en son sein un mouvement de jeunesse appelé à devenir une milice sous le nom de interahamwe.
8. "L'accusation en miroir" consiste à imputer aux adversaires les intentions que l'on a soi-même."
Avec le titre Rwanda, le rappeur nantais BlackSad nous plonge au cœur du drame. Un enfant y narre une nuit d'horreur, celle au cours de laquelle ses parents furent massacrés par des familiers (le tailleur, le coiffeur). Installé à l'étage, l'enfant ne perçoit que des bruits menaçants et des cris. Les allusions des tueurs aux Tutsi lui échappent ("paraît que la maison est pleine de cafards"). AU bout du compte, il ne comprend pas (mais il n'y a rien à comprendre). "Est-ce que les cafards c'étaient nous? Je comprends pas.
Paraît qu'j'suis Tutsi, mais moi j'y connais rien... j'suis tout petit."
BlackSad:"Rwanda"
"J'étais à l'étage en train de déguster un laitage alléchant quand,
du boucan à l'entrée m'a fait oublier mon festin et mon bouquin.
Je ne sais plus à quelle heure mais des gens ont débarqué chez moi plein de colère.
J'ai reconnu des voix, celle du tailleur de mon père, celle du coiffeur de ma mère.
Il y avait plein de collègues à eux.
Paraît que la maison est pleine de cafards et qu'ils savent quoi faire.
Moi j'ai jamais vu mon père chasser la blatte à la machette.
Ma mère pleurait et moi, apeuré, j'ai gagné à la hâte ma cachette.
C'était pas de la blague.
Je vais sûrement passer pour un gosse bête mais, sur le moment,
j'ai pensé qu'il s'agissait de grosses bêtes.
Je suis dans le bad. En bas on dirait que les grands se battent.
Tous crient.
Paraît que j'suis Tutsi mais moi j'comprends rien... j'suis tout petit.
Certains rient, mais mes parents prient et moi, rempli de peur, j'allais les rejoindre
quand la bonne est venue m'enjoindre de rester caché.
Non c'était pas un jeu, j'ai vu dans ses yeux que j'étais en danger,
donc j'ai nachave sous le lit.
Cent jours plus tard, l'ONU parlera de génocide, mais je les cite:
"Dans ces pays là, c'est pas bien grave."
Papa est mort en brave, maman dans ses bras priait pour qu'on l'épargne.
Le premier coup de machette lui brisa net la mâchoire.
Alors elle pria pour que son calvaire s'achève
C'est sur son crâne que le second coup vint choir
Plus d'échappatoire, plus de choix, alors elle pria pour que, moi,
la chair de sa chair, je m'échappe.
Mais, égrainer le chapelet toute son existence, ne permet pas d'échapper à d'affreuses souffrances.
Les prêtres mentent apparemment
J'entends des pas qui montent, mais c'est pas maman dans l'escalier.
Est-ce que les cafards c'étaient nous?
Je comprends pas.
Paraît qu'j'suis Tutsi, mais moi j'y connais rien... j'suis tout petit."
[court interlude musical et on entend un homme dont on comprend qu'il est un ancien tueur ]" On nous a dit qu'il fallait tuer les Tutsi. J'avais une machette et un gourdin. Quand je pense à tous ces gens qui sont morts alors qu'il n'y avait pas de problèmes entre nous... Tout cela me fait mal, je regrette et j'ai des remords et je demande toujours à Dieu de me pardonner."
Liens:
- Jean-Pierre Chrétien et Marcel Kabanda: "Rwanda. Racisme et génocide. L'idéologie hamitique", Belin, 2013. Remarquable synthèse sur le génocide des Tutsi, doublée d'une excellente mise en perspective historique.
- Jean-Pierre Chrétien:"Un demi-siècle de racisme officiel", in L'Histoire n°396, février 2014.
- une sélection de liens sur le génocide.
- Affaires sensibles (France Inter): "1994: le génocide des Tutsis au Rwanda - la mort hors-champ."
- RFI: "Aux origines du génocide".
- La Marche de l'histoire (France Inter):"Radio Mille Collines, le média génocidaire."
- Mémorial de la Shoah: "Rwanda 1994: le génocide des Tutsi".
- Le blog Thucydide propose une série de billets très intéressants sur le génocide et sa genèse: période pré-coloniale, coloniale, les républiques hutu, les années terribles, cent jours en enfer.
Pour aller plus loin:
"L'écriture sereine de Scholastique Mukasonga, empreinte de poésie et d'humour, gravite inlassablement autour de l'indicible, l'astre noir du génocide", peut-on lire sur la quatrième de couverture d'un de ses ouvrages. Nous ne saurions mieux dire. Nous conseillons tout particulièrement la lecture de son roman: "Notre-Dame du Nil".
L'histoire se déroule au début des années 1970, non loin des sources du Nil, dans un lycée de jeune fille - Notre-Dame du Nil - dont les membres sont destinés à former l'élite féminine du pays. En vertu de la politique des quotas, une poignée de lycéennes tutsi y sont acceptées. Perché en altitude, l'établissement scolaire est présenté comme un havre de paix, éloigné des danger du monde extérieur. La romancière fait pourtant du lycée, le microcosme du Rwanda des années 1970. Dans le huis-clos de Notre-Dame du Nil, le lecteur décèle les prodromes du génocide à venir.
- Les petits miquets: Le génocide raconté en bande-dessinée.
- Sur un de ses blogs, Aug consacre un dossier au génocide, avec notamment une chronologie et une interview de Jean Haztzfeld.
- La page Facebook de BlackSad.
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