Les activités humaines - transport, industrie, agriculture, déforestation, habitation - utilisent massivement des énergies fossiles (1), contribuant à émettre beaucoup de dioxyde de carbone (CO²), de méthane (CH4), de protoxyde d'azote (N2O) dans l'atmosphère. Ces derniers engendrent un effet de serre additionnel, contribuant à l'augmentation de la température de l’air et des océans. Les perturbations provoquées sur le cycle de l’eau ont des conséquences multiples, comme la recrudescence des sécheresses, crues, incendies, cyclones toujours plus intenses. (2)
Le climat n'a cessé de se transformer et d'évoluer au cours de l'histoire, mais depuis l'entrée dans l'anthropocène, les modifications tiennent du bouleversement, en raison de leur rapidité et de leur acuité. Ces modifications sont observées à la loupe par les scientifiques mandatés par l'ONU depuis 1988 dans le cadre du GIEC. Les observations attestent d'un réchauffement avec l'entrée dans l'Age industriel (+ 0,6 °C au XXe
siècle) et une accélération de celui-ci depuis les années 1970 (en
moyenne + 0,17 °C par décennie). Sur tous les continents, les glaciers fondent de manière accélérée, tout comme la banquise arctique. La masse des calottes glaciaires du Groenland et de l'Antarctique diminue également. Dans ces conditions, la mer est montée d'une quinzaine de centimètres en un siècle.
Les spécialistes alertent sur les multiples conséquences du réchauffement, avec, entre autres, la disparition de nombreuses espèces. Dans les océans, qui absorbent un quart du Co², la dissolution du gaz contribue à l'acidification et à la baisse du pH, rendant difficile la formation des coquilles de micro-organismes à la base de la chaîne alimentaire. Ainsi, la raréfaction du zooplancton et du phytoplancton risquent de fragiliser la biodiversité marine. Pour les humains, les implications sont immenses. Prenons quelques exemples:
> Au Bangladesh, la montée des eaux et ses corollaires (inondations, érosion littorale) contraignent des milliers de familles à déménager à l'intérieur des terres ou dans des zones protégées. Une nouvelle catégorie de migrants, qualifiés de "climatiques", voit ainsi le jour.
>Les îles basses (Kiribati, Marshall) et les atolls risquent la submersion. Or, 4 millions de personnes y vivent.
>Dans le Sahel et en Afrique australe, le réchauffement accroît la sécheresse et la désertification d'une zone déjà très aride.
>Les épisodes caniculaires de plus en plus intenses affectent régulièrement 30% de la population mondiale, et dégradent la santé de millions de personnes.
> En Californie, Australie, Indonésie, mais aussi en Sibérie ou en Amazonie brésilienne, chaleur et sécheresse accrues provoquent une recrudescence des méga-feux, encore aggravés par la déforestation.
NASA’s Scientific Visualization Studio, Key and Title by uploader (Eric Fisk), CC BY-SA 4.0 via Wikimedia Commons |
La prise de conscience du réchauffement climatique au sein de la communauté internationale apparaît dans les années 1970/1980
et s'inscrit dans un contexte plus général de réflexion sur les risques
environnementaux engendrés par le modèle de croissance des sociétés
industrielles. 1988 voit la création du Groupe d'experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat. Des scientifiques sont chargés d'étudier le changement climatique, ses causes, ses effets et les stratégies pour l'atténuer. En 1992, le sommet de la Terre de Rio constitue un tournant important. Pour la première fois, les États s'engagent dans des actions concrètes contre le réchauffement par la tenue régulière de Conférences des parties ou COP.
Le protocole de Kyoto de 1997 aboutit aux premières mesures contraignantes de réduction des émissions de GES. Signé par 195 États, la COP21 de Paris en 2015 fixe un cadre universel de coopération internationale pour limiter le
réchauffement climatique. L'accord fixe un objectif global : une limitation du réchauffement mondial entre 1,5 °C et 2 °C d'ici 2100. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres
et beaucoup de gros pollueurs se contentent de parapher l'accord, sans
que la promesse ne soit suivie d'effet. Moins de 10 % des pays signataires respectent les objectifs qu'ils se sont assignés!
Mégafeu californien en 2020. Eddiem360, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons |
La gouvernance climatique implique désormais des acteurs diversifiés :
acteurs institutionnels (États, grandes métropoles organisées en C40,
groupes d'États comme les États insulaires directement concernés par la
montée des eaux), acteurs non institutionnels (FMN, ONG, présentes et
réactives lors des sommets pour le climat), institutions
multilatérales (FMI et Banque mondiale pour le financement), syndicats, entreprises, pouvoirs locaux, scientifiques, chercheurs et experts... Ce système de pilotage, inclusif et représentatif, connaît de nombreux obstacles liés aux
difficultés à changer de modèle économique et de consommation, ainsi qu'aux inégalités de développement immense à l'échelle planétaire. L'absence de mise en œuvre d'une politique globale efficace de lutte contre le réchauffement climatique est aussi liée à l'accession ou la perpétuation au pouvoir de dictateurs et de populistes dans des États continents, peu soucieux de préserver les ressources naturelles (États-Unis de Trump, Russie de Poutine, Brésil de Bolsonaro, Chine de Xi Jinping...). Or les dérèglements n'affectent pas
de la même manière les habitants de la Terre. Incommodés par une chaleur
excessive, certains allument leur clim' quand d'autres se réfugient à l'ombre des ponts. La vulnérabilité des États face au réchauffement dépend largement du niveau de développement. En Asie du Sud, en Afrique subsaharienne et en Amérique latine, les catastrophes climatiques sont d'autant plus dévastatrices qu'elles se combinent à la pauvreté et à l'absence d'infrastructures de secours et de santé. Cet état de fait s'avère particulièrement injuste, dans la mesure où ces États, qui ne produisent que peu de gaz à effet de serre, subissent les conséquences des émissions massives des pays les plus développés (Chine, États-Unis, Union européenne, Russie, Japon).
Désormais, seuls les crétins congénitaux (c'est pas de leur faute) ou les ultraconservateurs patentés (eux n'ont aucune excuse) contestent encore la réalité de l'augmentation des températures terrestres. Problème, les climatosceptiques sont nombreux et souvent très influents ou puissants. A peine élu, Donald Trump avait fait disparaître toute référence au réchauffement sur le site internet officiel de la Maison Blanche. En cassant le thermomètre, les climatosceptiques croient conjurer un phénomène qu'ils présentent comme une théorie infondée ou une opinion parmi d'autres. Ils contestent la réalité globale du réchauffement ou n'acceptent de l'envisager que comme l'un des épisodes multiséculaires des variations climatiques. Ce faisant, ils nient la notion d'anthropocène. Des questionnements demeurent sur les solutions les plus efficaces, mais le déni du réchauffement est désormais impossible. La succession des rapports alarmistes du GIEC, fondés sur des observations scientifiques et des relevés climatiques, ne laissent aucune place au doute: la banquise fond, la mer monte, tout comme les niveaux de CO² dans l'atmosphère...
Les engagements pris lors des COP restent largement lettre morte, au grand dam de sociétés fortement mobilisées. Dans de nombreux pays, la jeunesse sonne le tocsin et appelle de ses vœux des engagements concrets et immédiats.
Un combat porte mieux quand il est incarné. A la rentrée 2018, une jeune Suédoise de 15 ans, Greta Thunberg, débute une grève de l'école pour le climat. Elle est rejointe par d'autres élèves inquiets pour l'avenir la planète. Bientôt l'initiative se mondialise. Deux-cent-soixante-dix villes à travers le monde accueillent des "marches pour le climat". En l’espace de quelques mois, Greta devient une icône planétaire et la porte-parole de millions de jeunes qui veulent faire de demain un monde meilleur, en tout cas "moins pire".
A l'invitation d'institutions ou de dirigeants politiques, la jeune activiste multiplie les prises de paroles d'ampleur: à la conférence de Katowice sur le climat (COP 24), au Forum économique mondial de Davos, devant les parlements européen, britannique et français... Le 23 septembre 2019, à l'invitation d'Antonio Guterres, secrétaire général de l'ONU, Greta prononce un discours lors du sommet Action climat organisé avant l'Assemblée générale annuelle des Nations unies. D'un ton rageur et d'une voix plaintive, la jeune femme y interpelle les dirigeants de la planète, dont l'inaction contribue à aggraver le changement climatique:
"Ce n'est pas normal. Je ne devrais pas être ici, mais à l'école de l'autre coté de l'océan. Et pourtant vous venez nous demander, à nous les jeunes, d'espérer. Comment osez-vous? Vous avez volé mes rêves et mon enfance avec vos mots creux. Et encore, je fais partie des plus chanceux !
Des gens souffrent, des gens meurent, des écosystèmes entiers s'effondrent. Nous sommes au début d'une extinction de masse. Et tout ce dont vous parlez c'est d'argent, du conte de fées d'une croissance éternelle. Comment osez-vous? Depuis plus de 30 ans, la science est parfaitement claire. Comment osez-vous encore regarder ailleurs ? Vous venez ici pour dire que vous faites assez, alors que les politiques et les actions nécessaires sont inexistantes.Vous dites que vous nous entendez et que vous comprenez l'urgence,
mais peu importe que je sois triste ou énervée, je ne veux pas
croire à cela. Car si vous comprenez vraiment la situation, tout en continuant
d'échouer à agir, alors vous êtes mauvais, et je refuse de croire que vous l'êtes. (...)
Vous nous laissez tomber. Mais les jeunes commencent à voir votre trahison. Les yeux de toutes les générations futures sont tournés vers vous. Et si vous décidez de nous laisser tomber, je vous le dis : nous ne vous pardonnerons jamais ! Nous ne vous laisserons pas vous en sortir. Nous mettons une limite, ici et maintenant : le monde se réveille et le changement arrive, que cela vous plaise ou non. Merci !"
Le discours a un retentissement médiatique immense. Taxée de "prophétesse en culottes courtes", de "gourou apocalyptique", la jeune femme a de nombreux détracteurs. "Pour ceux que la crise climatique dérange, les synthèses du GIEC sont également plus difficiles à attaquer. Greta offre en revanche une cible de choix pour remettre en question la thématique du réchauffement. (...) Là où le GIEC propose une gamme de scénarios, la militante fait résonner plus nettement la menace de la catastrophe", rappelle André Gunthert. Parmi les militants écologistes, l'action de Thunberg suscite parfois de vives critiques. La personnalisation de la lutte serait contreproductive. On lui reproche d'être un objet marketing, en partie instrumentalisé par les tenants du greenwashing. D'autres louent au contraire "l'effet Greta", cette capacité de la Suédoise à mettre la question du réchauffement climatique au centre des débats. Pour André Gunthert, "Voir Greta en nouvelle Méduse, c’est faire l’expérience de l’effroi – non devant la messagère, mais face à son message. Or, cette trouille est bien la première étape de la confrontation à une crise dont nul ne perçoit l’issue – que Greta Thunberg a elle-même traversé. Sa détermination suggère que la perspective de l’effondrement n’implique pas de baisser les bras. Au contraire." (source A)
L'hypermédiatisation transforme Thunberg en égérie de la lutte contre le réchauffement et en figure de la pop culture. Les mots de Greta se déclinent en musique comme le prouvent les multiples déclinaisons du discours à la sauce death metal , dance, symphonique ou n'importe quoi. La version la plus fameuse est sans doute celle du DJ britannique Fatboy Slim. Le 4 octobre 2019, lors d'un concert donné à Gateshead au Royaume-Uni, il adapte son tube planétaire Right Here, Right Now aux urgences de l'heure. La nouvelle mouture du morceau insère le discours de la militante suédoise en arrière plan de la boucle musicale.
C°: Le changement climatique anthropique est devenu un sujet permanent des négociations multilatérales, mais l'absence de freinage de la croissance à moyen terme ou de remise en question du productivisme, laissent mal augurer de l'avenir. Le changement n'est pas pour ici ni maintenant.
Notes:
1. Les énergies fossiles sont le charbon, le pétrole et le gaz naturel, principalement utilisés dans les bâtiments, les transports et l'industrie. Ces énergies émettent du CO² lors de la combustion.
2. Les cyclones sont alimentés par l'énergie des eaux chaudes à la surface des océans. Leur puissance augmente à cause du changement climatique. Sécheresses et canicules alimentent, quant à elles, des méga-feux.
Sources:
A. "Greta, un air de fin du monde", L'image sociale, le cahier de recherche d'André Gunthert.
B. Emilie Aubry et Frank Tétart: "Le Dessous des Cartes. le monde mis à nu.", Tallandier, Arte éditions, 2021
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire