L'histgeobox dispose désormais d'un podcast diffusé sur différentes plateformes. Ce billet fait l'objet d'une émission à écouter ci-dessous:
Au début de l'année 1968, la guerre du Vietnam s'est transformée en un bourbier. (1) Le conflit a totalement échappé au contrôle de Lyndon B. Johnson. Les sommes considérables englouties dans les combats obligent le président à rogner sur les budgets de la Grande Société, son ambitieux programme de réformes sociales censé faire reculer la pauvreté. En dépit de l'importance des effectifs engagés et des bombardements massifs, de vastes zones du Sud-Vietnam demeurent aux mains du Vietcong. (2) De peur de voir la Chine ou l'URSS intervenir directement, le président américain se refuse à lancer de vastes opérations au Nord-Vietnam. En janvier 1968, lors de l'offensive du Têt, les troupes nord-coréennes, renforcées par les maquisards du Viêtcong déclenchent une vaste offensive à l'occasion du festivités du jour de l'an vietnamien. Des commandos parviennent alors à pénétrer dans les jardins de l'ambassade américaine. L'offensive du Têt se solde finalement par un échec, mais les images et reportages diffusés par les médias américains bouleversent l'opinion publique américaine et internationale. Pendant quelques jours, "les journalistes et les Américains reçoivent [...] des images en direct, par satellite, alors que jusque là les bobines de films arrivaient par avion et étaient montées par les rédactions en chef qui pouvaient éliminer les images choquantes. Pour une fois, la guerre entre dans les foyers: les images des blessés et des destructions sont bouleversantes." [Source A p 263] Une victoire
sur le terrain paraît désormais peu probable comme le suggère d'ailleurs Walter Cronkite, l'éditorialiste vedette de CBS lors d'un de ses reportages à Saïgon:"La seule conclusion réaliste, si peu satisfaisante qu'elle soit, est que nous sommes coincés dans une impasse."
Le nouveau secrétaire à la Défense, Clark Clifford exprime ses doutes au président: "On dirait que nous sommes devant un puits sans fond. Nous envoyons plus d'hommes, ils en font autant. Nous augmentons encore, ils font de même. Je vois de plus en plus de combats avec de plus en plus de pertes américaines, sans issue en vue."
Le nouveau secrétaire à la Défense, Clark Clifford exprime ses doutes au président: "On dirait que nous sommes devant un puits sans fond. Nous envoyons plus d'hommes, ils en font autant. Nous augmentons encore, ils font de même. Je vois de plus en plus de combats avec de plus en plus de pertes américaines, sans issue en vue."
LBJ décore un soldat blessé.[ Unknown author, Public domain, Wikimedia Commons | ] |
Le nombre d'opposants à la guerre enfle; les critiques se multiplient et les manifestations prennent une ampleur sans précédent. Les jeunes appelés brûlent leurs livrets militaires, tandis que les défilés de protestation pèsent désormais sur tous les déplacements présidentiels.
Parmi les militants antiguerre, les Afro américains cherchent à se faire entendre. Les griefs ne
manquent pas. Le système de conscription s’avère très
injuste car il envoie un nombre disproportionné d’entre eux au front.
Surreprésentés aux postes de combat, ils subissent plus de pertes que les
Blancs: 22% des soldats tués en 1966 sont noirs alors qu’ils représentent 12,5
% des effectifs globaux. Le traitement inégalitaire et le racisme subis au sein des unités cantonnent les Afro américain aux postes
subalternes. Le coût de la guerre empêche la réalisation des programmes sociaux
aux Etats-Unis, ce que dénonce avec force Martin Luther King, dans un discours en 1967. (3)
En février 1970, Martha and the Vandellas dénoncent l’hypocrisie américaine dans « I should be proud », une protest song écrite par Henry Cosby, Pam Sawyer et Joe Hinton. La narratrice raconte le choc reçu à la réception d’un télégramme lui annonçant que "le soldat de deuxième classe John C. Miller a été abattu au Vietnam". Pour les autorités, les médias, l’entourage, la victime a combattu pour défendre la liberté et la patrie. "Et ils disent que je devrais être fière, il s'est battu pour moi / ils disent que je devrais être fière."Pour sa veuve, au contraire, John C. Miller a été sacrifié par une société violente, raciste, inégalitaire. "Ceux-là sont trop aveugles pour voir. / Il ne combattait pas pour moi, mon Johnny n'avait pas à combattre pour moi. / Il est une victime des maux de la société"
En février 1970, Martha and the Vandellas dénoncent l’hypocrisie américaine dans « I should be proud », une protest song écrite par Henry Cosby, Pam Sawyer et Joe Hinton. La narratrice raconte le choc reçu à la réception d’un télégramme lui annonçant que "le soldat de deuxième classe John C. Miller a été abattu au Vietnam". Pour les autorités, les médias, l’entourage, la victime a combattu pour défendre la liberté et la patrie. "Et ils disent que je devrais être fière, il s'est battu pour moi / ils disent que je devrais être fière."Pour sa veuve, au contraire, John C. Miller a été sacrifié par une société violente, raciste, inégalitaire. "Ceux-là sont trop aveugles pour voir. / Il ne combattait pas pour moi, mon Johnny n'avait pas à combattre pour moi. / Il est une victime des maux de la société"
Le morceau marque les
prémisses de l’engagement du label Motown, dont le patron Berry Gordy se
targuait jusque-là de ne pas faire de politique. Pour la chanteuse, qui a perdu
son frère Melvin au Vietnam, le morceau revêt une importance particulière. La
chanson n’a pas de succès, ce qui est très injuste tant la voix de Martha
Reeves, les chœurs des Vandellas, le son, puissant, enraciné, dynamique, si
caractéristique du label de Detroit, subjuguent l’auditeur dès les premières
notes.
Notes:
1. La
guerre autorise les pires atrocités. Les bombardements massifs
perpétrés par l'US Air force prennent l’allure d’un déluge de feu (plus
de 7 millions de bombes sont larguées entre 1964 et 1972) et touchent
les populations civiles. Sur la photographie de Huynh Cong Ut, les
bombardements au napalm (produit dérivé de l’essence utilisé dans les
bombes incendiaires) provoquent la fuite désespérée d’enfants blessés. Le
bilan humain de la guerre est très lourd : côté américain, 58 000 morts
et 300 000 blessés, côté vietnamien, entre 1 et 3 millions de morts et 4
millions de blessés (sans compter les destructions et les traumatismes
psychologiques).
2. D'un
strict point de vue technologique, l'US army est sans rivale, mais
l'adversaire nord-vietnamien oppose à cette supériorité matérielle les
techniques de la guérilla, ainsi que l'excellente connaissance du
terrain. Dissimulés dans la jungle, ils évitent toute confrontation
directe avec les GI's. Pour ravitailler le Vietcong, ils utilisent la
piste Hô Chi Minh depuis le Nord-Vietnam, violant ainsi la neutralité du
Laos et du Cambodge.
3. Le
coût humain et financier du conflit paraît désormais insupportable.
L'intervention américaine semble totalement illégitime et a un impact
très négatif sur l'opinion publique aux Etats-Unis et dans le monde
entier.
Le 31 mars, le Président Johnson annonce « la désescalade du conflit » au
Vietnam. L’armée américaine se désengage partiellement, tout en continuant à appuyer le Sud-Vietnam. A l'issue de son discours, le président sortant annonce qu'il renonce à se présenter aux élections présidentielles.
Alors que plus de 500 000 soldats américains étaient engagés dans la guerre en 1968, ils ne sont plus que 156 000 fin 1971 et 27 000 fin 1972. Le successeur de Johnson, le républicain Nixon accentue la « vietnamisation » du conflit, c'est-à-dire le remplacement des unités américaines par des unités sud-vietnamiennes armées par les États-Unis. Cependant, les bombardements se poursuivent et s’intensifient, y compris sur la piste Hô Chi Minh. Le 27 janvier 1973, au terme des accords de Paris, les États-Unis quittent définitivement le conflit.
Sources:
A. Jacques Portes:"Lyndon Johnson. Le paradoxe américain.", Biographie Payot, 2007.
Alors que plus de 500 000 soldats américains étaient engagés dans la guerre en 1968, ils ne sont plus que 156 000 fin 1971 et 27 000 fin 1972. Le successeur de Johnson, le républicain Nixon accentue la « vietnamisation » du conflit, c'est-à-dire le remplacement des unités américaines par des unités sud-vietnamiennes armées par les États-Unis. Cependant, les bombardements se poursuivent et s’intensifient, y compris sur la piste Hô Chi Minh. Le 27 janvier 1973, au terme des accords de Paris, les États-Unis quittent définitivement le conflit.
Sources:
A. Jacques Portes:"Lyndon Johnson. Le paradoxe américain.", Biographie Payot, 2007.
B. Les paroles de la chanson.
C. Dorian Lynskey: "33 Révolutions Par Minute - Une Histoire de la contestation en 33 chansons", Rivages rouge, 2012.
D. Gerri Hirshey: "Nowhere to Run. Etoiles de la Soul & du Rhythm & Blues", Rivages, 2013.
E. "La bande son du Vietnam" par Patrick Peccatte.
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