"Dans le coin, c’est l’Oise qui coule l’ami / Pas le Danube, ni le Mississipi / Ici c’est Cergy" L'Axe majeur vu depuis l'Oise. (photo: Blot) |
Dans le contexte de la crise du logement et de la reconstruction de l'après-guerre, l'Etat planifie dans les années cinquante une politique d'urbanisation de masse et systématise l'industrialisation du bâtiment. Les pouvoirs publics optent pour le développement de zones à urbaniser à proximité de Paris. Ce choix se confirme en 1960 avec l'approbation du plan d'aménagement et d'organisation de la région parisienne ayant pour objectif de modérer la croissance de la région en canalisant l'accroissement de sa population. (1)
Il faut construire vite et à bon marché: le choix est fait de l'habitat collectif et du béton dans les Zones à Urbaniser en Priorité, généralement éloignées du centre-ville. C'est le cas de Sarcelles dont la cité créée en 1959 devient l'archétype de la politique des grands ensembles. Dans un premier temps, ces derniers incarnent la modernité et apportent un confort nouveau avec des logements propres bénéficiant de sanitaires et du chauffage central.
Rapidement toutefois, ces quartiers connaissent de nombreux problèmes: insonorisation et isolation thermique défaillantes, isolement, manque d'équipements collectifs, concentration des familles les plus défavorisées dans ces quartiers après le départ précoce de nombreux "pionniers" des grands ensembles majoritairement issus de "la petite classe moyenne." Autant d'éléments qui contribuent à l'essor d'un sentiment de relégation sociale des résidents.
Le terme "sarcellite" désigne bientôt "la pathologie née des difficultés de la vie quotidienne dans ces cités-dortoirs." (cf: Zancarini-Fournel et Delacroix) L'expression "grands-ensembles" va "nourrir un imaginaire spatial, de plus en plus médiatisé, de critique et de rejet [...] et qui donnera naissance, à partir des années 1960 à une véritable mythologie sociale négative du "béton", des HLM, des "cités" et des "banlieues"." Cette situation oblige les pouvoirs publics à une redéfinition des politique d'urbanisation, dont le Schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme de la Région parisienne (SDAURP) de 1965 constitue l'étape suivante. (2) Persuadé que le développement des zones à urbaniser (Sarcelles, Saint-Denis) sera rapidement insuffisant pour absorber la croissance de l'agglomération parisienne et constatant le sous-équipement dramatique de banlieues se réduisant trop souvent à une succession de cités-dortoirs; les initiateurs du schéma entendent aller au delà d'une politique focalisée sur le logement et les transports. Delouvrier reprend donc à son compte le projet de villes nouvelles qui retiennent ici notre attention, en particulier Cergy.
Désormais, les villes nouvelles "apparaissaient à la fois comme les pôles d'organisation de l'expansion urbaine et les principaux leviers de la politique de desserrement et de décentralisation des activités. Elles constituaient ainsi la clef non seulement du rééquilibrage interne de la région, mais également du contrôle de son développement." (d'après la documentation du SDAURP)
Dans le même temps, la loi du 10 juillet 1964 rebaptise la région parisienne Ile de France. Les deux départements de Seine et Seine et Oise sont éclatés en 7 nouvelles circonscriptions pour rapprocher les habitants de l'administration. Le Val d'Oise voit donc le jour en 1964, au moment où la construction de Cergy-Pontoise est décidée.
Le Schéma directeur propose donc en 1965 la création de "villes nouvelles" desservies par le RER: Evry et Cergy en 1969, Saint-Quentin en Yvelines (1970), Marne-la-Vallée (1972), Sénart (1973).Les villes nouvelles doivent offrir à la fois les équipements, les emplois et le logement, tout en étant bien reliées à la capitale. Par crainte de détruire des espaces agricoles et forestiers, mais aussi de concurrencer les cités de la grande couronne (Rouen, Amiens, Orléans), l'idée de créer les villes nouvelles dans un rayon de 50 km de la capitale pour la décongestionner, est repoussée. Toutes se situent aux franges de l'agglomération existante, à une vingtaine de km du centre de Paris, beaucoup moins loin que les villes nouvelles anglaises autour de Londres.
Contrairement aux grands ensembles, elles sont conçues comme des villes complètes ,dotées notamment d'un nombre d'emplois suffisant pour éviter la dépendance à l'égard de l'agglomération centrale. Elles mêlent en outre plusieurs types d'habitat: immeubles collectifs, maisons de ville, lotissements semi-collectifs.
A partir de 1969, chacune de ces villes se dote d'un Établissement Public d'Aménagement, structure animée par des fonctionnaires d’État ayant pour tâche de concevoir le plan des villes, d'acheter les sols et de construire des équipements publics.
Conçu en pleine période de croissance et géré initialement par l'Etat, le schéma directeur a fait l'objet de révisions compte tenu du retournement de la conjoncture économique.
De même, les populations et les emplois industriels créés dans les villes nouvelles n'atteindront pas les premières prévisions. Néanmoins, ces dernières (650 000 hab en 1990) ont capté plus des 2 tiers de la croissance démographique régionale depuis 1975 et ont souvent constitué des lieux privilégiés pour les implantations d'activités. (3)
Des caractéristiques communes sont observables dans l'ensemble des villes nouvelles franciliennes: la jeunesse de leur population, un profil social marqué par une sous-représentation des cadres et des ouvriers, alors que les employés et les professions intermédiaires y sont plus nombreux qu'ailleurs.
Au bout du compte, et à l'exception de Sénart qui peine encore à attirer des emplois, on peut considérer l'opération comme un succès pour Evry, saint-Quentin-en-Yvelines, Marne-la-Vallée et Cergy, sur laquelle nous nous concentrons désormais.
* "Cergy, mon petit paradis / Ma sweet banlieue pourrie"
A une trentaine de km au nord-ouest de Paris, Cergy-Pontoise (dont l'agglomération compte près de 200 000 habitants) bénéficie d'un site remarquable. Le plateau du Vexin y descend par marches successives depuis la forêt de l'Hautil jusqu'à l'Oise qui forme ici un large méandre. C'est dans ce cadre qu'est décidée en 1966 une urbanisation en amphithéâtre au-dessus d'un vaste étang.
La construction de la ville nouvelle a commencé par celle de la préfecture, construite au milieu des champs comme l'atteste cette carte postale ancienne. Le bâtiment construit en 1967 a la forme d'une pyramide inversée reposant sur une base carrée. Conçu par Henry Bernard, créateur de la Maison de la radio à Paris, le bâtiment est totalement intégré à la ville afin de rapprocher les usagers de leurs administrations. Le quartier de la préfecture construit hors-sol, sur une gigantesque dalle, à laquelle de nombreuses passerelles permettent d'accéder depuis les quartiers de la ville nouvelle, permit durant de nombreuses années de séparer piétons et automobiles. |
La ville nouvelle se développe sur un vaste territoire de 8000 ha, à partir d'un regroupement de onze communes préexistantes. Le centre-ville se constitue à partir de la préfecture, tandis que de multiples quartiers s'agrègent à ce noyau initial.
Dans l'idée de ses concepteurs, il convient de créer un milieu de vie idéal et de rompre avec la monotonie des grands ensembles. Cergy doit proposer les équipements d'une ville traditionnelle susceptible d'attirer les populations des banlieues proches sous-équipées. Aussi, les différents quartiers qui composent bientôt la ville, disposent de leurs propres équipements (commerces, piscines, postes, écoles, équipements sportifs).
De vastes espaces verts sont par ailleurs aménagés dans toute la ville, elle-même ordonnée autour de la base de loisir de Cergy-Neuville.
A rebours des quartiers de grands ensembles enclavés, les concepteurs de la ville nouvelle se flattent de l'excellente desserte dont bénéficie la ville, accessible, entre autres, depuis le RER A et l'autoroute A15. D'importantes limites demeurent cependant. Certes, les trois gares RER desservent les trois principaux centres (Cergy-Préfecture, Cergy-le-Haut, Cergy-Saint-Christophe), mais la ligne A du RER s'avère largement saturée, occasionnant d'importants dysfonctionnements.
"Quelle belle vue d’la Butte à Juju / D’ici tu domines la vallée comme Gargantua"
Sur la commune de Courdimanche, surplombant Cergy, Mirapolis, un parc à thème autour des grandes fables et romans de France, fut inauguré en 1987. Un gigantesque Gargantua de carton pâte dominait l'ensemble. Faute de rentabilité, le parc dut fermer ses portes dès la fin de sa cinquième année d'exploitation, en 1991.
Aux antipodes du discours convenu des urbanistes ou des brochures touristiques, la chanson Cergy, composée et interprétée par Anis, nous décrit sa ville telle qu'il la perçoit. (4)
Le chanteur y donne un aperçu de ses souvenirs d'enfance et d'adolescence. Loin de toute idéalisation, il dresse un portrait tout en contraste de la préfecture du Val d'Oise; reflet des sentiments très partagés qu'elle lui inspire.
Sans verser dans une vaine nostalgie, Anis évoque tour à tour les aberrations urbanistiques, les joies et peines d'une jeunesse banlieusarde.
Afficher Cergy sur une carte plus grande
Au fil du texte, Anis égrène les références aux quartiers de la ville nouvelle.
Aussi, pour plus de clarté et afin de se repérer, les figurés ajoutés sur la carte ci-dessus identifient les espaces de la ville nouvelle évoqués dans la chanson (ainsi que les lieux "remarquables").
D'emblée, le refrain joue sur le contraste entre des références musicales puisées outre-atlantique (un charleston) et un texte qui récuse toute référence à la mythologie américaine. ["J’suis pas né dans le Missouri/ J’suis pas d’Oklaoma City"]
En dépit des nombreux espaces verts présents à Cergy, le texte décrit un univers urbain, où le béton et l'asphalte règnent en maîtres. ["fleur de bitume / pas pissenlit", " J’ai troqué les champs, les poules et les vaches à lait / Pour la vie Auchan, les vigiles et les poulet"]
Derrière les opérations cosmétiques secondaires, Anis pointe les aberrations urbanistiques que connaissent également les villes nouvelles, conduisant des centaines de personnes à quitter des endroits qu’ils avaient chargés de leur histoire personnelle. ["Même s’ils ont repeint les murs de la gare en gris / Ils ont rasé le quartier de la Croix petit"] (5)
Après quelques éléments biographiques ["au 6 Grand Place j'ai déboulé"], Anis s'attarde sur son adolescence banlieusarde et décrit avec tendresse ses pairs, leurs rites et codes, en particulier vestimentaires [« défilés d’starter, de bombers ou d’teddy »]. L'évocation de la misère, des difficultés sociales ["Au PMU claque ton RMI", " les petites combines"] et de leurs corollaires ["l'ennui", "la routine", "pillave"], reste omniprésente . Au bout du compte, la violence latente [« embrouilles», « claque en guardav »] n'est contrebalancée que par une mise à distance salvatrice. [« Quelle belle vue d’la Butte à Juju / D’ici tu domines la vallée comme Gargantua / Une trêve de douceur dans un monde de brutes / Le calme en hauteur avant la grande chute »]
A la limite entre le plateau et la vallée, les 12 colonnes de l'Axe majeur. (photo: Blot) |
Ce tableau sombre est toutefois aussitôt contrebalancé par l'évocation d'une adolescence pleine de joies et d'énergie dans la ville nouvelle. En truffant son texte d'expressions argotiques ou empruntées à tous les langages entendus dans Cergy/Babel ("ciudad", "moutahli") - qui finissent par former un idiome commun-, Anis témoigne de la mixité sociale et culturelle de sa "sweet banlieue pourrie" qu'il nous donne définitivement envie de mieux connaître.
Notes:
1. Quelques années après la publication de Paris et le désert français de Jean-François Gravier, le débat sur l'équilibre à trouver entre la capitale et la province fait rage.
2. Dirigé par Paul Delouvrier, haut fonctionnaire nommé par de Gaulle, l'organisme a pour mission d'endiguer et orienter la croissance de Paris, d'en fixer les grandes orientations et de prévoir les principaux investissements autour desquels s'organisera le développement (les infrastructures en particulier). Dans le contexte de forte croissance des Trente glorieuses, ce schéma s'impose comme l'acteur essentiel de l'aménagement du territoire francilien.
Trois tâches principales incombent au SDAURP: 1. définir les vocations des différents espaces régionaux. 2. Esquisser une politique générale des transports. 3. Créer des villes nouvelles.
3. Elles le doivent principalement aux mesures favorables dont elles ont bénéficiées tout au long de la période, en particulier un statut dérogatoire pour "l'agrément" et la redevance.
Les villes nouvelles ont ainsi pu acquérir une image de "modernité", relayée par quelques firmes prestigieuses comme 3M à Cergy, Bull à Marne-la-Vallée ou Apple à Saint-Quentin-en-Yvelines.
4. D'après les géographes, "le territoire du quotidien d'un individu est l'espace familier qu'il se construit autour de son domicile: pour travailler, se former, se divertir... Cette pratique régulière de l'espace proche du logement crée un processus d'appropriation faisant de cet espace un territoire." [Manuel de géographie de 1res L/ES/S, Hachette éducation, 2011.]
5. "Ils ont rasé le quartier de la Croix petit "
Proche de la préfecture et construit dans les années 1970, le Quartier de la Croix-petit connaît d'importantes difficultés sociales et urbaines, comparables à celles de la plupart des Zones urbaines sensibles: sous-équipement, logements dégradés, enclavement.
Le quartier s'est peu à peu transformé en espace de relégation. Après l'échec d'une opération de "requalification" en 1992, la municipalité décide de détruire la Croix-Petit, avec l'ambition de reconstruire un quartier mieux équipé et relié au reste de la ville, tout en y introduisant plus de mixité sociale.
Anis: "Cergy"
J’suis pas né dans le Missouri
J’suis pas d’Oklaoma City
J’ai grandi dans le 9-5 à Cergy …
Cergy, mon petit paradis
Ma sweet banlieue pourrie
Dans le coin, c’est l’Oise qui coule l’ami
Pas le Danube, ni le Mississipi
Ici c’est Cergy
Serre moi une mélodie
Façon nostalgie, nostalgie,
La ciudad où j’ai grandi
Je l’aime autant que je l’ai maudit
Même s’ils ont repeint les murs de la gare en gris
Ils ont rasé le quartier de la Croix petit
Garçon, resserre moi une mélodie
Fleur de bitume pas pissenlit
Les embrouilles un peu dombi
Les petites combines pour tuer l’ennui
Le teuteu en duty free
Malheureusement la shnouf aussi
Mais bon, faut plus que ça pour pourrir le tableau
Les années pento [gel que l'on mettait dans les cheveux]
Zoubis à mes potos
Winner, loser, taffeur, chômeur et tapeur,
Mes chers potos sont tous dans mon cœur
Au 6 Grand Place, j’ai déboulé
J’ai troqué les champs, les poules et les vaches à lait
Pour la vie Auchan, les vigiles et les poulets
Les pots d’échappement
Et c’est sans regret
Refrain
La maison d’arrêt d’Osny
Le centre psychatrique, si t’as d’autres soucis
Au PMU, claque ton RMI
Au Parc de la Préf, si t’as pas d’amis ; moutahli [je suis de tout coeur avec vous en arabe]
Surtout change pas de mélodies
Défilés d’starter, de bombers ou d’teddy
A la foire St Martin, ça fouère le hareng frit [manifestation très ancienne]
Fais ta grande gueule et tu paieras le prix
Bien sûr, les filles peuvent donner le tournis
Mon premier amour du côté d’Eragny
Le grand béguin, la fille est jolie
Mais la roue tourne comme dans Dynastie
Quelle belle vue d’la Butte à Juju
D’ici tu domines la vallée comme Gargantua
Une trêve de douceur dans un monde de brutes
Le calme en hauteur avant la grande chute
Claque en guardav’, tec’ et quartiers pav’
Ma ville suinte la routine et la pillave
Pas de quoi en faire un roman
Juste un petit tour de temps en temps
Refrain
"A la foire St Martin, ça fouère le hareng frit"
Pontoise. La foire saint-Martin. Carte postale. Dès le XIIème siècle, les moines de l'abbaye de Saint-Martin obtiennent le privilège de tenir à Pontoise une foire à la Saint-Martin d'hiver. Ils y vendent le vin de leurs domaines ainsi qu'une partie des harengs qu'ils perçoivent chaque année au Tréport en vertu d'un legs. La foire se tient toujours durant une dizaine de jours à partir du 11 novembre et on peut encore y déguster des harengs frais grillés.
Sources:
- Institut d'Aménagement et d'Urbanisme d'Ile de France (IAU): "75 ans de planification".
- IAU: "Les villes nouvelles adoptées par leurs habitants" (PDF)
- Historique de la Communauté d'agglomération de Cergy-Pontoise.
- Atlas statistique des villes nouvelles: Cergy. (PDF)
- Michelle Zancarini-Fournel et Christian Delacroix: "1945- 2005 - La France du temps présent." Éditions Belin 2010.
Liens:
- Site HG de l'Académie de Créteil: "Une ville nouvelle, comment ça fonctionne?"
- Cergyrama propose de nombreuses ressources, en particulier des cartes postales anciennes de la ville.
- L'architecture contemporaine à Cergy-Pontoise. (PDF)
- L'art public dans les villes nouvelles.
- "Mémoire et histoire, les villes nouvelles françaises. " (PDF)
- Wikipédia: "Urbanisme de Cergy-Préfecture"
5 commentaires:
Merci de vos quelques mots sur mon article sur Anis. J'ai lu avec intérêt. Je n'ai pas tout à fait la même vision qu'Anis sur Cergy mais je ne vis pas dans les cités mais au village et c'est cela Cergy aussi beaucoup de quartiers très différents qui sont des villes dans la ville avant des habitants multiculturels. C'est cela aussi le problème pour les élus de Cergy : créer une identité commune avec un vrai centre ville où tous puissent se retrouver ? Utopie ?
Merci Martine Cergyrama. Il est certain qu'il y a sans doute autant de manière d'appréhender la ville que d'habitants.
Bravo pour le gros travail réalisé sur votre blog. Il m'a permis d'en apprendre énormément sur Cergy.
JB
Julien,
Cergy c'est Sexy.
Le coup de nostalgie du soir m'amène sur votre page, au gré de ma ballade dans le Cergy que Google veut bien me restituer.
Quel plaisir de vous lire ! Je retrouve ici deux de mes anciennes passions. Mon métier d'enseignant d'histoire ... et surtout, surtout ! Cergy, "ma ville" si loin et pourtant si proche ...
Il est beau le texte d'Anis, très beau. Il parle de la ville - certes, comme vous dites, à sa façon - qui m'a vu grandir, devenir un adolescent puis un homme, avant que je ne lui fasse des infidélités pour sa grande voisine, puis pour la province ; la ville qui m'a vu rire beaucoup, pleure, plus encore ; que j'ai du quitter pour me réinventer, et que je regrette sans doute un peu aujourd'hui.
Comme l'a écrit Proust, "L'adolescence est le seul temps où l'on ait appris quelque chose". Ce quelque chose, pour moi, ce fut cette sensation puissante de l'esprit d'un lieu. Une ville nouvelle a un esprit, une âme, mais ils sont rares ceux qui me comprennent lorsque je leur dis cela de Cergy. Le texte d'Anis me le confirme.
Mais je suis déjà, sans doute, un peu du "Cergy d'avant", que j'ai quitté il y a 18 ans, et colonisé il y en a 36. Colonisé, c'est un peu le mot, puisque mes parents ont été de cette génération des pionniers qui ont fait cette ville, à partir de presque rien.
La lecture me remet en mémoire une foule de lieux, de gens, de sensations, et c'est un mélange de serrement de coeur et de plaisir à retrouver un univers familier qui m'envahit. La butte à Juju, c'est MON enfance, Auchan, je l'ai vu naître, sur les ruines de "Super M", et moi aussi, oui ! moi aussi, j'ai laissé là bas des gens qui n'ont pas quitté ma pensée, malgré les années et les distances.
Vous qui vivez encore à Cergy, alors que d'autres en sont partis, ayez la bonté de préserver notre ville, de l'embellir, de nous aider, au delà de notre absence, à la sentir "nôtre". J'y reviens dès que je peux, j'y marche, y retrouve mes traces, mes repères, mes lieux : le bois, les Châteaux-Brûloirs,le collège des Touleuses, le lycée Kastler, Philippe, Jean-Luc, Denis, Charlotte, Sabine, Lysiane, Sandry, Mohamed, Yannick, tant d'autres ... Allez, soyez gentils, retournez vous le temps que je verse une larme pudique, et je m'en vais poursuivre ma ballade. Je reviendrai. On revient toujours à ceux qu'on aime.
Ravi que ce billet vous rappelle de bons souvenirs (c'est aussi un des buts de cette série).
J'ai quitté cette année le Val d'Oise pour d'autres cieux, mais je reste attaché aux lieux et l'atmosphère qui s'en dégage.
J.
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