vendredi 1 mars 2024

Grave, Eddy de Pretto

 Grave

Serre les dents putain, montre que t'es pas un pantin
 Tu peux faire c'que tu veux, vas-y explose et fous l'feu
 Serre les poings gamin, sans te cacher pour un rien
 Tu peux faire simple au lieu de te figer sur ce bleu, hé
 Serre les dents putain, montre que t
'es pas un pantin
 Tu peux faire c'que tu veux, vas-y explose et fous l'feu
 Serre les poings gamin, sans te cacher pour un rien
 Tu peux faire simple au lieu de te figer sur ce bleu, s'tu veux

Ce n'est pas grave si tu ne te réveilles pas tout seul
 Si à côté de toi c'est un gars et que t'as la larme à l'œil
 Ce n'est pas grave si tu te pensais beaucoup trop jeune
 Pour que ce sodome te la mette gentiment et sans battle
 Ce n'est pas grave si quand t
u dors tu rêves trop qu'au lit
 Qu'il te touche, qu'il t'adore tout pareil que ta p'tite copine
 Ce n'est pas grave si, encore ce matin au réveil
 Tu te lèves d'une gaule mais il manque le E de Gaëlle
 Ce n'est pas grave si tu t'es surpris à regarder papa
 Ce n
'est pas grave si tu tentes, c'est-à-dire qu'c'était juste comme ça
 Ce n'est pas grave si tu beugues quand tes potos se montrent sans bas
 Ce n'est pas grave si t'as chaud et si ça l'devient chaque fois, ah-ah-ah

Sans le vivre, ben ça c'est grave
 Et ça c'est pire que rester à mentir dans le sort qu'on se nie tout bas

Ce n'est pas grave si avant tu disais qu'c'était sordide
 Qu'c'était que dans les télé-réalités qu'c'était possible
 Ce n'est pas grave si, maintenant c'est devenu ton réel
 Qui te revient à la gueule, alors qu't'approches la quarantaine
 Ce n'est pas grave si
t'as glissé sur le porno d'à côté
 Ce n'est pas grave si tu te dis qu'c'était sans faire exprès
 Ce n'est pas grave si une bite apparaît sur tous les onglets
 Ce n'est vraiment pas grave et même si tu commences a bander

Serre les dents putain, montre que t'es pas un pantin
 Tu peux faire c'que tu veux, vas-y explose et fous l'feu
 Serre les poings gamin, sans te cacher pour un rien
 Tu peux faire simple au lieu de te figer sur ce bleu, s'tu veux

Ce n'est pas grave si tu aimes mater ton voisin
 Plus que des mains dans le dos, une main dans l'sac et mine de rien
 Ce n'est pas grave si tu l'appelles mon p'tit lapin
 Et tu effleures son p'tit machin qui corrèle bien avec le tien
 Ce n'est pas grave si tu
sens des envies passagères
 Qui te restent dans la tête plus fort que c'que t'as serré hier
 Ce n'est pas grave si, tu stresses quant à la manière
 Dont tu vas dire à ta mif tu t'intéresses à des derrières
 Ce n'est pas grave si tu penses à sauter ton meilleur
ami
 Ce n'est pas grave si tu t'avoues qu'Sabrina n'est plus jolie
 Ce n'est pas grave si tu regrettes les deux doigts que tu t'es mis
 Ce n'est vraiment pas très grave si tu restes focus sur Jimmy, hi-hi-hi

Sans le vivre, ben ça c'est grave
 Et ça c'est pire que rester à mentir dans le sort qu'on se nie tout bas

Ce n'est pas grave si tu rougis fort dans les vestiaires
 Car tu te sens d'venir tout dur devant le leur qui est à l'air
 Ce n'est pas grave si tu préfères l'âge solitaire
 Pour toucher dans la cabine une fois pour te la faire taire
 Ce n'est pas grave si ta t
oute première fois était trop sombre
 Ce n'est pas grave si ta seconde fois met à jour ta part d'ombre
 Ce n'est pas grave si ton énième fois n'est toujours pas féconde
 Ce n'est vraiment pas grave même si on t'insulte sur ta tombe

Serre les dents putain, montre que t'es pas un pantin
 Tu peux faire c'que tu veux, vas-y explose et fous l'feu
 Serre les poings gamin, sans te cacher pour un rien
 Tu peux faire simple au lieu de te figer sur ce bleu
 Serre les dents putain, montre que t'es
pas un pantin
 Tu peux faire c'que tu veux, vas-y explose et fous l'feu
 Serre les poings gamin, sans te cacher pour un rien
 Tu peux faire simple au lieu de te figer sur ce bleu, s'tu veux

Sans le vivre, ben ça c'est grave
 Et ça c'est pire que rester à mentir dans le sort qu'on se nie tout bas
 Et sans le vivre, ben ça c'est grave
 Et ça c'est pire que rester à mentir dans le sort qu'on se nie tout bas, hé
 Sans le vivre, ben ça c'est grave

Source : LyricFind

Paroliers : Eddy De Pretto

Paroles de Grave © Sony/ATV Music Publishing LLC, Universal Music Publishing Group


Eddy de Pretto apparaît sur la scène musicale et pour le grand public en 2017. Très vite, il sait imposer son univers, sincère, transparent, certains l’appellent, le Kid gay du rap.  En effet, on a le sentiment que ce dernier cherche à se donner, à se prêter comme un exemple afin d’aider ceux qui l’écoute. On le sait, la chanson a aussi cette vertu, celle d’accompagner toutes les luttes, particulièrement celle d’assumer les orientations sexuelles de chacun, sans jugement, sans artifice social où pourtant les culpabilités sont encore légions. L’héritage chrétien avait réussi à imposer une morale qui interdisait le plaisir, la liberté sexuelle, s’adossant, s'arcboutant au pêché originel comme une matrice morale indépassable, apte à constituer une société stable, marquée par la domination de l’Eglise, des notables ou des pères de famille. La seconde moitié du 20e siècle a tout fait voler en éclat cet ensemble de certitudes, gages d’une stabilité, érigée en monument d’hypocrisie.

                Expulsion du Jardin d'Eden, (sans doute un quart d'heure après le pêché originel) , Masaccio, 1424-1425

Le jeune chanteur né en 1993 à Créteil n’a apparemment pas le profil des rappeurs qui jusqu’alors avaient pignon sur rue. Il ne coche en effet, pas toutes les cases attendues : trop blanc, trop roux, trop fragile et enfin trop homosexuel. A travers ses trois albums, Eddy ne se présente pas vraiment comme un militant de la cause pourtant ses textes, ses engagements, son attitude en disent long et participent aux évolutions douces de la société, en luttant par petites touches impressionnistes, répétées, indolores, de nouvelles normes s'imposent lentement, faites de tolérances à l’échelle humaine, à hauteur d’hommes, mais de femmes aussi et plus bas encore, à hauteur d’ados et d’enfants.

                                                              Eddy de Pretto, à la sortie du 1er EP, 2017, Le Parisien

Eddy est cet artiste qui appartient à ces combats pour les libertés sexuelles. Ils s’inscrivent dans un courant plus large qui voit le jour au milieu des années 60 et qu’on appelle par facilité en France, mai 68. C’est donc dans ce mouvement de libération sexuelle que les homosexuels poursuivis, réprimés jusqu'alors par la justice ont débuté leur lutte. Parmi les premiers événements qui portent ce mouvement de liberté, il y a les émeutes de Stonewall Inn à New York en juin 1969. Ce bar fréquenté par des homosexuels était l’objet de descentes de police régulières, arrestations plus ou moins massives et aléatoires selon l'air du temps, de l'arbitraire aussi. Mais durant ce mois de juin, les interpellations ne vont pas se faire comme prévues, la situation bascule, des heurts éclatent entre les militants exaspérés des brimades habituelles et la police. Craig Rodwell fondateur d'une des premières librairies gay prend la parole dans la presse et mobilisent la révolte contre les injustices. Les manifestations durent cinq jours et marquent à jamais, la prise de conscience de la communauté gay. L'année suivante, en juin 1970, on commémore l'anniversaire des émeutes, c'est la première Gay Pride à NYC mais aussi à Los Angeles, Chicago et San Francisco. 

                                                  Photographie extraite de la Une du New York Daily News, 29 juin 1969


Gay Pride, NYC, 1970, Diana Davies / New York Public Library



La chanson s’intitule Grave, mais devrait plutôt adopter le titre « Pas grave ». Puisque le sujet est la culpabilité face à une morale qui réprouve tant de choses dès qu'il est question de plaisir sexuel. Grave agit donc comme un pansement, une miséricorde pour athée LGBT. En effet, Eddy égraine avec minutie, toutes les petites choses qui pourraient rendre un peu moins coupable un jeune qui découvre son homosexualité, tant de détails intimes parfois assez crus. "Eddy dit" pour rendre banale cette réalité faite de pensées et de désirs....C’est donc la question centrale de la culpabilité qui est l’enjeu de cette chanson. Pourquoi est-on coupable ? Comment se déculpabiliser... Le chanteur partage son expérience, trace la voie-(voix). Il prend des coups mais résiste. On pense aussi à une autre de ses chansons interprétée à l'église parisienne St-Eustache en juin 2021, A quoi bon, une supplique à Dieu, histoire d'interroger la dualité si problématique : religion-homosexualité. Il s'en suivit sur les réseaux sociaux, des centaines de menaces de mort. Mais De Pretto fait front. Il a porté plainte et fait condamner ces haters qui croyaient leur homophobie protégée derrière leur smartphone. On le voit porter l'intime au grand jour n'est pas facile. 

Le clip se charge de mettre en image, les intentions de la chanson. Puisqu'Eddy de Pretto ne cache rien de ses pensées, le réalisateur Colin Solal Cardo a décidé à la façon de Hitchcock, Fenêtre sur cour de filmer comme un voyeuriste matant le chanteur dans son appartement. La caméra le suit à travers ses fenêtres ouvertes sur la rue car Eddy n'a pas envie de se cacher, il essaie la simplicité et c'est sa force :  "Tu peux faire simple au lieu de te figer sur ce bleu, s'tu veux".

Ainsi, ses récits intimes aux apparences impudiques se partagent avec ceux qui ne peuvent pas encore dire. Les chansons d'Eddy témoignent des progrès, toujours trop lents de notre société vers plus de tolérance et d'ouverture. Après l'IVG gravée dans la constitution, on aurait envie d'y placer toutes ces aspirations aux libertés individuelles et à toutes les tolérances qui les accompagnent... Une société libre et tolérante, je sais, je sais....le monde des bisounours c'est pas à la prochaine station ! 

En attendant, "Serre les poings gamins, sans te cacher pour rien" et écoute du Eddy pour te donner du courage.




Jean-Christophe Diedrich


Pour aller plus loin

https://www.telerama.fr/musique/eddy-de-pretto-jai-toujours-fait-mon-interessant,n5603431.php Télérama, 16 avril 2018.

Stonewall, https://en.wikipedia.org/wiki/Stonewall_riots 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Marche_des_fiert%C3%A9s 

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