samedi 13 août 2022

Gardarem lo Larzac (1970-1974)

Situé à l'extrémité sud du Massif central, entre Millau et Lodève, sur une superficie de 1000 km², le Larzac est un causse, une série sédimentaire d'une épaisseur de 1500 à 2000 mètres, constituée de calcaires, de dolomies et de marnes. Dès l'Antiquité, les Romains y tracent des routes, mais ce sont les Templiers qui développent l'activité fromagère et bâtissent les principaux villages, ensuite fortifiés par les Hospitaliers.      

Les brebis constituent la principale ressource du plateau, dont elles ont aussi façonné les paysages en dévorant la forêt. Sédentaires, gardées par un chien, les brebis restent en hiver à la bergerie. L'élevage ovin et les activités qui en dépendent, organisent la vie des habitants du causse et de ses alentours. Le lait des brebis sert ainsi à la fabrication du Roquefort, dont les caves se situent en légère périphérie du causse. (1) Au XIXème siècle, les moutons assurent également l'essor de la ganterie millavoise. L'obligation de tuer les tout jeunes agneaux, afin d'utiliser le lait de leurs mères, a mis à disposition de l'industrie du gant une grande quantité de peaux. Dans les fermes du Larzac, de nombreuses femmes travaillent alors à domicile pour les mégisseries de Millau, mais, dans les années 1930, le secteur connaît une grave crise, qui entraîne la fermeture de nombreuses tanneries. 

* "Le moment disciplinaire". (P. Artières)

Hormis ces activités économiques, le plateau du Larzac accueille bientôt des lieux de relégation, d'enfermement ou d'entraînement militaire. Ainsi, au milieu du XIX° siècle, une institution de redressement de l'enfance disciplinaire est installée dans la colonie agricole pénitentiaire du Luc. Les jeunes détenus y vivent dans des conditions de vie et d'hygiène déplorables. Cet établissement, puis l'installation d'un camp militaire en 1902-1903, inaugurent un "moment disciplinaire" dans le Larzac. Pour installer le camp, l’État achète des bergeries, ainsi que les terrains de trois hameaux. De la sorte, il dispose bientôt d'un vaste rectangle de 8 km de long sur 4 de large, avec pour centre La Cavalerie. L'activité se résume encore à l'accueil de réservistes lors de la période estivale. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, le camp accueille la 41ème compagnie de travailleurs étrangers, composée essentiellement d'exilés espagnols, puis vient le tour des prisonniers militaires allemands après la capitulation du IIIème Reich. Entre 1959 et 1962, plus d'une dizaine de milliers d'Algériens y sont enfermés dans des conditions d'arbitraire total. A l'issue des accords d’Évian, le camp sert à parquer plusieurs milliers de harkis, les supplétifs "musulmans" de l'armée française. 

Domaine public, via Wikimedia Commons

 
En 1962, l'indépendance de l'Algérie s'accompagne, pour l'ancienne puissance coloniale, de la perte d'immenses espaces désertiques propices aux manœuvres.
L'armée se sent à l'étroit et négligée. C'est dans ce contexte que le Larzac retrouve, à partir de 1963, sa vocation militaire initiale, en accueillant de nouveau les manœuvres de l'armée de terre. Avec une superficie de 3500 hectares, le camp est un des plus petits de l'hexagone. C'est alors qu'en octobre 1970, Alain Fanton, le secrétaire d’État à la Défense nationale dans le gouvernement de Jacques Chaban-Delmas, évoque le projet d'extension du camp militaire de La Cavalerie, lors du congrès départemental du parti gaulliste (UDR). Les propos s'apparentent encore à une rumeur, mais l'annonce officielle du projet par Michel Debré à la télévision, le 28 octobre 1971, provoque la stupeur. "Il y a toujours eu un camp du Larzac. Il est devenu trop petit. On a pensé que la meilleure solution c'était de l'agrandir, pour la bonne raison que, qu'on le veuille ou non, la richesse agricole potentielle du Larzac est quand même extrêmement faible. Alors, la contrepartie, c'est qu'il y a quand même quelques paysans, pas beaucoup, qui élevaient vaguement quelques moutons, en vivant plus ou moins moyenâgeusement. Donc, il est nécessaire d'exproprier". La description du Larzac par le premier ministre s'avère partiale, pour ne pas dire mensongère. A l'entendre, le plateau se résume à un espace désertique et caillouteux, sur lequel paissent des brebis, et dont la population se résumerait à quelques vieillards cacochymes. Pour convaincre, l'argument économique est avancée. "Cette extension du camp du Larzac, qui sera modérée (2), sera non seulement très utile à la défense nationale, mais apportera à la région du Larzac, à la région de Millau, un apport économique positif pour l'ensemble de la population". Une telle déclaration, prononcée sur un plateau de télé au début de l'année 1972 (3), tient les agriculteurs du plateau pour quantité négligeable. Dans l'esprit de Debré, les expropriations nécessaires à l'agrandissement du camp ne poseront aucune difficulté. Il est vrai qu'a priori, rien ne place les agriculteurs du Larzac dans le camp de la protestation. Dans ce département conservateur et catholique, la plupart d'entre eux vote à droite et assiste à la messe dominicale.

Il n'empêche. La réalité du Larzac est bien différente de la description qu'en a fait Debré. Sous l'impulsion d'une poignée de "pionniers" venus s'installer au début des années 1960 dans la partie nord du plateau, le causse emprunte le chemin de la modernisation et connaît une révolution silencieuse. Les nouveaux venus, qui habitent dans des fermes isolées, introduisent de nouvelles pratiques. Pour cultiver, ils utilisent des engrais, des machines, s'appuient sur les Groupes d'exploitation agricole en commun (GAEC), des dispositifs permettant de collectiviser les équipements, de mutualiser les machines et d'associer les forces de travail. Or, les exploitations de ces nouveaux venus sont directement concernées par le projet d'expropriation, ce qui explique leur précoce mobilisation contre l'extension du camp. Dans la partie sud du Larzac, les fermes, regroupées en hameaux, appartiennent à de vieilles familles originaires du plateau. Au total, le causse n'est donc pas un désert stérile, comme le suggère le premier ministre. L'agriculture y est en mouvement comme en attestent l'extension des terres cultivées, les rendements céréaliers élevés et l'augmentation de la production laitière, en lien avec la mécanisation de la traite. Les brebis qui paissent dans la zone du Larzac promise aux militaires, permettent en outre de produire environ 325 tonnes de Roquefort. Une dizaine de bergeries du causse travaillent d'ailleurs pour les sociétés fromagères, pour lesquelles le Larzac représente une image commerciale forte. L'annonce de l'extension menace donc directement la perpétuation de l'activité agricole sur le plateau, ce qui ne laisse pas d'inquiéter les paysans.  

Jean-Claude Charrié, CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons
 

Une brochure diffusée par quelques agriculteurs du plateau ("Quelques paysans de Larzac") permet de dresser un premier état des lieux et conduit un collectif à fonder l'Association pour la  Sauvegarde du Larzac et de son environnement (ASLE), en janvier 1971. Les principaux animateurs de l'ASLE ont pour nom Guy Tarlier (4), Louis Massabiau et Jean-Claude Galtier. L'objectif est de dresser un autoportrait de l'activité agricole, afin de riposter à la propagande gouvernementale. Cette auto-observation prend la forme en mai 1971 d'un Livre blanc qui expose les conséquences économiques et humaines que provoquerait l'extension du camp.

Trop peu nombreux pour peser, seuls, sur les décisions de l'armée, les paysans larzaciens comprennent très vite la nécessité de se souder et de trouver des soutiens. Dans cette optique, ils trouvent un relais important au sein des organisations agricoles comme la FDSEA ou la JAC (jeunesse Agricole Catholique). La chambre d'agriculture de Millau apporte également son aide. Dans cette lutte du pot de terre contre le pot de fer, l'appoint de militants extérieurs au plateau apparaît également indispensable. Les agriculteurs trouvent de solides appuis auprès des militants occitans, alors en pleine renaissance. (5) Ancrés à gauche, ils seront les fers de lance des premières protestations. A la faveur de l'été, de jeunes militants maoïstes en quête de nouveaux terrains de lutte font également leur apparition sur le plateau. Ils donnent des coups de main dans les fermes, prennent part au travail d'élevage et de culture. En parallèle, les nouveaux venus lancent des attaques contre les bâtiments publics de Millau. Ces actions irritent les paysans, qui réaffirment leur désir de rester maîtres de leur combat. Un coup de main, oui, une récupération de la lutte, certainement pas.

* Une lutte locale. Les paysans prennent la direction de la lutte. 

Le 6 novembre, à l'appel de la FNSEA, 6 000 agriculteurs de l'Aveyron manifestent à Millau. Le 7, l'évêque de Rodez et une cinquantaine de prêtres dénoncent en chaire la décision d'étendre le camp militaire. Le 6 décembre, le conseil général de l'Aveyron vote une motion pour que soit reportée la décision de principe du ministre. Le 5 février 1972, un Comité départemental de sauvegarde du Larzac est créé, avec à sa tête le président du conseil général. Les soutiens affluent, les modes de protestations se diversifient, mais il manque encore un élément fondateur à la lutte du Larzac. Or, depuis quelques années, la communauté chrétienne de l'Arche, animée par Lanza del Vasto, défend le principe de la non-violence sur le plateau. A Pâques 1972, le patriarche propose aux paysans de se joindre à lui pour entamer un jeûne de dix jours. Avec le soutien des évêques de Rodez  et Montpellier, il apporte la caution de l’Église, très précieuse aux yeux de beaucoup d'agriculteurs. Del Vasto insiste sur la nécessité de communiquer avec les médias, pour faire connaître ce qui se passe sur le plateau. L'action, qui tient davantage de la grève de la faim que du jeûne, contribue à souder les protestataires. A son terme, le 28 mars 1972, 103 des 109 exploitants concernés par les expropriations, s'engagent à ne pas quitter leurs terres. Ce serment solennel, connu sous le nom de "pacte des 103" affirme le choix de la non-violence et de la désobéissance civile. "Ce texte affirme un premier «nous» collectif" (Artières p207) permettant de forger une cohésion par une lutte sans base institutionnelle. Si les contestataires revendiquent leur identité paysanne forte, ils n'en forment pas moins une communauté ouverte, entretenant des liens étroits avec le monde ouvrier environnant. Une union locale des luttes se dessine ainsi au printemps 1972 avec le soutien apporté par les ouvrières de la SAMEX à Millau.

Bien conscients de la nécessité de contrer la propagande ministérielle, les paysans multiplient les actions, menant un travail pédagogique et collectif pour faire connaître leur combat. Ils offrent des méchouis (opération "Fermes ouvertes"), organisent des veillées, font découvrir leurs produits aux vacanciers ("opération sourire"). Ces moments de convivialité donnent lieu à des rencontres fructueuses avec les acteurs des milieux militants et/ou citadins. Dans plusieurs villes de France, des comités Larzac sont créés. Au total, de nombreuses actions voient le jour, avec toujours une priorité: garder la maîtrise de la lutte. 

Le 14 juillet 1972, plus de quatre-vingt tracteurs quittent le plateau pour manifester à Rodez, à presque 100 km du Larzac. Sur place, plus de 20 000 personnes se sont réunies pour soutenir les paysans. L'importance du rassemblement marque les esprits et incite certains à organiser un événement à Paris. le 25 octobre, 60 brebis du Causse sont lâchées sous la Tour Eiffel. Sur leur dos, on peut lire l'inscription "Nous sauverons le Larzac". La photo des bêtes en train de paître sur le Champ de Mars est aussitôt reprise à la une de la presse.

Peinture murale à Orgosolo en Sardaigne. [photo perso]

* une guérilla foncière entre les paysans et l'armée. 

L'intense mobilisation paysanne n'impressionne guère les autorités. Par l'intermédiaire d'un chargé de mission qui démarche les agriculteurs les uns après les autres, le ministre joue la carte de la discorde. Sans grand succès. En décembre 1972, le ministère de la Défense signe un arrêté de reconnaissance d'utilité publique du projet d'extension, dont le calendrier est précisé. "Les expropriations éventuellement nécessaires devront être réalisées dans un délai de cinq ans à compter de la date de publication du présent arrêté." Les paysans ripostent le 7 janvier 1973, en décidant de "monter" à Paris avec leurs tracteurs. Pendant plusieurs jours, le convoi sillonne la France. A chaque étape, les FNSEA locales et les populations réservent un accueil enthousiaste aux Larzaciens. Le slogan Gardarem lo Larzac fait florès. A Orléans, les agriculteurs apprennent que toute manifestation est interdite par décision préfectorale. Peu importe, les agriculteurs décident de poursuivre leur périple à pieds, pancartes à la main. Tout au long de la marche, de nouvelles alliances se créent. Ainsi, Bernard Lambert, l'animateur du mouvement des Paysans travailleurs, apporte le soutien précieux et indéfectible de son syndicat à la lutte. Au total, la marche sur Paris a un fort impact. La bataille de la médiatisation devient cruciale. Pour contrer les affirmations gouvernementales, le combat du Larzac se dote de symboles forts, le tracteur et la brebis, de slogans incisifs et drôles tels que "faites labour, pas la guerre", "gardarem lo Larzac", "des moutons pas des canons"...

Sur le terrain, les paysans s'emparent en décembre 1973 des Groupements fonciers agricoles (GFA) pour s'opposer en toute légalité au projet gouvernemental. Face au grignotage foncier de l'armée, la stratégie consiste à diviser les propriétés en les vendant en tout petits morceaux. Cette parcellisation des terres du Larzac rend plus complexe les expropriations, tout en permettant de créer un réseau de nouveaux propriétaires/militants, dont certains sont fameux, à l'instar de René Dumont ou Théodore Monod. Le GFA Larzac-Un est un succès. Il est le plus important de France  par le nombre de souscripteurs (496). Au total, "les services de l'armée ne sont parvenues à faire signer des promesses de vente que pour 1500 hectares." Ainsi, "il apparaît de moins en moins probable qu'ils parviennent  à leurs fins sans avoir recours aux expropriations." (Artières p 226)

Sur le plateau, la désobéissance s'installe et la lutte se politise. En 1973-1974, les militants de la résistance civile, venus en renfort, multiplient les actions aux modalités très variées. La proposition "3% Larzac" consiste à refuser, à chaque tiers provisionnel, trois pour cent des sommes dues au percepteur, et à les utiliser pour construire une bergerie. Ce "refus redistribution" aboutit à la fondation de la bergerie de La Blaquière. Cette "cathédrale des paysans" devient le symbole de leur résistance acharnée. Pendant deux ans, les volontaires édifient le bâtiment, sans permis de construire, grâce aux fonds fournis par le refus de l'impôt. La bergerie permet, au moins symboliquement, de bloquer un accès au camp. Elle constitue, enfin,  une porte d'entrée dans la lutte pour de nombreux militants extérieurs au plateau, qui mettent la main à la pâte, en s'activant sur le chantier. Le 5 octobre 1974, les agriculteurs entament l'occupation de la ferme des Truels, achetée par l'armée. 

Rajal del Gorp. JYB Devot, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons

* «Tous au Larzac»

Toujours soucieux de faire connaître leur lutte, et de la mettre en récit, les paysans se dotent d'une agence, Larzac Infos, et d'un journal intitulé Gardarem lo Larzac. De grands rassemblements organisés sur le plateau au cours de la période estivale contribuent également à inscrire la lutte dans la mémoire collective. L'idée est due à Bernard Lambert (6) dont les Paysans travailleurs prennent en charge l'organisation de l’évènement, en collaboration avec la Gauche Ouvrière et Paysanne. Le Rajal del Gorp ("la source du corbeau"), un cirque naturel, devient le point de convergence de très nombreux militants, le 25 août 1973. Près de  soixante mille personnes, venues de toute la France, répondent à l'appel. Occitanistes, antimilitaristes, anticapitalistes, libertaires, se retrouvent sous le soleil aveyronnais. C'est bien sur le plateau du Larzac que se joue l'après mai 68. La lutte des paysans entre alors en résonance avec d'autres luttes, comme celles des peuples du Sahel ou des ouvriers de la fabrique de montres LIP (7). Des stands associatifs s'élèvent, des concerts sont organisés, les débats s'improvisent. Les 17 et 18 août 1974, 100 000 personnes se réunissent de nouveau dans le cirque naturel, sous le signe du tiers monde et de l'antimilitarisme. (8) "Le blé fait vivre, les armes font mourir". Le rassemblement est l'occasion de discours marquants comme celui prononcé par Bernard Lambert. "Partout nous voyons la main mise grandissante de l'Etat centralisateur sur la communauté de base, sur l'individu, la montée des fascismes économiques, politiques, religieux; le progrès technique incontrôlé, celui qui nous fait accepter n'importe quoi pour assurer notre profit, notre bien-être. Le refus d'accepter l'autre comme un être différent qui peut naître, mourir, se nourrir, s'habiller, aimer, briller de manières différentes. Alors que faire? Hein ! Qu'est ce qu'on fait ? Continuons de croire que notre couleur de peau est la plus belle, notre civilisation la meilleure, notre religion la seule vraie et à la fin crevons ... Crevons ! D'être trop riche ! D'être trop gras !! D'être trop con !!!"

Un des faits les plus marquants du rassemblement de 1974 reste la venue d'un invité surprise: François Mitterrand. Le candidat malheureux de l'Union de la gauche à la présidentielle de mai 1974, débarque à l'improviste au Rajal. L'homme est pris à parti, conspué, bousculé. Les paysans sont furieux de ne pas avoir été prévenus de sa visite. Pour autant, ils dénoncent les violences commises contre l'homme politique, tout en fustigeant toute forme d'exclusion. Cette rencontre "ratée" est paradoxalement décisive pour l'avenir de Mitterrand et des Larzaciens. Loin de tourner le dos, le socialiste développera un attachement personnel pour cette terre et ses habitants, dont il n'oubliera pas le combat une fois arrivé au pouvoir. 

 * "Le Larzac restera, / notre terre servira, à la vie"

En fin de soirée, les meetings laissent la place aux bals populaires et à la musique. Les manifestants jouent de la vielle à roue, de l'accordéon, du violon ou de la mandoline. Enfin, des concerts festifs sont donnés par Colette Magny, Claude Marti, Graeme Allwright... Le plateau prend des faux airs de Woodstock. La presse insistera beaucoup sur le curieux mariage entre hippies et paysans locaux. Les adversaires de la lutte chercheront par ce biais à dépolitiser la lutte et à réduire les rassemblements sur le Larzac à des kermesses.   

La lutte du Larzac inspire les artistes. En 1972, le chanteur occitan Patric compose et interprète la  "Cançon del Larzac". L'année suivante, Dominique Loquais (9) crée "Chanson du Larzac", le véritable hymne du mouvement. Le titre est un bon condensé du message et du contenu politique de la lutte, ainsi que des différentes actions mises en œuvre par les paysans au mitan des années 1970.


Les paroles reprennent les slogans de la lutte, tout en insistant sur la détermination des manifestants  et la dimension antimilitariste de la lutte. "Le Larzac restera, / notre terre servira, à la vie, / des moutons pas des canons, / jamais, nous ne partirons. / Debré, de force, nous garderons le Larzac."  Par ailleurs, l'adversaire est nommé et défié. "Nous sommes 103 paysans, invités à foutre le camp / Debré a dit: "j'ai décidé. Je veux la terre pour mon armée." / Mais nous avons tous refusé, pas question de se faire acheter. / Pour nous, la terre n'a pas de prix, pour nous la terre est notre vie.

A la fin de l'année 1974, le mouvement du Larzac est à la croisée des chemins. 

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Notes:

1En 1842, quelques propriétaires de cabanes (où l'on "fabrique" le fromage) se regroupent sous le nom de Société des caves. La coopérative concentre bientôt les deux tiers de la production. Les conditions de travail y sont rudes, ce qui pousse les cabanières - qui manipulent le fromage - à se lancer dans une grève (victorieuse) en 1907.

2. En réalité, l'extension envisagée porterait le camp à 17 000 hectares, ce qui en sextuplerait la superficie. 

3. Pro et anti extension s'affrontent sur l'argument économique. Le gouvernement promet la création d'emplois grâce à l'agrandissement. Les commerçants de La Cavalerie soutiennent également l'agrandissement du camp. Au contraire, les paysans, certains élus locaux et des industriels défendent le nouveau dynamisme agricole du Larzac, que mettrait à mal, selon eux, le projet de l'armée. 

4. C'est le cas de Guy Tarlier, un ancien militaire devenu agriculteur, arrivé de Centrafrique en Aveyron, en 1965.

5. Le Larzac s'inscrit dans une longue généalogie de révoltes du midi, celles des Cathares, Camisards, vignerons de 1907 ou mineurs de Decazeville en 1961. 

6. L'agriculteur breton, membre du PSU (Parti socialiste unifié), a fondé depuis quelques années le Mouvement des Paysans Travailleurs et a noué des contacts avec le groupe des 103 du Larzac lors de leur montée en tracteurs vers Paris. Il favorise le rapprochement entre les paysans et les militants d'extrême-gauche de l'après 68. 

7. Les LIP mènent une grève contre la fermeture de leur usine de Palente (Franche-Comté) en 1973. Ils décident alors de s'emparer du stock de montres, de reprendre la fabrication et de vendre directement leurs productions. "C'est possible: on fabrique, on vend, on se paie", clament-ils dans leur slogan. 

8. Les paysans larzaciens ne sont pas antimilitaristes, mais le projet de redéploiement militaire se déroule dans un contexte de forte mobilisation pour la paix. Une décennie après la fin des guerres coloniales, le service militaire suscite une vive opposition. En 1973 se développe ainsi un vaste mouvement de contestation contre la loi Debré, qui rend plus difficile l'obtention du sursis militaire. 

9. Originaire de Loire Atlantique, le chanteur apportera son soutien aux zadistes de Notre-Dame des Landes, une fois la victoire du Larzac obtenue. Le lien entre les deux mouvements existe dès le départ de la lutte. La première association de défenses des riverains du projet aéroportuaire remonte d'ailleurs à l'année 1972.

 Sources:

A. "Gardarem lo Larzac" [Affaires sensibles sur France Inter] 

B. "Le peuple du Larzac, luttes d'hier et d'aujourd'hui" [La Terre au carré sur France Inter] 

C. "Le Larzac, une communauté dans l'Histoire" [La Grande tables des Idées sur France Inter]

D. La chanson du Larzac présentée sur le site Chansons contre la guerre.

E. "Le conflit du Larzac, archaïque ou moderne?" [Concordance des Temps sur France Culture]

F. "Avant la ZAD, le chant de la ZAD" et "Chant de victoire pour les zadistes" [Ces chansons qui font l'Actu sur France Info]

G. Philippe Artières:"Le peuple du Larzac. Une histoire de crânes, de sorcières, croisés, paysans, prisonniers, soldats, ouvrières, militants, touristes et brebis...", La Découverte, 2021.

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